Proposition de Résolution selon l'article 47 du règlement
déposée par Olivier Dupuis, Pierre Pradier, Gianfranco Dell'Alba, Jean-François Hory au nom du Groupe ARE
sur la situation en Tunisie et sur les réactions du gouvernement tunisien à la suite du colloque de Strasbourg sur la situation des Droits de l'Homme
Le Parlement européen
- vu la déclaration de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995;
- vu l'article 2 de l'accord euro-méditerranéen;
- vu le Pacte national tunisien du 7 novembre 1988;
- vu sa résolution sur les Droits de l'Homme en Tunisie du 26 mai 1996;
A. soulignant les efforts accomplis par les autorités tunisiennes en faveur de la modernisation du pays et, en particulier, la libéralisation économique mise en oeuvre au cours de la dernière décennie;
B. soulignant que la libéralisation des prix touche aujourd'hui officiellement 87 % des prix à la production et 80 % des prix au stade de la distribution et que la liberté des échanges est devenue effective en 1993;
D. soulignant que la libéralisation du régime des importations est aujourd'hui effective à l'exception d'une liste limitée de produits liés à la sécurité, la santé et la moralité publique et qu'un nouveau code d'investissement a été promulgué en 1993, permettant d'investir librement dans l'agriculture, l'industrie et les services financiers;
E. soulignant que suite à des réformes en matière de taux d'intérêt et d'accès au marché des capitaux, les autorisations administratives ont été supprimées;
F. soulignant que ces transformations ont entraîné une amélioration notable des conditions économiques d'une large majorité des citoyens tunisiens, se manifestant par exemple par un taux de croissance annuelle du PIB de l'ordre de 4,5 % en moyenne depuis 1984;
G. soulignant que ces réformes ont également donné lieu à une amélioration substantielle de la structure macro-économique du pays, à travers une meilleure organisation du marché financier, la création en 1994 d'une bourse des valeurs tunisiennes, d'importantes mutations dans le secteur bancaire, la privatisation - en cours - des entreprises qui interviennent dans le secteur concurrentiel, la restructuration des entreprises destinées à demeurer sous tutelle de l'Etat;
H. constatant que la légitimité des responsables politiques n'est remise en cause par aucune force politique démocratique tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays et que les requêtes émises par les forces politiques et civiles indépendantes du pouvoir en place visent une série de réformes concrètes allant dans le sens de la démocratisation du système;
I. déplorant que cette conjoncture relativement favorable n'ait pas été accompagnée, jusqu'ici et de façon significative, par la mise en oeuvre de réformes profondes et audacieuses dans les autres domaines de la vie civile, et en particulier en ce qui concerne la démocratisation de la vie publique;
J. profondément préoccupé par la détérioration croissante de la situation en matière de respect des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales en Tunisie ainsi que par la multiplication des violations de ces droits dont sont victimes les opposants politiques et, plus généralement, tous ceux qui expriment des opinions critiques à l'égard du gouvernement, les familles des détenus politiques et les défenseurs des Droits de l'Homme;
K. très étonné par l'attitude des autorités tunisiennes à l'occasion de la tenue dans l'enceinte du Parlement européen à Strasbourg, le 11 juin 1997, à l'initiative de cinq groupes parlementaires, d'un Colloque sur les Droits de l'Homme en Tunisie;
L. déçu du refus notifié, la veille du colloque, par les représentants des autorités tunisiennes d'y participer et, ainsi, de contribuer au dialogue;
M. indigné par les pressions et les interventions visant à empêcher la participation à ce colloque de plusieurs personnalités ou représentants d'associations non-gouvernementales et, en particulier, par:
- la non-remise de leurs passeports à Mr Mohamed Moadda, président du MDS, contraint à une stricte assignation à résidence, ainsi qu'à Mrs Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaafar, Nejib Hosni et Khemaïs Ksilla;
- l'interdiction faite à Maître Radhia Nasraoui de quitter Tunis au moyen du retrait arbitraire de sa carte d'embarquement;
N. préoccupé par la campagne de presse officielle déclenchée la veille de la réunion de Strasbourg, campagne qui a pris un caractère injurieux et haineux à l'égard des démocrates et des opposants tunisiens qui se sont rendus à Strasbourg et, tout particulièrement, à l'égard de Mr Khemaïs Chammari dont les conditions de retour suscitent aujourd'hui de sérieuses inquiétudes;
O. déplorant vivement de voir diaboliser une initiative parlementaire visant à encourager un débat ouvert et contradictoire sur la question des Droits de l'Homme en Tunisie, dans le but, notamment, de créer des conditions propices à une mise en oeuvre efficace et loyale des dispositions de l'accord d'association ayant trait à ces questions;
P. convaincu que le processus de modernisation de la Tunisie ne pourra être durablement mené à bien sans la pleine instauration d'un système démocratique, garantissant également l'émergence d'une opposition qui puisse se constituer en alternative démocratique et électorale au gouvernement en place;
Q. soulignant que de ce point de vue l'échéance des élections de 1998 apparaît comme décisive et leur plein succès suppose une nette amélioration du climat politique général et la prise en compte des propositions de l'opposition en matière de déroulement loyal et transparent du scrutin ainsi qu'une modification sensible du règlement intérieur du Parlement tunisien;
R. regrettant enfin que malgré une première réforme du code pénal, la Tunisie n'ait pas encore aboli la peine de mort;
1. Demande aux autorités tunisiennes de promouvoir dans les secteurs politique, judiciaire, social, culturel et économique les réformes indispensables pour établir un véritable Etat de Droit fondé sur le respect et la promotion des libertés fondamentales et des Droits de l'Homme;
2. demande que tous les prisonniers d'opinion soient libérés, que soit promulguée une loi d'amnistie générale pour tous les Tunisiens poursuivis ou jugés pour leurs opinions ou pour leurs activités politiques pacifiques;
3. demande qu'une révision des procès qui se sont déroulés dans des conditions contraires aux normes internationales admises en matière de procès équitable ait lieu rapidement;
4. demande aux autorités tunisiennes d'adopter des mesures effectives afin de combattre les pratiques avérées de torture;
5. demande aux autorités tunisiennes d'instaurer un moratoire sur les exécutions capitales, comme premier pas en direction de l'abolition complète de la peine de mort;
6. demande aux autorités tunisiennes de renoncer à la pratique de confiscation et de remise arbitraires des documents de voyage;
7. invite les autorités de la République de Tunisie à procéder à la révision du Code de la presse et à la législation pertinente de manière à garantir effectivement le principe de la liberté d'expression et d'information ainsi qu'à la révision de la loi sur les associations et la législation pertinente de manière à ce que la liberté d'association relève d'un régime déclaratif et non plus d'un régime d'autorisation préalable;
8. décide d'envoyer une délégation en Tunisie afin de vérifier les conditions de détention des prisonniers et de poursuivre avec les autorités de la République de Tunisie un dialogue ouvert sur la question des libertés fondamentales et de l'Etat de Droit;
9. Charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux parlements des Etats membres et aux autorités de la République tunisienne.