A4-0206/95
Résolution sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulée: "La croissance économique et l'environnement: quelques implications pour la politique économique"
Le Parlement européen,
-vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil intitulée "La croissance économique et l'environnement: quelques implications pour la politique économique" (COM(94)0465 - C4-0217/94),
-vu les articles 130 R, S et T du traité CE et notamment les principes qui y sont inscrits de développement durable, de précaution et d'actions préventives, de lutte contre la pollution à la source et de pollueur-payeur,
-vu le cinquième programme d'action dans le domaine de l'environnement,
-vu les engagements contractés par la Communauté en ce qui concerne l'exécution de l'Agenda 21,
-vu le rapport de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la protection des consommateurs et les avis de la commission économique, monétaire et de la politique industrielle, de la commission de la recherche, du développement technologique et de l'énergie et de la commission des affaires sociales et de l'emploi (A4-0206/95),
1.considérant que la poursuite de la croissance économique dans les conditions actuelles ne conduira pas à l'amélioration du bien-être mais bien à la destruction des moyens qui assurent l'existence de l'homme et sa survie,
2.considérant que la situation sur terre deviendrait invivable si les pays en développement devaient atteindre le même niveau de prospérité que celui des pays développés en utilisant les matières premières de la même manière que ces derniers et en recourant aux techniques actuelles,
3.considérant qu'il est donc écologiquement indispensable de réduire de manière draconienne l'utilisation par habitant des matières premières non renouvelables, ce qui implique une sensible augmentation du rendement des matières premières, et qu'il faut rechercher des procédés et techniques entièrement nouveaux et respectueux de l'environnement et des ressources naturelles afin de réduire d'une manière générale, grâce à une plus longue durée d'utilisation des produits, le recours actuellement nécessaire aux matières premières,
4.considérant que l'Union européenne a pris de vastes engagements en signant un grand nombre d'accords internationaux (tels que la Convention sur le climat, la Convention sur la biodiversité, le Protocole de Montréal, l'Agenda 21, etc.),
5.considérant que la structure économique actuelle perpétue une répartition interrégionale et intertemporelle asymétrique de la prospérité,
6.considérant que toute une série de mesures seront indispensables pour assurer une économie durable et considérant que ces mesures doivent être prises au niveau de gestion le plus efficace (mondial, européen, national, régional) conformément au principe de subsidiarité,
7.considérant que la prise en compte des aspects liés à l'environnement dans la politique économique aboutira à de nouveaux rapports de prix au niveau micro-, meso- et macro-économique ainsi qu'à certaines modifications de la structure économique, et que certaines mesures seront souhaitables pour éviter que ces transformations ne s'opèrent pas de manière trop brutale du point de vue de la justice sociale,
8.considérant que la génération actuelle a, en raison de ses connaissances techniques, accaparé d'une manière sans précédent les richesses de la création et que, en vertu du principe de la saine gestion, elle porte une responsabilité incontestable en matière de préservation de la nature;
8.1.félicite la Commission pour sa communication qui fait l'objet de la présente résolution et qui amplifie le chapitre 10 du Livre blanc de la Commission "Croissance, compétitivité, emploi. - Les défis et les pistes pour entrer dans le XIXe siècle";
8.2.déplore néanmoins que la communication de la Commission ne consacre pas une plus large attention à un certain nombre d'aspects importants du modèle à atteindre de développement économique durable, tels que les effets externes non chiffrés, le problème de l'emploi, les relations avec les pays en voie de développement et le commerce international;
8.3.estime que, dans sa communication, la Commission sous-estime encore l'urgence qu'il y a à résoudre les problèmes d'environnement lorsqu'elle parle de la nécessité d'allier croissance économique et préservation de l'environnement à long terme, alors que le principe de durabilité implique précisément et exige que des mesures soient déjà prises à court terme;
8.4.est d'avis que la phrase selon laquelle, à long terme, croissance économique et protection de l'environnement ne s'excluent pas mutuellement mais doivent aller de pair est posée de manière trop absolue, car il ne peut être exclu que la recherche du développement durable exige que la partie la plus prospère du monde soit contrainte de réduire le niveau de sa consommation de biens matériels pour assurer l'intégration du développement économique mondial dans un système écologique;
Le modèle économique durable
8.5.apprécie que la Commission ait consacré une attention soutenue aux facettes macro-économiques d'un autre modèle économique de développement;
8.6.félicite la Commission pour avoir pris conscience des modifications qu'il est indispensable d'apporter aux structures économiques pour aboutir à une économie durable, mais demande simultanément à la Commission de ne pas perdre de vue les difficultés qui surgiront avec les pays en voie de développement, ainsi qu'en matière de commerce et d'environnement;
8.7.demande à la Commission d'élaborer un plan européen destiné à permettre la réalisation en l'an 2020 d'une structure économique durable; souligne, dans ce contexte, que plus ces mesures tarderont, plus il faudra intervenir de manière approfondie pour atteindre ces mêmes objectifs, et attire l'attention sur le fait que les mesures qui sont indispensables pour aboutir à une économie durable n'accaparent qu'une faible part du PNB (2 à 3%) si elles sont prises en temps opportun;
8.8.soutient, dans ce contexte également, les actions menées par la Commission en matière de comptabilité "verte", de comptes satellites et d'éco-indicateurs, qui constituent une condition préalable à la réalisation d'un développement économique durable;
8.9.demande à la Commission de faire des propositions en vue de l'élaboration d'un éventail d'instruments - avec le calendrier - susceptible de permettre de réaliser une économie durable;
8.10.invite également la Commission à élargir la terminologie, utilisée au chapitre 10 du Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi, à propos du nouveau modèle de développement pour la Communauté par les notions de "marge écologique" ("carrying capacity" of "environmental space) et de "biens écologiques" ("environmental goods");
8.11.souligne qu'un éventail de législations, d'instruments fondés sur les mécanismes du marché, d'informations et d'incitants en faveur des technologies écologiques reste indispensable pour résoudre de la manière la plus efficace possible les principaux problèmes écologiques;
Instruments économiques et fiscaux
8.12.constate que l'une des règles fondamentales de l'économie est l'utilisation optimale des facteurs de production peu abondants et souligne que le passage de l'imposition du travail à l'imposition des matières premières rares constitue un moyen particulièrement adapté pour réconcilier la croissance économique et la protection de l'environnement;
8.13.invite la Commission à présenter, conformément au Livre blanc susmentionné des propositions relatives à un modèle durable qui concilie sainement la croissance, la compétitivité et l'emploi, qui respecte l'environnement et qui améliore la qualité de la vie (emplois par exemple dans le domaine du traitement des eaux, de l'assainissement de régions polluées ou du contrôle du respect des normes de qualité);
8.14.convient avec la Commission que la taxe régulatrice constitue un instrument politique très efficace pour amener tant les producteurs que les consommateurs à utiliser les matières premières peu abondantes de manière plus efficace;
8.15.déplore au plus haut point que, jusqu'à ce jour, il semble que le Conseil n'ait pas été en mesure de prendre des mesures concrètes dans le sens visé ci-dessus, telles que l'instauration de la taxe européenne sur le CO2, qui doit être applicable à l'ensemble des États membres;
8.16.invite la Commission à élaborer au plus tôt des modèles concrets d'instauration d'une taxe sur l'énergie permettant des effets positifs en matière de croissance et d'emploi ainsi qu'une diminution de la charge polluante, compensant d'une part le prélèvement d'une taxe sur l'énergie par une réduction judicieuse des charges salariales indirectes et affectant d'autre part les recettes fiscales à la mise en oeuvre de techniques peu gourmantes en énergie et de mesures d'économie (comme par exemple l'isolation thermique des bâtiments);
8.17.invite en outre la Commission à élaborer un modèle de taxation de l'énergie prévoyant la taxation de l'énergie primaire au début du processus de consommation d'énergie afin d'inciter à une réduction des grandes pertes d'énergie au cours de la transformation des ressources primaires en ressources secondaires (par exemple la production d'électricité à partir du charbon);
8.18.demande à la Commission d'élaborer un rapport sur l'utilisation d'instruments fondés sur les mécanismes du marché dans les États membres, dans lequel ces instruments sont non seulement recensés mais également évalués, et qui fasse également apparaître les subventions cachées dont bénéficient certaines activités économiques, si bien que les coûts externes ne sont pas pris en compte dans le prix mais sont supportés par la société;
8.19.constate que la communication porte essentiellement sur les taxes régulatrices et invite la Commission à examiner la praticabilité au niveau européen d'autres instruments fondés sur les mécanismes du marché, tels que les régimes de subventionnement ou simplement l'arrêt des régimes cachés de subventionnement (la non-taxation du kérosène), les régimes d'amende, les permis d'émissions négociables et les prélèvements ciblés, et de présenter par la suite des propositions concrètes d'instauration de ces mesures;
8.20.souligne que l'objectif principal de l'utilisation d'instruments adaptés au marché est d'amener les secteurs économiques concernés à un mode plus durable de production et de consommation;
Écotechnologies
8.21.demande à la Commission et aux États membres d'encourager le transfert d'écotechnologies et de technologies énergétiques aux pays en voie de développement;
8.22.invite la Commission à rechercher une coopération internationale en matière de normes minimales relatives à la protection de l'environnement, à la durée du travail et à la protection sociale afin de permettre une réaction commune aux grands problèmes de l'environnement et de supprimer les avantages concurrentiels déloyaux;
8.23.invite la Commission à intégrer davantage le secteur de l'environnement dans sa politique de l'emploi, et notamment à encourager l'avantage concurrentiel qu'offre le secteur des écotechnologies;
8.24.demande à la Commission de mener une politique visant à favoriser sur le plan économique certaines techniques permettant d'atténuer la charge supportée par l'environnement, telles que la réutilisation, le recyclage, la gestion intégrale des cycles et la protection de l'environnement à l'intérieur de l'entreprise; demande aussi à la Commission de proposer en toute priorité une taxe européenne sur les déchets destinés à être incinérés ou enterrés;
8.25.charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.