A4-0276/95
Résolution sur la communication de la Commission concernant l'uniformisation à l'échelle mondiale des règles applicables à l'investissement direct (COM(95)0042 - C4-0118/95)
Le Parlement européen,
-vu la communication de la Commission concernant l'uniformisation à l'échelle mondiale des règles applicables à l'investissement direct (COM(95)0042 - C4-0118/95),
-vu les résultats des négociations de l'Uruguay Round, notamment dans les domaines des mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC), de la protection de la propriété intellectuelle (ADPIC) et du commerce des services (GATS),
-vu la décision du Conseil ministériel de l'OCDE, du 24 mai 1995, d'entreprendre immédiatement des négociations en vue de la conclusion d'un accord multilatéral en matière d'investissement entre les 25 États membres de l'OCDE, l'objectif étant de négocier, d'ici à la réunion du Conseil ministériel de 1997, un accord-cadre global caractérisé par un niveau élevé de libéralisation,
-vu le rapport de la commission des relations économiques extérieures et les avis de la commission économique, monétaire et de la politique industrielle ainsi que de la commission du développement et de la coopération (A4-0276/95),
A.considérant que le volume des échanges internationaux s'est accru, tant il est vrai que, depuis 1950, il a été multiplié par plus de treize, et ce grâce à l'élimination des entraves aux échanges réalisée au cours de huit cycles de négociations multilatérales dans le cadre du GATT, et que cette intensification des échanges a conduit à une internationalisation sans cesse plus poussée des activités économiques, produisant des effets positifs en termes de croissance et d'emploi, et, dans le même temps, à une accentuation des disparités sectorielles et régionales,
B.considérant que, dans le cadre de ce processus de mondialisation, outre les courants commerciaux, l'investissement direct international visant à préserver les positions concurrentielles acquises à l'étranger ainsi qu'à exploiter de nouveaux débouchés joue un rôle de plus en plus important,
C.considérant qu'initialement, les opérations d'investissement direct étaient réalisées presque exclusivement entre pays industriels occidentaux mais que, depuis quelques années, les économies dynamiques d'Asie et d'Amérique latine gagnent en importance à la fois en tant que sources de capitaux et comme pays d'accueil de l'investissement direct,
D.considérant que, dans de nombreux pays en développement et pays nouvellement industrialisés, mais aussi dans certains pays industriels, il existe de multiples mesures discriminatoires qui font obstacle à l'investissement étranger direct ainsi qu'aux transferts de capitaux et de bénéfices,
E.considérant qu'il existe, dans maints pays, des restrictions nombreuses et variées visant d'autres formes d'investissement ainsi que les transferts de capitaux et de bénéfices, qui pourraient être influencés par les précédents créés pour l'investissement direct,
F.considérant que l'Union européenne, qui constitue l'une des principales puissances commerciales dans le monde, porte une responsabilité particulière quant à la mise en place d'un système d'échanges mondiaux plus équitable;
1.reconnaît que les entreprises exerçant des activités au niveau international ont besoin d'un cadre juridique harmonisé pour leurs investissements; reconnaît aussi le droit de tout État - notamment des États moins développés du point de vue économique - de mener une politique économique autonome dont fait partie intégrante l'adoption de dispositions législatives et autres concernant les investissements étrangers;
2.souligne qu'il est nécessaire d'offrir à ces entreprises opérant au niveau international un tel cadre juridique harmonisé et sans incidence sur les conditions de concurrence, pour leurs décisions en matière d'investissement, qui garantisse à ces entreprises la possibilité de conduire leurs activités en bénéficiant d'un niveau de protection comparable à celui qui prévaut dans leur pays et d'un même accès au marché;
3.est convaincu que, complétées par la mise en place d'un cadre juridique approprié et placées sous le contrôle d'une institution multilatérale, une telle harmonisation et une telle libéralisation des courants internationaux d'investissement peuvent contribuer à une meilleure utilisation des ressources économiques ainsi qu'à un accroissement de l'emploi et à un renforcement de la croissance économique, y compris dans les pays en développement;
4.fait observer, dans le même temps, qu'une libéralisation des investissements directs intervenant sans la création, à titre d'accompagnement, d'un cadre juridique multinational risque d'aboutir à un détournement des courants internationaux d'investissement avec, pour conséquence, des pratiques de dumping social et/ou environnemental;
5.estime par ailleurs que les craintes selon lesquelles l'investissement direct à l'étranger pourrait aboutir à l'exportation durable d'emplois, notamment par le biais des délocalisations vers les pays dits à main-d'oeuvre bon marché, sont excessives, tant il est vrai que l'expérience acquise à ce jour révèle que les écarts en matière de coût du travail n'ont été qu'un facteur, parmi de nombreux autres, entrant en ligne de compte pour l'investissement étranger;
6.souligne à cet égard que l'investissement direct n'implique pas seulement des sorties de capitaux, mais aussi des apports de capitaux, que l'investissement à l'étranger entraîne souvent une augmentation de la demande de biens d'équipement et de produits semi-finis dans le pays d'origine et que des emplois peuvent dès lors être garantis à long terme dans les secteurs tributaires des exportations;
7.souligne qu'un vaste mouvement de libéralisation des courants d'investissement rend de plus en plus urgente l'harmonisation multilatérale d'autres conditions cadres, notamment dans le domaine des législations sociale et environnementale;
8.demande dès lors que la protection de l'environnement soit prise en compte dans le régime commercial multilatéral et invite les États membres de l'OMC, et notamment les États membres de l'Union européenne, à engager, avec la participation des syndicats, un dialogue sur des normes sociales minimales, étant entendu que la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux ne saurait conduire à un protectionnisme déguisé;
9.fait observer que l'amélioration des possibilités d'investissement à l'étranger ne conduit pas nécessairement à un renforcement de la concurrence mais qu'elle peut être mise à profit par les grandes entreprises multinationales pour constituer des positions dominantes sur le marché, former des ententes internationales afin de protéger leurs investissements étrangers ou créer des concentrations d'entreprises qui restreignent la concurrence;
10.demande dès lors qu'une harmonisation intervienne également dans le domaine de la politique de concurrence et invite les États membres de l'OMC, agissant dans le cadre de l'accord MIC, à inclure d'ici cinq ans des dispositions en matière de politique de concurrence dans le régime commercial mondial;
11.signale, dans ce contexte, l'importance majeure d'une protection efficace de la propriété intellectuelle, selon laquelle le savoir-faire technique ou les procédés de fabrication transférés à l'étranger par un investissement direct ne puissent être exposés à une concurrence déloyale, et demande par conséquent, que toutes les parties contractantes de l'OMC respectent pleinement et dans les délais prescrits, les obligations contractées par l'accord sur les droits commerciaux en matière de propriété intellectuelle (TRIP).
12.estime que les éléments essentiels d'un accord multilatéral sur l'investissement direct sont les suivants:
- l'octroi du régime de la nation la plus favorisée, en vertu duquel le pays d'accueil s'engage à ne pas pratiquer de discrimination entre les investissements émanant de divers États parties à l'accord,
- l'octroi du traitement national, en vertu duquel le pays d'accueil s'engage à ne pas pratiquer de discrimination entre l'investissement national et l'investissement étranger,
- l'obligation d'arrêter des dispositions qui garantissent le libre transfert des capitaux et des bénéfices et assurent une protection contre toute expropriation illégale,
- l'adoption de dispositions prévoyant une mobilité, limitée dans le temps, des travailleurs aux fins d'exécution d'investissements étrangers et d'exploitation des installations implantées à l'étranger, compte tenu de la situation de l'emploi dans le pays d'accueil,
- la mise en place d'une procédure efficace de règlement des litiges;
13.estime judicieux d'accorder aux parties contractantes, en fonction de leur stade de développement économique, des délais variables pour la mise en oeuvre de ces obligations, en sorte que les pays en développement puissent eux aussi adhérer à l'accord;
14.considère que les négociations menées au niveau de l'OCDE constituent une base utile en vue de la conclusion d'un accord multilatéral sur l'investissement dans le cadre de l'OMC et estime dès lors, compte tenu de l'accroissement des courants d'investissement en Asie du Sud-Est, en Amérique latine ainsi qu'en Europe centrale et orientale, qu'il importe d'associer des pays non membres de l'OCDE à ces négociations;
15.estime toutefois, par ailleurs, qu'il est impératif de prendre davantage en considération les intérêts économiques des pays en développement;
16.attire notamment l'attention, à cet égard, sur la nécessité de capitaux d'investissement occidentaux pour le processus de réforme économique en Europe centrale et orientale ainsi que dans les républiques de la CEI et espère que la conclusion d'un accord multilatéral sur l'investissement, accord auquel ces pays doivent absolument être parties, produira une amélioration des conditions d'investissement sur place;
17.préconise dès lors que de telles négociations soient conduites dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et invite la Commission, en tant que membre de l'OMC et porte-parole des États membres de l'Union européenne au sein de cette organisation, à s'employer à ce que la conférence ministérielle de l'OMC, qui doit se tenir en décembre 1996, prenne une décision sur l'ouverture de telles négociations;
18.souligne que les liens étroits existant entre les courants d'échanges et les flux d'investissements, les éléments d'un accord multilatéral en matière d'investissements déjà inscrits dans les accords sur les MIC, les ADPIC et le commerce des services, ainsi que la possibilité de recourir à la procédure de règlement des litiges de l'OMC militent en faveur de la conduite de négociations dans le cadre de l'OMC;
19.fait observer que les fluctuations des taux de change induites par des pressions spéculatives mettent obstacle et portent préjudice aux décisions d'investissement axées sur un engagement à long terme à l'étranger et à de nombreux autres aspects du développement économique international et invite dès lors les institutions financières internationales et nationales à s'employer conjointement à réduire le champ d'action de tels facteurs de perturbation sur les marchés des changes;
20.se félicite de l'initiative prise par la Commission d'oeuvrer, au niveau de l'OMC, en faveur de la négociation d'un accord multilatéral sur l'investissement direct et invite le Conseil à octroyer en temps voulu à la Commission un mandat de négociation dans ce sens;
21.rappelle, à cet égard, sa demande tendant à obtenir une amélioration de la transparence et du contrôle démocratique de l'OMC et invite dès lors le Conseil et la Commission à soumettre, avant adoption, tout projet de mandat de négociation à sa commission compétente pour la politique commerciale;
22.estime que, compte tenu de l'internationalisation des marchés, il appartient aux États membres de se pencher sur le problème de la diminution de leurs compétences pour ce qui est des questions relatives à la politique d'investissement et autres politiques connexes, et de veiller à ce que tout accroissement des compétences de l'Union dans ce domaine aille de pair avec une plus grande responsabilité vis-à-vis des institutions démocratiques de l'Union, dans le plein respect du principe de subsidiarité;
23.est convaincu que les accords bilatéraux sur l'investissement existant entre les États membres de l'Union et des pays tiers peuvent être remplacés par un accord multilatéral, ce qui contribuerait à renforcer la cohérence de la politique conduite par l'Union dans le domaine des relations économiques extérieures;
24.charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'à l'OCDE et à l'OMC.