Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mar 11 feb. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Archivio Partito radicale
Sciascia Leonardo, Moravia Alberto - 28 giugno 1974
LE POUR ET LE CONTRE
par Leonardo Sciascia et Alberto Moravia

SOMMAIRE: Marco Pannella jeûne pendant quatre-vingt-dix jours afin que la RAI-Tv fixe une émission de 15 minutes réservée à la LID et une autre à Dom Franzoni; que le Pr soit reçu par le président de la République Leone; que le Parlement garantisse les temps règlementaires de discussion sur le projet de loi sur l'avortement et sur le vote à 18 ans; que le "Messaggero" garantisse le respect de la ligne démocratique et laïque suivie par la rédaction. C'est Pier Paolo Pasolini qui brise le mur du silence sur l'initiative radicale, par un article "tribune ouverte" publié dans le "Corriere Della Sera" [texte N·1356]. "L'Espresso" a demandé à Leonardo Sciascia et à Alberto Moravia leur opinion sur le leader radical Marco Pannella et sur sa stratégie politique. Pour Sciascia »les choses que demande Pannella sont, singulièrement, juste; et il est juste qu'il les demande. Mais un grand parti politique [le Pci] ne peut être "fou de liberté", comme Pannella se définit lui-même dans son interview dans "Il Mondo". Il ne

peut même pas se placer devant la liberté absolue, mais il peut aimer à raisonner sur les différentes libertés et choisir graduellement entre celles-ci. Pour Moravia, l'exigence avancée par Pannella avec son jeûne est celle d'»oublier quelques fois la politique pour miser par contre sur ce qui n'est pas juste politiquement, mais qui est juste selon la justice .

("L'Espresso", 28 juin 1974)

Leonardo Sciascia

Je suis pleinement d'accord avec Pannella lorsqu'il dit qu'il est important qu'il y ait des tentatives dans le sens de la liberté, des tentatives de libération. Mais la sympathie et le respect que j'éprouve pour toute tentative de ce genre, et par conséquent, également pour la sienne, ne peuvent pas m'empêcher d'exprimer ma dissension, puisque dissension il y a. Ce que je n'aime pas dans sa tentative, c'est le fait de jeûner. Je le vois enveloppé dans les ombres du mysticisme dont je le soupçonne. Pourquoi réinventer comme protestation civile une privation que pendant des siècles nous avons subie par la contrainte de ce monde et de l'au-delà? Il y a trop de siècles de jeûne involontaire derrière moi pour que je puisse apprécier un jeûne volontaire. Et je dis derrière moi pour dire derrière des millions et des millions d'Italiens: qui d'ailleurs restent plutôt indifférents devant le jeûne de Pannella, même lorsqu'ils en sont informés, ou bien ils le mettent sur le compte d'une soif anachronique de sainte

té. On ne peut guère non plus imputer à la tendance immodérée à la consommation, le caractère réfractaire du peuple devant une telle forme de protestation: il s'agit simplement et uniquement d'une aversion pour le jeûne, d'une peur du jeûne. L'un des grands étonnement de Polichinelle devant les français était que pour eux le petit-déjeuner correspondait à la "première collation du matin" ["jeûne" se dit en italien "digiuno], autrement dit voulait dire "manger", tandis que pour nous-autres italiens, cela représentait la faim la plus noire. Le problème aujourd'hui, pour des millions et des millions d'Italiens et de ne plus jamais avoir à souffrir de la faim. Et nous pouvons nous en prendre autant qu'il nous plaira au Pci: mais il est certain que celui-ci exprime cette exigence primaire des italiens et qu'il se préoccupe de résoudre ce problème. Nous pouvons nous mettre à gauche du Parti communiste, courir vers des mirages toujours plus à gauche, mais dans l'effort d'éviter que les italiens recommencent à jeûn

er, je ne crois pas que l'on réussira à être plus responsables et concrets que ce que le Parti est déjà.

Les choses que demande Pannella sont, singulièrement, justes; et il est juste qu'il les demande. Mais un grand parti politique [le Pci] ne peut être "fou de liberté", comme Pannella se définit lui-même dans son interview dans "Il Mondo". Il ne peut même pas se placer devant la liberté absolue, mais il peut aimer à raisonner sur les différentes libertés et choisir graduellement entre celles-ci. Ou bien il risquera de les perdre toutes, puisque ceux qui aiment la liberté sont nombreux, mais bien plus nombreux sont ceux qui ne l'aiment pas.

Alberto Moravia

Cela ne m'intéresse pas de savoir si l'arme du jeûne est juste ou pas, si Pannella a raison d'y recourir ou tort, dans ce cas particulier et en général. Ce qui m'intéresse c'est un tout autre aspect. L'Italie est un Pays pauvre d'élans, d'idéaux. Ailleurs, ces élans arrivent même à l'extravagance, à la bizarrerie, jusqu'à la folie. Le non-conformisme des anglosaxons ne dédaigne pas, par exemple, les manifestations les plus hardies. En Italie, au contraire, nous vivons toujours dans le réalisme. Et comme chacun sait, avec le réalisme on peut très bien arriver au "qualunquismo", mais pas jusqu'au "Don quichottisme". Mais quelle est l'exigence avancée par Pannella avec son jeûne? L'exigence d'oublier quelque fois la politique pour miser par contre sur ce qui n'est pas juste politiquement, mais qui est juste selon la justice. Je ne suis pas d'accord avec Pasolini lorsqu'il dit que les deux grands perdants du referendum sont la DC et le PCI; je dirais par contre que ce qui a été battu au referendum c'est la

politique entendue comme activité en soi, à savoir comme unique protagoniste sur la scène de l'histoire. Mais le fait que la victoire soit allée à quelque chose qui n'est pas vraiment politique, est démontré par le fait que les partis, après le referendum, ont dû ajuster leur tir selon cette chose justement.

En ce sens, Pannella a obtenu une claire victoire même si ce n'est pas vrai que le Pci a été battu. Quant au jeûne, il fait partie des armes non conventionnelles dont disposent les isolés, les minorités, les idéalistes, les non conformistes, et en général ceux qui ne font pas une véritable politique, contre la politique qui dans le monde d'aujourd'hui, fait de masses et non pas d'élites, tend par la force des choses à être conformiste, liée au bon sens, et surtout, majoritaire. Que Lloyd George ait laissé mourir de faim le maire de Cork ne prouve absolument rien en général contre le jeûne comme instrument politique. Il faut voir quand, contre qui, dans quelles circonstances on fait recours au jeûne. Dans le cas de Marco Pannella, le jeûne a été un moyen politique plus que justifié tant par le bon sens machiavélique de la politique italienne en général que par le fait que, dans ce cas spécifique, alors que tous les partis, tout en prétendant combattre pour ou contre le divorce, combattaient en réalité po

ur tout autre chose (comme eux-mêmes le laissaient entendre et l'admettaient sans difficulté), lui, Pannella, se battait justement pour le divorce. C'est ce caractère concret de l'objectif à atteindre qui a poussé Pannella à faire recours au jeûne pour affirmer son droit à la communication avec le pouvoir et avec les masses.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail