(Rome, 9-10 mars 1957 - Carte Cattani)SOMMAIRE: Le III Conseil national du Parti radical se tient le 9/10 mars 1957, à un moment marqué par d'importants événements internationaux (la fin du mythe stalinien et la révolte populaire en Hongrie) et intérieurs, comme la répudiation du frontisme de la part du Parti socialiste et le travail d'enfantement renouvelé pour l'unité des force socialistes. Dans le rapport de la Junte exécutive on donne du relief à cette situation complexe, et on rend compte par conséquent, bien que d'une façon générale, des développements d'organisation de la nouvelle formation. Tout en prenant acte, avec satisfaction, que le parti est présent "dans tout le pays", on renouvelle les perplexités sur la possibilité de faire grandir l'organisation, surtout à cause des difficultés liées à la pratique de l'"autofinancement". On informe par conséquent le Conseil sur les projets, législatifs aussi, développés grâce au Comité d'Etudes, surtout ceux qui se rapportent à la "lutte contre les monopoles".
Cette réunion du Conseil National a lieu dans un moment politique extrêmement difficile: au moment ou des événements se sont déjà vérifiés, et d'autres sont en vue, qui seront résolutifs pour les destinées de notre démocratie.
Le coup dur reçu par le communisme italien avec la fin du mythe de Stalin et la révolte populaire hongroise - l'effritement progressif des partis d'extrême droite - l'empiétement toujours plus accentué des courants conservateurs, confessionnels, et des autres hiérarchies de l'Eglise - la volonté déclarée ouvertement par la démocratie chrétienne d'agir dans les prochaines élections pour la conquête de la majorité absolue - la répudiation du frontisme et l'acceptation explicite de la méthode démocratique de la part du parti socialiste - le travail persistant d'enfantement pour une unification socialiste souhaitée - l'éloignement du parti républicain du "quadriparti" - le déplacement conséquent à droite du cristallisoir gouvernemental - sont autant d'indices qui révèlent une transformation profonde qui est en train de mûrir dans le pays, et qui est destinée à aboutir, dans un délai plus ou moins proche, à une nouvelle organisation politique.
Nous avons l'impression, dans ces conditions, que la tâche principale du Conseil National soit celle de considérer la situation à la lumière des événements rappelés ci-dessus, et d'en tirer les conclusions nécessaires quant à la conduction future du parti.
Il s'agit, concrètement, de décider les initiatives que le parti doit promouvoir ou soutenir, les engagements à prendre, les efforts à accomplir pour que la situation puisse évoluer conformément à nos idéaux et à nos aspirations, qui sont pour le renforcement d'une démocratie mise définitivement à l'abri de toute menace totalitaire, délivrée de la domination des forces conservatrices et confessionnelles, orientée sur la voie d'un progrès économique et social effectif.
Nous jugeons qu'un rapide examen rétrospectif sur l'activité du parti, dans sa première année de vie, puisse faciliter notre tâche et fournir des indications utiles.
Il est bien connu que la parti radical est né à un moment dans lequel les signes de la crise spirituelle et politique - pas encore surmontée - qui tourmente le pays s'annonçaient clairement: au moment où les courants sociaux les plus sains et les plus ouverts manifestaient leur impatience incoercible pour le dilemme "ou communisme ou démocratie chrétienne" dans lequel ces deux formations avaient réussi à enfermer la démocratie, l'exposant au danger mortel de la pousser vers tel ou tel autre précipice.
C'est dans cette conjoncture que le parti radical est né, ce parti dans lequel ont conflué des hommes libres, sincèrement démocrates, conscients de la gravité de l'heure, et décidés à se battre pour le renouveau politique et moral du pays, pour son progrès économique et social dans les frontières insurmontables de la justice et de la liberté.
Les radicaux savaient de s'essayer à une entreprise extrêmement difficile, qui demandait de la foi et du courage, et de laquelle ils ne s'étaient pas dissimulé, dès le premier instant, les obstacles et les difficultés.
Mais aujourd'hui - refaisant idéalement le chemin parcouru en un peu plus d'une année - nous pouvons affirmer sans jactance que le parti, dans cette courte période, a obtenu des résultats positifs qui ne sont pas négligeables, même si l'objectif est encore lointain, et même s'il reste de sérieux problèmes à résoudre, qui engagent toute notre responsabilité.
Contentons nous pour l'instant d'examiner la situation intérieure du parti. Malgré les difficultés qui accompagnent toujours la naissance et le développement d'un parti, l'organisation du parti radical est en développement continu. Nous pouvons dire sans exagérer que le jeune parti radical est vivant et présent dans tout le pays. Dans les grands centres la vie des sections est très active. Partout des noyaux d'amis et de sympathisants se forment qui élargissent encore la structure du parti. De nouvelles sections ont surgi ces derniers temps: ces jours-ci une section s'est ouverte à Ancone, tandis qu'à Lecce, Tarante et Ascoli Piceno des sections régulières sont en phase de constitution.
Tout cela doit être naturellement rapporté à l'importance des moyens financiers dont le parti dispose.
Ce dont le parti a pu disposer est le fruit du sacrifice personnel des inscrits: et c'est un motif de juste orgueil pour les radicaux et de garantie certaine de leur indépendance. Comme vous vous en souviendrez le principe de l'auto-financement a été accepté volontairement par nous tous, mais nous ne pouvons pas cacher qu'avec les disponibilités actuelles il n'est pas facile de procéder à un vaste plan d'organisation surtout en province.
La Junte Exécutive, consciente de cette difficulté, est obligée de mesurer son activité aux moyens limités mis à sa disposition, elle a jugé orienter, avec une intensité particulière, ses efforts vers les manifestations qui pouvaient servir à qualifier politiquement le parti, à mettre sa ligne politique en évidence, à avoir de l'influence dans les milieux responsables, encouragée par la persuasion que, pour un parti à ses débuts comme le nôtre, sa valorisation politique, outre qu'être indispensable, aurait aussi représenté un coefficient valable pour le développement successif de son organisation.
La Junte Exécutive juge ne pas s'être trompée en choisissant cette voie, de laquelle on peut voir aujourd'hui les résultats remarquables.
Le fait est que les délibérations de la Junte Exécutive sur les événements les plus importants de ces derniers temps - la position prise au Parlement sur la question des tribunaux militaires, sur la suppression des organismes superflus, sur la mesure désapprouvée concernant les tarifs électriques, et dernièrement, sur la question de confiance pas moins désapprouvée qui a été soulevée par le Gouvernement, à l'occasion du débat sur les contrats agraires - la claire définition donnée à des thèmes de politique intérieure et internationale dans les meeting organisés dans plusieurs villes - notre intervention au Congrès socialiste de Venise - la courageuse campagne de Cattani contre la spéculation des zones à bâtir - les réunions des "Amis du Mondo" (1) et les publications du "Mondo", qui pourtant ne représentent pas une activité spécifique du parti, ont agité des problèmes, ouvert des discussions et avancé des solutions que le parti a fait siennes: le fait est, nous disions, que tous ces multiples aspects de notr
e activité ont surement servi à mettre en évidence et à qualifier le PR sur le plan politique, si bien que, tout en s'agissant d'un parti encore à ses premiers pas, son activité est à présent suivie attentivement dans les sphères gouvernementales, dans le milieu parlementaire et elle pourrait être encore mieux connue et appréciée dans l'opinion publique, si la soi-disant presse indépendante n'appliquait assez souvent, pour des raisons intuitives, et à l'égard du PR, la méthode du silence.
Comme nous l'avions promis, nous avons déjà présenté à la Chambre trois projets de loi, l'un sur la réforme des Sociétés pour actions, l'autre contre les ententes consortiales, et un troisième "sur la production et l'utilisation des combustibles nucléaires", des projets qui portent aussi les signatures de députés républicains, socialistes et sociaux-démocrates.
Permettez qu'en votre nom aussi la Junte Exécutive exprime sa gratitude la plus sincère aux membres de notre Comité d'Etudes et en particulier à Ernesto Rossi (2), Eugenio Scalfari (3) et Leopoldo Piccardi, qui, avec la collaboration d'amis et d'autres partis (éminente à ce propos a été la participation du prof. Tullio Ascarelli), ont étudié a fond ces problèmes vitaux et ont élaboré les projets de loi qui s'y rapportent.
Il s'agit de projets on ne peut plus importants qui enrichiront, si nous réussirons à les convertir en loi, notre législation de nouveaux instruments puissants pour le développement de l'économie, pour la lutte contre les monopoles, pour la défense de la libre concurrence, pour la défense des droits des personnes âgées et des épargnants.
Un des points qui caractérisent le mieux notre parti est celui de la lutte contre les monopoles, une lutte visant à ne pas exercer un chantage sur les industriels pour obtenir qu'une grande partie des surprofits aille aux ouvriers; mais pour réduire le prix des marchandises dans l'intérêt des consommateurs. Notre politique économique se distingue nettement de celle des partis fondés sur la lutte des classes autant que de celle des partis paternalistes. Elle se distingue de la première parce que nous ne nous proposons pas, même pas à longue échéance, la nationalisation de tous les instruments de production, convaincus comme nous le sommes qu'une socialisation générale ne pourrait être atteinte et maintenue sans supprimer les libertés fondamentales des citoyens; nous voulons contenir, au contraire, l'intervention de l'Etat dans le domaine économique dans les limites établies par l'art. 43 de la Constitution (services publics essentiels, sources d'énergie, situations de monopole qui ont un caractère général pré
éminent). Elle se distingue de la seconde car nous refusons toutes les solutions corporatives qui aboutissent toujours à la cristallisation des positions acquises, à la socialisation des pertes et à la privatisation des bénéfices, à la résurrection du système médiéval des castes; nous voulons faire, au contraire, une nette distinction avec le secteur privé pour ouvrir la voie aux hommes nouveaux, aux nouvelles initiatives et pour stimuler un renouvellement continu de la classe dirigeante et une sélection continue des entreprises suivant leurs prix; et soumettre le secteur public à une surveillance efficace de la part du Parlement, des organes bureaucratiques de contrôle et de l'opinion publique avec la pleine publicité de toutes les gestions de l'Etat, des organismes publics et des sociétés à participations d'Etat.
-----
N.d.T
1 - IL MONDO. Hebdomadaire de politique et culture, fondé à Rome en 1949 par Mario Pannunzio. Pendant dix-sept ans il fut l'expression et le symbole de la meilleure tradition laïque, libérale, radicale et démocratique italienne. La plupart de ses journalistes participèrent à la fondation du Parti radical. Il cessa ses publications en 1966, et fut repris par Arrigo Benedetti en 1969. Il s'est transformé par la suite en hebdomadaire à caractère économique.
2 - ROSSI ERNESTO. (Caserta 1897 - Rome 1967). Homme politique et journaliste italien. Leader du mouvement "Justice et Liberté", arrêté et condamné en 1930 par le fascisme, il resta en prison ou en exil jusqu'à la fin de la guerre. Il écrivit avec A. Spinelli le "Manifeste de Ventotene" et fut à la tête du Mouvement Fédéraliste Européen et de la campagne pour l'Europe unie. Parmi les fondateurs du Parti radical. Essayiste et journaliste, il lança des colonnes du "Mondo" des campagnes très vives contre les ingérences cléricales dans la vie politique, contre les grands états économiques, contre le protectionnisme industriel et agraire, les concentrations de pouvoir privées et publiques, etc. Ses articles furent rassemblés dans des livres fameux ("Les maîtres de la vapeur", etc). Après la dissolution du Parti radical en 1962, et la rupture conséquente avec le directeur du "Mondo" M. Pannunzio, il fonda "L'Astrolabe" des colonnes duquel il continua ses polémiques. Dans ses dernières années il se rapprocha et s'i
nscrivit au "nouveau" Parti radical avec lequel il lança, en 1967, l'"Année Anticléricale".
3 - SCALFARI EUGENIO. (1924) Journaliste italien. Directeur de "L'Espresso" (66-68), fondateur et directeur du quotidien "La Repubblica" depuis 76.