SOMMAIRE: Marco Pannella annonce qu'il a suspendu sa grève de la faim vu les résultats obtenus (l'audience du Président de la République et l'intervention à la télévision) et les inquiétudes des médecins et de ses amis pour son intention de la reprendre le 25 juillet pour obtenir des garanties sur les autres objectifs (le jeûne avait commencé le 3 mai pour appuyer la demande que la Ligue Italienne du Divorce pût défendre ne fut-ce que pendant un quart d'heure à la télévision son point de vue sur le divorce, pour que le Parlement examinât la proposition de loi sur l'avortement, pour que le Président Leone reçût une délégation de la LID et du PR et pour que fut garantie la ligne laïque du quotidien romain "Il Messagero". Par la suite sept autres objectifs avaient été ajoutés: l'installation de la Commission d'Enquête, le vote à dix-huit ans, le droit de famille, une protection pour les promoteurs des référendums, la concession de la part des journaux d'une page publicitaire à la LID, des peines sévères pour ce
ux qui exportent des capitaux).
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La salle est comble lorsque Marco Pannella annonce que, compte tenu des conseils de ses camarades et amis et des inquiétudes des médecins, il suspend le jeûne pour le reprendre à outrance le 25 juillet. Il y a là des parlementaires influents, d'anciens camarades radicaux, des hommes du monde de la culture, mais aussi beaucoup de personnes jamais vues à nos réunions et qui ont suivi l'histoire du jeûne sur les journaux. Près de Marco, à la Présidence, ont pris place Riccardo Lombardi et Elena Croce, Franco De Cataldo et Gianfranco Spadaccia, Aldo Aiello et Fabrizio Cicchitto, de la délégation du Parti socialiste qui a négocié et collaboré avec le Parti Radical et la LID (1), Alessandro Perrone, Antonio Baslini. Assis au fond de la salle, Ferruccio Parri. Debout dans la foule, Umberto Terracini, et puis l'ancien président de la Cour Constitutionnelle Giuseppe Branca, le député Signorile, de la direction du Parti socialiste qui a été désigné quelques heures plus tôt rapporteur du projet de loi sur l'avortement,
le journaliste Lucio Manisco, Pier Paolo Pasolini, le metteur en scène Franco Rosi, Paola Pitagora, don Luigi Sandri, directeur de Com, le professeur Levi Montalcini, Lelio Luttazzi, la directrice de "La nuova Tribuna" Beatrice Rangoni Machiavelli, le social-démocrate, Galuppi, quelques parlementaires, beaucoup de journalistes de la presse italienne et étrangère. Beaucoup de gens qui n'ont pas pu intervenir, retenus par d'autres occupations, ont envoyé des télégrammes ou des lettres. De Cataldo lit une lettre de Giacomo Mancini (2): "Cher Marco, la réunion du Conseil des ministres qui a lieu en même temps que ta conférence de presse, ne me permet pas, comme je l'aurais voulu, de venir t'écouter. Tu sais avec combien d'intérêt et combien de sympathie tous les socialistes italiens ont suivi ton action courageuse pour les libertés civiles et tu sais que ma solidarité pour toi continue à être totale. En te souhaitant le mieux, ainsi qu'à tes amis et camarades qui partagent de plus en plus nombreux ton engagemen
t pour le renouvellement de la société, je t'envoie toutes mes amitiés".
Marco commence à parler à 11h 30 et continuera pendant une heure. Son discours est un bilan de ces 78 jours de jeûne et de lutte, un examen analytique des résultats atteints et de ceux pour lesquels il faut encore s'engager durement. A le convaincre de suspendre pendant quelques jours le jeûne il n'y a pas que les inquiétudes des médecins et des amis, il y a aussi l'évaluation des premiers succès partiels et la considération qu'il faut faire mûrir les consensus qui commencent à se manifester parmi les forces politiques démocratiques.
L'audience du Président de la République (3), l'intervention finalement diffusée la veille par la RAI-TV (4) peuvent finalement avoir donné à l'opinion publique la sensation que les objectifs du jeûne ont été atteints. Il n'en pas ainsi. Deux points seulement ne font plus partie du paquet des objectifs de la LID et du PR (celui qui se rapporte à la RAI-TV et celui qui se rapporte à la continuité de la ligne laïque du "Messagero", qu'on a laissé tomber). Sur tous les autres points des garanties n'ont pas encore été obtenues. C'est pourquoi le 25 juillet il reprendra le jeûne "à outrance" et invitera les autres camarades à le reprendre avec lui uniquement après avoir bien évalué les responsabilités et les risques. On entrera autrement dit dans une phase dure et conclusive de l'épreuve de force qui a commencé il y a trois mois avec les institutions pour obtenir le respect des droits des minorités et la restauration, dans les comportements parlementaires, de la légalité républicaine. Déjà le 24 juin, en déclaran
t que le jeûne aurait été mené à outrance, il avait évalué cette affirmation dans toute sa gravité. "Je n'ai pas de problèmes d'orgueil et de cohérence formelle et par conséquent, si je considérais m'être trompé dans mes évaluations ou si j'étais convaincu par d'autres raisons opposées, je pourrais le reconnaître tranquillement aujourd'hui et annoncer purement et simplement l'interruption du jeûne. Ce n'est pas le cas. Les pressions et les préoccupations de mes amis ne sont donc pas une raison suffisante pour que je renonce à la lutte que nous avons entrepris ensemble". Pannella est extrêmement polémique, encore une fois, avec la presse de régime. "Autour des anciens radicaux et des nonviolents il y a aujourd'hui un intérêt qui hier n'existait pas. Mais l'attention pour le jeûne et pour le jeûneur est devenue une raison de plus pour censurer les nouvelles sur les objectifs de cette lutte qui est une lutte collective". C'est une raison de plus pour ne pas parler d'autre chose: des répressions ecclésiastiques
contre Marisa Galli, la soeur du "non", et contre Don Marco Bisceglia; de la rétraction à laquelle a été obligé Don Alberto Prunas Tola, coupables tous les trois d'avoir accepté d'écrire durant le référendum sur la page accordée par "Il Mondo" à la LID. Marisa Galli, éloignée de son Ordre et de l'Institut d'assistance qu'elle dirigeait à Igea Marina, a été obligée de s'installer à Genève pour trouver du travail et elle n'est pas présente à la conférence de presse. Il y a par contre, accueillis par les applaudissements de solidarité des présents, Don Marco et Don Alberto.
Pannella rejette les accusations d'exercer, sous des formes nonviolentes, une violence morale ou un chantage politique. Lorsque nous demandons le respect des droits des minorités, lorsque nous demandons au Parlement de fixer un terme pour le débat et le vote sur le droit de famille et sur le vote à dix-huit ans, et d'assurer, respectant ses propres règlements, le début du débat pour la loi sur l'avortement, nous n'essayons pas d'imposer nos positions particulières, ou nos requêtes de type corporatif. "Les institutions dont nous demandons que soit assuré le fonctionnement, ne sont pas nos institutions; la légalité dont nous demandons le respect n'est pas notre légalité; un libertaire, un nonviolent est effectivement tel lorsqu'il agit dans le cadre d'une légalité qui n'est pas la sienne mais celle dans laquelle ses adversaires acceptent d'agir politiquement et dont ils tirent leur origine".
Tous les objectifs de lutte du PR et de la LID ont donc été confirmés.
Pour la réforme du droit de famille et le vote à dix-huit ans, la lutte ne se terminera que lorsque les Présidents des deux Chambres assureront, comme ce fut déjà le cas pour le divorce et pour l'objection de conscience, que le cheminement parlementaire des deux lois sera achevé, jusqu'au vote définitif, avant la fin de l'année. C'est désormais la demande qu'avance le Parti socialiste. Le député Manca a fait parvenir à la présidence un communiqué précis dans ce sens du secrétariat socialiste: "Le secrétariat du PSI a invité les présidents des groupes parlementaires Mariotti et Zuccalà à promouvoir les initiatives nécessaires pour accélérer le cheminement parlementaire de la loi sur le droit de famille et de celle sur le vote à dix-huit ans. Les représentants du PSI, dans la conférences des chefs de groupe, solliciteront un engagement de la part des Présidents de la Chambre et du Sénat afin qu'ils fassent tout le possible pour que le deux lois, sur lesquelles il semble ne pas exister d'oppositions de principe
de la part d'aucun groupe, soient discutées et votées dans l'année". Des déclarations semblables de bonne volonté sont exprimées par les autres forces politiques, mais elles doivent être encore traduites en décisions opérationnelles conséquentes. Pour l'avortement on demande, en plus de la nomination du rapporteur et de l'inscription à l'ordre du jour, également la fixation des délais avant lesquels, à la discrétion des commissions santé et justice, le débat devra avoir lieu en assemblée consultative.
En ce qui concerne la demande d'audience au Président de la République, elle reste confirmée. Mais il y a une "impasse". Il existe un contraste entre une pratique, que le Président ne considère pas devoir innover, et un principe que nous considérons juste de réaffirmer. "Le problème, pour nous, n'est pas de voir notre position l'emporter. La LID et le PR proposeront aux forces politiques la recherche d'une solution réglementée, qui permette au Président de la République de connaître avec ses propres instruments de connaissance, dans certains cas, et avec certaines modalités, également l'opinion et les instances des minorités politiques non parlementaires. A ces fins, des contacts seront pris également avec le secrétaire général de la Présidence de la République". Pannella confirme aussi les autres points: la demande d'une entrevue à Agnelli (5) et Cefis (6), la présentation d'un projet de loi qui prévoie des peines très sévères pour ceux qui exportent des capitaux, la demande d'une page de publicité gratuite
"una tantum" pour les mouvements pour les droits civils, etc.
Sur la RAI-TV, avec laquelle, grâce à l'intéressement et à la médiation du PSI un accord a été conclu, Pannella dénonce le comportement incorrect de ses dirigeants. Le premier point a déjà été violé. On a tout fait pour empêcher au public de connaître la variation des programmes et la diffusion de l'intervention de la LID. Il a annoncé en outre que la LID et le PR demanderont une entrevue à la commission de surveillance et au directeur général de l'organisme: notamment pour demander une juste information sur l'initiative du jeûne ou sur les huit référendums organisés par le PR.
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N.d.T
1 - LID. Sigle de la Ligue Italienne pour le Divorce. Fondée en 1965 par Marco Pannella, Mauro Mellini, Loris Fortuna (député socialiste) et Antonio Baslini (député libéral), elle organisa les forces en soutien de l'introduction de la loi présentée par les deux parlementaires, en misant surtout sur les énergies des séparés et de ceux qui avaient la nécessité de résoudre leurs problèmes familiaux. Elle eut une part essentielle dans la mobilisation des divorcés et des militants qui permirent l'introduction de la loi en Italie. Ce fut le premier exemple, en Italie, d'un organisme né sur les thèmes des droits civils. La LID était fédérée au Parti radical.
2 - MANCINI GIACOMO. (Cosenza 1916). Homme politique italien. Secrétaire du Parti socialiste italien (PSI) (1970-72), plusieurs fois ministre.
3 - LEONE GIOVANNI. (Naples 1908). Président du Conseil (1963-68) et ensuite de la République (1971-78). Il fut obligé de démissionner, impliqué dans le scandale Lockheed, suite au référendum sur le financement des partis organisé par le Parti radical.
4 - RAI: Radio-Télévision italienne.
5 - AGNELLI. Famille d'industriels italiens de l'automobile. Turinois, Giovanni (1866-1945) fut le fondateur de FIAT. Son neveu Giovanni - mieux connu comme Gianni (1921) - est actuellement président de la société, tandis que son frère Umberto (1934) en est le vice-président. Entre 1974 et 1976, Gianni fut aussi président de la Confindustria, l'association syndicale des industriels, tandis que Umberto a été sénateur de 1976 à 1979. Gianni Agnelli a été nommé sénateur à vie en 1991 par le Président de la République Francesco Cossiga.
6 - CEFIS EUGENIO. (Cividale del Friuli 1921). De 1967 à 1971 Président de l'ENI, l'Organisme national pour les hydrocarbures, et de la Montedison (1971-1977). Protagoniste de la reconstruction économique italienne, favorisée par sa politique pétrolière et du méthane, il se servit de systèmes de pouvoirs et de corruption sans scrupules pour parvenir à ses fins.