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Pannella Marco - 11 marzo 1973
Ce que vaut Mitterrand
de Marco Pannella

SOMMAIRE: Envoyé de l'Espresso à Paris, Marco Pannella suit les élections françaises et en particulier l'action de la gauche qui, conduite par Francois Mitterrand, pointe à l'Elysée. C'est la première fois que dans un pays européen se présente la possibilité d'une alternative de gauche sur la base d'une ample coalition de programme qui réunit, outre les socialistes du Psu et du Ps, avec la leadership de Mitterrand, les communistes, les radicaux de gauche.

Au premier tour, la gauche obtient 46,54 % des suffrages et Pannella parie, contre la plupart des observateurs et des experts, sur une victoire écrasante de l'ensemble de la gauche.

(L'ESPRESSO, 11 mars 1973)

Paris. "Tout est encore possible", on l'explique et on l'affirme de toute part, dans un climat croissant de dramatisation et d'attente pour le second tour des élections, dimanche prochain. Tout, sauf l'essentiel, me semble-t-il. Il y a des résultats désormais indiscutables, correspondant ponctuellement avec les opérations de plus d'envergure et avec les points d'interrogation fondamentaux de ce moment politique français.

1. La gauche. Unie politiquement, programmatiquement, électoralement comme jamais auparavant, atteint le palier 46,54, 2 points et plus qu'en 1967, l'année où l'on parla d'un grand succès; elle l'atteint malgré la scission centriste de J.J. Servan-Shreiber, avec son parti radical, allié du parti socialiste la veille encore. Le commun programme de gouvernement des gauches a donc obtenu un succès profond et significatif. Attaqué de toute part pendant plus d'un semestre, disqualifié d'irresponsable et d'aberrant par le président de la République, ce fut un instrument de croissance et de renforcement, et non pas de crise. Une méthode, et un instrument jusqu'ici inconnus de la lutte électorale française, se sont ainsi désormais affirmés. Le parti communiste défait les sondages qui le donnaient perdant dans la coalition, voit se consolider son actuel groupe dirigeant et ses choix fondamentaux, outrepasse le danger d'une crise interne et de nouvelles inversions de marche. Le courant sectaire qui, selon Jacques Ducl

os, était prêt à se manifester, est désormais affaibli et inplorable. L'anticommunisme grossier, habilement et consciemment ressuscité par ceux, le Président Pompidou en tête, qui craignent surtout un renouvellement profond de la lutte et des perspectives politiques, est servi, avec sa fausse dialectique, à les aider. Avec 21,34 % et outre 5 millions de votes, ils sont satisfaits et sereins et prêts à insister dans la voie entreprise. Ils ont gagné un point par rapport à 1967, ils en ont gagné un par rapport à 1968. Le parti socialiste est indiscutablement la force politique qui peut vanter le plus grand succès: elle a rejoint son plus haut sommet électoral depuis 1927, son plus grand accroissement depuis 1968; à peu près un million et demi de voix et quatre pour-cents. Il augmente partout, il s'installe dans des régions dont il avait désormais disparu, comme dans la région parisienne, prolétaire et cittadine, ou, comme dans l'est, où il n'avait jamais été politiquement présent.

Sa nouvelle classe dirigeante, jeune et ambitieuse, s'affirme partout. Elle récupère des voix ouvrières absorbées depuis toujours par le gaullisme, les cadres techniques de l'industrie et de l'économie, et même du Pcf. Elle voit son leader Mitterrand se confirmer comme le leader naturel de toute possible alternative de régime. On discute pour savoir s'il a obtenu, avec ses alliés radicaux de gauche, plus ou moins de suffrages que les communistes. Il en a recueilli plus, si on lui attribue les suffrages des "socialistes indépendants", contre lesquels il n'a pas présenté ses candidats (dans ce cas il obtient 21,90 % contre 21,34 % au Pcf), 0,60 % en moins dans l'autre cas. Le problème, évidemment, n'est pas là. Un parti qui aux élections présidentielles de 1968 avait obtenu, malgré que ce soit dans des conditions très particulières, avec son candidat Deferre, 6 % des voix, est au même niveau que les communistes: la gauche s'est donc rééquilibrée dans la victoire, et non nivelée dans la défaite ou dans l'impui

ssance. Les notables radicaux de gauche, qui verront de toute facon doublée leur représentation parlementaire par rapport à la sortante, réglent définitivement les comptes avec Servan-Schreiber, qui s'était "emparé" de leur parti, désormais en déroute. Les socialistes du Psu rendent au Ps, en Bretagne et à Paris, une part consistante de leur électorat, mais voient ultérieurement s'affirmer leur prestige et leur fonction d'avanguarde socialiste libertaire et techniquement moderne.

2.La majorité

Avec ses alliés ou concurrents secondaires, elle totalise à peu près 9 millions de voix et 23,5 % des suffrages. A l'intérieur le parti officiel de régime, l'Udr a 23,5 %, les républicains de Giscard d'Estaing 7 %, les centristes de Duhamel 3,8 %. Cette légion étrangère n'a pas de programme, n'a pas d'unité politique, n'a pas de raisons ni d'idéaux qui ne puissent se résumer, comme pour la Démocratie chrétienne en Italie, par un seul mot: le pouvoir et la volonté de le conserver à tout prix. Dans l'Udr même, qui devrait être le pivot et la pointe de lance du parti conservateur, il y a des gaullistes intransigeants, des jacobins d'extrême droite comme Debré, nationalistes et autoritaires, factieux et intollérants; et des hommes comme Chaban-Delmas, Edgar Faure, ex-leaders "radicaux" de la 4. République, hommes de centre, de pouvoir, opportunistes et disponibles, du moins dans le passé, même "à gauche". Les républicains indépendants ont en commun le leader, Giscard, le visage de représentation de la droite lib

érale et libériste, derrière laquelle se camouflent les caractéristiques réactionnaires du ministre de police Marcellin et les plus grands espoirs des groupes monopolistes et des intérêts de classe capitalistes. Derrière chaque groupe de la majorité, en réalité, il n'y a qu'un seul stratège et un leader que les élections ont toujours plus renforcé: Georges Pompidou. Avec l'insuccès électoral, sans lui, la majorité sortante aurait déjà explosé; et, de toute façon, dans les prochaines semaines, quel que soit le résultat du vote du 11 mars, le président du Conseil Messmer et le secrétaire de l'Udr Peyrefitte seront liquidés. On ne passe pas impunément de douze millions et demi de voix à neuf; on ne se ridiculise pas, comme il est arrivé chaque fois que l'on a demandé à la majorité quel était son programme pour la législature, sans des conséquences conclusives.

3.Les "Réformateurs".

Ils vivent leurs dernières semaines comme mouvement politique autonome et comme défenseurs d'un ennième projet de "troizième force", équidistant de la gauche et de la majorité d'extraction gaulliste. Avec moins de trois millions de voix ils ont été mis en déroute, si l'on tient compte, comme il est juste, de leurs calculs et de leurs programmes et non pas de la réponse anticipée des sondages pré-électoraux. Paradoxalement, mais pas trop, ils sont considérés comme étant les vrais arbitres de la bataille électorale de dimanche. C'est inéxact si l'on pense que Lecanuet et Servan-Schreiber (désormais opposés) puissent arranger effectivement et massivement de Paris des déplacements univoques de leur électorat. Ces prétendus "réformateurs", en effet, avaient embarqué une chiourme très hétérogène, pour monter à l'abordage du pouvoir: ex-Oas, partisans antigaullistes de l'Algérie française, ex ministres du général, ex fidèles de Mendès-France, les résidus de la Démocratie chrétienne, ainsi que les disciples de J.J.S

.S

C'est au contraire en partie éxact si l'on considère que leurs troupes en déroute peuvent, en confluant vers les candidats du pouvoir, leur faciliter la conquête de la majorité absolue des sièges.

Pompidou sort à découvert

On peut donc, dans ces conditions, affirmer que "tout est possible" ne se vérifie au prochain tour électoral que si l'on continue à croire qu'il éxiste et éxiste vraiment la possibilité de la part de la gauche de prendre le pouvoir, d'aller au gouvernement, d'appliquer, pendant les premiers classiques "cent jours" de gouvernement, l'essentiel de son "programme commun", nationalisations, salaires minimums garantis de cent mille francs pour tous, abandon de la "force de frappe", pensions doublées et à partir de soixante ans, réduction des horaires de travail dans les usines. Mais nous avons expliqué au cours des dernières semaines comment cette perspective, outre à ne pas être réaliste, en réalité n'est même pas effectivement recherchée et voulue par les partis même de la gauche unie. Même s'ils atteignaient la majorité absolue des sièges, Pompidou aurait la possibilité et la force d'empêcher, pendant un an au moins, que cette victoire électorale ne se traduise en une conquête de responsabilité de gouvernement

. Et, au cours de cette année, avec le conflit qui se serait ouvert, tout, vraiment tout, pourrait arriver; il serait difficile de se trouver face à une situation semblable à l'actuelle. Mais est-ce-que la gauche peut, de toute facon, conquérir cette majorité absolue, atteindre les 246 sièges correspondants ?

"Cent cinquante sièges ramenés dans un mouchoir", affirment unanimes les journaux francais. On constate que "quelques milliers de voix peuvent provoquer des retournements sensationnels". Il y a trois semaines, nous avions souligné cette évidence théorique qui qualifie le système électoral français, sans que ce soit de beaucoup d'aide à une analyse concrète de ce qui peut se passer le 11 mars. "La situation est bonne, compte tenu des prévisions que nous faisions, mais elle est aussi confuse. Les totaux sont conformes à nos analyses, mais les composantes de l'addition ne le sont pas", m'ont expliqué, au cours de deux longues converations, Denis Gaudoin et Xavier Marchetti, collaborateurs directs du président de la République, ce mardi encore. Cette réserve ne se traduit cependant pas en vraie préoccupation. Georges Pompidou a de nouveau ramené le calme dans la coalition gaulliste et gouvernementale. Dimanche soir, il n'était meme pas à l'Elysée, mais dans son vieil appartement privé, dans un immeuble de la hau

te bourgeoisie de cinq étages du Quai de Béthunes, sur l'île Saint Louis, d'où il a n'a pas téléphoné plus d'une dizaine de fois, au total, au ministre de l'Intérieur Marcellin et à ses collaborateurs à l'Elysée, où il n'est revenu que pour recevoir à déjeuner, lundi, Messmer, Giscard et Marcellin. Pompidou est un formidable connaisseur des dossiers électoraux, des situations des différentes circonscriptions. Une idée de quelles sont ses analyses peut être donnée par le fait qu'il paraît orienté à n'intervenir qu éventuellement et brièvement et avec "intransigeance" à la télévision, lors du second tour.

La gauche avait peut-être la possibilité d'atteindre un nouveau, grand succès: affronter les candidats de la majorité, dans le ballottage, avec le candidat socialiste plutôt que celui communiste, là où l'écart entre les deux blocs est minimum et peut être comblé par la convergence d'une partie des électeurs "réformateurs". Autour des dix tables mises en fer à cheval, j'ai l'impression que les dirigeants de la gauche sont réunis pour une réunion d'étude et pour une conversation informelle plutôt que pour prendre des décisions dramatiques et qu'on ne peut proroger.

Il manque vingt-cinq voix

Au fond, autant Pompidou est satisfait d'avoir limité les pertes, d'avoir peut-être remis le moment de la bataille conclusive (dans l'espoir de l'éviter pour toujours), d'avoir probablement emmagasiné une majorité parlementaire suffisante, autant les dirigeants de la gauche semblent vouloir consolider le succès et le bond en avant, le renversement de tendance qu'ils ont réalisé en moins d'un an, pour en faire une platteforme avancée de lutte, pour mieux s'organiser et se préparer. Le Ps, en particulier, n'a pas intérêt à un excessif gonflement de ses effectifs parlementaires avant d'avoir transformé le nouveau courant d'opinion socialiste en une force implantée et structurée à la base, dans les villes et dans les usines. Il pourrait, dans des circonstances délibérément dramatisées et emphatisées, voir resurgir en son sein la tentation centriste et de la troizième force, et replonger dans les épreuves scissionistes qui guettent toujours l'histoire des mouvements démocratiques de classe dans nos pays.

C'est ainsi que peut s'expliquer pourquoi le Ps n'a même pas essayé sérieusement d'obtenir des communistes, une ligne de conduite électorale visant rigoureusement à l'objectif de la conquête de la majorité parlementaire, dès les prochains jours; un objectif, avant tout, vraiment problématique et difficile. Pour cela aussi, j'ai l'impression que pour l'instant il ne soit possible de prévoir qu'une considérable augmentation des effectifs d'opposition au Palais Bourbon, par rapport aux élections de 1967 (67 sièges à la gauche non communiste, 50 au Pcf). Qu'ils soient ensuite 190 ou 200, ce n'est pas de grande importance dans l'immédiat.

A moins de coups de théâtre, Lecanuet ramassera un maximum de 23 élus, dont une dizaine facilement acquisibles, en quelques semaines, par la coalition gouvernementale, sans même qu'il soit besoin de négociations sensationnelles, d'accords "historiques" entre "réformateurs" et président de laRépublique; des rencontres et des accords qui n'auraient lieu que si l'on voulait se débarrasser immédiatement, de cette façon, des gaullistes intransigeants à la Debré. De toute façon, il est bon de ne pas s'attendre de résultats éclatants au niveau du gouvernement ni de "nouveaux choix" présidentiels, avant la seconde quinzaine d'avril. A moins que la majorité ne dépasse les 260 élus, en effet, Pompidou ne pourra pas nommer un nouveau gouvernement. Les ministres démissionaires, en effet, si élus députés, pourront voter régulièrement: ceux de nouvelle nomination pas. Dans ce cas il manquera au moins 25 votes pour l'élection du président de la Chambre et pour les responsables des commissions.

Le "troizième tour" commencera donc la semaine prochaine: il se déroulera, quotidiemnnement, dans les usines, dans les bureaux, les campagnes, les universités. La bataille politique, de nouveau vraie au Parlement, se traduira en une bataille sociale et économique plus claire et calculée. Georges Seguy, avec la Cgt, et Edmond Maire, pour la Cfdt, sont en train de se préparer eux aussi à descendre sur le champ de bataille. Ce ne seront pas, en France, les "ouvertures" déjà usées aux pseudo-réformateurs ou les plus grandes investitures à l'aile "progressiste" et "socialiste" des partis de régime (qui représentent en Italie les objectifs de tournants plus ou moins historiques de notre gauche) à désamorcer la mèche de l'alternative démocratique et socialiste au système et au régime.

Voici les données de fond de la situation. Nous aurons eu tort à ne pas croire à la possibilité d'une victoire écrasante des gauches dimanche prochain, tandis que la majorité des observateurs et des experts français soutiennent qu'il ne s'agit pas d'une pure hypothèse théorique ? Nous verrons alors, dans ce cas là, quelles sont les différentes perspectives qui s'offrent et qui peuvent exploser. Et pas seulement en France, mais chez nous aussi.

 
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