COMITE POUR LE DESARMEMENT ATOMIQUE ET CONVENTIONNEL DE LA ZONE EUROPEENNEVia XXIV maggio 7 - tél.682997 - Rome
SOMMAIRE: Au cours du printemps et de l'été 1964, le savant et sénateur social-démocrate autrichien Hans Thiring soumettait au Parlement de son Pays un "projet d'abolition de l'armée", et donc d'adhésion à une perspective de "désarmement unilatéral", total et contrôlé. Thiring ne parlait pas des bancs de l'opposition, mais de l'intérieur de la majorité gouvernementale. Le projet représentait le premier exemple de demande de "désarmement structurel", qui aurait comporté nécessairement la reconversion des structures militaires en structures civiles de service.
Pour qu'il eut du succès, il fallait promouvoir le débat et l'intérêt des forces politiques sur le projet du sénateur autrichien. En Italie aussi, un des pays les plus intéressés: parmi les conditions requises par Thiring, avec la garantie des Nations Unies, il y avait aussi l'accord des Pays limitrophes, qui devaient s'engager à retirer leurs troupes à une distance déterminée des frontières de la République autrichienne.
En collaboration avec le "Comité pour le Désarmement Atomique et Conventionnel de la Zone Européenne" (né fin 1962 principalement sur l'initiative des radicaux) le Parti Radical adressa, aux pacifistes mais également à "ceux qui ne sont pas pacifistes", un appel pour "aider et accélérer le cours de réalisation du projet Thiring". L'appel fut diffusé à quelques milliers d'exemplaires, un nombre exigu et insuffisant, mais imposé par le peu d'instruments financiers à disposition. Il fut envoyé notamment à toutes les Administrations municipales.
Le moment n'était pas favorable: en France, le militarisme et le nationalisme gaulliste prenait de l'ampleur (et les radicaux l'indiquaient comme le vrai danger pour l'Europe démocratique, beaucoup plus que le militarisme allemand, sur laquelle se concentrait par contre la polémique du Parti communiste italien); mais l'Italie subissait surtout le tourment de la crise du Tyrol du Sud, où l'extrémisme pro-allemand "inventait" pour la première fois la pratique de faire sauter les pylônes électriques, et se heurtait à la répression militaire du gouvernement italien. Mais malgré tout la réponse fut surprenante: en quelques semaines plus de quatre cents Conseils municipaux, pour la plupart démocratiques et dans des régions "rouges", adhérèrent, avec des délibérations officielles (prises à l'unanimité pour la plupart), et s'associaient aussi, comme proposants et promoteurs. Dans certains cas l'autorité tutoriale s'opposa et annula la délibération. Aux adhésions des Communes s'unirent des milliers de signatures de c
itoyens, dans ce qui fut probablement la première initiative de masse organisée par le Parti Radical. Il fut surprenant de découvrir parmi les signatures celle de Vittorio Vidali, le représentant "dur" du communisme des Années 30, encore à la tête - presque comme si c'était son fief personnel - de la Fédération du Parti communiste de Trieste.
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Le projet d'abolition de l'armée autrichienne, que le Sénateur social-démocrate et physicien pacifiste, Hans Thiring, a présenté au Parlement de son Pays, sollicite les responsabilités des forces démocratiques européennes.
En effet, le projet Thiring représente non seulement le premier projet de désarmement unilatéral total et contrôlé, avancé par une personnalité qui n'appartient pas à l'opposition dans un pays européen; s'il était réalisé, il n'aurait pas uniquement la valeur d'une indication et d'un exemple; mais, dans son articulation, il prévoit explicitement la participation et l'engagement des autres pays. Le projet du Sénateur social-démocrate requiert:
1) le consensus des 4 pays signataires du Traité de Paix (URSS, USA, Grande-Bretagne et France);
2) la garantie des Nations Unies, aux fonctionnaires desquelles devrait être confiée la tâche de contrôler les frontières du pays, placé sous la tutelle du Conseil de Sécurité;
3) l'accord avec les 6 pays limitrophes (parmi lesquels l'Italie) pour qu'ils s'engagent à retirer leurs troupes à une distance déterminée des frontières de la République Autrichienne.
Il appartient à présent au gouvernement et aux forces politiques italiennes, en ce qui les concerne, de répondre au projet, qui est actuellement à l'étude du gouvernement autrichien, en encourageant ainsi le premier projet de désarmement structurel qui ait été présenté jusqu'ici de manière responsable sur le continent européen.
Nous adressons par conséquent un appel à tous les partis démocrates pour que, répondant positivement au projet du Sénateur Thiring, ils créent les conditions pour la mise à exécution de la part de l'Italie des mesures que le projet prévoit. Cet appel est adressé aussi dans la conscience qu'une telle action pacifique commune représenterait une contribution indirecte mais importante au renforcement de l'amitié italo-autrichienne et à la solution des problèmes qui la concernent.
Il est nécessaire que l'opinion publique de notre pays prenne conscience de la réalité tangible et de la rigueur idéale que les thèses unilatérales sont en train de prendre chaque jour davantage comme pilastre pour la construction d'une société nouvelle, dans ses aspects, inséparables, nationaux et internationaux.
Le projet Thiring est né dans des conditions favorables qu'il n'est pas donné de relever actuellement dans d'autres pays européens.
Mais c'est aussi la première réponse radicale à la menace, chaque jour plus grave et pressante, venant de l'autoritarisme militaire de De Gaulle et de la France, du fascisme espagnol et portugais, des forces revanchardes et réactionnaires allemandes, avec le consentement fondamental des classes actuellement au pouvoir en Italie.
Toute opposition d'un soi-disant "réarmement démocratique" au réarmement gaulliste apparait en effet de plus en plus clairement comme fausse et renonciatrice. En définitive, dans l'un comme dans l'autre, ce sont les mêmes forces qui essayent de s'exprimer, d'imposer et de réaliser des vieilles méthodes et des vieilles structures, propres de la tragique et traditionnelle "politique de puissance".
Même les raisons humanitaires invoquées par le sénateur Thiring comportent une réponse politique, qu'on ne peut éviter, sans tomber dans une forme indéniable de refus substantiel.
La dissolution des forces humaines autrichiennes exiguës (moins d'un dixième des forces italiennes) comporterait la reconversion de près de 100 milliards de lires de dépenses annuelles improductives et dangereuses pour la paix et la démocratie vers des secteurs d'investissement et de promotion de progrès économique, social et civil. Le prestige énorme d'une décision de ce genre prise par l'Autriche fournirait au Pays une force morale et pratique infiniment plus grande que celle qu'il pourrait atteindre en se conformant au réarmement en cours dans le monde.
L'initiative du sénateur Thiring permet en outre de focaliser un des plus gros problèmes d'importance idéologique tout autant que pratique, que les deux types de sociétés qui se confrontent en ce moment dans le monde montrent ne pas savoir reconnaître.
C'est en effet à partir des sociétés communistes tout autant que capitalistes que le problème de l'abolition des structures militaires, comme pilastre de la société et de l'état, doit être posé par ceux qui considèrent que la réalisation d'une nouvelle société socialiste, à travers des méthodes et des structures de liberté de plus en plus radicales, ne peut plus être renvoyé indéfiniment.
Dans un tiers du monde au moins les forces militaires représentent surtout un instrument de pouvoir et, en définitive, de guerre civile.
Les démocrates italiens doivent répondre aux demandes explicites, tout autant qu'aux questions pressantes que le physicien Thiring adresse implicitement, avec sa proposition, pas uniquement à son pays.
En Italie ceux qui ne sont pas pacifistes, ceux qui manifestent aussi des opinion différentes que celles unilatéralistes et de renouvellement radical des structures de la société peuvent tomber d'accord sur l'opportunité d'aider et d'accélérer le cours de réalisation du projet Thiring.