par Marco PannellaSOMMAIRE: La CEI s'occupera de nouveau du divorce alors que nous continuons à affirmer que l'opportunité politique même conseillerait de ne pas entraîner l'Eglise dans une bataille qui ne la regarde pas, comme l'affirme aussi une revue proche du Cardinal Lercaro, "Il Regno". Pour le droit canon il est suffisant qu'un des deux conjoints ne croie pas à l'indissolubilité du mariage, ou qu'il n'ait pas l'intention de rester fidèle à l'autre conjoint ou bien qu'il n'ait pas voulu avoir d'enfants pour que le mariage soit déclaré nul. Cela prouve que nous avons beaucoup plus à coeur la famille que ne l'a à coeur l'Eglise, pour laquelle la plupart des mariages italiens devraient être déclarés nuls. Si une loi civile acceptait ces raisons, une législation civile ne pourrait pas les accepter.
(BATTAGLIA DIVORZISTA N. 5, mars 1967)
Au début du mois d'avril la Conférence Episcopale Italienne (1) (c'est-à-dire l'organisme qui dirige le clergé de notre pays) recommence à s'occuper du divorce.
Nous espérons que les cardinaux et les évêques se rendront au moins compte que l'opportunité politique même conseillerait de ne pas entraîner l'Eglise dans une bataille qui ne la concerne pas et dans laquelle elle serait nécessairement perdante. C'est ce qu'une revue proche du Cardinal Lercaro, "Il Regno", a essayé de leur faire comprendre: espérons qu'elle trouvera des oreilles plus attentives que celles qui ont ignoré jusqu'à présent nos avertissements.
En ce qui nous concerne, après un an d'activité, nous pouvons répéter ce que nous avons continué à dire dès le début: si notre mouvement pour le divorce s'organise, si chacun accomplit son devoir, nous aurons très vite le divorce. Si les dix mois qui nous séparent de la fin de ces cinq années parlementaires ne suffiront pas (et elles pourraient suffire!), peu d'années, très peu d'années seront suffisantes: le jour même de l'inauguration de la nouvelle législature nous représenterons le projet de loi Fortuna (2), et nous ferons en sorte qu'il y ait beaucoup plus de députés décidés et sûrs qu'aujourd'hui. Prenons-en, dès à présent, l'engagement.
Les objections et les obstacles qui nous sont opposés tombent chaque jour. Les arguments de nos adversaires se sont très vite dissous, avec la même rapidité avec laquelle ils étaient avancés. Cela prouve encore une fois que sans raisons, sans convictions, on ne peut gagner aucune grande bataille politique, ni réussir à créer une barrière contre le progrès.
Ils avaient d'abord affirmé que nous n'étions que quelques anticléricaux et séparés, incapables de nous résigner à une condition qui était présentée comme nécessaire et insurpassable; aujourd'hui même les statistiques faites par des organisations catholiques affirment que parmi les femmes catholiques qui travaillent dans le Nord de l'Italie, près de la moitié sont favorables à la réforme que nous défendons.
Ils avaient soutenu l'inconstitutionnalité du projet de loi Fortuna: la Commission Affaires Constitutionnelles de la Chambre des Députés coupe court à cette thèse. Ils avaient essayé de mettre en question la foi religieuse du partisan du divorce et dans les milieux mêmes de l'Eglise on a senti le besoin de rappeler que les actes du Concile, l'attitude des catholiques dans le monde entier, la recherche théologique elle-même ne permettaient pas cette misérable falsification dont on a abusé. Ils continuent, il est vrai, à affirmer que nous voulons détruire la famille, et non à limiter par contre les dégâts qui viennent de la mort irrémédiable de tant de liens familiaux. A ce point il vaut peut-être mieux dire à nos adversaires quelques mots clairs et quelques vérités, toutes amères et cruelles qu'elles soient.
Ils prétendent discuter de la valeur du projet de loi Fortuna: c'est leur droit, et nous sommes bien heureux qu'ils soient obligés de le faire, après avoir suffoqué pendant des décennies tout débat à ce propos. Mais eux-mêmes, que proposent-ils? Quelles sont leurs vraies positions en thème de mariage et de famille? En général, ils en parlent peu, se contentant d'attaquer nos propositions. Allons contrôler alors ce que nous dit le droit canon. Tous ceux qui peuvent prouver que, au moment du mariage, ils ne croyaient pas à son indissolubilité, ou qu'ils n'entendaient pas rester fidèles à leur conjoint, ou qu'ils n'auraient pas voulu avoir des enfants, peuvent obtenir l'annulation: ce mariage, pour l'Eglise, n'a jamais existé.
Combien d'hommes, en Italie, se sont mariés avec la ferme volonté de rester toujours fidèles à leur femme?
Combien de personnes, en se mariant, considéraient injuste et impossible le divorce, et étaient décidés à ne pas l'invoquer au cas où la loi l'aurait permis? Combien d'autres, pour les raisons les plus diverses et les valables, ne se sont pas mariées en excluant ou de toute façon en ne voulant pas avoir d'enfants?
Chacun peut répondre facilement à ces questions. Mais la conséquence est de toute façon la suivante: pour le droit canon, la plupart des mariages italiens sont nuls ou n'ont pas eu lieu. Peu importe, en effet, au droit de l'Eglise (mais le "droit" attribué souverain de l'Etat qu'a-t-il à voir avec la foi, avec la religion?) que des enfants soient nés ensuite, que la progéniture ait des droits, que l'on peut créer ainsi des tragédies, et justement pour le conjoint non-coupable et en règle tant avec la loi humaine qu'avec la loi "divine": si ce jour-là, à cette heure-là, tu as montré en quelque sorte de ne pas croire à l'indissolubilité, de ne pas vouloir être à tout prix fidèle, de ne pas vouloir d'enfants, tu es libre, tu n'as pas de famille, parce que ce mariage n'a jamais existé. Tout de suite après, si seulement tu le veux, tu pourras convoler en justes noces. Que le conjoint, les enfants, s'arrangent.
Si un député quelconque nous proposait une loi qui acceptait dans notre législation les raisons de nullité prévues par le droit canon, je pourrais affirmer (quel que puisse être le degré de tiédeur que l'on a par rapport à l'exaltation systématique de la famille) que nous nous trouverions face à un chaos d'irresponsabilité criminelle. Au député Fortuna qui nous propose des cas de dissolution qui sont beaucoup moins amples que ceux qui sont reconnus, par exemple, et pratiqués par l'Eglise Catholique orthodoxe, sur la base des saintes écritures, on ose ensuite reprocher, peut-être même devant les juges de la Rote qui connaissent bien ces choses-là, son initiative juste, moderne, nécessaire et humaine.
SOIF DE POUVOIR TEMPOREL
Que les cléricaux qui prétendent encore utiliser la religion pour garder au Vatican la juridiction civile sur les fidèles, et pas uniquement sur eux, arrêtent donc d'évoquer le salut de la famille comme prétexte pour leur soif de pouvoir temporel et pour leur vieille hostilité contre l'Etat et ses lois.
Qu'ils s'occupent, plutôt, de ce qui les regarde, et qu'ils ne traînent pas la foi religieuse dans des aventures si téméraires et si injustes.
Ces derniers jours, monseigneur Pericle Felici a été chargé de s'occuper de la réforme des droits canons. Nous lui conseillons donc humblement de s'occuper de cette partie qui concerne le droit familial vatican. Il faut une réforme pour défendre la famille. Mais la meilleure solution, la plus logique, serait peut-être celle de renoncer à avoir un droit positif vatican et ecclésiastique sur la famille et sur les mariages. Jusqu'à nouvel ordre, en effet, le clergé, vus les voeux solennels de chasteté auxquels il est tenu, ne peut être intéressé à ce sujet; et les catholiques du monde entier sont avant tout des citoyens qui ont les lois de leurs pays, auxquelles ils doivent uniquement obéissance et desquelles uniquement ils peuvent voir défendue leur personnalité civile et leurs droits en thème de mariage et de famille.
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N.d.T.
1 - CEI. Sigle de la Conférence Episcopale Italienne, l'organisme qui réunit les évêques italiens.
2 - FORTUNA LORIS. (Breno 1924 - Udine 1985). Homme politique, italien. Présentateur, en 1965, du projet de loi sur le divorce approuvé au parlement, après des années d'initiatives et de batailles menées aux côtés du Parti radical, en 1970. Présentateur également de projets de loi sur l'avortement et sur l'euthanasie passive (mais ce dernier n'est pas passé). Ministre de la Défense civile et des affaires communautaires.