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Pannella Marco - 1 novembre 1973
Le bonheur ne tolère pas d'impatiences
Marco Pannella

SOMMAIRE: Le XIII congrès radical, convoqué à Vérone en novembre 1973, mit au centre de sa discussion le paquet de propositions de référendums à promouvoir. Le projet référendaire - c'est-à-dire l'intention de convoquer plusieurs référendums à la fois, pour coaguler sur eux des majorités alternatives - avait été décidé par le congrès de Turin de l'année précédente. Au cours de l'année 1973, toutefois, on n'avait pas réussi à faire décoller l'initiative et dans le débat du congrès de Vérone ressortirent des perplexités et des réserves sur la possibilité de réussir la récolte difficile de signatures (qui ne réussit en effet qu'en 1977). L'intervention de Pannella ressent de ce climat d'incertitude, enrichie comme elle est de réflexions politiques générales et d'exhortations à tenir bon, adressés aux dirigeants et aux militants du parti.

En particulier Marco Pannella, qui cette année-là ne s'était pas inscrit au PR pour pouvoir étendre le mouvement radical grâce à la Ligue XIII Mai, théorise la nécessité de "développer le mouvement dont nous faisons tous partie, le mouvement radical dont le PR est la figure la plus importante et le moment central, mais que nous devons aussi pouvoir vivre dans des formes différentes".

(Intervention au XV Congrès Radical de Vérone - Novembre 1973 - de " Marco Pannella - Scritti e discorsi - 1959-1980", éditions Gammalibri, janvier 1982)

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Chers camarades,

je crois avant tout que je dois tranquilliser certains (ou plusieurs) d'entre vous, peu importe: je vais très bien, je suis fort vivant, je n'ai pas de systèmes nerveux qui vont en l'air, je continue à dérégler raisonnablement et moralement les sens qui sont les miens. Je pense depuis longtemps que la phrase de Rimbaud, beaucoup plus que d'autres phrases de Marx, pourrait être inscrite (et si je dis Marx c'est parce que je le considère très proche de nous, ou parce que je considère que nous sommes très proches de ce qu'il a représenté ou de ce qu'il représente aujourd'hui pour notre époque) - mais je disais, beaucoup plus, si je pense à l'importance que ce parti a pris pour moi, au point de devenir un élément de civilité dans lequel je vis avec toutes ses limites et ses risques (une civilité risque aussi toujours d'être satisfaite d'elle-même, d'être en quelque sorte terroriste, et de ne pas être culture. C'est un risque, ce n'est pas une réalité). Le parti a été cela pour moi, et cette histoire de Rimbaud,

pour ceux qui ont prêché dès 1944, 1945, 1946, 1947 (Sergio Stanzani et les autres, je ne sais pas quand ils ont commencé...).

Cette histoire de la non-scission entre vie publique et vie privée, cette histoire pour laquelle l'amour et la liberté, la moralité et la spontanéité, doivent tendre à coïncider ou à être, comme elles sont, la même chose - si l'une est vivante l'autre l'est aussi, et si l'autre meurt l'autre meurt aussi - je disais, cette phrase apparemment non politique (et Giuliana Cabrini me comprendra au moins, elle qui disait ici: poésie et politique, politique et poésie) "le raisonnable dérèglement de tous les sens" - peut-être à présent plus compréhensible grâce aussi à Ceccato, à la cybernétique, au fait que nous savons que nous sommes des mécanismes, que nous savons que la liberté commence dans la mesure où nous connaissons les conditionnements dont nous sommes victimes, nous savons la relativité des vérités dans lesquelles nous croyons jour après jour, nous savons que la seule chose que nous pouvons faire est de nous comporter comme si ces vérités historiques, partielles, étaient la seule vérité que nous avons.

Je crois que la rigueur, je crois que la linéarité est ensuite en fait la prémisse, la durée - je crois que c'était Bergson qui le disait (je vous expliquerai ensuite pourquoi je me permet aujourd'hui des citations culturelles, avec la mésestime que vous connaissez en général de ma part pour ce type de citation): "La durée est la forme des choses" - et cette lente continuité qui traverse tant d'entre nous et qui ne termine pas ici... le présent, le passé et le futur apparaissent vraiment à certains moments comme ils sont: des points de repère dialogiques nécessaires à des vérités très relatives.

Je disais: dans ce Congrès, devant vous, j'arrive peut-être tendu, et les tensions sont une donnée positive: tendu aux limites de ce que je suis, tendu aux limites du parti: pas fatigué, pas découragé, avec les idées claires, avec beaucoup d'amour et, je crois, avec beaucoup de liberté.

La rigueur: j'ai du en manquer, si manquer de rigueur signifie le faire délibérément, en juin-juillet de cette année; vous savez qu'au congrès de Turin, tout de suite après, quelques camarades le savent, j'avais dit que je prévoyais nécessaire, que je savais nécessaire pour moi et pour chacun de nous - qu'il me fallait acquérir d'autres formes de présence et de dialogue et de contribution, d'autres formes d'intégrité, acquérir le rythme de la lecture, écrire autre chose que des tracts, acquérir le rythme du silence intérieur qui est nécessaire, et pas pour m'écarter, pas pour diminuer, pas pour m'éloigner, mais parce que sans besoin de grande fantaisie, c'était de cette façon, évidente pour moi, que je pouvais continuer à être un bon camarade.

En juillet, manquant peut-être de foi, le fond des choses étant peut-être légèrement différent et ne coïncidant peut-être pas tout à fait avec le parti, recueillant un sentiment de nous tous - nous étions en train de mourir, les référendums n'avaient plus lieu, nous avions fermé, Rome était un désert, pas uniquement le Rome de tout le monde mais le notre aussi, le découragement - je me suis de nouveau engagé au-delà de mon intelligence, au-delà de ce que je pensais faire; j'ai demandé la convocation de ce Congrès extraordinaire que nous avons tenu. Et avec l'aide d'une nuit - comme je suis ici aujourd'hui avec l'aide d'une nuit - j'ai proposé cette histoire par exemple du journal.

Il est évident depuis lors que les engagements, que les amours, que le bonheur, que les devoirs, que les calculs, que les objectifs, changeaient et, en une certaine mesure, qu'ils m'étaient dictés, que j'en étais traversé, et j'ai accepté humblement de le faire. Mais s'il est concevable, s'il faut que la rigueur soit humble et qu'elle soit par conséquent capable de se configurer, de configurer à soi-même des exceptions, celles-ci doivent rester telles. Et c'est pour cela que je suis ici aujourd'hui, au moment où je partage beaucoup, presque tout, de ce qu'a dit Lorenzo Strik Lievers il y a un instant sur le parti, sur son importance, sur sa potentialité, sur sa façon d'être quelque chose de très important qui se réalise; beaucoup plus que ne l'a dit Gianfranco hier soir (parce que nous pensions, par exemple: Giulio Ercolessi, combien de fois t'ai-je entendu dire: "Le parti n'existe plus, c'est le désert"; Angiolo: moi... bah!; Enzo, combien de fois t'ai-je entendu dire: "Ce journal de merde dans lequel nous

ne nous libérons pas, dans lequel nous ne le libérons pas, où nous devenons des esclaves, où nous ne sommes pas heureux"... Le bonheur ne tolère pas d'impatiences: c'est une création lente et continue et pas un objet à consommer au moment où l'on ressent des besoins.

Nous sommes par contre arrivés ici, plus nombreux qu'à Turin, plus différents, donc plus riches qu'à Turin; un Congrès exemplaire pour un parti libertaire où l'on a eu la clarté, la force de travailler, pour que les limites fatales des délégations, historiquement fatales, se réduisent au minimum, en discutant les articles 367, 94 - on donnait l'impression de dérailler, on a souvent l'habitude de donner l'impression de dérailler, et en réalité justement, évitant ces dialogues immodestes et ensuite en fait inutiles et élusifs, faits de politique avec un "k", belle peut-être, mais pour ceux qui continuent à résister, à garder un peu de sens esthétique par rapport à tout cela, alors que le problème est tout à fait connu.

La discussion a été bonne, la bataille pour les référendums a commencé: Roberto se trompe lorsqu'il dit qu'il fallait la commencer 40 jours plus tôt, 30, 35: elle est là, les choses ne commencent pas avec leur commencement juridique; même si nous voulions décider ici à la majorité des trois quarts qu'elle n'existera pas, il y aurait 4, 5 fous-sages pour dire: "Je n'en ai rien à faire, je la fais tout de même", dix autres pour aller à la Cour de Cassation. Nous y sommes, telle est la situation.

Le moment est important, le parti a beaucoup à faire, chacun de nous a réalisé le projet pour lequel il s'est associé, dans les moments de plus grande importance, c'est là qu'il faut la plus grande rigueur, c'est là qu'il est nécessaire que chacun grandisse, et que diminuent les leaders et les témoins et les apôtres, sans quoi on n'est pas libertaires.

Et c'est avec la sérénité de savoir que le Parti radical est important pour moi, pour les raisons qui sont les siennes, de même que les amitiés, les amours, le fait d'être camarades, se défendent en défendant les raisons pour lesquelles les amitiés, les amours, les groupes naissent, et sans s'y coller ainsi qu'à leurs formes, qui deviennent alors forcément très vite mortelles et finissent. Compte tenu de ces raisons, je vous parle ici, ayant décidé depuis quelques heures et sachant d'être un partisan non- inscrit du Parti radical.

Votre Statut me permet de vous parler et d'utiliser le temps du Congrès du parti: je le fais. Je crois à ce Statut, je crois à ce parti, je donne ma contribution, je reprends de la liberté, j'ai toujours dit aux libéraux (lorsqu'on en trouve, avec beaucoup de mal) que le vrai libéral est celui qui dans les moments de dictature, qui dans les moments d'affrontements violents, croit - à ce moment-là - à la liberté, à la responsabilité; y croire, en Angleterre, ne signifie pas être libéraux, ça signifie croire que la liberté est la meilleure chose à vivre pour grandir, pour résoudre les problèmes les plus dramatiques. Les choses doivent être renversées: et alors un parti libertaire qui a un père, un leader , un camarade "plus important", quelqu'un vis-à-vis duquel l'amour est pollué par l'admiration, ou la mésestime est polluée par le ressentiment, est quelque chose que l'on ne peut pas tolérer. Si on devait le tolérer, puisque je crois que chacun de nous peut le créer pour un milliardième, je suis engagé à empê

cher cela et à créer, du moins pour moi, et pour chacun d'entre vous, un rapport différent.

Décembre 1955: le Parti radical? Qui le fait? Etant donné qu'il y a beaucoup de contradictions apparentes - et je crois, en disant cela, de ne pas être Narcisse, je crois communiquer et discuter de politique parmi vous, de fournir une contribution à ce Congrès. Nombreux ont été les partis radicaux: un par an. Aujourd'hui il est certain que la collaboration, le dialogue que je veux et que je peux avoir, n'est pas celui d'un militant: ma liberté est différente, ma responsabilité doit être différente - non pas à votre égard, parce que nous ne sommes pas réciproquement responsables, mais à l'égard des choses pour lesquelles nous disons d'être unis et d'être camarades.

Pour vous le dire tout de suite et pour éviter des dramatisations inutiles, je dirai qu'à la fin de cette intervention, en faisant certaines propositions, certaines suggestions - parce que c'est évident: comme partisan non-inscrit je ne pourrai pas voter ce soir mes motions ni l'élection des organes dirigeants - je dirai qu'il y a un secrétaire national du Parti radical, un directeur du journal 'Liberazione' à l'égard duquel le camarade non-radical - pas du Parti radical - que je suis, s'engage à être le collaborateur qu'il est nécessaire qu'il soit, qu'il peut être utile que je sois, qu'ils jugeront utile que je sois. Si les secrétaires nationaux ou les directeurs devaient être différents, il se peut que ce soit la même chose, peut-être pas, mais il est certain que je ne m'écarte pas, que je ne m'éloigne pas des raisons pour lesquelles le Parti radical existe, je les vis de façon différente, et convaincu.

Voyez-vous, il y a un exemple: pendant deux mois j'ai eu la possibilité d'être rigoureux avec vous et avec moi-même, et dans la conquête de la solitude, de la lente lecture de ces mécanismes, j'ai réussi tout au plus à produire une lettre de 14, 15 pages: je considérais que c'était une lettre parmi tant d'autres, et elle l'est: j'y ai écrit les seules choses écrites en plus des polycopies, des communiqués, et hier Andrea Valcarenghi me dit: "Tu as lu l'article de Pasolini (1) sur le "Tempo Illustrato" sur mon livre, sur ta préface?". Non! Voilà, Pasolini écrit: "(...) La préface de Marco Pannella, dix pages, est finalement le texte d'un manifeste politique du radicalisme italien, c'est un événement dans la culture italienne de ces dernières années..." etc...

Nous connaissons Pasolini, nous connaissons ses limites, nous avons pour lui de la sympathie, nous avons pour lui de l'antipathie: mais ce que j'ai essayé de faire en quelques semaines, camarades, amis, c'était la chose suivante: ne pas m'éloigner de vous, ne pas diminuer, donner - je ne le savais pas - peut-être finalement, comme le dit un bon radical dont je me souviens en écrivant ces lignes, un manifeste au radicalisme, et essayer d'être quelque chose qui débarrasse l'intellectuel italien de gauche de son narcissisme stérile et aride et de sa nature vide de classe. Et c'est le cas ici, lorsqu'on entend dire par un d'entre eux que c'est un événement de la culture, c'est-à-dire un événement de quelque chose qui ne m'intéresse pas et qui ne me concerne pas. Vous qui avez dit à vous-mêmes que Pannella était nécessaire au Parti radical: ça signifiait simplement nier le sens de ma présence: vous verrez que je ne suis pas nécessaire, et que je ne suis même pas nécessaire dans ces choses que vous appelez hu

maines, presque comme si elles étaient plus chargées de sens que les choses politiques.

Mon humanité, qui était celle de l'association de l'Union Goliardique Italienne, cette longue compagnie, ces choses que nous avons essayé jour après jour de vivre, de trouver, ces choses pour lesquelles nous savions que le laïcisme est révolution, parce que savoir que Vonet est notre compagnon ou notre compagne, savoir qu'il est différent, comme moi je suis différent, et comme un autre est différent, nous les avons vécues et affirmées, nous avons dit que le linceul des sépulcres blanchis par les idéologies, par les définitions des démons, des injures, de l'insulte, du fascisme, "est fasciste". Cette gauche qui devrait être laïque et qui récupère ensuite l'immonde dans la politique, "le fasciste", qui ensuite, je l'ai écrit dans la préface pour Valcarenghi, est l'autre façon de dire radical, objecteur, pédéraste, drogué, etc - "fasciste"!

En commettant des erreurs énormes, ne sachant pas, réduisant l'injure, trente ans de vie de notre Pays. Et ceux qui croient que l'unité soit l'unité des générations à l'état civil, ne savent rien du bonheur et de l'amour, parce qu'en réalité la seule unité qui existe, la seule continuité, c'est celle qui unit, à travers les générations, le père qui ne ressemble pas au fils qui est différent, et cette continuité, le fait de savoir qu'en fait dans ce dialogue il y a quelque chose d'historique, qui se constitue, qui continue, qui a ses règles précises, et que les tremblements communs de nos mécanismes communs ne sont pas, ne peuvent pas être, tout seuls, de grandes raisons d'unité (et je ne sous-estime pas l'unité de génération du mouvement des étudiants, le fait d'être jeunes, vous le verrez dans les protestations, dans les conseils que je donnerai à la fin de cette intervention).

Quant à vos nouveaux leaders ou directeurs, s'il est vrai qu'à 20 ans il existe des conditions objectives qui rendent plus faciles et plus plausibles et plus possibles certains gestes et actes et comportements conformes aux volontés de libérations radicales, et il est juste de les cueillir, il est juste de les souligner, de les utiliser, si vous voulez leur conférer une responsabilité, pour qu'ils deviennent des choix, et non la jouissance d'une condition qui n'a pas été conquise.

Mais Strik Lievers a raison, Spadaccia a raison, vous avez tous raison: le parti existe. Cela rend plus facile, cela a rendu plus linéaire, plus simple, ma décision, et la recherche de cette nouvelle compagnie, de cette nouvelle façon, avec vous et avec d'autres, de continuer, également ces facteurs humains: Gianfranco, pendant 18 ans, pendant 15 ans, ce qui nous a apparemment divisés c'est justement ta résistance sur ces choses de vie publique et de vie privée; tu t'en rendras compte, tu est déjà en train de te rendre compte, dans ce parti, combien en réalité les choses que nous voulions, les choses que nous disions, celles pour lesquelles ensuite tu as toujours été ici, mais que tu as vécu avec des contradictions; tu gagneras d'autres contradictions, tu gagnera d'autres douleurs et d'autres bonheurs à toutes les latitudes. Gianfranco D'Altri, Vincenzo Punzi, Felice Pannella, Lucio, Rolando, et peut-être même Roberto, seront d'autres porteurs d'humanité entre des guillemets qui inquiéteront, qui troubl

eront, et c'est à ceux qu'elles inquiéteront, que sans amitié, sans affection, mais avec la clarté du compagnon, que je sens que je dois adresser mes meilleurs voeux, et leur souhaiter que le parti ne soit pas trop lourd pour eux et pour leur vie.

Il y a donc ces référendums. Je dirais que nous devons faire très attention, Je voudrais aussi dire: tâchons d'être rigoureux dans les contenus du référendum, et tâchons de nous rappeler qu'il faut faire scandale. Mais plus nous savons qu'il faut faire scandale, plus nous devons aussi savoir qu'il existe par contre un scandale par rapport auquel il est juste de dire "que la malédiction tombe sur vous"; c'est-à-dire que nous avons le devoir de la prudence intérieure, nous avons le devoir (pas même le droit) de calculer d'être prudents, en tenant compte des réflexes et des réactions des autres. Qui sait ce qu'ils diront?...

Ainsi, sur ce plan nous avons le devoir d'être profondément certains et convaincus que nous ne transférons même pas dans les référendums nos obsessions privées, mais que nous y transférons nos clartés; autrement dit que nous proposons les choses que nous savons ne pas être amères pour la conscience des autres, parce que nous ne sommes pas une secte, mais, comme nous disions, une minorité qui est la pointe qui ressort des gens, une minorité organisée, ceux qui ont compris que la liberté et la responsabilité renforce, nous renforce à travers le moment de l'organisation, et l'organisation ne demande pas de sacrifices de liberté et de responsabilité, autrement qu'elle aille au diable, elle ne nous intéresse pas, elle ne nous concerne pas. (...)

Angiolo Bandinelli, dans son rapport, qui a été robuste, a dit certaines choses qui représentent une raison de confiance à votre égard, à l'égard du parti. C'est vrai, c'est le parti du 51%: non pas parce que nous pensons gouverner à coups de 51% (excusez-moi, nous sommes le seul parti qui demande pour ses motions la majorité des 3/4, n'est-ce-pas?), il est par conséquent évident que ce n'est pas notre attitude; le discours est un autre; c'est qu'au moment où l'on renonce en fait à observer la lutte politique avec l'effort moral du "OUI" et du "NON", le jour où l'on renonce, comme a renoncé la classe politique italienne, à se lier à la moralité du choix compréhensible par tous, alors les dangers sont fort graves, et ce sont des dangers qui sont aussi une réalité, la réalité du régime gagnant.

Je voudrais seulement ajouter une observation que j'ai déjà fait, mais sur laquelle nous devons insister: il n'y a que ceux qui n'ont pas la conscience d'un démocrate qui peuvent continuer à répéter, comme le sordide Casalegno d'aujourd'hui (ce moraliste emblématique du laïcisme italien, qui s'en tient aux valeurs laïques comme le catholicisme italien s'en tient à la religion), ces moralistes par douzaines, ces moraliste et serviteurs du régime qu'il faut craindre lorsque dans le Pays une coalition et l'autre s'affrontent clairement. Mais l'essence de la démocratie est la confiance dans l'affrontement, et seul celui qui possède à l'intérieur de lui-même le passé de Trente ou le passé stalinien peut avoir peur de dire: je lutte pour que la Démocratie Chrétienne soit mise en minorité, pour que les autres soient mis en minorité, parce qu'en eux continue à vivre le souvenir et le remords des traditions dans lesquelles l'autre, s'il était différent, devait être torturé et tué, qu'il fût de Trieste ou qu'il f

ût stalinien.

Je comprends Enrico Berlinguer (2) dans sa grisaille, quelqu'un qui a pour lui de s'être tu sur les massacres pré-nazis des populations de la Volga et du Don, d'avoir cru à la "Realpolitik", d'avoir cru contre la vie à la création politique, à l'Etat, à l'idéologie, au point, justement, de prendre en exemple l'histoire de la torture de l'autre, de l'assassinat de l'autre. Je comprends qu'à ce point il ait peur de toucher l'autre ne fut-ce qu'avec une caresse.

Mais c'est cela que nous devons revendiquer: le fait que nous sommes à l'extrême gauche, et nous le sommes. Nous sommes capables de donner vigueur à la gauche italienne parce que nous savons à chaque moment que l'adversaire vaut autant que nous. Nous connaissons non seulement la différence entre l'erreur et celui qui se trompe, mais quelle est la vraie différence historique entre l'erreur et la vérité. Car nous sommes tuteurs d'espoirs anciens, qui sont encore vivants et frais en Italie. Certains mythes de la révolution française, certains espoirs de la bourgeoisie au moment généreux de son adolescence (et trouble, les choses se sont terminées comme elles se sont terminées), la droite historique, toutes ces choses désincarnées par la manière concrète dont elles furent utilisées historiquement à des fins de pouvoir, sont nos espoirs, sont les espoirs d'égalité, de fraternité, de justice, les espoirs d'un Etat de droit.

Car avec une légère différence par rapport à toi, Giuliana, je sens que je peux dire: les lois ne m'intéressent pas, elles ne me concernent pas: parce que je suis convaincu qu'il existe, je le répète encore, des lois qui interdisent d'interdire, qui sont nécessaires. En cela je n'ai rien en commun avec les vieux camarades anarchistes (les anarchistes eux aussi des funérailles et des échecs, comme les communistes et les socialistes). Je sais qu'il n'y a qu'en construisant, et non en détruisant, que nous bâtissons des périmètres de liberté et d'amour majeur, qu'un corps politique, comme un corps humain, en se cognant le nez, en tombant, en se trompant de caresses ou en se trompant de tentatives, peut cependant espérer de renoncer à créer, d'être parfait.

Alors vous pouvez peut-être dire, en parlant de politique, que nous soulignons la façon dont le libéral Malagodi (3), les prétendus socialistes de De Martino (4), les dirigeants de la vie politique italienne qui se permettent depuis 27 ans, du haut de leurs positions, le luxe d'attaquer Togliatti (5), d'attaquer la ligne communiste, qu'ils la répètent; tous, d'Almirante (6) à De Martino; ne reléguez pas la Démocratie Chrétienne à la minorité, mais prenez-nous, cooptez-nous. Cette vision mystique, cette vision corporative de l'Etat - comme le disait Gianfranco - doit être elle aussi encadrée. La nôtre est une société dans laquelle l'affrontement syndical ne doit pas se traduire en affrontement politique, il doit se traduire en négociations, en colloques, en affrontement politique mais à l'intérieur de la caste dirigeante de politiques bureaucratiques, de bureaucrates politiques.

Mais notre idée est l'idée démocratique, traditionnelle si vous voulez, celle du bipartitisme tendanciel, celle des choix: nous voulons la Démocratie chrétienne de l'autre coté, parce que la démocratie chrétienne est le fascisme, le fascisme était la Démocratie chrétienne, mais nous devons le dire sans insulte (parce que nous devrions insulter 99.99% de ceux qui ont vécu avant nous et auxquels nous sommes de toute façon liés). Cela signifie être laïques.

C'est pourquoi, en termes de civilité, en termes démocratiques de classe, la valeur de ce parti est celle de préfigurer dans les douleurs et dans le bonheur que l'on conquière, dans les victoires que fait vraiment la société à laquelle nous pouvons tous espérer d'arriver, pas un jour trop lointain, mais d'arriver jour après jour, un peu plus. Il n'y aura jamais de société sans luttes, sans contradictions, sans douleurs. La seule chose que nous pouvons demander à nous-mêmes, c'est de ne pas être mortifiés par des douleurs inutiles et fragiles, étrangères, celles auxquelles notre condition de femmes et d'hommes peut justement nous demander à ce point de l'histoire de ne pas renoncer, de ne pas mourir de faim, de ne pas lyncher, n'est-ce-pas?, et toutes ces autres choses. (...)

Aujourd'hui je n'ai peut-être pas dit les choses que je voulais dire, je ne vous ai pas dit la plupart des choses que je voulais dire ce matin, parce que j'étais fatigué, parce que je portais (et je m'en suis libéré) le poids de la volonté, des contradictions à travers lesquelles nous avons dû passer au mois de juillet, celles dont nous avons parlé, celle de ce Congrès, de mon réengagement, qui m'a coûté, qui m'a coûté concrètement, une vie différente que celle que je prévoyais et que je voulais, donc un échec là où il y a de l'espoir, donc une dureté là où il y avait de la douceur. Le problème est que ce parti (comme je dis que je suis partisan non-inscrit de ce parti) doit exister, et il existe, et j'ai confiance, car de Sandro et de tant d'autres, de ceux - je tiens à le souligner - qui croient qu'il n'y a pas de possibilités en Italie de renverser la tendance actuelle et la force de régime pendant vingt ans au moins, au-delà de la force spécifique de la signification, des choix et de la méthode du P

arti radical. C'est cela, si ce que j'ai compris a un sens, qu'il est juste de faire: renforcer le mouvement dont nous faisons tous partie, le mouvement radical dont le PR est la figure la plus importante et le mouvement central, mais que nous devons pouvoir vivre aussi dans des formes différentes, même si notre Statut le prévoit déjà et le comprend fondamentalement lorsque non seulement Ivone, non seulement Franco Roccella, non seulement ceux auxquels nous pouvons donner des noms, et une situation, mais les visages, les tant de visages inconnus, auront mûri en eux la conscience que le PR ne comporte pas de sublimations mais des affirmations précises; qu'il ne comporte pas des évasions, qu'il ne comporte pas des (....), ou des déviations phallocrates. (...)

Eh bien, si telle est la situation, je crois vraiment pouvoir dire que, libéré de la contradiction dont et pour laquelle nous avons souffert (et j'ai souffert), je serai un bon camarade: et que l'on se souvienne d'une seule chose: je m'étais engagé il y a dix jours à être un bon camarde, et je crois que je le serai pour tous.

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N.d.T

1 - PASOLINI PIERPAOLO. (Bologne 1922 - Rome 1975). Ecrivain et metteur en scène, italien. Romans ("Ragazzi di vita", 1955; "Una vita violenta", 1959), poésie ("Les cendres de Gramsci", 1957, etc), théâtre, cinéma ("Accattone", 1961, "Il Vangelo secondo Matteo", 1964, etc), mais surtout formidable polémiste et moraliste, il dénonça les méfaits de la "bourgeoisie", et critiqua âprement la gauche italienne pour ses incapacités. Sympathisant du Parti radical, sur lequel il a écrit de très belles pages, le jour de sa mort il aurait dû aller à Florence, pour une intervention au Congrès de ce parti.

2 - BERLINGUER ENRICO. (Sassari 1922 - Padoue 1984). Homme politique italien. Député à partir de 1968, secrétaire général du Parti Communiste Italien (PCI) de 1979 à sa mort. Après la crise et l'assassinat d'Allende il fut fauteur du "compromis historique", qui amena de 1976 à 1979 à la soi-disant "majorité du non-refus de confiance", la plus haute réalisation de la stratégie de Togliatti pour un accord organique avec la Démocratie Chrétienne. C'est à lui qu'appartînt le projet de donner naissance au soi-disant "Eurocommunisme", une tentative de projeter en occident un réformisme qui ne reniât pas tout à fait l'expérience communiste.

3 - MALAGODI GIOVANNI. (Londres 1904 - Rome 1991). secrétaire du Parti libéral italien (PLI) de 1954 à 1972. Modéré.

4 - DE MARTINO FRANCESCO. (Naples 1907). Historien du droit, professeur d'université, homme politique. Secrétaire du Parti socialiste italien (PSI) de 1964 à 1966 et de 1972 à 1976. Il organisa la brève expérience du Parti socialiste unifié (PSU) grâce à la fusion avec le Parti social-démocrate italien. Vice-président du conseil (1968-72). Après l'échec électoral de 1976 il fut remplacé par Bettino Craxi, lors des célèbres réunions à l'hôtel "Midas" de Rome.

5 - TOGLIATTI PALMIRO. (Gênes 1893 - Yalta 1964). Collaborateur, à Turin, de A. Gramsci, parmi les fondateurs du Parti Communiste Italien, dont il fut secrétaire de 1927 à sa mort. En exil en Russie il fit partie du secrétariat du Komintern et eut un rôle important dans la guerre civile espagnole. Rentré en Italie en 1944, il lança une politique "nationale" à partir du vote sur les pactes de Latran, se heurtant aux forces laïques du pays. Au gouvernement de 1944 à 1947, comme ministre aussi. Après les élections de 1948, il monopolisa le rôle de l'opposition mais favorisa aussi de façon prioritaire le "dialogue" avec la Démocratie Chrétienne et le monde catholique, sans jamais rompre avec le Vatican. Le projet de "voie nationale au socialisme" n'atteignit pas son objectif de fond, et porta même le système politique dans une impasse, empêchant la gauche de conquérir une "alternance" de gouvernement à la Démocratie Chrétienne.

6 - ALMIRANTE GIORGIO. (Salsomaggiore 1914 - Rome 1988). Secrétaire du MSI, Mouvement Social Italien (le parti de droite qui se considère héritier du fascisme) de 1969 à 1987.

 
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