de Marco Pannella et Giuliano RendiSOMMAIRE: les motions, signées par Marco Pannella et Giuliano Rendi, présentées au Conseil national du PR du 19/20 novembre 1960. Ces motions proposées comme des "schémas de déclaration", et donc comme base d'un débat à l'intérieur du parti, peuvent être considérées à juste titre comme l'acte constitutif de la "gauche radicale", c'est à dire comme l'acte de fondation de la politique d'alternative laïque, libertaire, socialiste et internationaliste qui a caractérisé le Parti Radical dans les années soixante et soixante-dix.
Le seul document qui le précède en ordre de temps fut un article écrit par Marco Pannella sur "Paese Sera", dirigé alors par Mario Melloni (1), en juin 1959. Dans cet article Pannella envisageait à nouveau la nécessité d'une nouvelle unité à gauche, non pas comme une hypothèse future, mais comme une nécessité urgente: une nouvelle unité entre gauche communiste et gauche laïque et socialiste, non plus caractérisée par le frontisme, par la demande de subordination à la stratégie communiste comme avait été l'unité des "fronts populaires" après la guerre, mais fondée sur la confrontation idéale et politique, sur la capacité d'affronter les noeuds dramatiques et cruciaux de quarante ans d'histoire de la gauche et du mouvement ouvrier qui avaient créé des divisions et des fossés. Cet article avait eu des effets lacérants à l'intérieur du Parti Radical: c'était la première prise de distances de la "gauche radicale", la première manifestation de dissentiment sratégique par rapport à la classe dirigeante du "Mondo"(2
). Cet article provoqua aussi un débat à gauche, qui fut ensuite interrompu brusquement par une intervention de Palmiro Togliatti (3): non seulement celle qu'on appelait alors la "gauche démocratique", avec Saragat (4) et La Malfa (5)ainsi qu'avec le "Mondo" de Pannunzio, mais même le PCI (6) de Togliatti n'était pas disposé à remettre en discussion, à affronter les risques d'un débat ouvert et une hypothèse de "nouvelle unité" et de renouvellement.
L'année suivante fut l'année de Tambroni (7), de la révolte populaire contre ce gouvernement avec les morts de Gênes et de Rome, les morts de Reggio Emilia et d'autres villes, avec la constitution de comités unitaires pour la Résistance dans lesquels un peu partout les radicaux représentaient un point de référence central, au côté des socialistes, des communistes, des républicains. Le tournant créa la prémisse du centre gauche des années successives. Aux élections administratives du mois d'octobre, le Parti Radical avait présenté ses candidats dans les listes socialistes, en obtenant un grand succès: quatre candidats radicaux, dont Vittorini, furent élus à Milan; trois à Rome (Piccardi, Antonio Cederna, Arnoldo Foà); au total à peu près quatre-vingt Conseillers Communaux la plupart desquels dans les villes chefs-lieux de Province.
Le dessein d'une partie du groupe dirigeant d'alors (en particulier Piccardi et Scalfari (8)) de dissoudre le parti radical dans le parti socialiste, commencait à se déligner.
Les schémas de proposition signés Pannella-Giuliano Rendi furent présentés lors du premier conseil national qui se déroula après ces évènements. Ce fut la première fois que ces positions furent amenées, avec un projet de délibération, dans la vie officielle du parti. Elles eurent comme effet de déterminer une déchirure entre la seconde génération de radicaux: d'un côté la "gauche radicale" (outre les signataires Gianfranco Spadaccia, Sergio Stanzani, Franco Roccella, Mauro Mellini, Angiolo Bandinelli, Massimo Teodori, seulement certains d'entre eux faisaient partie du CN), de l'autre Giovanni Ferrara, entré ensuite dans le PRI (9), et d'autre radicaux qui au cours des années suivantes, ont parcouru des itinéraires différents certaines fois convergents avec ceux du nouveau Parti Radical (Gerardo Mombelli, Claudio Simonelli, Stefano Rodotà, Lino Jannuzzi, Piero Craveri, etc.). La vieille classe dirigeante du PR se présenta apparemment unie pour les repousser. En fait, c'était une unité qui cachait la dissoluti
on dramatique des mois suivants, tandis qu'alors le rapport, la proximité idéale, politique, de la "gauche radicale" avec Ernesto Rossi" (10) se resserrait déjà.
Les quatre motions s'occupent des rapports avec le monde catholique ainsi que de l'article 7 de la Constitution italienne, des rapports avec le PSI, de l'insurrection magyare de 65 et, pour finir, du désarmement atomique et conventionel.
Aux Conseillers Nationaux
Projet de résolution sur la politique du PR
présenté par les Conseillers Nationaux
Marco Pannella et Giuliano Rendi
19/20 novembre 1960 - Rome
Schéma de déclaration sur les rapports avec le monde catholique et pour l'abolition de l'art. 7.
Le Conseil National du Parti Radical, ayant pris en considération les manifestations populaires de l'été dernier et les résultats de la récente épreuve électorale, analysant les causes de ces évènements et répondant à la demande toujours plus pressante et claire des grandes masses ouvrières aux partis de gauche, et aux mouvements antifascistes, d'éviter le danger de constituer un rempart et un frein aux volontés rénovatrices des citoyens plutôt que de les organiser et de les développer; affirme, en cohérence avec la bataille qu'il a fait sienne dès sa constitution, que les forces du progrès et de la liberté doivent courageusement prendre acte que l'Eglise, avec les structures et les manifestations politiques qui en dérivent, représente historiquement en Italie l'élément catalyseur et promoteur de toute politique réactionnaire, autoritaire, fasciste, cléricale, anticonstitutionelle en cours ou virtuelle, comme celles du passé. Considère que toute tentative, toute illusion velléitaire, de donner une différente
interprétation contribue à accréditer le mythe de la nécessité absolue qu'en Italie ce soient les forces catholiques qui doivent diriger, de toute façon, n'importe quel processus de revirement radical de la situation, aussi bien dans un sens fasciste que démocratique, et confirme l'argument clérical selon lequel on ne peut plus, aujourd'hui, au contraire de ce qui fut possible avec le Risorgimento (11), construire la nouvelle société italienne sans la participation, l'approbation, le patronage de l'Eglise. Il provient d'une dangereuse tendance renonciataire, pessimiste, qui se masque de réalisme politique et qui est substantiellement défaitiste sur les énergies populaires et révolutionnaires. Le Parti Radical reconnaît que la polémique politique a certaines fois amené à des analyses simplicistes du vote politique que les communistes ont exprimé à l'Assemblée Constituante sur les rapports entre l'Etat et l'Eglise. Il est certain que le vote communiste sur l'article 7 ne fut pas seulement dû à un calcul tacti
que, mais aussi à une illusion sur le caractère rénovateur du parti catholique. S'il était peut-être possible en 1946, d'envisager un accord, ou même une rencontre tactique de quelque importance, entre les forces populaires socialistes, laïques et communistes, et celles catholiques, et régler selon cette hypothèse et de façon retentissante et exceptionnelle le comportement d'un groupe populaire, aujourd'hui, en 1960, la thèse de la rencontre des masses catholiques avec les masses progressistes et modernes ne peut plus être considérée suffisante, adéquate et correspondante aux intérêts objectifs de notre pays, ni conséquente avec l'expérience et les évènements des dernières années. La lutte politique et les masses italiennes ont tout à gagner d'une plus grande clarté de prospectives et de diagnostics plus courageux. Leur répéter que les citoyens, les intellectuels, les ouvriers ou les paysans liés à la politique cléricale représentent une autre force avec laquelle l'objectif est de toute façon d'arriver à col
laborer, ne fait que du tort et est inutile; c'est en outre faux et démontre une tendance inacceptable à diminuer le caractère irréducible des différentes options idéales.
Pareillement, l'autre position qui apparemment accroche dans le milieu des forces de gauche dans notre Pays est celle qui, partant du congrès de Turin et de quelques énonciations de Morandi (12), est aujourd'hui défendue de façon particulière par Nenni (13). La thèse selon laquelle, de l'intérieur du monde catholique au pouvoir, puisse prévaloir et surgir une classe dirigeante capable de mener à terme un sérieux et suffisant tournant à gauche, même sous la pression des forces populaires, est injustifiée et optimiste; elle ignore les contextes du monde catholique, les intérêts auxquels il ne peut renoncer dans l'actuel moment historique de l'Eglise et de la classe capitaliste et réactionnaire qui autour d'elle et avec elle, a mêlé ses propres intérêts.
Un haut et bas continuel d'espoir et de délusions, d'invitations et de répulsions, de transformisme et de réaction, se met en place au moment où les groupes fanfaniens (14) ou pétroliers de la gauche de base acquièrent plus de crédit, à leurs propres yeux et à ceux du Pays.
S'il éxiste vraiment la possibilité, proche et sérieuse, que la Démocratie Chrétienne accomplisse un tournant substantiel, qui ne soit pas uniquement manoeuvre parlementaire et de sommet, mais qui touche les structures même du Pays, on ne voit pas pourquoi une grande partie de l'électorat, et même une plus grande encore, n'ait pas raison de continuer à voter pour la DC.
De même, la politique de Saragat et des républicains ne nous semble pas erronée, quand ils espèrent de changer le cours de la politique italienne avec ceux-là même qui ont intérêt à ne pas le changer.
Le Parti Radical considère que les masses populaires, par les manifestations spontanées et dures de l'été dernier, par leur vote du 6 novembre, leur demandent avant tout une option idéale. Que, sans celle ci, les citoyens continueront à alimenter une bataille politique pauvre et sans vrais motifs.
Le Parti Radical réaffirme qu'il faut demander aux citoyens de notre Pays la possibilité d'affranchir l'Etat et la société du plus grand esclavage qui pèse sur eux: la légalisation, à travers l'Art. 7 de la Constitution, de la véxation cléricale et classiste; et l'insertion honteuse dans une Constitution née de la Résistance, d'un pacte injuste avec qui a démontré ces dernières années d'avoir encore une fois choisi, comme toujours, d'être contre la civilisation moderne et les aspirations de justice et de liberté des démocrates, en Italie et en Europe.
Le Consei National du PR donne mandat à la Direction Nationale de prendre les contacts nécessaires avec tous les partis qui combattent contre la violation cléricale et monopoliste de l'Etat, pour illustrer la position du Parti sur les rapports entre l'Etat et l'Eglise et étudier la possibilité de surmonter les différents éxistants, très souvent pour des raisons passées ou tactiques, qui obstaclent encore une action unitaire. Invite la Direction Nationale à s'employer pour l'instauration d'un Comité national de défense de l'Etat et pour l'abolition de l'Art. 7 de la Constitution.
Le Conseil National donne également mandat au Comité National d'Etudes, d'élaborer un projet de loi proposant la confiscation des biens ecclésiastiques ainsi que des mesures capable d'augmenter la possibilité de frapper les vexations et les délits contre la Constitution de la part du clergé italien. Le Conseil National considère en efffet que l'énorme puissance financière du Vatican, le réseau suffoquant d'intérêts et de spéculations honteuses qui en est la conséquence, ne soit pas compatible avec le développement démocratique et libéral de nos institutions.
Schéma de déclaration sur la signification de l'alliance du PR avec le PSI et de la volonté de poursuivre une politique de gauche démocratique.
Le Conseil National du Parti Radical, prenant acte de l'importance des réactions qui ont suivi l'alliance électorale du Parti socialiste et des radicaux, réaffirme la grande valeur démocratique et le caractère indicatif pour toute la gauche, d'une initiative unitaire enfin réalisée, d'une méthode de respect mutuel et de fraternité active, qui ont été combattus encore une fois, malheureusement, même par d'autres forces populaires.
Face à des interprétations arbitraires ou superficielles qui ont été données même dans des milieux amis, de façon particulière celle selon laquelle l'accord radical-socialiste ratifierait la rencontre des milieux intellectuels et bourgeois avec les forces populaires et démocratiques, le conseil National affirme vigoureusement que le PR est partie intégrante de ces dernières; en partage le sort, la volonté, les problèmes; en interprète les idéaux et, autonomement, en élabore les objectifs politiques en terme de religion de la liberté, de respect du dialogue, d'aspiration démocratique, de volonté révolutionnaire.
Le Parti Radical proclame de ne pas vouloir et de ne pas pouvoir confirmer ces classes, dont ce serait mentir que d'affirmer aujourd'hui en Italie, la volonté concrète de progrès, la foi et la pratique de la liberté, le choix de la justice, la conscience des problèmes grandioses qui menacent l'humanité et la civilisation contemporaine. Ce n'est qu'avec de fausses notions stupidement évolutionnistes que l'on peut affirmer, en effet, que les classes qui arrachèrent le pouvoir, en Europe, aux monarchies absolues et à l'église, avec la Révolution française et les révolutions nationales, aient développé aujourd'hui vers la démocratie, les volontés libérales dont alors ils proclamaient vouloir s'approprier. La rencontre avec les forces populaires et démocratiques, des milieux bourgeois et des intellectuels, est une vieille hypothèse chère à beaucoup, et qui garde en Europe toute sa valeur de grand objectif politique. Mais, justement, c'est d'un objectif qu'il s'agit; aucune inquiétude pubblicitaire nuisible, même
si faite avec les meilleures intentions, ne peut en faire un "fait" accompli. Cette rencontre est souhaitée par le PR comme par la totalité des forces populaires; le prochain Congrès du Parti Radical a parmi ses devoirs d'approfondir le sens et la réalité tangible historique de ce souhait.
Mais dès maintenant, le Conseil National du Parti Radical affirme que cette rencontre ne pourra jamais se réaliser à travers des accords politiques entre partis. Aucune organisation partitique ne peut en effet prétendre de réaliser une représentation corporative des intellectuels ou de la soit-disante "bourgeoisie libérale". Lejour où les Universités, les instituts scientifiques, les professeurs des écoles et les écoles elles-mêmes, les techniciens qui ont désormais la direction des processus de production de la société industrielle et leurs organisations, prendront conscience de vivre et d'avoir des responsabilités concrètes dans l'histoire de leur temps, le jour où ces instituts ou ces milieux choisiront, en tant que tels, la compagnie et l'alliance avec les forces populaires et révolutionnaires de la démocratie, du socialisme et de la liberté, alors seulement il sera vrai d'affirmer qu'un grand évènement s'inscrit dans les pages de notre temps.
Le succès qui a couronné l'engagement radical dans les listes socialistes, démontre que les électeurs plus conscients de la coalition populaire, comprennent la nécessité d'une politique unitaire des forces de gauche et reconnaissent dans le Parti Radical une force particulièrement qualifiée pour l'affirmer.
Les habitants de Milan et de Rome, de Turin et de Gênes, de l'Aquila et de Udine et de tant d'autres villes italiennes, en accordant leur confiance à des candidats radicaux, n'ont pas eu l'intention de "récompenser" des intellectuels, mondains il y aquelque temps, et pour finir courageux, mais ont élu des représentants populaires considérés particulièrement qualifiés pour combattre avec intransigeance et efficacité la violation classiste de l'Etat, et la politique des monopoles et du Vatican, réactionnaire et cléricale.
Le Conseil National interprète de cette façon le verdict favorable de l'électorat et souligne qu'il est le seul organisme qualifié pour le faire au nom du Parti Radical.
Il repousse définitivement toute tentative présomptueuse et fausse, tendant à faire des radicaux les acteurs d'une impossible opération paternaliste et bourgeoise à l'égard des nécessités révolutionnaires et socialistes de la lutte politique de notre Pays.
Schéma de déclaration sur l'insurrection magyare d'octobre-novembre 1956
Le Conseil National du Parti Radical, réuni à Rome le 19 et le 20 novembre 1960, lors du quatrième anniversaire de l'insurrection dramatique du peuple hongrois, exprime le souvenir ému de tous les radicaux pour ce glorieux et terrible geste de liberté.
Au delà de toute intention de célébration, cet épisode doit être rappelé car il appartient de façon irréfutable à la conscience et à l'histoire des démocrates du monde entier. L'incapacité intime des acteurs héroïques de ces jours là, de trouver un objectif et une valable hypothèse de victoire, ce qui fit que leur courage fut vraiment "désespéré", correspond à la même impuissance intérieure dramatique dans laquelle nous nous trouvâmes, tous, sans exception, même si dans des conditions différentes, libéraux, radicaux, démocrates, socialistes et communistes, face à ces évènements et à ces hommes. Afin qu'autant de courage intellectuel, autant de passion populaire pour la liberté, autant d'héroïsme, ne se trouvent jamais plus devant la perspective conjointe et inséparable d'un échec nécessaire et de la prédominance fatale d'une réaction brutale, il est du devoir des démocrates de tous pays et de toute doctrine de chercher et d'imposer ces solutions aux problèmes de notre temps, qui se démontrent capables de tra
nsformer en conquêtes concrètes, libérales et révolutionnaires, les aspirations et les gestes de liberté des individus et des peuples.
Le Parti Radical souhaite que tous les démocrates comprennent que c'est à partir des normes d'Etat éxistantes, qu'elles soient celles de pays de longue civilisation libérale ou celles mises en place par les révolutions modernes, au delà de la détérioration des unes et contre les scléroses et les déviations des autres, que les objectifs de recherche, d'invention et de conquête de la liberté doivent être fixés.
Car dans la tragédie dont fut l'acteur le peuple hongrois, ce ne fut pas seulement la réaffirmation du droit à l'indépendance nationale, mais surtout la revendication d'un développement dans la société et de la liberté de la révolution, qui constitua le principal élément de grandeur et la valeur de l'éxemple donné au monde entier, à Budapest et dans les autres villes hongroises, en novembre 1956, par ces ouvriers, par ces paysans, par ces intellectuels, par ce peuple en armes, devant lequel les radicaux italiens s'inclinent encore.
Schéma de déclaration sur la politique extérieure, sur le désarmement atomique et conventionnel, sur la politique pour la paix.
Face aux problèmes de paix qui représentent aujourd'hui la légittimation même de la politique "extérieure" dans le monde, le Conseil National du Parti Radical affirme que ses propres objectifs et les intérêts des masses populaires éxigent la poursuite d'une politique qui ait comme objectif central la défense intransigeante de l'ONU et son renforcement progressif; la constitution d'une fédération européenne qu'il faut mettre en place par des élections directes; le désarmement atomique et conventionnel de toute la région continentale européenne avec, par conséquent, l'abolition des armées dans les pays de cette région; la paix séparée et conjuguée avec les deux Allemagnes, la conséquente dénonciation du pacte militaire OTAN (pas de sursis à l'échéance de 1960) et de l'UEO; la proclamation du droit à l'insubordination et à la désobéissance civile de tous les citoyens qui n'acceptent pas la politique de réarmement, de guerre, de division et de concurrence des Etats nationaux qui appartiennent à leurs ennemis de
classe et qui poursuivent des objectifs nécessairement contrastants avec l'unité internationale des classes qui travaillent, des classes démocratiques; la fédération, ou de toute façon l'organisation commune de tous les mouvements socialistes, populaires et révolutionnaires qui combattent pour l'instauration d'un régime de démocratie et de liberté en Europe occidentale.
Le Parti Radical considère que la conquête du pouvoir de la part des forces populaires et démocratiques, la réalisation d'une société libre et moderne, est aujourd'hui mise en cause et en grand danger, par une situation générale de crise à laquelle n'échappent pas les partis ouvriers traditionnels. D'une part, dans le monde occidental, reprennent pied des mouvements et des classes dirigeantes, des idées et des partis qui ont une vocation profonde pour des solutions autoritaires bellicistes; ceux qui ont représenté pendant des décennies l'idée et la volonté libérales semblent frappés par une logique désespérée, renonciataire et défaitiste; le monde occidental, par son faux souci d'efficacité dans la compétition qui l'oppose au monde oriental et afro-asiatique, essaye toujours plus de se défendre par une politique de puissance qui s'exprime par un soutien coupable à des régimes et à des classes dirigeantes fascistes, cléricales et réactionnaires. Quant à nous, nous n'avons pas l'intention d'assumer la responsa
bilité de ce procès, mais au contraire de redonner à la civilisation, dont sans aucun doute nous faisons partie intégrante, le courage des idées et des meilleures de ses aspirations: sur celà, les citoyens de l'Europe occidentale sont tenus à construire leur propre avenir et à participer à la création d'une paix meilleure dans le monde. Les partis communistes, qui représentent un élément historiquement déterminant des forces populaires, semblent sclérosés dans une conception de la vie internationale qui remonte à la période stalinienne ou à la guerre froide, qui implique souvent un défaitisme vrai et coupable envers les classes de travailleurs européennes. Mais si nous sommes surs et décidés dans cette constatation, nous proclamons que de notre côté il y a beaucoup plus de respect et de confiance envers les communistes dont nous sommes divisés principalement par cette erreur que nous voudrions dépassée et que nous voudrions contribuer à dépasser, que pour ceux qui masquent derrière la violence de l'accusati
on faite aux communistes pour leurs positions actuelles, l'inconsistance absolue des leurs.
Le Parti Radical est né et opère dans la vie de notre Pays avec des prémisses bien précises et des précédents tout aussi clairs.
Dans leurs différences, ce sont les radicaux lombards des dernières décennies du XIX siècle, les radicaux romains qui se sont exprimés à travers l'oeuvre d' Ernesto Nathan, la pensée et l'action de Gaetano Salvemini (15), le Benedetto Croce (16) de la religion de la liberté et de la polémique contre Luigi Einaudi (17) et de la "Critique" (18) antifasciste, Omodeo (19), Gobetti (20), les frères Rosselli (21), Giustizia e Libertà (22), le Partito d'Azione et la gauche libérale de Mario Ferrara et de beaucoup d'autres amis qui sont aujourd'hui présents dans nos files; ceux-là et beaucoup d'autres points de référence constituent l'élément de légitimité de la présence de notre Parti, de son travail toujours plus conséquent dans la vie politique italienne en tant qu'expression des forces populaire et démocratiques, des masses ouvrières et intellectuelles. Non seulement toute dislocation différente serait inutile et sans perspective, mais arbitraire et innaturelle.
Et donc, c'est à partir de ces données culturelles et historiques et sociales, dans la continuité des traditions pacifistes et démocratiques des forces populaires et socialistes européennes, que le Parti Radical bâtit ses choix de politique internationale.
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N.d.T:
(1) Mario Melloni: (1902) journaliste, écrit des articles sur l'Unità: le journal du Parti communiste italien.
(2) "Il Mondo": revue de politique, économie et culture, fondée à Rome en 1949 par M.Pannunzio, et dont les orientations sont laïques et démocrates. Cesse ses activités en 66, est refondé en 69 par A. Benedetti.
(3) Palmiro Togliatti: (1893-1964), politicien. Animateur des mouvements des Conseils d'Usine et parmi les fondateurs de "l'Ordre Nouveau". Secrétaire du Parti communiste de 1927 jusqu'à sa mort. Fut longuement à l'étranger: à Moscou, au secrétariat du Comintern et en Espagne, pendant la guerre civile. Plusieures fois ministre; après les élections de 48, devint le chef de l'opposition de gauche. Inspirateur de la "voie italienne au socialisme", il détermina l'autonomie du PCI de l'URSS.
(4) Giuseppe Saragat: (1898, 1988) politicien socialiste éxilé pendant le fascisme; ministre en 1948 et président de l'Assemblée Constituante en 46. En 47, guide la scission de l'aile droite du Parti socialiste, en formant le PSLI, le Parti socialiste des travailleurs italiens devenu ensuite PSDI, le Parti social-démocrate italien. Vice-président du Conseil (47-50; 54-57).
(5) Ugo La Malfa: (1903-1979): politicien, parmi les fondateurs du Parti d'Action (42). Adhère au Parti republicain en 48, en devient secrétaire (65-75) et puis président. Ministre des transports (45), du commerce extérieur (46; 51-53), du bilan (62-63); du trésor (73-74), vice-président du Conseil (74-76).
(6) PCI : Parti communiste italien.
(7) Fernando Tambroni: (1901-1963) ministre de l'intérieur (55-59) et du bilan (59-60). Démo-chrétien, fut poussé à se démettre à cause de la protestation populaire contre l'appui que lui avait fourni le MSI, Mouvement social italien (fasciste).
(8) Eugenio Scalfari: (1924) journaliste. fondateur et directeur du quotidien "La Repubblica" depuis 1976.
(9) PRI: Parti républicain italien.
(10) Ernesto Rossi: (1897-1967) dirigeant de "Giustizia e Libertà". Promoteur du Mouvement fédéraliste européen, fut l'un des fondateurs du Parti Radical.
(11) Risorgimento: la Renaissance italienne, mouvement qui au XIX siècle amena à l'unification de l'Italie et à la proclamation de l'indépendance nationale.
(12) Rodolfo Morandi: (1902-55) historien et homme politique. emprisonné pendant le fascisme pour avoir reconstruit le centre intérieur socialiste, fut parmi les organisateurs de la résistance. Vice secrétaire du Parti socialiste dans l'après guerre.
(13) Pietro Nenni: (1891-1980) politicien, socialiste depuis 1921, directeur (1923-25) du journal "l'Avanti!"; en éxil en France dès 1926, il fut protagoniste de la réunification socialiste (30) et du pacte d'unité d'action avec les communistes. Commissaire des brigades internationales en Espagne, secrétaire du Parti socialiste en 43, et de 49 à 64; vice-président du Conseil (45, 63-68) et ministre des affaires extérieures (46-47, 68-69). Sénateur à vie en 1970.
(14) fanfaniani: de Amintore Fanfani:(1908) politicien. Secrétaire de la Démocratie chrétienne (54-59; 73-75), président du Conseil (58-59, 60-62, 62-63, 82-83), ministre des affaires étrangères (64-65), président du Sénat (68-73, 76-82).
(15) Gaetano Salvemini: antifasciste du Parti d'Action.
(16) Benedetto Croce: (1866-1952) philosophe, historien et critique, partisan de la dialectique hégélienne. Sénateur (1910), ministre de l'instruction (20-21),ministre sans porte-feuille (43-44), défendit constamment l'idée libérale.
(17) Luigi Einaudi: (1874-1961), économiste et politicien. Gouverneur de la Banque d'Italie (45); vice-président du Conseil et ministre du bilan sous De Gasperi, il arrêta l'inflation de l'après-guerre. Président de la République de 48 à 55.
(18) "La Critica": revue de philosophie, histoire et littérature fondée par B. Croce.
(19) Adolfo Omodeo: (1889-1946) historien et politicien: membre du Parti d'Action et ministre de l'instruction en 1944.
(20) Piero Gobetti: (1901-26) idéologue du libéral-socialisme, fonda la "révolution libérale" en 1922 et "Il Baretti" en 1924. Persécuté par les fascistes, émigra en France.
(21) Carlo et Sabatino Rosselli: le premier (1899-1937) fut un politicien, parmi les fondateurs du Mouvement "Giustizia e Libertà" et combattit en Espagne contre les républicains. Le second, (1900-1937) historien et politicien antifasciste. Il fut assassiné en même temps que son frère.
(22) "Giustizia e Libertà": (Justice et Liberté) Mouvement antifasciste d'inspiration libéral-socialiste fondé en 1929 à Paris par des italiens en éxil (C.Rosselli, A.Cianca, E.Lessu, G.Salvemini, etc.). En 1942, donne naissance au Parti d'Action qui, pendant la Résistance appela Giustizia e Libertà, ses propres brigades partisanes.