par Marco PannellaSOMMAIRE: A l'occasion de la campagne pour les élections régionales de 1971, Marco Pannella rappelle qu'il a essayé de convaincre les radicaux, les partisans du divorce, etc, à mener une "campagne d'abstention publique et motivée"; mais les camarades qui brûlèrent publiquement leur bulletin électoral "ne furent pas plus de cinquante". Par la suite, en à peine plus d'un an, sur les sujets d'intérêt laïque-radical des événements très graves ont eu lieu [Pannella en dresse soigneusement la liste dans une "lecture historique, riche et intéressante, n.d.r.] qui marquent un recul important des réformes, et une reprise revanchiste du cléricalisme contre toute nouveauté - même ecclésiale - qui se manifeste dans le pays. La Démocratie Chrétienne, le Parti communiste et le Parti socialiste ont "voté ensemble" plus de 75% des lois approuvées dans la Législature, et ils proposent à présent une même ligne sur le Concordat, sur le divorce et même sur "comment faire tomber les lois fascistes" (c'est-à-dire, "pas de référe
ndum abrogatif"). Depuis Malagodi jusqu'à Valori, dans ces élections tout le monde propose la ligne "Bozzi-Carettoni". A son tour la Démocratie Chrétienne a favorisé le Parti communiste en empêchant le "Manifesto" de se présenter aux électeurs et le Parti communiste a remercié en fermant un oeil sur l'exclusion du MPL. Entre-temps, à travers la RAI-TV, une vague "anti-féministe et anti-divorce" s'est abattue sur le pays. A ce point, Pannella se demande et demande s'il n'aurait pas mieux valu brûler les bulletins l'année précédente et s'il n'est pas opportun, en tant que "laïques", de le faire aujourd'hui: les réformateurs, les laïques, les libertaires doivent désormais "faire éclater le scandale" contre le "massacre" de la constitution et du droit qui est accompli. Comme Mellini l'a expliqué, "voter est un droit", pas une obligation"; du reste en France aussi, Mitterrand est pour l'abstention au référendum convoqué par Pompidou: "ne pas jouer avec les tricheurs!" vaut en France aussi, où pourtant l'informati
on publique est infiniment plus libérale qu'en Italie.
Les radicaux, en courant même le risque de devoir se présenter, avaient "proposé des listes communes et un accord politique" au "Manifesto". l'accord a été refusé. Dans ces conditions, il faudra aller à l'abstention du vote: avec une seule exception, le soutien accordé à Udine, "pour la LID", à Fortuna, ainsi qu'à G. Albani, Scalfari, Bonea, etc., et à tous ceux qui adhéreront "aux requêtes minimales de la Ligue".
(»SOCIALISMO '70 , janvier 1972)
Il y a moins d'un an, en juin 1970, à l'occasion des élections régionales, nous essayâmes de convaincre des amis et des camarades radicaux et de la LID (1) de l'opportunité d'une campagne d'abstention publique et motivée, comme instrument de lutte valable contre la ligne désormais évidente, néo-concordataire et de classe, subalterne et manquant de toute volonté d'alternative, des directions des partis laïques et de gauche à l'égard du régime.
Les camarades qui brûlèrent leur bulletin dans la manifestation à la fin de la campagne, sur le place Navone, ne furent pas plus de cinquante. Je voudrais demander aujourd'hui, à ceux qui furent convaincus alors d'avoir mieux choisi en votant, ce qui reste de leur "concret", de leur réalisme.
Ils ont voté pour la plupart, probablement, pour le Parti socialiste, pour le Parti communiste et pour le PSIUP (2); certains ont voté pour la gauche libérale ou pour les républicains.
En à peine plus d'un an, sur les sujets qui nous intéressent, nous avons eu l'absence de tout engagement pour empêcher la récolte des signatures pour le référendum abrogatif de la loi Fortuna (3); la motion Andreotti (4) pour la confirmation du Concordat (5) (que cinq parlementaires laïques seulement n'ont pas voté); l'abandon de la question préjudicielle que, au nom et pour le compte des Ligues et du PR, Scalfari (6) et soixante autres parlementaires avaient traduit en projet de loi, contre la possibilité même de présenter le référendum; l'attaque aveugle, dans les partis et à l'extérieur, contre la LID, les radicaux, les minorités laïques, socialistes, communistes, libérales; la longue opération-escroquerie Bozzi-Bufalini-Carettoni pour éviter le référendum en abrogeant au parlement la loi Fortuna; le refus (unanime) d'opposer une candidature "laïque" à Fanfani (7), et ensuite à Leone (8)", auxquels les gauches officielles opposaient en réalité non pas De Martino (9) ou Nenni (10), mais Moro (11) ou Zaccag
nini (12); l'accueil des thèses du "parti de la crise" avec la dissolution anticipée des Chambres, pour éviter à la Démocratie Chrétienne (13) et à l'Eglise un échec au référendum, et la proposition victorieuse au pays d'un front laïque alternatif au régime; l'acceptation de l'imposture constitutionnelle du gouvernement d'un seul parti, celui d'Andreotti - cabinet personnel du nouveau Président - contre le gouvernement légitime de centre-gauche, qui était le seul à pouvoir conduire le Pays aux élections n'ayant pas essuyé un refus de confiance du parlement, exprimé par contre sur le gouvernement en charge; pour finir, l'opération massive d'anéantissement tentée contre les rares députés laïques des divers partis: contre Albani, Scalfari, Bonea, Gullo, Mussa Ivaldi, Brizioli, outre que contre Fortuna - sans parler de la honte de l'exclusion substantielle du "Manifesto" (14) et du "mouvement Politique des Travailleurs" de la campagne électorale, outre que du Parti Radical et de toute nouvelle force éventuelle,
moyennant le séquestre de l'information publique, écrite et parlée, de la part du régime. Dans le silence général, toutes les forces émergentes de la dissension radicale des croyants ont été massacrées, en faisant descendre un voile de silence et de déformation, de terrorisme idéologique et politique sur les prises de position de plus en plus politiques de Communautés comme celles de l'Isolotto ou d'Oregina, ou des centaines d'autres qui sont partout au travail en Italie.
Des positions comme celles de "Questitalia", des personnes comme Wladimiro Dorigo ont été soumises, unanimement, à l'ostracisme. La Démocratie Chrétienne, le Parti communiste et le Parti socialiste, non contents d'avoir voté ensemble, sous nos yeux désormais aveugles ou résignés, plus de 75% des lois approuvées dans cette législature, se sont retrouvés d'accord et nous proposent fondamentalement une "même ligne politique" sur le Concordat, sur le référendum, et même sur le divorce; tout autant que sur les méthodes et les instruments à utiliser pour faire tomber les lois fascistes. La révision du Concordat, c'est-à-dire une "confirmation"; pas de référendum populaire mais un dépassement parlementaire de la loi Fortuna; pas de référendum abrogatif des lois fascistes. On pourrait aller plus loin dans les analogies, mais avec peut-être des excès et des polémiques faciles. Les groupes extraparlementaires, pour les camarades actuellement à la tête du Parti communiste, ne doivent pas encore être tous déportés et ex
ilés; et il ne faut pas les confondre (encore) avec les voyous d'Almirante (15): mais c'est tout de même de la "vermine" pour Longo (16), des provocateurs et des ennemis pour Pajetta (17); mieux vaut pour nous que, pour l'instant, ni l'un ni l'autre ne soient ministres. Les critiques que nous pourrions faire sont encore nombreuses; sauf une: désormais depuis Malagodi (18), La Malfa (19), De Martino jusqu'à Berlinguer (20) et Valori, tous se proposent avec clarté, au corps électoral, sur la ligne Bozzi-Carettoni ou, si l'on préfère, sur la ligne Andreotti. Nous les avons obligés à cette clarté, avec notre action de Parti et de Ligues.
C'est sur cette ligne qu'ils sollicitent le suffrage; contre les extrémismes opposés clérical et anticlérical, totalitaire et libertaire (une "drogue" elle aussi à combattre sans réserve, pour Berlinguer), militariste et antimilitariste, la classe dirigeante qui s'est constituée en régime est solidement unie et solidaire. La Démocratie Chrétienne a évité au Parti communiste une véritable concurrence dangereuse à gauche, empêchant que "Il Manifesto" put se faire écouter, au moyen de la TV, des électeurs communistes; le Parti communiste a rendu la politesse, en acceptant le bâillon pour le MPL. Tous ont été d'accord pour faire l'unanimité de régime y compris le MSI (21), reconnaissant un double temps de télévision aux listes de la Droite Nationale d'Almirante et Covelli.
Personne ne proteste et n'a protesté pour la vague de véritable terrorisme anti-féministe et anti-divorce qui est en train de s'abattre de la RAI-TV sur le pays, utilisant des émissions fort populaires comme "Chiamate Roma 3131", sur les thèmes de l'avortement et de la famille, avec une arrogance scandaleuse explicite dans le passé dans les brèves émissions de quelques pères Rotondi. Les Ligues, celle du divorce, celle contre le concordat, celles de libération de la femme ou pour l'objection de conscience, n'ont plus une seule possibilité de se défendre; et la presse de régime, publique et "privée", indépendante et de parti, suit elle aussi, à présent, cette consigne.
Je cherche anxieusement par conséquent, mais inutilement, une trace quelconque des résultats du "réalisme" de nos camarades toujours effrayés devant la désacralisation de la liturgie électorale. Je n'en trouve pas. Je leur demande, aujourd'hui, de me dire si en réalité ils n'ont pas mérité, et nous avec eux, ce que j'ai illustré ci-avant et, bien plus, dans le temps, la croissance de la révolte "à droite" contre "ce type" de démocratie, contre "ce type" de gauche, contre cette façon d'être "antifascistes", contre le témoignage de cynisme et de corruption, d'incapacité et de désolation que la gauche bureaucratique, pro--cléricale, respectueuse et "concrète" a fourni et proposé des idéaux que nous avons et que nous devrions défendre en commun. Je leur demande s'ils excluent vraiment aujourd'hui que si, lorsque nous le conseillâmes (à l'occasion d'élections régionales, c'est-à-dire dans une occasion qui n'avait pas une importance électorale et législative fondamentale), nous avions brûlé sur les places ou de to
ute façon refusé quelques milliers de certificats électoraux, et montré ainsi que des gens de la gauche laïque, libertaire, nonviolente, ne peuvent pas continuer à voter pour des partis, nominalement de gauche et laïques, mais engagés dans des programmes et des objectifs contraires à leurs idées; si nous avions, je disais, fourni "alors" cette preuve, ne serions-nous pas "aujourd'hui" face à cette nouvelle requête, qui n'est pas celle de signer une traite "en blanc" au Parti communiste ou au Parti socialiste ou au PSIUP, mais d'en signer une sur laquelle il est clairement écrit que nous nous engageons à soutenir, nous les premiers, "tous" les frais d'une politique que nous considérons suicide et erronée?
Mais sommes-nous des "laïques", ou des "clercs" d'"églises" plus ou moins de parti?; sommes-nous des gens qui croient au dialogue, aux idées, aux comportements, ou des masses de fidèles ou de sujets ou, plus exactement, d'esclaves qui remercient leur maître, même lorsqu'ils en reçoivent des coups de pied et de la faim?
Croyons-nous à la possibilité de proposer le "jeu démocratique", à la possibilité de sa manifestation concrète comme moyen de confrontation civile, ou sommes-nous des obsédés du "jeu politique"?
Je comprends, à la limite, les camarades de la gauche extraparlementaire qui, convaincus que la démocratie ne peut être rien d'autre qu'escroquerie et instrument de classe, camouflage d'une violence fondamentale qui ne laisse pas d'autre possibilité de réponse pour son "utilisation" pour mieux l'attaquer et l'éliminer, je comprends ces camarades lorsqu'ils considèrent ingénu et erroné - sur des positions de gauche révolutionnaire - de veiller à défendre l'espoir démocratique, la confiance qu'une confrontation honnêtement démocratique est possible, comme seule alternative à l'affrontement armé et à la dictature d'une partie contre une autre.
Mais que des camarades - qui croient avec nous que par contre l'hypothèse démocratique concrète est une conquête "historique et révolutionnaire" payée par des décennies et des décennies de luttes populaires des masses de travailleurs et que la droite "doit" chercher sans cesse de l'éluder, de la tromper, de l'annuler, de l'administrer, de la "faire sienne" (au sens littéral, la réduire à une chose qui lui appartient) - ne sentent pas le scandale, et l'urgence de faire éclater le scandale, contre le massacre que le régime a fait de constitution, d'institutions, de méthodes, de devoirs, de mécanismes élémentaires démocratiques; que ces camarades renoncent à se constituer en minorité dure et rigoureuse de démocrates radicaux, d'"ultras de la démocratie", si vous voulez, je peux même le comprendre. Mais je crains que ce même effort de compréhension, à l'égard de ceux qui s'abstiennent, n'est pas fait ou n'est pas suffisamment fait.
Mauro Mellini, dans le dernier numéro de "Nouvelles Radicales" a fait justice en quelques phrases des nombreux lieux communs qui semblent constituer un élément toujours présent dans les positions contre l'abstention électorale. Je ne les répéterai pas ici. Mais, comme il l'écrit, voter est un "droit" et non une "obligation": du moins partout où cela a un sens démocratique et non plébiscitaire. Husak, à Prague, a certainement des pourcentages "italiens" ou russes dans ses élections. Alors que dans tous les pays où l'hypothèse démocratique et le moment du suffrage universel ont une certaine crédibilité et une fonction réelle, de la Suède à l'Angleterre, l'abstentionnisme est répandu et libre; il est considéré comme un phénomène physiologique et non pathologique de la vie civile. Preuve, et confirmation, d'une plus grande ou plus faible popularité, du degré de consensus et de participation, d'adhésion de la "politique" aux problèmes réels ressentis par les consciences des citoyens. Et ce sont pourtant des pays
où, dans les moments électoraux, ce peu de pouvoir qui passe réellement dans les sociétés modernes et industrielles à travers le Parlement et le Gouvernement, est vraiment en jeu. Les travaillistes demandent des suffrages pour évincer les conservateurs pendant cinq ans, de chaque "salle des boutons" institutionnelle, législative, exécutive, parfois aussi judiciaire; et vice-versa. alors qu'ici chez nous, tout le monde demande à droite et à gauche, des voix pour mieux collaborer - ou conditionner dans la collaboration - avec le parti de régime, de l''unité et de la force duquel tout le monde s'occupe et s'inquiète, le Parti communiste en premier lieu...
Dans des conditions différentes, le lynchage de l'abstentionnisme est également en cours en France. Un radical-socialiste devenu aujourd'hui un authentique socialiste radical, Mitterrand, a amené le Parti socialiste à se prononcer pour l'abstention (et pas uniquement pour un bulletin blanc) au référendum convoqué par Pompidou sous prétexte d'une approbation populaire de l'élargissement de l'Europe des Six. Ils soutiennent que le référendum est un prétexte et qu'il est trompeur dans son contenu; car avec lui le régime essaye non pas de laisser au peuple une décision (désormais prise et irréversible) mais d'être plébiscité et de créer des coalitions artificieuses. La même position a été prise par le PSU de Rocard, auquel pour beaucoup d'aspects nous sommes ou nous avons été très proches, et par tous les mouvements extraparlementaires de gauche.
Quel est le slogan du P.S.? "Ne jouez pas avec les tricheurs!". La démocratie pour des socialistes et des révolutionnaires (je ne dis pas, par là, que Mitterrand le soit) est un jeu difficile, grave, précieux ou alors - vraiment - elle devient une escroquerie et une arme "contre" les démocrates. Elle doit donc être défendue et conquise chaque jour, et non vécue - et tuée - comme une habitude.
Et pourtant, la France gaulliste a toujours affiché davantage de "libéralisme" - en matière électorale et de respect de l'information et de la propagande - que celui qu'ont montré en Italie non seulement la DC, Bernabei et ses esclaves pseudo-socialistes à la Paolicchi et à la Manca, mais ses commissions parlementaires de contrôle, c'est-à-dire la DC, le PCI, le PSI, le PSIUP, le PLI et le MSI. Nous le répétons (inutilement?) depuis des années: De Gaulle et Barbus, Pompidou et Krivine ont eu le même temps "électoral" à la TV française; alors que la pluralité de chaînes de radio a toujours assuré aux minorités un droit important de participation et de propagande.
Certains gens bizarres, comme l'Union des communistes, ont tout de même décidé de "se présenter" aux élections et l'ont fait dans presque toutes les circonscriptions électorales. ils se sont autrement dit "présentés" non pas aux élections (où ils n'auraient peut-être rien eu à dire) mais à eux-mêmes, avec pour miroir les affiches électorales des communes dans lesquelles seront enregistrées toutes les listes de candidats. Je ne conteste pas que, à leur niveau, cela représente déjà un résultat, révolutionnaire, mais nous ne sommes pas l'Union des communistes. Mais il y a par contre, et il y a vraiment, "Il Manifesto".
Nous avons proposé des listes communes et un accord politique. L'un et l'autre nous ont été refusés. Je ne m'en plains pas. Je considérais et je considère une erreur, pour une force de vraie "nouvelle" gauche révolutionnaire et libertaire, le fait d'avaliser cette épreuve électorale comme si elle était démocratique et loyale, et non une escroquerie. Je considérais et je considère que "Il Manifesto" se propose, qu'il ne veut et ne peut proposer pour l'instant rien d'autre que la création d'un nouveau Parti Communiste Italien, plus honnête, plus militant, plus intransigeant, plus propre, plus laïque, aussi, et tolérant; c'est un mouvement léniniste et jacobin, fortement idéologique, visant à disputer au Parti communiste la direction des "vrais" communistes.
C'est, à ce jour, un parti d'intellectuels et d'étudiants visant à gagner des mérites et des titres ouvriers: une ambition et une réalité que je considère positives et fertiles, aujourd'hui, en Italie; mais je crains qu'avec la question préjudicielle communiste et léniniste elle restera une force d'extrême minorité parmi les étudiants et les ouvriers et que, dans le travail ardu de se constituer en mouvement organisé et de parti, trop de méfiances et d'hostilités anti-libertaires et anti-laïques aujourd'hui déjà présentes seront renforcées et s'affirmeront au sommet.
Ça pouvait être différent. Théoriquement, d'autres choses peuvent se passer. C'est pourquoi j'ai été d'accord que le PR proposât une rencontre politique, quitte à participer même aux élections, dans cette phase délicate pas uniquement de la vie nationale mais du développement de cette formation. Les choses se sont passées comme elles se sont passées. "Pour l'instant", il ne reste qu'à en prendre acte. Seuls des camarades qui donnent déjà pour sûre, dans leur for intérieur, ou inconsciemment, la fermeture (et non la relance ou une nouvelle "création") du Parti Radical, auraient pu lui demander de se qualifier comme une force politique subalterne à "Il Manifesto".
Nous sommes certains, et ça ne date pas d'aujourd'hui, que seule une position socialiste libertaire, antimilitariste, anticléricale, est en mesure de constituer une alternative historique au régime et au système. Car laïques, nous sommes nonviolents et démocratiques. Ce que nous espérons possible de construire comme société, doit déjà vivre aujourd'hui dans nos luttes et dans nos organisations. Nous savons que la réalité politique est dramatique, et parfois tragique, comme tout ce qui est vivant: l'erreur la plus grave, me semble-t-il, est celle de nous tuer nous-mêmes, de suffoquer en nous ce que nous savons et croyons.
Le régime veut nous exclure, et il y réussit, de ses compétitions officielles. D'aucuns, avec lesquels nous partageons des jugements et des comportements, acceptent ces jeux.
Dans ces conditions il me semble peut-être opportun ou juste de ne pas permettre d'illusions, d'ardeurs, d'évasions - pour ceux qui partagent l'espoir de créer en Italie une "nouvelle gauche". Mais, surtout, je tiens à dire aux camarades qui nous critiquent de partout qu'ils ne m'ont pas convaincu. Qu'avec mes doutes, avec mes contradictions, je n'ai ni l'envie ni l'espoir de les convaincre. Que pour cela aussi, avec humilité, ayant conscience de mes contradictions, constatant que si "le système" n'a peut-être pas réussi tout à fait à nous mettre en pièces ou à me mettre en pièces, il réussit du moins à m'obliger à une dissociation difficile et douloureuse (ou, si vous voulez, à une schizophrénie politique), non seulement j'irai soutenir le vote dans le seul cas prévu et diffusé par le Parti (dans le Frioul, pour Loris Fortuna) mais - pour la LID - je le ferai à Milan pour Scalfari, pour Bonea à Lecce, pour Albani, Basso, et tous ceux qui adhéreront aux requêtes minimales de la Ligue et qui me le demanderont
. Avec davantage de conviction j'essayerai d'attaquer les drapeaux sordides du clérico-frontisme des Bozzi, des Carettoni, des Manca. Puis, en attendant désormais que les nombreux camarades "réalistes" et "concrets", décident "concrètement" aussi que leur "caractère concret" et leur "réalisme" veulent qu'ils continuent à se comporter comme des grégaires et de clercs d'autres églises, même s'ils sont pleurnichards et blasphèmes, au lieu de s'associer librement et responsablement - au moins à un millier - dans le Parti Radical; en attendant - je disais - la leçon suivante (que désormais, pour ma part je suis bien décidé à accepter, si elle nous sera donnée), je refuserai celle qu'on est encore en train de nous donner et le 7 mai je m'abstiendrai, tranquillement, de voter.
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N.d.T
1 - LID. Sigle de la Ligue Italienne pour le Divorce. Fondée en 1965 par Marco Pannella, Mauro Mellini, Loris Fortuna (député socialiste) et Antonio Baslini (député libéral), elle organisa les forces en soutien de l'introduction de la loi présentée par les deux parlementaires, en misant surtout sur les énergies des séparés et de ceux qui avaient la nécessité de résoudre leurs problèmes familiaux. Elle eut un rôle essentiel dans la mobilisation des divorcés et des militants qui permirent l'introduction de la loi en Italie. Ce fut le premier exemple, en Italie, d'un organisme né autour des thèmes des droits civils. Fédérée au Parti radical.
2 - PSIUP. Parti socialiste maximaliste, né d'une scission des courants de gauche du Parti socialiste italien (PSI) en 1964, et dissout en 1972.
3 - FORTUNA LORIS. (Breno 1924 - Udine 1985). Homme politique, italien. Présentateur, en 1965, du projet de loi sur le divorce approuvé au parlement (loi Fortuna), après des années d'initiatives et de batailles menées aux côtés du Parti radical, en 1970. Présentateur également de projets de loi sur l'avortement et sur l'euthanasie passive (mais ce dernier n'est pas passé). Ministre de la Défense civile et des affaires communautaires.
4 - ANDREOTTI GIULIO. (Rome 1919). Représentant de la Démocratie Chrétienne. Secrétaire de A. De Gasperi, il commença très tôt, comme Sous-secrétaire à la Présidence du Conseil, une carrière ministérielle ininterrompue: Intérieur (1954), Finances (1955-58), Trésor (1958-59), Défense (1959-66), Industrie (1966-68), Budget (1974-76). Président du Conseil de 1972 à 1973, puis de 1976 à 979, et de 1990 à 1992.
5 - CONCORDAT. L'art. 7 de la Constitution italienne reconnaît et "constitutionnalise" le Concordat entre l'Etat et l'Eglise signé en 1929. Il fut voté à l'Assemblée Constituante par Togliatti et le Parti communiste avec l'opposition des socialistes, du Parti d'action, etc. Le Concordat fut renouvelé, sous une nouvelle formulation, en 1984 (gouvernement Craxi).
6 - SCALFARI EUGENIO. (1924) Journaliste italien. Directeur de "L'Espresso" (66-68), fondateur et directeur du quotidien "La Repubblica" depuis 1976.
7 - FANFANI AMINTORE. (Arezzo 1908). Homme politique italien, professeur d'histoire de l'économie, personnalité éminente de la Démocratie Chrétienne, dont il fut secrétaire de 1954 à 1959 et ensuite de 1973 à 1975 en lui imprimant une forte empreinte corporative avec l'utilisation de l'industrie publique comme volant du développement économique. Chef du gouvernement (1958-59); 1960-62; 1982-83), ministre des Affaires étrangères à plusieurs reprises, président du Sénat de 1958 à 1973 et ensuite de 1976 à 1982.
8 - LEONE GIOVANNI. (Naples 1908). Président du Conseil (1963-68) et ensuite de la République (1971-78), il fut obligé de démissionner après avoir été impliqué dans le scandale Lockheed, et suite au référendum sur le financement des partis organisé par le Parti radical.
9 - DE MARTINO FRANCESCO. (Naples 1907). Historien du droit, professeur d'université, homme politique. Secrétaire du Parti socialiste italien (PSI) de 1964 à 1966 et de 1972 à 1976. Il organisa la brève expérience du Parti socialiste unifié (PSU) grâce à la fusion avec le Parti social-démocrate italien. Vice-président du conseil (1968-72). Après l'échec électoral de 1976 il fut remplacé par Bettino Craxi, lors des célèbres réunions à l'hôtel "Midas" de Rome.
10 - NENNI PIETRO. (Faenza 1891 - Rome 1980). Homme politique, italien. Au début républicain, et puis socialiste à partir de 1921. Directeur du quotidien du parti, "L'Avanti", exilé en France, en 1930 il fut l'artisan de la réunification des courants socialistes et, en 1934, du pacte d'unité d'action avec le Parti communiste italien (PCI). Secrétaire du PSI en 1943, et de 1949 à 1964, vice-président du conseil (1945) et ministre des Affaires étrangères (1946-47). Partisan de l'accord organique avec le PCI, il subit l'échec électoral de 1948. Prix Lénin de la paix, il assuma graduellement une position autonomiste, et dans les années 60 il se battit pour un gouvernement de centre-gauche avec la DC (Démocratie Chrétienne); avec le centre-gauche il fut vice-président du Conseil (1963-68) et ministre des Affaires étrangères (1968-69). Il a été nommé sénateur à vie en 1970.
11 - MORO ALDO. (Maglie 1916 - Rome 1978). Homme politique italien. Secrétaire de la Démocratie chrétienne (1959-65), artisan de la politique de centre-gauche. Plusieurs fois ministre à partir de 1956. Président du Conseil (1963-68, 1974-76), à partir de 1976 président de la Démocratie chrétienne, il préconisa le rapprochement du Parti communiste italien (PCI) au gouvernement, traçant l'hypothèse d'une "troisième phase" (après celles du "centrisme" et du "centre-gauche") du système politique. Enlevé par les Brigades Rouges à Rome, le 16 mars 1978, il fut retrouvé mort le 9 mai de la même année.
12 - ZACCAGNINI BENIGNO (1912) Homme politique italien. Ministre du travail (59), ministre des travaux publics (60-62), président (69-75) et secrétaire (75-80) de la Démocratie chrétienne.
13 - DEMOCRATIE CHRETIENNE (DC). Parti italien d'inspiration chrétienne/catholique. Constitué sous ce nom dans l'après-guerre recueillant l'héritage du Parti Populaire qui avait été fondé dans le premier après-guerre par un prêtre sicilien, don Luigi Sturzo. Après les élections de 1948, dans le climat de la guerre froide, la DC devint le parti de majorité, s'approchant certaines fois de la majorité absolue. Composant central de tout gouvernement, elle a détenu le pouvoir sans interruptions pendant un demi siècle conditionnant fortement le développement de la société italienne. Aux élections de 1992, pour la première fois, elle est descendue sous la barre des 30% des suffrages. La DC a changé de nom en 1994, donnant naissance au PPI (Parti Populaire Italien) et au CCD (Centre Chrétien-démocrate).
14 - IL MANIFESTO. Mensuel (et mouvement politique) fondé en 1969 par des représentants du Parti communiste (A. Natoli, R. Rossanda, L. Pintor, L. Magri, etc) expulsés par la suite. En 1971, le périodique se transforma en quotidien de soutien à des formations extraparlementaires d'inspiration communiste.
15 - ALMIRANTE GIORGIO. (Salsomaggiore 1914 - Rome 1988). Secrétaire du MSI, Mouvement Social Italien (le parti de droite qui se considérait l'héritier du fascisme) de 1969 à 1987.
16 - LONGO PIETRO. (Rome 1935). Homme politique italien, secrétaire du Parti social-démocrate italien (PSDI) à partir de 1978, il abandonna le secrétariat et la politique à cause des gros scandales dans lesquels il était impliqué.
17 - PAJETTA GIANCARLO. (Turin 1911 - Rome 1990). Homme politique, italien. Arrêté très jeune, il resta longtemps dans les prisons fascistes. Représentant de premier plan du Parti communiste italien (PCI), député à la Constituante et dans toutes les législatures.
18 - MALAGODI GIOVANNI. (Londres 1904 - Rome 1991). Secrétaire du Parti libéral italien (PLI) de 1954 à 1972. Modéré.
19 - LA MALFA UGO. (Palerme 1903 - Rome 1979). Homme politique, italien. Parmi les fondateurs du Parti d'Action (1942), il adhéra ensuite au Parti républicain (1948) en transformant sa physionomie, pour essayer d'en faire le parti libéral moderne lié aux forces de production. Il fut son secrétaire de 1965 à 1975, et ensuite son président. Plusieurs fois ministre et vice-président du Conseil (1974-76). Un des pères de la libéralisation du commerce dans l'après-guerre.
20 - BERLINGUER ENRICO. (Sassari 1922 - Padoue 1984). Homme politique italien. Député à partir de 1968, secrétaire général du Parti Communiste Italien (PCI) de 1979 jusqu'à sa mort. Après la crise et l'assassinat d'Allende il fut partisan du "compromis historique", qui amena de 1976 à 1979 à la "majorité dite du non-refus de confiance", la plus haute réalisation de la stratégie de Togliatti pour un accord organique avec la Démocratie Chrétienne. C'est à lui qu'appartînt le projet de donner vie à
l'"Eurocommunisme", une tentative de projeter en occident un réformisme qui ne reniât pas tout à fait l'expérience communiste.
21 - MOUVEMENT SOCIAL ITALIEN (MSI). Parti fondé en 1946 par quelques anciens fascistes, actifs surtout durant la République Sociale Italienne, qui s'opposa aux forces alliées et au gouvernement légitime en collaborant avec les allemands (1943-45). En 1972, il absorba le Parti d'Union Monarchiste (PDIUM) et changea son nom en MSI-Droite Nationale. Secrétaires: Giorgio Almirante (1946-50 et ensuite à partir de 1969), A. De Marsanich (1950-1954), A. Michelini (1954-1969), Pino Rauti et Gianfranco Fini.