SOMMAIRE: La circulaire du Parti Radical avec laquelle on invite les inscrits à signer la déclaration de désobéissance et de non-collaboration civile pour la reconnaissance du droit à l'objection de conscience et pour la libération de Pietro Valpreda. L'engagement à ne pas payer la partie des impôts correspondant aux dépenses militaires tant que le Parlement n'aura pas approuvé la loi pour la reconnaissance de l'objection de conscience.
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Chers camarades,
Nous vous prions de lire attentivement et de répondre tout de suite au document que nous vous joignons. Il a déjà été signé, entre autres, par les camarades suivants du PR: Giorgio Fenoaltea, ancien sénateur; Mauro Mellini, Franco De Cataldo, Giuseppe Ramadori, avocats; Silvio Pergameno, magistrat; Lucia Severino, avocat; Alma Sabatini et Emilia Mancuso, professeurs; Ida Sacchetti, enseignante; Bruno de Finetti, Gino Roghi, Aloisio Rendi, Massimo Teodori, professeurs d'université; Massimo Corsale (id); Federico Bugno, Gianfranco Spadaccia, Marco Pannella, des journalistes...
C'est une initiative que nous considérons urgente. La bataille pour la libération de Valpreda (1), après les récentes prises de position de tant de "gens comme il faut", de "Il Mondo et la Stampa, au Corriere della Sera et Il Giorno, etc..." est mûre; elle deviendra très vite pourrie si la lutte ne se renouvelle pas, si elle ne s'étend pas, si elle ne s'aggrave pas et ne se popularise pas; si elle n'entraîne pas des forces et des aspects nouveaux. Nous pouvons le faire, peut-être, plus qui quiconque.
Pour l'objection de conscience la situation n'est pas différente. Le 10, les Chambres seront rouvertes, ce sont des mois et peut-être des années de crise et de paralysie qui s'annoncent. Les milieux militaristes ont tout intérêt à opposer au statu quo qu'ils font semblant de défendre avec conviction, l'approbation d'une loi, comme celle qui a été votée par le Sénat, qui reconnaît en réalité, comme nous l'avons souvent déclaré, non pas le "droit" mais le "crime" d'objection de conscience. Il n'y a qu'en dramatisant et en conduisant nos exigences minimales vers une phase de réalité parlementaire que nous pouvons espérer qu'une loi supportable soit promulguée tout de suite.
La déclaration ci-jointe devra être diffusée avant le 10/11 septembre, avec les signatures et les adhésions "uniquement de militants du PR" (et tels sont tous les camarades énumérés ci-avant). Mais nous devons préparer dès à présent une liste d'autres adhésions que nous diffuserons le lendemain, pour lancer une véritable campagne nationale de non-collaboration et de désobéissance civiles. Nous vous prions par conséquent:
a) de répondre télégraphiquement, dès que vous aurez reçu cette lettre, pour nous indiquer si vous adhérez à l'initiative, en précisant votre profession. Puisque dans le document on parle "d'impôts éventuels", les adhésions des étudiants peuvent être également enregistrées; mais il s'agit manifestement d'une adhésion de valeur morale et nous n'introduirons donc pas des noms d'étudiants dans la première liste;
b) faites circuler au maximum le document, en le polycopiant ou en le photocopiant tout de suite, parmi vos connaissances, parmi les représentants politiques et syndicaux de votre ville ou de vos milieux de travail. Des adhésions collectives d'associations, de groupes, d'assemblées ouvrières et syndicales seraient également importantes. Lorsque vous aurez obtenu les signatures et les données requises dans le document ci-joint communiquez-nous tout de suite le nom, la profession, les qualifications politiques éventuelles.
c) vu l'originalité de l'initiative veillez tout de suite, dès que vous aurez un minimum d'adhésions, à informer avec un communiqué la presse locale et les correspondants locaux des agences et des journaux nationaux.
Malheureusement, avec les lois fiscales italiennes, l'initiative a une valeur à peine plus que symbolique, dans ses conséquences. Nous sommes de toute façon en train d'en étudier tous les aspects et toutes les possibilités techniques. Le refus de payement aurait effet de toute façon à partir du 1 janvier 1973 - et nous le préciserons par la suite.
Le 30 septembre, nous entamerons probablement un jeûne collectif. La manifestation romaine du 20 septembre pourrait être consacrée aux mêmes objectifs, d'entente avec le Mouvement Nonviolent; mais nous devons d'abord nous assurer que dans ce cas nous obtiendrons une mobilisation effective des forces démocratiques, traditionnelles et extraparlementaires.
Le numéro 1 de Nouvelles Radicales était déjà imprimé - et il a déjà été envoyé - lorsque nous avons pris la décision de cette initiative. Cette nouvelle lutte du Parti sera donc annoncée dans le numéro du 10 septembre. Mais tenez compte du fait que nous devrons le terminer et l'apporter à imprimer le 7 ou le 8 au plus tard.
Toutes mes amitiés
Le Secrétaire National
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DECLARATION DE DESOBEISSANCE CIVILE ET DE NON-COLLABORATION CIVILE POUR LA RECONNAISSANCE DU DROIT A L'OBJECTION DE CONSCIENCE ET POUR LA LIBERATION DE PIETRO VALPREDA.
Pour des raisons d'état, de classe ou de parti, nos gouvernements défendent et utilisent - habitués pour le moins moralement à cette ignominie - cet "univers des prisons" qui pouvait être seulement un souvenir de siècles d'incivilité et qui est par contre une réalité de la République. Contre cette ignominie, le devoir des citoyens est de se rebeller et de lutter en conséquence, sans avoir recours à des délégations de responsabilités qui ne peuvent pas être proposées, à des alibis allégués comme prétexte et malhonnêtes lorsque ce sont les principes mêmes de la vie civile et de la civilité démocratique qui sont en cause.
Aujourd'hui, avec une urgence particulière, la menace vient de deux choses, deux exemples, deux occasions d'une gravité exceptionnelle. Nous ne pouvons pas continuer à demander à nos yeux de ne pas voir, à nos consciences de ne pas juger, à notre moralité de ne pas intervenir, à notre privacy de ne pas se considérer touchée et concernée.
Cela signifierait, certainement, pour la seconde fois en quelques dizaines d'années, abandonner définitivement la justice, ou son espoir, justement entre les mains de ceux qui la massacrent et de ceux qui essayent ou qui risquent de la changer en une immonde violence pure et simple.
Prisonniers politiques de l'armée et de la justice qui lui est déléguée, nos camarades et frères objecteurs de conscience sont enfermés, de plus en plus nombreux et de plus en plus longtemps, dans les prisons militaires. Chaque année, des siècles de prison et de souffrances leurs sont infligés. Comme jadis d'autres hommes d'une vraie Réforme radicale qui durent témoigner avec leur vie et avec la prison pour la liberté de conscience et de religion contre le pouvoir de l'Eglise, ainsi aujourd'hui contre le pouvoir - qui se veut lui aussi sacré - de l'Etat, les objecteurs payent leur fidélité à la religion de la liberté, de la paix, de la justice et de la fraternité. La même cruauté les frappe. La même prétention d'anéantir les consciences, en enchaînant ses fidèles, leur est opposée; mais cela a lieu maintenant en notre propre nom, en notre propre volonté, de peuple italien. Avec notre collaboration personnelle, quotidienne et multiforme. Prisonniers politiques de l'état et de son injustice, Pietro Valpreda et
Roberto Gargamelli attendent depuis trois ans et demi et demandent en vain, de leur prison, d'être jugés pour les crimes dont ils sont accusés et pour lesquels l'opinion publique les considère de plus en plus clairement innocents. C'est sur eux que continue ce massacre des institutions civiles, des lois et de la civilité - pas moins que d'êtres humains - qui se perpétue et augmente depuis le mois de décembre 1969, depuis la Banque de l'Agriculture et la Préfecture de police de Milan.
La même justice qui les a enchaînés prétend maintenant ne pas pouvoir ni les juger ni les libérer. Puisque c'est à notre nom que les juges Occorsio et Cudillo les ont capturés et gardés prisonniers, il nous appartient de leur rendre ces droits et cette présomption d'innocence que la Constitution et la civilité leur assignent.
Nous ne pouvons pas imaginer le faire directement, ni libérer directement les objecteurs de conscience, avant tout à cause de nos convictions; mais nous pensons que même ceux qui ont confiance dans l'usage de la force et de la violence révolutionnaire contre celle de l'Etat et des majorités, ne peuvent pas l'envisager. Nous opposerons par conséquent à ces situations la réponse radicale, pacifique, nonviolente de la non-collaboration et de la désobéissance civile. Nous sommes en effet convaincus que c'est dans l'organisation même de la société moderne, à partir de ses caractéristiques les plus particulières, qu'on peut et qu'on doit trouver les armes gagnantes, populaires car directement praticables par les masses, capables d'être utilisées par chaque femme et chaque homme, contre la violence du pouvoir et des institutions, qui est l'essence même du fascisme. Nous entamerons cette lutte avec le refus de payer à partir de maintenant les impôts que nous devrons éventuellement à l'Etat, si ce n'est en retranchan
t le pourcentage correspondant au total du budget consacré à la Justice et à la Défense. Nous poursuivrons cette forme de désobéissance civile tant que le Parlement n'aura pas approuvé une loi qui sanctionne l'exercice effectif du droit à l'objection de conscience, un droit prévu dans la Convention Européenne des droits de l'homme ratifiée par les Chambres dès 1965, en amendant fondamentalement, par conséquent, la loi répressive et fasciste votée par le Sénat dans la dernière législature; et tant que la justice qui l'a séquestré ne libérera pas Valpreda, en attendant le procès que lui et ses camarades ont invoqué en vain.
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PARTI RADICAL
Via di Torre Argentina, 18
ROME
Rome, 13 septembre 1972
Initiative de ``désobéissance civile'' et de ``non-collaboration'' pour la libération des objecteurs de conscience et de Pietro Valpreda. Les premières adhésions.
L'initiative a déjà reçu de nombreuses adhésions. Parmi les toutes premières, celle de Ada Rossi, veuve de Ernesto Rossi (2), inscrite au parti radical. Suivent, parmi les radicaux:
"avocats": Mauro Mellini (président de la LID et de la LIAC), Lucia Severino, Ferdinando Landi, Giuseppe Ramadori, Franco De Cataldo, Luigi Biolochini, Ugo Tovo, Giovanni Ozzo
"professeurs d'université": Aloisio Rendi, Massimo Teodori, Lorenzo Strik Lievers, Piero Craveri, Gino Roghi, Giancarlo Lanciani, ed "insegnanti": Alma Sabatini, Angiolo Bandinelli, Emilia Mancuso, Ida Sacchetti
"médecins": Ennio Boglino, Giancarlo Arnao, Domenco Baroncelli, Giuuseppe Teodori, Vincenzo Antolini
"journalistes": Marco Pannella, Federico Bugno, Gianfranco Spadaccia, Giuseppe Loteta
Luigi Brandajs, architecte, Giorgio Viale, architecte, Ugo Dessy, écrivain, Iberto Bavastro, conseiller commercial, Corrado Parlagreco, fonctionnaire, Marco Avitabile Leva, ingénieur chimiste, Giorgio Giovanzana, fonctionnaire, Bice Cafiero, employée, Mario Savelli employé
"suivent les adhésiosn de non-inscrits au parti radical:
Elena Croce (écrivain), Giorgio Benvenuto, secrét. nat. UILM, Alberto Benzoni, directeur de société, cons. municipal du PSI, Luigi Ferraioli, magistrat, Giancesare Falesca, journaliste, Callisto Cosulich, journaliste, Salvatore Rea, journaliste, Vincenzo Micalizzi, journaliste, Franco Colasanti, journaliste, Marco Sassano, journaliste, Barbara Spinelli, journaliste, Piero Sanavio, journaliste, Giuliano di Girolamo, journaliste, Mariapia Losandro, journaliste, Dal Col Giulia, enseignant, Bonato Bertilla, infirmière, Zaramella Riccardo, représentant de commerce
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N.d.T
1 - VALPREDA PIETRO.(1933). Danseur, militant anarchiste, il fut accusé avec ses camarades de l'attentat terroriste contre la Banque de l'Agriculture de Milan en 1969 qui fit 17 morts. Jugé, son innocence fut ensuite reconnue.
2 - ROSSI ERNESTO. (Caserta 1897 - Rome 1967). Homme politique et journaliste italien. Leader du mouvement "Justice et Liberté", arrêté et condamné en 1930 par le fascisme, il resta en prison ou en exil jusqu'à la fin de la guerre. Il écrivit avec A. Spinelli le "Manifeste de Ventotene" et fut à la tête du Mouvement Fédéraliste Européen et de la campagne pour l'Europe unie. Parmi les fondateurs du Parti radical. Essayiste et journaliste, il lança des colonnes du "Mondo" des campagnes très vives contre les ingérences cléricales dans la vie politique, contre les grands états économiques, contre le protectionnisme industriel et agraire, les concentrations de pouvoir privées et publiques, etc. Ses articles furent rassemblés dans des livres fameux ("Les maîtres de la vapeur", etc). Après la dissolution du Parti radical en 1962, et la rupture conséquente avec le directeur du "Mondo" M. Pannunzio, il fonda "L'Astrolabe" des colonnes duquel il continua ses polémiques. Dans ses dernières années il se rapprocha et s'i
nscrivit au "nouveau" Parti radical avec lequel il lança, en 1967, l'"Année Anticléricale".