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Pannella Marco - 15 novembre 1974
1976 brigades rouges: opération avortement
Préface de Marco Pannella

SOMMAIRE: Plus qu'une préface au livre de Mellini, "1976 brigades rouges: opération avortement", Marco Pannella trace l'itinéraire possible de la lutte pour la légalisation de l'avortement. Une lutte qui, comme les autres luttes menées par les radicaux, ne doit pas se dérouler uniquement sur le plan culturel et théorique mais amener à l'approbation concrète d'une loi. Dans ce contexte, un rappel dur et amer au député Loris Fortuna qui, dans une interview à un hebdomadaire espagnol, affirme avoir présenté la loi sur l'avortement, mais ne pas vouloir qu'on la discute au Parlement: "Tu préfères la discussion culturelle, philosophique et médicale, pour voir s'il existe une base d'accord. C'est une indication qui vaut aussi pour l'Espagne: elle est parfaite. Là aussi, au lieu de briser l'unité aujourd'hui fasciste, demain antifasciste, il faudra être réalistes et "préférer à l'affrontement idéal et politique la discussion" avec des philosophes, des médecins et des personnes cultivées. De toute façon eux n'avorten

t pas: eux aussi ont le temps. Comme les politiques. Il suffit ici et il suffira de "faire un geste" pour le public, le public boeuf, et les vaches qui sont mollement engrossées". Malgré ces attitudes renonciataires du "père" du divorce, le calendrier radical est tracé avec précision: trois ans ou un peu plus pour parvenir au vote de la loi sur l'avortement [prévision exacte puisque la loi sur l'avortement sera approuvée en mai 1978, trois ans et six mois après cet article - n.d.r.]; à partir du mois de février, récolte de signatures pour un référendum qui pourra se tenir en 1976. C'est pour Mauro Mellini qu'il réserve des mots de grande gratitude: "Si je devais indiquer un anti-Andreotti, dans notre pays, par choix, moralité, culture, politique, caractère, style de vie, je ne saurais trouver rien de mieux que Mauro, Mauro Mellini". "Il ne sait même pas ce qu'est le pouvoir: pour lui le Roi est nu et c'est tout: parce qu'il pense que ses yeux ne sont pas différents de ceux de toute autre personne". C'est vra

iment un laïque. Il ne connaît de vérité que pour la partager, en nourrir les autres, la transmettre".

(Mauro Mellini, "1976 brigades rouges: opération avortement" - Ed. Savelli, Rome 1974)

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Un journaliste espagnol vient de finir de m'interviewer. Il m'a laissé un exemplaire de son journal: "Gentleman". Il y a quelques semaines un commando de "Christ Roi" à Madrid, a dévasté le siège de ce journal. L'hebdomadaire cherche d'avoir en quelque sorte une incidence sur les moeurs ibériques dans le sens européen, en évoquant des situations et des luttes à l'étranger qui peuvent peut-être remuer ou former également en Espagne des courants d'opinion plus libéraux et démocratiques. Le numéro que j'ai devant moi annonce sur la couverture: "Entrevista con L. Fortuna, padre del divorcio italiano". Je le parcours avec curiosité, très vite payée de retour (1).

Autrefois et pendant des années, avec Loris et Mauro Mellini nous avons été unis comme trois mousquetaires: comme eux différents et solidaires. A présent nous ne rencontrons plus Fortuna, et ce n'est pas nous qui l'avons choisi.

Nous avons senti le devoir de nous montrer ensemble le soir du 13 mai, parmi le peuple romain en fête pour la victoire du référendum, mais en réalité c'est depuis le 11 février qu'on ne se voit pas.

Ce jour-là, anniversaire de la malheureuse Conciliation entre l'état et l'église fasciste, Fortuna déposa sur la table de la Présidence de la Chambre son projet de nouvelle discipline de l'interruption volontaire de grossesse, une initiative dont le Parti Radical (auquel nous appartenions tous les trois) s'occupait depuis près de deux ans avec énergie, et qu'ensemble nous avions présenté aux journalistes de la presse étrangère quelques semaines plus tôt. Dès ce moment-là, nous n'avons pas cessé de lutter avec des campagnes politiques, des récoltes de signatures pour des référendums abrogatifs, des meetings, des auto-dénonciations et des grèves de la faim, des contacts et des pressions avec les Présidences des Chambres, les Secrétariats des Partis, les hebdomadaire, les quotidiens; "nous", radicaux et féministes du Mouvement de Libération de la Femme.

Ce qu'a fait et pensé Fortuna est à présent public, du moins à Madrid. Son espagnol sonne clair: comme le latin démocrate-chrétien en thème de divorce. Il n'est pas nécessaire de le traduire, il suffit de le transcrire. Voici, donc, quelques passages de l'interview. L'interviewer vient de remarquer que l'affrontement sur l'avortement s'annonce encore plus dur que celui sur le divorce.

Fortuna: »Y por eso no doy batalla en este terreno. Prefiero la discusión cultural, filosófica y médica, para ver si existe una base de acuerdo. Pero sin forzar un choque .

Gentleman: »O sea, su ley sobre el aborto dormirà en el Parlamento. No se toca .

Fortuna: »Ninguna presión. He presentado la ley, pero no tengo intención de que se discuta .

Gentleman: »Ni acelerar los tiempos .

Fortuna: »No, no .

Le député socialiste italien a dicté une épigraphe pour le Parlement qui devrait être républicain, il a fourni un exemple de coutume démocratique nationale aux lecteurs espagnols, pour le futur qui les attend: "J'ai présenté la loi, mais je n'entends pas qu'on la discute". Está muy claro, ami Loris. La loi dormira. On ne la touche pas. Pas de "pressions". Tu préfères la discussion culturelle, philosophique et médicale, pour voir s'il existe une base d'accord. C'est une indication qui vaut aussi pour l'Espagne: elle est parfaite. Là aussi, au lieu de briser maintenant l'unité fasciste, demain antifasciste, en attendant l'"alternative suivante", il conviendra être réaliste et "préférer à l'affrontement idéal et politique, la discussion" avec des philosophes, des médecins et des gens cultivés. De toute façon eux n'avortent pas: ils ont eux aussi le temps. Comme les politiques. Il suffit ici et il suffira de "faire un geste" pour le public, le public boeuf, et les vaches qui sont mollement engrossées".

"Des châteaux en Espagne", disent les français pour évoquer des rêves interdits. Mais ce château espagnol de Fortuna est un cauchemar. Oublions-le. Et espérons le retour de l'enfant prodigue: il sait par expérience que le veau le plus gras lui sera réservé.

* * *

Si l'Organisation Mondiale de la Santé a raison, avec ses chiffres, aujourd'hui, 15 novembre 1974, rien que dans notre Patrie bien-aimée du droit et de la catholicité, 4.100 femmes avortent clandestinement, et seront massacrées moralement et physiquement. Si ce sont par contre les compagnes féministes qui donnent une estimation exacte, la fabrique d'anges produira dans cette belle journée, pour les poubelles nationales, 8.200 foetus. Pour chaque heure qui passe, 341 utérus seront raclés. Pour chaque minute qui passe pendant que j'écris, il y a cinq de ces drames; ou tragédies. Une chaîne de montage du crime, de la torture, qui rend un minimum de cent milliard de profit immédiat et direct, sans compter ceux qui suivent. Pour éviter quelques millions d'unités de viande d'exportation dans les fabriques étrangères, qui ne pourraient pas les accueillir, chaque année; à présent que les guerres n'exercent plus leur fonction démographique, salutaire et radicale.

Cette grande industrie nationale semble être la seule qui au lieu d'entrer en crise, se prépare à se développer ultérieurement. Il serait équitable que la République soit désormais représentée par autre chose que la tête d'une femme, avec le casque de Scipion. Avec notre Mère l'Eglise également. Outre qu'avec des philosophes, des médecins et des intellectuels, il y a de quoi discuter avec des cardinaux, des théologiens, avec des peintres, des poètes et peut-être même des navigateurs.

L'interview est ici, sur la table. Je pense que, en ce moment, Barbarella est désormais sur l'avion, en départ pour Londres. Hier soir elle était à plat. Pour elle aussi la collecte quotidienne parmi les compagnes et les compagnons a fonctionné. Elle n'ajoutera pas ainsi au mal une autre angoisse: grâce aussi à Mauro qui, comme d'habitude, passe de la défense des objecteurs et des militaires dans les tribunaux spéciaux de l'armée à la rédaction gratuite de livres de lutte, à des réunions, des meetings, à l'assistance de jeunes coupables d'avoir fait usage de drogues qui n'en sont pas, coupables de se soustraire à la contribution générale et républicaine, aux profits des drogues du régime; que ce soit la nicotine, l'alcool ou les médicaments psychoactifs. Grâce à Mauro Mellini qui n'a ni le temps ni l'envie d'accepter de coûteuses actions en divorce à la chaîne.

* * *

On faisait des calculs, l'autre jour, sur quand pourrait "passer" la nouvelle "loi Fortuna" pas uniquement dans le cas néfaste d'une adaptation des rythmes politiques et parlementaires aux intentions actuelles de son proposant mais dans le cas du respect des requêtes radicales avancées et accueillies cet été. Ces calculs nous apparaissent justement intéressants. Considérons-les.

Nous ne donnons pas plus de six mois aux Commissions Santé et Justice de la Chambre des Députés pour terminer leur examen du projet de loi. C'est une prévision acceptée uniquement par le député Frasca, Président de la Commission Santé. Le député Oronzo Reale (2), Président "républicain" de la Commission Justice, a refusé décidément de s'y associer: son idéologie est emprunte de lenteur bureaucratique, c'est un homme rigoureux sur le plan des principes et des habitudes: il ne tolère aucune interférence au devoir souverain du parlement de "discuter sérieusement" les graves problèmes qui sont mis sur le tapis vert de sa responsabilité.

"Discuter sérieusement", on sait ce que ça signifie en l'espèce. Mais admettons par hypothèse que, une fois la crise résolue, à la reprise des travaux du législatif entre une interruption et l'autre due à des crises de l'exécutif, à des vacances et des débats "généraux", on arrive à la conclusion naturelle du vote de la part de ces commissions pour la fin du printemps. Imaginons que la Chambre entame cet automne la discussion en salle et qu'elle la termine après un peu plus d'un an (pour le divorce, dont l'itinéraire a été considéré exceptionnellement bref et rapide, il en a fallu trois). Nous sommes déjà en février 1977. Le projet est transmis au Sénat: avec les Commissions et la salle calculons deux ans, après lesquels il faudra que le texte amendé revienne à la Chambre; donc, pour début 1980, si tout va bien, nous pouvons espérer que la plus ignoble et la plus immonde des lois de la République, la plus instigatrice au crime parmi toutes les lois existantes, sera "réformée".

En théorie. Nous n'avons même pas tenu compte d'une donnée certaine; au maximum en 1977, si ce n'est déjà dans quelques mois, nous aurons la fin de cette législature, et de nouvelles élections. A ce point, tout sera à recommencer, "ab ovo" ou plutôt "ab ovulo".

Mais faisons encore un geste d'optimisme: assignons au nouveau itinéraire un parcours bref, trois ans, tout compris, ou à peine plus. Pour parvenir au vote (pas nécessairement à l'approbation), donc, il faudra attendre 1981. En attendant il y aura eu de dix à vingt millions de crimes d'avortement.

Il est donc évident que ceux qui nous accusent d'irresponsabilité et d'impatience, ceux qui ne partagent pas au moins la requête radicale du respect de la part du Parlement de ses propres règlements et de sa propre fonction, faisant même abstraction du tragique et de l'urgence du problème, agissent en réalité pour que l'on arrive à d'autres générations pour qu'il soit résolu.

A partir du mois de février, le Parti Radical recommencera par conséquent à récolter des signatures pour que se tienne, au printemps 1976, un référendum abrogatif des normes démocrates-chrétiennes ou fascistes des codes, parmi lesquelles celles "sur la défense de la santé et de l'intégrité de la descendance", y compris celles sur l'avortement procuré. Créer au moins un vide législatif, abroger la loi immonde est la seule voie surement à parcourir pour obliger à aider le Parlement à sauver, avec sa dignité et sa fonction, le minimum décent de civilité que ce pays attend de conquérir dans ce domaine. Il faut le soutenir, Lecteurs!

* * *

Ce nouveau livre de Mauro Mellini aidera mieux à comprendre combien il y a une fois de plus d'arrogante et suicide cécité morale et politique dans le prétendu "réalisme" imposé, vécu par les presque mille "représentants du peuple" et de la nation. Dans l'histoire de l'avortement se résume de manière exemplaire la vérité de la politique italienne. Clandestin, de masse et de classe: voilà l'avortement nécessaire, défendu, produit par le système et par le régime. Un avortement qui est celui de la République, de la Constitution, de la Résistance: se sont les trois premiers foetus de la série. Nous sommes excessifs? Vraiment fous?

Un vent de sagesse radicale est par contre en train de souffler en cet automne que trop de gens considèrent comme le pire de ces vingt dernières années. La vent de la conscience, de la vérité. Les yeux s'ouvrent après être restés obstinément clos pour ne pas voir ce qui se passait. Une Armée où la félonie des généraux et des capitaines a eu un libre cours exalté. Une Télévision que la Cour Constitutionnelle a défini fondamentalement comme étant fasciste. Une Economie déchirée par les dents féroces du capitalisme public et privé, par la finance vaticane-mafiosa-multinationale des Sindona (3) après celle des Virgillito, des Marzollo. Un Parlement paralysé, réduit par la majorité clérico-fasciste à une Chambre des Fascistes, des intérêts de castes et des Corporations. Une Gauche. La plus forte quantitativement, par rapport à toute autre nation de démocratie politique, réduite à une défense désespérée du semblant d'ordre que le régime peut encore permettre en son sein. Une Eglise qui a encore béni les armes inci

viles des Fanfani (4) et des Almirante (5), "ses" nouveaux croisés après les Mussolini et les Graziani. Un Régime fondé sur la corruption, sur les massacres, sur la concussion, sur la violence, sur le chantage, sur le mensonge, sur les évocations, sur le financement "public" du MSI (6) et de tout autre parti "parlementaire".

Une lutte politique officielle qui est réduite à un "Jeu de massacre". Une "social-démocratie" qui prend définitivement l'aspect d'un Tanassi (7), un "laïcisme" l'âme de Carlo Casalegno. Les "socialistes" réduits à espérer, comme le maximum de "socialisme" proposable dans la moralité politique concrète de tous les jours, la venue d'un gouvernement "à une seule couleur", entièrement démocrate-chrétien...

Tout cela dans le Pays du 12 et 13 mai 1974.

* * *

Dans cette tempête où tout semble naufrager de nouveau et où la peur ravage le pouvoir (qui, ne pouvant pas résoudre la crise qu'il a préparé et produit, l'aggrave ultérieurement), le Parti Radical tient ferme le gouvernail vers les luttes et l'objectif de la conquête des droits civils. Ses analyses et ses prévisions se sont révélées comme les seules correctes et justes. Le régime n'a pas eu depuis longtemps d'autre ligne politique antagoniste; ni on n'en aperçoit de nouvelles à l'horizon. Il est temps que cette ligne s'incarne dans une formation convenablement organisée et populaire. La cour des miracles radicale est en réalité une classe dirigeante exprimée par les gens, par la seule vraie majorité silencieuse de ce pays: une majorité "silencieuse" parce que bâillonnée et suffoquée par les institutions d'état et politiques expression d'une époque et d'un pays désormais disparu.

Le nouveau "pamphlet" que Mellini déclare avoir écrit pour satisfaire son droit de s'amuser et de sourire est par contre (ou pour cela justement) une nouvelle arme nonviolente, politique au maximum, conforme au but qu'il se fixe, pour le mouvement radical de libération sociale et politique, pour une nouvelle conquête passionnante et passionnée de justice.

Une phrase d'Andreotti (8), a exprimé à elle seule pendant vingt ans l'idéologie dominante, dans tous ses principaux courants:

"Le pouvoir use: mais uniquement celui qui ne le possède pas".

L'élégance avec laquelle ce leader catholique italien sait habiller sa foi cynique est cependant en train de faire son temps. Nous lui reconnaissons volontiers, plus qu'à Alcide De Gasperi (9), la dignité de vrai représentant de la continuité et de la reconstruction de l'Etat. Mais les vieux démons de contre-réforme qu'Andreotti a cru pouvoir chevaucher, contre l'ange apparemment désarmé du christianisme et du laïcisme, et de la civilisation qu'il annonce et incarne, sont en train de lui jouer un mauvais tour. Ça sent le brûlé, dans l'air. Et ça vient beaucoup plus du côté du pouvoir que du nôtre...

* * *

Si je devais indiquer un anti-Andreotti, dans notre pays, par choix, moralité, culture, politique, caractère, style de vie, je ne saurais trouver rien de mieux que Mauro, Mauro Mellini. Son unité vit vraiment, cachée mais souveraine. Il ne sait même pas ce qu'est le pouvoir: pour lui le Roi est nu et c'est tout: parce qu'il pense que ses yeux ne sont pas différents de ceux de toute autre personne. Ainsi, il le décrit et le raconte, plus que l'exclamer ou le dénoncer. C'est un laïque, vraiment. Il ne connaît de vérité que pour la partager, en nourrir les autres, la transmettre. C'est un voltairien, un encyclopédiste, un humaniste, un anticlérical, un "érudit" par passion civile, par vertu républicaine.

Témoignage d'autres temps, surtout futurs. Sa force est sans pareille, si on la compare, civilement et politiquement. Dans la conscience de millions d'italiens qui connaissent à présent l'existence de la Rote, la trouble et sale justice ecclésiastique est morte sans même l'honneur de la sépulture, le temps d'un panégyrique ou d'une commisération. On le doit aux récits, aux livres, aux meetings, aux articles et aux interviews de Mauro Mellini. A lui seul.

Si aujourd'hui nous avons le divorce, si des centaines de milliers de personnes ont reconquis une once de dignité et de bonheur, si des familles se sont constituées qui n'étaient rien d'autre que des lieux infâmes de "concubinage" et de "délit", on le doit, tout d'abord à la LID (10): et la LID c'est Mellini qui l'a voulue, qui l'a constituée, animée, défendue, avec le Parti Radical dont il fut en 1956 parmi les fondateurs et dont il a été Secrétaire national.

Dans les Tribunaux militaires il a défendu pendant des années, avec des argumentations et des thèses politiques nouvelles et suggestives, mais surtout efficaces, des objecteurs de conscience, de jeunes détenus dans les prisons car coupables d'être des personnes. S'il avait vécu dans le confort de ses quatre murs de livres, des salles de la Cassation, dans le silence de la culture, de la lecture, de l'écriture, il aurait été également le rebelle qu'il est: dans la longue ligne apparemment brisée des Courier jusqu'aux Cajumi. Mais la nôtre est une histoire de militants autodidactes, la conquête de notre existence est, pour l'instant, d'avoir conquis notre droit à/et la capacité d'être des gens du peuple, des citoyens pas par intermittence, sans schizophrénies irréparables, avec notre intégrité. Ainsi, je crois que l'avocat Mauro Mellini, bourgeois qui ne se renie pas mais qui se réalise dans la rigueur et dans les contradictions de la lutte politique, pour des espoirs et des idéaux anciens et nouveaux, est un

radical, un socialiste, un révolutionnaire: beaucoup plus que ceux qui professent des idéologies plus dures. Mellini ne connaît pas et n'exerce pas le pouvoir du savoir idéologique, ce succédané de la théologie fondé sur la lutte de classe, pour lequel tant de bourgeois "occupent" désormais, depuis des décennies, les directions et les institutions, publiques ou des partis, du mouvement ouvrier et des travailleurs. Son parti lui permet aussi d'être ce qui lui serait plus difficile d'être: un libertaire.

Mais quelle est donc cette "préface", où l'on ne dépense pas un mot pour le livre qui suit?

Je ne suis pas un critique, ni un lecteur croyable. Nous devenons inexorablement ce que nous avons fait et ce que nous sommes en train de faire. Je ne m'en plains pas: j'ai mes bonheurs, qui sont différents mais certainement pas moindres que ceux qui ont pu choisir, dans leur existence, de lire et d'écrire autre chose et mieux qu'avec le rythme et les urgences militantes. Je sais seulement que ce pamphlet est un splendide cadeau de Noël, qui servira pendant plus d'un an. Mellini l'a écrit d'un seul trait, et bref: les compagnons ne lui ont rien permis d'autre. Il annonce à nous tous, aux "compagnes" du MLD, aux "compagnes" que nous sommes (plus qu'aux compagnes que nous "avons"), outre qu'aux compagnons radicaux et socialistes, que la bataille contre l'immonde avortement clandestin et obligé d'Etat et d'Eglise, de masse et de classe, trouve de nouveau, plus capables qu'alors, désormais résolus et sans autres "priorités" apparentes et alléguées comme pretexte, il annonce que ceux qui ont su gagner contre le d

ivorce facile et immoral de la Rote, sont de nouveau descendus sur le terrain. Il nous avertit également, dans la partie qu'il nous assigne dans sa "représentation" de régime, une partie préétablie et homogène aux autres, que si nous voulons vraiment gagner avec tous et pour tous, contre le bonheur et les droits de personne, nous devrons nous renouveler profondément, nous désordonner, réinventer dès le début non seulement notre façon de lutter, mais notre façon d'être et de nous proposer.

Autrement nous deviendrions respectables et inutiles, pathétiques et vaincus, comme chaque Cassandre. Il n'en manque pas, d'ailleurs, on n'en sent pas le besoin, grâce à l'ami La Malfa (11), le premier et le meilleur d'une série désormais inextinguible de prophètes et d'auteurs de mésaventures.

Je pense que Mauro Mellini aura atteint magnifiquement son but s'il saura susciter, comme je crois, un éclat de rire général de libération dans l'Italie du 12 mai contre celle qui semblait avoir expiré le 28 octobre 1921, et qui par contre, avec ses Facta et ses collaborationnistes, ses Giolitti (12) et ses De Gasperi et Gronchi, pas moins qu'avec ses Mussolini et nos autres "compagnons" socialistes, syndicalistes, républicains, démocrates, libéraux et semblables, avec son Eglise, son Armée, son Capital, son Statut, sa Justice, son Ecole, ses Chefs d'Etai, essaye pour la troisième fois de nous entraîner dans sa catastrophe, pour mieux pouvoir succéder à elle-même.

Mais ce sera un rire amer, à la fin, si celui qui lira ne recueillera pas l'appel qui est constant et motivant dans les actions de Mauro Mellini. L'appel à tous pour que, quelles que soient les fidélités différentes mais non opposées et les concurrents engagés de parti ou de solitude, ils soient, dans la nouvelle bataille, nécessaire et littéralement vitale, "radicaux" et concrètement présents.

Dans les pays anglo-saxons on sait qu'il n'y a pas de profession de foi et d'espoir valables s'ils ne sont pas suivis de l'obole d'un shilling.

Les droits d'inscription au Parti Radical, les contributions pour soutenir cette bataille doivent être envoyés à Rome à Via di Torre Argentina, 18, de n'importe quelle façon y compris le c/c postal n. 1/47750.

Numéro 1/47750, je répète. Et pardonnez-nous notre honorable mendicité de laïques.

Marco Pannella, Rome - 15 novembre 1974

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N.d.T.

1 - FORTUNA LORIS. (Breno 1924 - Udine 1985). Homme politique, italien. Présentateur, en 1965, du projet de loi sur le divorce approuvé au parlement en 1970, après des années d'initiatives et de batailles menées aux côtés du Parti radical. Présentateur aussi de projets de loi sur l'avortement et sur l'euthanasie passive (mais ce dernier n'est pas passé). Ministre de la Défense civile et des affaires communautaires.

2 - REALE ORONZO. (Lecce 1902 - Rome 1988). Un des fondateurs du Parti d'Action (1942), secrétaire du parti républicain (1949-1964), député, ministre de la justice à plusieurs reprises. La "Loi Reale" est une loi d'urgence qui confère des pouvoirs spéciaux aux forces de police, qu'il a présenté pour combattre le terrorisme (1975). Dans le référendum de 1988 organisé par le Parti radical pour abroger la "Loi Reale", 76% des votants se déclarèrent favorables au maintien de la loi.

3 - SINDONA MICHELE. (Patti 1920 - Voghera 1986). Financier italien. Entre 1969 et 1974, il construisit un empire financier. Impliqué dans des opération peu claires et compromis avec des secteurs du monde politique, il subit une première crise à cause de laquelle il se réfugia aux Etats-Unis. Impliqué dans un nouveau crack, il fut arrêté et condamné. Il mourut en prison, dans des circonstances peu claires.

4 - FANFANI AMINTORE. (Arezzo 1908). Homme politique italien, professeur d'histoire de l'économie, personnalité éminente de la démocratie chrétienne, dont il fut secrétaire de 1954 à 1959 et ensuite de 1973 à 1975 en lui imprimant une forte empreinte corporative avec l'utilisation de l'industrie publique comme volant du développement économique. Chef du gouvernement (1958-59); 1960-62; 1982-83), ministre des Affaires étrangères à plusieurs reprises, président du Sénat de 1958 à 1973 et ensuite de 1976 à 1982.

5 - ALMIRANTE GIORGIO. (Salsomaggiore 1914 - Rome 1988). Secrétaire du MSI, Mouvement Social Italien (le parti de droite qui se considère héritier du fascisme) de 1969 à 1987.

6 - MOUVEMENT SOCIAL ITALIEN (MSI). Parti fondé en 1946 par quelques ex-fascistes, actifs surtout durant la République Sociale Italienne, qui s'opposa aux forces alliées et au gouvernement légitime en collaborant avec les allemands (1943-45). En 1972, le MSI absorba le Parti d'Union Monarchiste (PDIUM) et changea son nom en MSI-Droite Nationale. Secrétaires: Giorgio Almirante (1946-50 et ensuite à partir de 1969), A. De Marsanich (1950-1954), A. Michelini (1954-1969), Pino Rauti et Gianfranco Fini.

7 - TANASSI MARIO. (Ururi 1916). Il fut secrétaire du Parti Social-Démocrate Italien (PSDI) à partir de 1963; il réalisa l'unité socialiste, qui échoua par la suite, en devenant co-secrétaire du Parti Socialiste Unifié (PSU) de 1966 à 1969. Ministre de la Défense (1968-69, 1970-72, 1973-74), il fut condamné par le tribunal constitutionnel pour le scandale Lockheed (1979).

8 - ANDREOTTI GIULIO. (Rome 1919). Homme politique italien. Représentant de la Démocratie Chrétienne. Secrétaire de A. De Gasperi, il commença très tôt, comme Sous-secrétaire à la Présidence du Conseil, une carrière ministérielle ininterrompue: Intérieur (1954), Finances (1955-58), Trésor (1958-59), Défense (1959-66), Industrie (1966-68), Budget (1974-76). Président du Conseil de 1972 à 1973, puis de 1976 à 1979, et de 1990 à 1992.

9 - DE GASPERI ALCIDE. (Pieve Tesino 1881 - Sella di Valsugana 1954). Homme politique italien. Originaire de Trente, député catholique au parlement autrichien en 1911. Après la première guerre mondiale, la région passa à l'Italie et De Gasperi, en 1921, est député au parlement italien pour le parti populaire, dont il sera secrétaire de 1923 à 1925. Pendant le fascisme, il est employé à la Bibliothèque du Vatican. La démocratie chrétienne clandestine s'étant réorganisée, il devint son secrétaire en 1944. Président du Conseil en 1945, il signa le traité de paix en 1947. Ayant obtenu la confirmation des Pactes de Latran, il réussit à exclure pour toujours les gauches du gouvernement, qui avec lui prend une forme centriste stable.

10 - L.I.D. Sigle de la Ligue Italienne pour le Divorce. Fondée en 1965 par Marco Pannella, Mauro Mellini, Loris Fortuna (député socialiste) et Antonio Baslini (député libéral), elle organisa les forces en soutien de l'introduction de la loi présentée par les deux parlementaires, en visant surtout sur les énergies des séparés et de ceux qui avaient la nécessité de résoudre leurs problèmes familiaux. Elle eut un rôle essentiel dans la mobilisation des divorcés et des militants qui permirent l'introduction de la loi en Italie. Ce fut le premier exemple, en Italie, d'un organisme né autour des thèmes des droits civils. Fédérée au Parti radical.

11 - LA MALFA UGO. (Palerme 1903 - Rome 1979). Homme politique, italien. Parmi les fondateurs du Parti d'Action (1942), il adhéra ensuite au Parti républicain (1948) en transformant sa physionomie, pour essayer d'en faire le parti libéral moderne lié aux forces de production. Il fut son secrétaire de 1965 à 1975, et ensuite son président. Plusieurs fois ministre et vice-président du Conseil (1974-76). Un des pères de la libéralisation du commerce dans l'après-guerre.

12 - GIOLITTI GIOVANNI. (Mondovi 1842 - Cavour 1928). Député libéral, ministre, Président du Conseil, presque sans interruptions, de 1892 à 1911. C'est à lui qu'on doit des réformes importantes pour le développement industriel et social. Il favorisa la croissance des organisations ouvrières et socialistes, même s'il se mit d'accord par la suite avec les catholiques modérés contre les socialistes, en excluant le divorce des programmes de son Parti. Il s'opposa à l'entrée de l'Italie dans la première guerre mondiale. Il sous-estima le phénomène fasciste, convaincu de pouvoir le réabsorber.

 
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