B4-0850, 0851, 0852, 0856, 0915/95
Résolution sur le Conseil européen de Cannes
Le Parlement européen,
A.considérant l'incertitude qui entoure l'avenir de l'Union européenne, l'inquiétude qui en découle dans l'opinion publique, notamment en ce qui concerne la situation économique qui présente un taux de chômage élevé, la confusion qui existe sur le calendrier de la troisième phase de l'UEM et les divergences manifestées dans la perspective de la Conférence intergouvernementale de 1996 sur la révision du traité, en particulier en ce qui concerne la PESC et la défense;
B.considérant que les soldats de l'ONU se trouvent, dans l'ex-Yougoslavie, dans une situation d'extrême vulnérabilité, liée à leur mandat, à la structure de leur commandement, à leurs équipements et installations,
C.notant qu'il y a lieu de considérer que le gouvernement légitime de Bosnie-Herzégovine est, contrairement aux milices serbes de Bosnie, celui d'un État ami; que la Bosnie-Herzégovine, fondée sur le pluralisme démocratique et une société multiculturelle, participe à la communauté de valeurs qui est l'assise de l'Union européenne,
1.condamne avec la plus grande énergie l'escalade du conflit en Bosnie-Herzégovine, en particulier le massacre accru et délibéré de la population civile et l'agression contre les zones de sécurité ainsi que l'enlèvement sauvage de membres des forces de maintien de la paix des Nations unies par les Serbes bosniaques;
2.demande instamment la libération immédiate de tous les soldats des Nations unies et apporte son soutien aux initiatives mises en oeuvre pour réaliser cet objectif;
3.juge totalement inacceptable l'idée d'un retrait des Casques bleus hors du territoire de Bosnie-Herzégovine, car une telle démarche sonnerait implicitement le glas de tout espoir quant au maintien ou au rétablissement de la paix et ouvrirait la voie à une nouvelle escalade dans le conflit;
4.demande au Conseil et aux gouvernements des États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour fournir aux Nations unies les ressources humaines et logistiques dont ont besoin les forces de maintien de la paix pour garantir efficacement la sécurité des populations civiles, notamment dans les zones protégées, mais aussi pour empêcher une nouvelle escalade dans le conflit et obtenir l'application du plan de paix élaboré par le Groupe de contact;
5.se félicite vivement de la constitution d'une force de réaction rapide qui, tout en faisant usage des installations et moyens de l'OTAN, évoluera sous commandement européen, mais constate que cette force ne suffira pas à garantir l'inviolabilité des zones protégées si ses effectifs actuels n'augmentent pas;
6.appuie l'appel qu'a lancé le gouvernement français en faveur d'un élargissement du mandat de la FORPRONU propre à limiter sa vulnérabilité et à renforcer sa capacité de remplir sa mission humanitaire en assurant des moyens de défense crédibles aux zones protégées et de garantir la liberté d'accès à ces zones; insiste sur la nécessité de garantir l'élimination effective des armes lourdes; invite les États membres de l'Union européenne à s'engager véritablement à oeuvrer à la réalisation de ces objectifs;
7.insiste pour que les Nations unies restent présentes en Bosnie-Herzégovine dans les conditions nécessaires pour y mener une action efficace, faute de quoi la Bosnie-Herzégovine devrait se voir dotée des moyens d'auto-défense que prévoit l'article 51 de la Charte des Nations unies;
8.demande instamment aux gouvernements de la Serbie et du Monténégro de reconnaître enfin la Bosnie-Herzégovine comme un État souverain à l'intérieur de ses frontières actuelles et d'exercer toutes les formes de pression sur le commandement serbe bosniaque pour amener celui-ci à se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies;
9.demande aux citoyens des États membres de l'Union européenne véritablement inquiets de la situation qui règne dans l'ex-Yougoslavie de faire comprendre à leurs gouvernements comment l'opinion publique la ressent;
10.invite le Conseil européen réuni à Cannes à mettre résolument tout en oeuvre pour rétablir la confiance de l'opinion publique dans l'Union européenne, notamment en prenant des mesures pour renforcer la contribution de l'Union dans la lutte contre le chômage en procédant comme suit:
- libérer le Fonds européen d'investissement de ses contraintes artificielles qui font obstacle à sa pleine expansion, de manière à lui permettre de jouer un rôle macro-économique dans la mise en oeuvre effective des propositions contenues dans le Livre blanc de M. Delors, notamment en aidant les petites et moyennes entreprises,
- remplir les engagements qu'il a pris à Essen de faire l'appoint des fonds disponibles pour le réseau transeuropéen, en veillant à ce que les contraintes financières ne constituent pas une entrave à la réalisation des objectifs définis dans le Livre blanc de M. Delors en matière d'emploi et de compétitivité, et en assurant une meilleure coordination de tous les instruments financiers et d'investissement dont peut disposer l'Union,
- établir des mesures visant à assurer une meilleure coordination et coopération entre les ministres des Affaires sociales et le Conseil ECOFIN,
- proposer des instruments et des mesures concrètes pour mettre en oeuvre les propositions contenues dans le Livre blanc qui n'ont pas encore été exploitées, y compris celles prévues au chapitre X et celles qui seraient susceptibles de relancer une croissance économique durable,
- souscrire à la communication de la Commission du 8 mars 1995 sur le suivi du Conseil européen d'Essen sur l'emploi (COM(95)0074 - C4-0114/95), notamment en ce qui concerne la création d'une "procédure de surveillance multilatérale de l'emploi", et entamer des discussions au niveau interinstitutionnel sur les nouvelles mesures qui doivent être adoptées;
11.se félicite de l'approche du Livre vert de la Commission sur les modalités de passage à la monnaie unique, et notamment de sa suggestion d'un scénario de transition en trois étapes avec la fixation de délais maximums portant l'achèvement du processus au plus tard à l'an 2001 ou 2002 suivant la date où sera prise la décision politique de lancer la monnaie unique;
12.accueille favorablement le concept de masse critique défini dans le Livre vert, garantissant la crédibilité et l'irréversibilité de la monnaie unique dès le début de la troisième phase;
13.se réjouit du caractère interactif du Livre vert permettant une large discussion, et demande qu'à cette occasion soit notamment mis l'accent sur une définition plus précise des opérations figurant dans la masse critique, sur une réflexion plus poussée destinée à contrer toute tentative de spéculation qui pourrait déstabiliser le processus, ainsi que sur les relations entre la monnaie unique et les monnaies des pays membres du marché unique qui n'auraient pas rejoint l'Union monétaire, afin de soutenir les efforts de ces derniers à rejoindre l'UEM et de réduire tout risque de développement asymétrique entre marché unique et monnaie unique;
14.convient que les propositions contenues dans le Livre vert contribueront largement à réduire les incertitudes politiques qui pèsent encore sur le projet d'Union économique et monétaire, et lance un appel pressant au Conseil européen de Cannes afin que soit donné un signal politique ferme dans cette direction;
15.rappelle ses objectifs en matière de réforme institutionnelle, tels que stipulés dans sa résolution du 17 mai 1995 sur le fonctionnement du traité sur l'Union européenne dans la perspective de la Conférence intergouvernementale de 1996 - Mise en oeuvre et développement de l'Union, à savoir doter l'Union d'un système décisionnel plus efficace, plus transparent et plus démocratique en préservant par ailleurs l'acquis communautaire et un cadre institutionnel unique;
16.demande que le Conseil européen tienne compte des rapports élaborés par les institutions sur la révision du traité en 1996, en demandant au Groupe de réflexion chargé de la préparation de la CIG de fonder ses travaux et ses propositions sur ces rapports, et en particulier sur le rapport du Parlement européen et en lui accordant un mandat aussi large que possible;
17.appuie fortement la perspective d'adhésion des États d'Europe centrale et orientale mais considère que l'adhésion de ces pays ne sera possible que s'ils adoptent l'acquis communautaire et si la Conférence intergouvernementale de 1996 aboutit à un renforcement de la démocratie et à la mise en place de mécanismes de décision plus efficaces, démocratiques et transparents; se félicite de la décision du Conseil d'entamer les négociations d'adhésion avec Malte et Chypre, et salue la décision d'inviter ces pays au Conseil européen de Cannes;
18.renouvelle son opposition à l'Union douanière avec la Turquie tant que des députés kurdes seront emprisonnés et que les droits du peuple kurde ne seront pas reconnus; invite le Conseil à lui transmettre rapidement les résultats des négociations sur l'Union douanière;
19.demande au Conseil européen d'accorder une priorité accrue au nouveau partenariat entre l'Union européenne et les pays méditerranéens, en mettant en premier lieu tout en oeuvre pour assurer la meilleure préparation possible de la Conférence sur la sécurité, la coopération et le développement dans les régions méditerranéennes, qui sera le premier projet européen à part entière et dont le succès pourrait grandement renforcer la crédibilité de la PESC, et en reconnaissant ensuite la nécessité de prévoir un financement adéquat de la politique méditerranéenne;
20.demande au Conseil d'entreprendre une action commune dans les pays africains menacés de génocide, notamment au Rwanda et au Burundi;
21.demande que le FED fasse partie intégrante du budget de l'Union;
22.réitère que le Parlement européen n'acceptera pas une diminution en chiffres réels des montants alloués aux termes du précédent protocole financier et qu'il prendra toutes mesures en son pouvoir pour maintenir l'engagement de l'Union à l'égard des pays ACP;
23.invite le Conseil européen à ne pas approuver les orientations politiques de programmes présentés dans le domaine des politiques extérieures tant que l'autorité budgétaire n'en a pas défini au préalable les possibilités de financement;
24.demande au Conseil européen de réaffirmer que la lutte contre la fraude dans le budget de l'Union constitue l'une des grandes priorités et souligne, dans ce cadre, l'urgence de l'adoption par le Conseil de textes sur la protection des intérêts financiers de l'Union, prenant en compte les positions du Parlement européen;
25.invite le Conseil européen à appuyer la demande adressée par le Parlement à la Commission de proposer une Charte européenne des services publics ainsi qu'une définition globale de la notion de "service universel";
26.demande instamment au Conseil de parvenir à un accord avec le Parlement sur les procédures de coopération institutionnelle qui restent encore peu claires dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, sous la forme d'un accord interinstitutionnel, qui devrait dans un même temps encourager la Commission à utiliser pleinement son droit d'initiative;
27.est préoccupé par le fait qu'Europol soit établi sans un renforcement préalable du rôle de la Commission, sans financement par le budget communautaire ni contrôle par la Cour des Comptes, sans tomber sous la juridiction de la Cour de Justice et sans être responsable devant le Parlement européen; en conséquence, demande formellement au Conseil d'entamer immédiatement la procédure de consultation et invite instamment le Conseil à prendre en compte la position du Parlement avant l'adoption finale de la convention;
28.invite le Conseil européen à adopter les propositions faites par le Parlement européen à diverses reprises, ainsi que par la commission consultative, en vue de combattre le racisme et la xénophobie, à faire en sorte que l'Union européenne et les États membres répondent avec clarté et fermeté aux menaces de racisme, de xénophobie, d'antisémitisme et au déni de l'holocauste et à adopter une décision de principe en vue de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme;
29.demande à la Commission et au Conseil de ne pas prolonger le mandat du groupe Molitor, dans la mesure où les travaux du groupe visant à "simplifier et placer sous le principe de la subsidiarité" la législation européenne sur l'"environnement", l'"emploi et les affaires sociales, y compris la santé et la sécurité", l'"hygiène alimentaire" et les "normes machine" ont été effectués dans le secret sans faire appel aux procédures démocratiques normales;
30.charge son Président de transmettre la présente résolution aux autres institutions de l'Union et de la présenter au Conseil européen de Cannes.