SOMMAIRE: Texte de la motion approuvée par la direction nationale du PR. On déplore l'élection à la présidence de la République d'une personnalité "cléricale", on souligne la façon dont les partis soi-disants laïques restent "fondamentalement subalternes à la stratégie globale du monde clérical", alors que les sondages montrent que la grande majorité des "croyants et des non-croyants" considère la loi Fortuna-Baslini comme une loi "adéquate, civile et juste". Au cas où la Cour Constitutionnelle le considérera "légitime" le référendum devra avoir lieu, repoussant "toute tentative de l'éviter", en ayant même recours à des "élections anticipées". Le parti devra s'employer de toute façon "pour préparer la présentation... de ses propres listes". Les organes dirigeants du parti sont engagés par ailleurs à atteindre "mille inscrits" et au moins "20 millions de bilan annuel". Sur le thème de l'antimilitarisme, on indique les "moments les plus contraignants" de l'année: la manifestation pour l'objection de conscience
de R. Cicciomessere, la VI marche antimilitariste, le VI congrès antimilitariste. L'initiative de Cicciomessere devra être considérée non pas comme une "initiative individuelle" mais comme un "moment de croissance de l'engagement du Parti"; la marche se déroulera en 1972 sur le parcours Trieste-Aviano, notamment pour conduire la marche sur les lieux traditionnels de la rhétorique militariste et patriotarde". On prend ensuite en examen les nombreux procès qui voient les radicaux accusés, et en premier lieu le procès qui se déroulera à l'Aquila contre Pannella. Signorino et Loteta en connexion avec le procès contre Braibanti. On prend ensuite en examen les thèmes de l'organisation du parti et de la presse, avec des indications relatives à la formation de partis régionaux au Piémont et dans le Latium, à la poursuite de la publication de "La Prova Radicale", et à la réalisation possible d'autres outils d'information imprimée.
(NOUVELLES RADICALES n. 143 du 15 janvier 1972)
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La Direction Nationale du Parti Radical s'est réunie à Chianciano les 4,5,6 janvier.
Ont participé aux travaux: A. Bandinelli, L. Strik Lievers, M. Monducci, P. Priano, E. Mancuso, F. Landi, L. Perfetti, S. Pergameno, F. Federici, G. Moroni, A. Totarofila, G. Ercolessi, G. Pecol, Giorgio Spadaccia, F. Sircana, G. Ramadori, U. Dessy, Gianfranco Spadaccia, G. Cancellieri, R. Cicciomessere, L. Merlini, C. Bartoletti, M. Teodori, M. Pannella, G. Ozzo, G. Mancini, P. Craveri.
La motion suivante a été approuvée à l'issue des travaux:
"La Direction Nationale du Parti Radical, réunie à Chianciano les 4,5,6 janvier
ATTENDU QUE l'aggravation progressive de la situation du régime, en cours depuis longtemps dans l'Etat, dans les institutions politiques, dans la société, a été confirmée par l'élection à la plus haute magistrature de la République d'un Président clérical, qui dans son message aux Chambres a déjà montré, derrière l'image d'un homme au-dessus des parties, la volonté de représenter en fait uniquement la culture et la civilisation politique la plus arriérée du pays;
VU les aspects essentiels de l'histoire des élections présidentielles, qui ont confirmé et rendu encore plus évidentes les caractéristiques communes de grande subordination à la stratégie globale du monde clérical, de classe, corporatif, représenté par la Démocratie chrétienne (1), de la part de tous les partis qui devraient représenter les instances et les traditions laïques (du Parti communiste au Parti libéral, du Parti socialiste au Parti républicain, du Parti socialiste d'unité prolétaire au Parti social-démocrate);
AYANT PRIS ACTE que tous ces partis ont confirmé encore une fois ces jours-ci leur volonté de céder au chantage clérical du Vatican exercé avec la menace d'un référendum populaire contre le divorce pour obtenir la confirmation des Pactes de Latran (2) et l'abrogation de la loi Fortuna (3), moyennant l'initiative frauduleuse et anti-démocratique de présentation de la proposition de loi Carrettoni Bozzi;
ENGAGE le Parti Radical, à tous ses niveaux, et tous les militants des luttes pour la conquête de nouveaux droits civils essentiels en Italie, à se mobiliser pour que se concrétise une réponse populaire vigoureuse pour une politique d'alternative à celle d'abandon, de démissions idéales, de subordination politique à la DC, qui a été proposée et réalisée jusqu'ici.
Le sondage récent en matière de divorce ou de référendum prouve de manière certaine que la grande majorité des croyants et des non-croyants s'oppose aux prétentions cléricales, repousse les évaluations dominantes parmi les directions des partis traditionnels ou parlementaires, considère la loi Fortuna-Baslini comme une loi adéquate, civile ou juste. C'est pourquoi aussi le Parti Radical doit assurer aujourd'hui une force politique et organisée, après en avoir été sans interruption l'interprète pendant des années, à la volonté des masses démocratiques qui demandent une confrontation politique claire avec les forces cléricales, de classe et corporatives du régime actuel comme condition nécessaire de choix et de vrai progrès démocratique.
La direction du Parti Radical confirme que, si la Cour Constitutionnelle le jugera légitime, malgré la conviction opposée du vaste mouvement laïque pour les droits civils qui s'est formé dans le pays, le référendum doit être désormais affronté et convoqué et repousse toute tentative de l'éviter, comme celle aussi - qui est apparue plus clairement - du recours aux élections anticipées.
Le Parti Radical a désormais la tâche d'assurer, également dans le moment électoral, une présence laïque et libertaire et d'alternative de gauche au régime. La Direction décide par conséquent que le Parti doit s'employer immédiatement pour préparer la présentation, pour la première fois depuis sa constitution, en décembre 1955, de ses propres listes aux prochaines élections politiques. C'est justement durant le moment électoral, en effet, que la confiscation des droits démocratique des citoyens apparait dans toute son évidence, ainsi que la falsification du jeu démocratique qui est aujourd'hui effectuée systématiquement par les partis du régime, et qui est aggravée par la proposition même d'un financement public et ouvert de la part de l'Etat, réalisé de toute façon avec le monopole de l'utilisation des moyens publics d'information.
Il n'est plus permis et possible de continuer à confier des batailles d'alternative au système et au régime uniquement à la gestion des directions bureaucratiques et des appareils des partis de la gauche, qui manquent si manifestement à leurs devoirs et à leurs rôles, et les groupes extraparlementaires ne peuvent pas être considérés par ailleurs comme un point de repère valable et non velléitaire pour un développement démocratique et socialiste.
C'est pourquoi le PR indique aussi dans les élections un moment de confrontation avec la réalité politique et avec les problèmes que le développement de la démocratie comporte - en tout premier lieu la possibilité concrète de soumettre des propositions idéales ou politiques au jugement des citoyens et du suffrage universel - duquel des laïques et des libertaires ne peuvent pas accepter d'être ultérieurement écartés. La direction invite tous les groupes et les militants du Parti à se préparer par conséquent dès à présent à la présentation de listes électorales, en collaboration avec le mouvement laïque et des droits civils qui existe dans le pays. La participation aux élections doit être considérée aussi comme un des outils efficaces pour atteindre et toucher des zones de plus en plus vastes de citoyens intéressés par le développement des luttes antiautoritaires et à leur autogestion et comme occasion de renforcement et de croissance des initiatives anticléricales et antimilitaristes du Parti Radical".
La Direction, après avoir pris en examen les engagements de la motion du Congrès,
CONFIRME que la tâche prioritaire du Secrétaire National, du Trésorier, de la direction même et de tous les militants est d'atteindre le nombre de mille inscrits et d'au moins 20 millions de budget annuel;
CONSIDERE que chaque engagement de lutte du Parti doit être aussi un moment ou un outil de sa croissance d'organisation;
CONSIDERE en outre que la situation d'organisation actuelle du Parti, grâce à l'existence de groupes organisés, permet aujourd'hui et comporte le fait que certaines responsabilités spécifiques de gestion et d'organisation des luttes du Parti soient confiées à certains de ces groupes.
L'ANTIMILITARISME
La Direction a discuté notamment les engagements venant du développement de la lutte antimilitariste.
Les moments les plus contraignants seront en 1972:
1) - la manifestation d'objection de conscience que certains antimilitaristes, parmi lesquels l'ancien secrétaire national du Parti Radical Roberto Cicciomessere, effectueront en février prochain;
2) - l'organisation et la réalisation de la VI marche antimilitariste;
3) - l'organisation du IV Congrès antimilitariste du mois de novembre.
Sur le point 1) la direction a écouté un rapport informatif de Roberto Cicciomessere et a décidé que l'objection de conscience de l'ancien Secrétaire National doit être considérée non pas comme une initiative individuelle, mais comme un moment essentiel de croissance de l'engagement antimilitariste du Parti et comme un instrument indispensable de pression sur les forces politiques et sur le Parlement pour influencer la discussion et l'approbation de la loi pour la reconnaissance de l'objection de conscience, suivant les indications de la motion du Congrès. C'est pourquoi:
a) Roberto Cicciomessere a annoncé que, en plus de la déclaration commune des objecteurs de conscience, il motivera et qualifiera avec une déclaration politique personnelle son refus de servir sous les drapeaux;
b) la direction a décidé que l'acte d'objection de conscience du camarade Cicciomessere doit être accompagné et souligné par une manifestation organisée par le Parti avec la participation et l'intervention de militants de tous les groupes radicaux.
Sur le point 2) la direction a décidé que la VI marche antimilitariste se déroulera cette année sur le parcours Trieste-Aviano au lieu de Milan-Vicenza. Le changement de parcours est motivé par les considérations suivantes: a) la disparition des facteurs de nouveauté et de rappel qui avaient assuré le succès de la manifestations dans les lieux touchés par la marche; b) le fait que Vicenza n'est plus l'important centre d'installation et de bases de l'OTAN qu'il était encore il y a deux ans; c) l'opportunité de pouvoir conduire la marche sur les lieux traditionnels de la rhétorique militariste et patriotarde, dans des zones de frontière où le développement économique est limité et empêché par l'existence de servitudes militaires.
En ce qui concerne l'organisation des activités du Parti se rapportant à la préparation de la marche, la direction a pris acte de la disponibilité du groupe de Trieste d'en assumer la responsabilité, en collaboration étroite avec le Secrétaire du Parti. Pareillement, pour le VI Congrès antimilitariste de Turin, la direction a invité le groupe de Reggio Emilia à en soigner la préparation et l'organisation.
Il est essentiel, en 1972, du fait aussi de ces échéances importantes, de réaliser et de développer des rapports de collaboration de plus en plus étroits avec les nombreux groupes antimilitaristes existants, afin que les objectifs, les outils et les occasions de lutte puissent devenir de plus en plus communs dans une perspective fédérative. A coté des engagements pris par le groupe de Trieste et de ceux qui ont été sollicités par la direction au groupe de Reggio Emilia, un comité s'est constitué à Rome formé de Marco Pannella, Emilia Mancuso, Liliana Ingargiola, Giosi Mancini et Cipriano Bartoletti.
LES PROCES POLITIQUES
La direction, après avoir examiné les nombreux procès politiques dans lesquels sont impliqués des militants radicaux et notamment Marco Pannella, ainsi que les autres procès dus aux initiatives judiciaires du Parti; décide de déléguer au groupe romain la gestion de ces procès; elle attire notamment l'attention de tous les radicaux sur le prochain procès qui verra accusés à L'Aquila le 25 janvier les camarades Marco Pannella et Giuseppe Loteta, avec l'ancien sous-directeur responsable de la revue "Astrolabio", Mario Signorino, des délits d'outrage, calomnie et diffamation aggravée pour avoir opportunément dénoncé les méthodes suivies et les thèses soutenues par le Ministère Public Lojacono et par le Président du Tribunal Falco dans son instruction, dans les débats et dans le jugement de premier degré du procès dont a été victime Aldo Braibanti.
Ce procès prend une valeur d'actualité à la veille du procès Valpreda qui sera célébré à Rome. Le juge qui dirigera le procès contre l'anarchiste Valpreda et les autres accusés du massacre de Milan est en effet ce même Président Falco qui jugea et condamna pour plagiat l'anarchiste Braibanti. Le procès de L'Aquila contre Pannella et Loteta peut et doit devenir une occasion importante de lutte du Parti, pas uniquement pour affirmer la liberté de critique et de dénonciation à l'égard des comportements des magistrats, qui dans l'accomplissement de leur fonction sont sujets au lien de la loi comme tous les citoyens, mais également pour mettre encore une fois en lumière les mécanismes et les modalités avec lesquels a lieu la sélection et le choix des magistrats dans l'assignation des procès politiques les plus importants: la direction invite par conséquent tous les groupes radicaux à organiser dans leurs villes respectives, en concordant la date avec le secrétaire du Parti, des débats sur le procès Pannella-Lotet
a, qui servent à attirer sur ce dernier l'attention de l'opinion publique; elle prend acte de la disponibilité déjà déclarée pour cet engagement de la part des groupes de Rome, Milan, Trieste, Cagliari et Cuneo; elle décide de demander un engagement analogue à d'autres organisations dans les villes où il ne pourra pas être assuré par le Parti Radical.
L'ORGANISATION DU PARTI ET LA PRESSE
Examinant les problèmes d'organisation du Parti, la direction
CONSIDERE que le travail pour la constitution des premiers partis régionaux, suivant les indications contenues dans le Statut, doit être concentré dans les régions du Piémont et du Latium comme étant les plus proches de la réalisation de l'objectif statutaire:
INVITE par conséquent le Secrétaire du Parti et les militants de ces deux régions à coordonner leurs efforts en vue de l'organisation de congrès et de meetings régionaux;
sur le conseil et à la demande de plusieurs camarades, elle CHARGE l'avocat Gianni Ozzo de préparer un document de présentation des caractéristiques et des objectifs politiques du PR qui sera examiné dans la prochaine réunion de la direction;
SOULIGNE en outre comment, pour la réalisation des objectifs du Congrès, des outils adéquats de communications et de presse sont indispensables.
A ce propos, la direction
CONSIDERE urgente la publication d'un numéro unique de "Nouvelles Radicales" à grande diffusion pour que la motion du congrès et les engagements qui en dérivent soient connus;
EXPRIME ses appréciations pour la réalisation d'un bulletin bimensuel, diffusé aux inscrits et qui s'est révélé comme un outil utile d'information interne;
CONSIDERE extrêmement positifs les premiers résultats atteints par la "Prova Radicale" et espère qu'ils pourront être consolidés et développés;
PREND ACTE d'une hypothèse de travail, avancée par Marco Pannella, concernant la possibilité d'une initiative d'édition à réaliser en commun avec la LID (4) et le Mouvement Laïque, pour fournir au Parti Radical et à ces autres organisations des outils périodiques d'information; une initiative qui, respectant les autonomies des mouvements qui y sont engagés, pourrait se fonder sur l'utilisation d'outils communs d'organisation et de distribution;
ESPERE que les possibilités de réalisation de cette hypothèse de travail soient vérifiées au plus vite.
La direction a enfin discuté l'organisation de ses propres travaux en décidant d'une manière générale de se réunir à quatre reprises avant le Congrès, en mars, en mai, en juillet et en septembre, et en prévoyant pour chaque réunion si possible deux journées entières de travail.
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N.d.T
1 - DEMOCRATIE CHRETIENNE (DC). Parti italien d'inspiration chrétienne/catholique. Constitué sous ce nom dans l'après-guerre recueillant l'héritage du Parti Populaire, fondé dans le premier après-guerre par un prêtre sicilien, don Luigi Sturzo. Après les élections de 1948, dans le climat de la guerre froide, la DC devint le parti de majorité, s'approchant certaines fois de la majorité absolue. Composant central de tout gouvernement, la DC a détenu le pouvoir sans interruptions pendant un demi-siècle conditionnant fortement le développement de la société italienne. Aux élections de 1992, pour la première fois, elle est descendue sous la barre des 30% des suffrages. La DC a changé de nom en 1994, donnant naissance au PPI (Parti Populaire Italien) et au CCD (Centre Chrétien-démocrate).
2 - "Pactes du Latran", c'est à dire le Concordat signé en 1929 entre Mussolini et le cardinal Gasparri. L'art. 7 de la Constitution italienne reconnaît et "constitutionnalise" le Concordat entre l'Etat et l'Eglise signé en 1929. Il fut voté à l'Assemblée Constituante par Togliatti et le Parti communiste avec l'opposition des socialistes, du Parti d'action, etc. Le Concordat fut renouvelé, sous une nouvelle formulation, en 1984 (gouvernement Craxi).
3 - FORTUNA LORIS. (Breno 1924 - Udine 1985). Homme politique, italien. Présentateur, en 1965, du projet de loi sur le divorce approuvé au parlement, après des années d'initiatives et de batailles menées aux côtés du Parti radical, en 1970. Présentateur aussi de projets de loi sur l'avortement et sur l'euthanasie passive (mais ce dernier n'est pas passé). Ministre de la Défense civile et des affaires communautaires.
4 - LID. Sigle de la Ligue Italienne pour le Divorce. Fondée en 1965 par Marco Pannella, Mauro Mellini, Loris Fortuna (député socialiste) et Antonio Baslini (député libéral), elle organisa les forces en soutien de l'introduction de la loi présentée par les deux parlementaires, en misant surtout sur les énergies des séparés et de ceux qui avaient la nécessité de résoudre leurs problèmes familiaux. Elle eut un rôle essentiel dans la mobilisation des divorcés et des militants qui permirent l'introduction de la loi en Italie. Ce fut le premier exemple, en Italie, d'un organisme né autour des thèmes des droits civils. La LID était fédérée au Parti radical.