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Pannella Marco - 14 maggio 1976
Où sont la violence et le chantage?
Interview à Marco Pannella

SOMMAIRE: Une réflexion approfondie sur la non-violence, l'arme du jeûne, les premières élections auxquelles participa le Parti radical, la gauche. D'une façon différente de ce qui s'est passé dans les autres pays européens, la gauche italienne - soutient Marco Pannella - a toujours perdu, depuis des décennies. Il est temps de relancer un programme capable de porter candidate au pouvoir une gauche renouvelée et unie.

(Interview à "La Prova Radicale" - Mai 1976 de "Marco Pannella - Ecrits et discours - 1959-1980", maison d'édition Gammalibri, janvier 1982)

PROVA RADICALE - Les derniers jeûnes que tu as fait se sont signalés non seulement par leur extrême gravité - tu as été jusqu'à la grève de la soif, risquant ta peau - mais aussi parce que cette fois, pendant que tu luttais pour le droit d'information avec tes camarades radicaux, peu de gens ont repris les vieilles accusations d'exhibitionnisme, de folklore et ainsi de suite. Certains ont eu cependant l'impression que le risque fut disproportionné par rapport aux objectifs.

PANNELLA - Si l'on pense qu'il est raisonnable de subir la violence du régime et de se laisser supprimer en tant qu'individus politiques, alors nous avons réellement été excessifs. Beaucoup de gens ont pourtant compris instinctivement qu'il était essentiel de rompre avec une illégalité qui dure depuis des décennies, d'ouvrir le monopole de l'information à tous. Il s'agit d'objectifs essentiels et "justes" pour des libertaires comme nous; et les gens l'ont bien compris, surtout au fur et à mesure qu'ils s'apercevaient de la complicité des partis de gauche, et surtout du PCI (1) avec la DC (2). Ils ont compris que dans des situations de ce genre il n'y a pas le choix: ou bien on lutte, même jusqu'aux extrêmes conséquences, ou l'on devient complice du régime. Mais il y avait un autre objectif "juste" pour les radicaux: briser une fois pour toutes la censure pratique contre leurs luttes et leur propre existence politique. Ce n'est pas une auto-suggestion de victime, c'est au contraire le refus de cette espèce de

complicité qui unit souvent les persécutés à ceux qui les persécutent. Ils doivent nous censurer, car sinon ils devraient parler de nous trop de fois: pour l'avortement, pour la drogue, l'homosexualité et la sexualité, l'antimilitarisme et ainsi de suite; il n'y a pas de moment de vie où nous ne sommes pas présents. Ils nous censurent parce que nous représentons la force alternative au régime; c'est pour ça que quand il ont dû nous admettre à la télévision, nous avons "percé" l'écran, comme dit Eco.

Quelle est au contraire la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés? Que tandis que nous étions exclus et censurés depuis plus d'un an, le PDUP (3) était admis à la "Tribune électorale et politique" sur le même plan que les partis de régime. Pourquoi un tel cadeau à un parti qui ne s'est jamais battu pour "ouvrir" la RAI-TV (4)? C'est simple: le PDUP est arrivé à la RAI-TV quand, précisément suite à nos batailles, il est devenu insoutenable de n'admettre que les partis de régime. Et du moment qu'il fallait ouvrir le monopole, on a choisi le moindre mal, l'ex-PSIUP, justement. Une vieille connaissance, ce PDUP-PSIUP-PCIUP (5): il y avait eu tant de frayeur quand il était né, puis on a compris que ce n'était pas le cas. Alors ils l'ont admis. Et le PDUP s'est comporté en PSIUP: recevant ce cadeau sur un plateau d'argent, il n'a pas même songé d'acquérir une popularité facile en déclarant de refuser le privilège corporatif qui isolait encore plus les forces qui n'appartenaient pas au régime. Il a au c

ontraire avalé le cadeau et le plateau, sans sourciller, et l'année dernière il a aussi joué un tour à Avanguardia Operaia en l'excluant de la campagne électorale. Ce n'est pas un hasard si les apparitions du PDUP à la TV n'ont jamais causé de traumatisme à personne.

Est-ce-que j'exagère? Voyons: sa cooptation dans le racket de régime a été motivée par le fait que l'année dernière il a présenté des listes dans les deux tiers des collèges électoraux: une raison qui est clairement spécieuse, aussi parce qu'elle est fournie à posteriori. Sinon, si c'était une façon d'entrer, nous aurions présenté nous aussi, avec d'autres, des listes dans les deux tiers des collèges électoraux, en nous en foutant de la campagne électorale. La vérité est que le PDUP sert d'alibi aux partis de régime. En effet la TV n'est pas le seul cadeau: il y a aussi l'exemption de l'obligation de recueillir des signatures pour la présentation des listes électorales, réservée jusqu'à présent seulement aux partis représentés au Parlement. Ces motifs sont faux eux aussi: le PDUP aurait déjà un représentant au Parlement, et ça ne compte pas qu'il ait été élu dans les listes du PCI: aujourd'hui il a la carte du PDUP! En définitive, c'est comme si un député fasciste ou démo-chrétien se fut inscrit au PDUP, ou

à Lotta Continua (6), ou au Parti radical.

PROVA RADICALE - Tu parles du PDUP comme l'un des sommets bureaucratiques de la gauche.

PANNELLA - Bureaucratique ou pas, comment a-t-il administré le consensus qu'il a obtenu au début? Les Magri, les Castellina gèrent une organisation qui n'est plus homogène pas même à sa base, pour la façon dont elle vit, dont elle lutte; et ce n'est pas un hasard si le PCI les considèrent des idéologues responsables, sérieux...

PROVA RADICALE - Que penses-tu du cartel électoral des groupes extra-parlementaires et des partenaires que le PDUP s'est trouvé, certains très à contre coeur?

PANNELLA - Il aurait été fou et sectaire de multiplier à l'infini les actes schismatiques et provoquer cette perte sèche d'un million de voix que l'on a déjà eu en 72. Je crois donc que ce fut un choix positif; de plus ces groupes ont des matrices idéologiques communes, ils appartiennent à l'après 68, ils ont des stratégies par rapport aux institutions... c'est un bien qu'ils se présentent ensemble et qu'ils acquièrent un minimum de représentation, et donc de contrôle populaire. J'ai l'impression que parmi les partenaires, le PDUP ait le plus de possibilités d'exprimer à l'extérieur une donnée politique générale, mais par rapport au PCI j'ai l'impression qu'il soit plus schismatique qu'hérétique. Avanguardia Operaia (7) semble se limiter au contraire à une présence dans des faits sociaux déterminés, sans démontrer pour l'instant une authentique originalité politique. En ce qui concerne Lotta Continua, c'est différent, ses caractéristiques sont plus mixtes, avec quelques doses d'hérésie; mais sa capacité d'af

frontement politique est aussi très faible. De plus, si elle a réussi à imposer le cartel électoral au PDUP, cela veut dire qu'elle a fait de telles concessions précisément comme si elle avait peur de se compter.

PROVA RADICALE - Revenons à tes jeûnes: certaines personnes disent qu'il s'agit d'actes masochistes qui se concilient mal avec tes déclarations d'amour de la vie et en général de lutte "heureuse" pour le socialisme.

PANNELLA - J'ai une réponse que je donne depuis longtemps, comme tu peux imaginer, mais que j'élabore toujours plus: la différence entre le fait de risquer de vivre et le fait de risquer de mourir. Je suis convaincu que les gens meurent parce qu'ils ont perdu l'intérêt pour la vie. Celui qui au contraire refuse de voir la vie amputée, précisément parce qu'il n'y trouve ni résignation ni castration, mais espoir au contraire, peut aussi risquer de la perdre: ça arrive. J'ajoute que risquer sa vie sans risquer celle des autres est un autre saut de qualité (même celui qui se suicide sait souvent de façon obscure qu'il met les autres en danger). Faisons maintenant un exemple, encore un autre saut, parce que dans ces choses-là on va par approximations successives. Qui est-ce-qui risquait vraiment sa vie en Italie en 37 ou 38? Celui qui entrevoyant la logique de la dictature et sachant donc que "la guerre est proche" s'engageait dans une lutte certes dangereuse pour essayer d'éviter des millions de morts; ou alors

celui qui, par peur d'un risque immédiat, finissait par se faire détruire après, avec des millions d'autres? Masochisme? Mais il peut y avoir masochisme quand il y a de la souffrance, se sentir mal plutôt qu'être bien, c'est à dire la conscience de la douleur. Mon expérience au contraire est celle de tous les camarades, c'est que le jeûne ne crée pas de souffrances, tout au plus des désagréments. Pourtant il a quelqu'un qui, écartant la donnée masochiste, parle d'une tendance autodestructrice. Bon, tout est possible, mourir de joie: mais je sais bien que même en étant différent je ne pourrais pas être mieux qu'aujourd'hui, et ce serait au contraire facile que je sois aussi pire du point de vue physique, comme la plupart des gens qui payent la renonciation forcée aux éléments d'intérêt dans la vie. N'oublions pas que nos jeûnes ont toujours été faits collectivement, une expérience de croissance politique.

Enfin il y a une autre donnée qui n'est absolument pas secondaire: ce procédé est gagnant, il fonctionne: et il s'intègre bien à notre ligne politique libertaire et non-violente. Nous disons en effet que si la lutte pour le socialisme est violente, elle préfigure un mouvement et donc une société organisée de façon violente, autoritaire.

PROVA RADICALE - On t'a pourtant accusé d'exercer un chantage avec tes jeûnes, c'est à dire de faire violence aux autres, toi aussi.

PANNELLA - Nous ne jeûnons pas pour protester ou pour souffrir, mais pour atteindre un objectif. En général l'objectif est inhérent à la moralité d'autrui, pas à la nôtre; c'est à dire que nous ne demandons pas par le jeûne de privilégier un projet de loi, mais qu'on applique les lois que d'autres ont imposé ou proposé. Je m'explique: nous n'essayons pas de faire accepter nos principes et nos grandes lignes, nous exigeons le minimum, c'est à dire que nous exigeons du gouvernement de la ville le respect de sa légalité, la réintégration des règles violées de la démocratie. C'est en fait la seule réponse que nous pouvons donner, au delà de la destruction, à une ville qui trahit ses propres lois. Où est alors la violence, où est la chantage?

PROVA RADICALE - Comment expliques-tu que ces méthodes n'ont pas une pratique de masse?

PANNELLA - Parce que nous sommes une donnée qui n'est pas conformiste, absolument minoritaire, par rapport aux valeurs qui prévalent aujourd'hui. Mais ce n'est pas vrai qu'en ligne de principe ce ne soient pas des méthodes de masse; cela dépend de la maturation de certains processus. La grève ouvrière, je veux dire, peut être considérée comme la première, grande manifestation non-violente de masse, parce qu'elle se produit au moment où les ouvriers découvrent qu'il est plus productif de croiser les bras que de casser les machines ou tuer le patron.

PROVA RADICALE - Partant donc des jeûnes, nous sommes arrivés à la non-violence en général: un autre choix qui est contesté aux radicaux.

PANNELLA - Maintenant beaucoup moins que par le passé, de la même façon qu'une autre accusation ridicule est rentrée, c'est à dire qu'il s'agit de méthodes "peu viriles"... Mais parlons clairement: ceux qui nous critiquent - appelons les violents - pourquoi perdent-ils toujours? Où sont les maisons occupées? Les "petits marchés rouges"? Ils perdent parce que ce sont des tactiques opportunistes, activistes; parce qu'elles représentent la donnée de la révolte populaire pure et simple, la donnée plébéienne, pas encore prolétaire, s'il est vrai que le prolétariat est la plèbe non-violente.

Qu'y a-t-il derrière cette différence de méthodes entre nous et les autres forces de la gauche? Eux croient dans le pouvoir; nous, nous pointons au contraire sur le dépérissement du pouvoir, c'est à dire du quotient de violence des institutions. Un processus qui ne peut s'accomplir qu'historiquement, pas avec la destruction du pouvoir, comme pensent les anarchistes. Il y a donc, de notre part, une position anti centralisante, anti jacobine, anti-raccourcis, avec tous les risques possibles, certes, d'utilisation jacobine. Voilà ce que nous entendons par libertaire, le dépérissement du pouvoir comme effet de la croissance de la classe et du socialisme, non pas le renvoi au moment successif à la prise du pouvoir.

La nôtre est donc une façon différente de faire de la politique, de vivre, de lutter.

PROVA RADICALE - En définitive tu revendiques aux procédés non-violents une valence de pratique socialiste, et de pratique gagnante, que tu ne reconnais pas aux méthodes traditionnelles de la gauche.

PANNELLA - Qu'est-ce-que les formes de lutte que nous appelons traditionnelles communiquent à l'extérieur? Les cocktails molotov communiquent l'attaque, et même si nous savons qu'ils ne font pas mal, ils peuvent justifier aux yeux des gens le fait que la police réponde en tirant. Les cortèges qui bloquent les rues ne dérangent pas Agnelli (8), mais le travailleur, l'ouvrier; et pourquoi ces derniers devraient-ils avoir un réflexe positif? Ils manquent de conscience de classe alors? Je pense au contraire qu'ils ont conscience de leurs droits, et s'ils disent va te faire foutre, c'est un juste réflexe.

Parcourir les rues en colonnes, c'est l'occupation de la ville, la parade militaire, la possession. On est nombreux, il y a l'exaltation de la foule, de l'agression, le pouvoir qui s'affirme sur les autres, parce qu'il est fort et violent. Et donc que ressentent ceux qui les voient passer? Le frisson des drapeaux rouges, certes, mais il est identique à celui qu'on éprouve dans un défilé militaire. Je ne vois rien d'autre que cela dans l'économie du cortège. Aller au contraire en file indienne sur les trottoirs, sur le bord de la route, avec chacun un écriteau (c'est déjà une donnée que tu gères personnellement tandis que dans les cortèges tu ne communiques même pas avec les autres camarades), signifie écrire un long roman lisible. Pendant les marches antimilitaristes la police nous recommandait de rester en file indienne devant Redipuglia (9); et nous étions d'accord; un défilé de trois cents écriteaux, les gens passaient et lisaient. Celui qui jeûne communique: "Vous vous foutez de moi, je suis désarmé et j

e ne peux faire rien d'autre que de le mettre en évidence, le dénoncer".

PROVA RADICALE - Revenons aux élections; la gauche est représentée au complet; le PSI, le PCI, le soi-disant cartel révolutionnaire, les radicaux. Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter, et où vous placez-vous?

PANNELLA - Et pourquoi nous ne l'avons pas fait plus tôt? Voici la juste question: depuis des années nous sommes une donnée politique et historique qualifiante, nous représentons le seul courant alternatif au compromis corporatif sur lequel le régime se tient. Historiquement, nous avons eu en Italie le courant de régime, celui démo-chrétien, avec ses courants externes: PRI (10), PSDI (11), PLI (12); le courant communiste, depuis la ligne Togliatti (13) jusqu'au "compromis historique" (14); et puis le vide, grâce à la position subalterne des socialistes aussi bien dans les années du centrisme que dans la période du "centre-gauche". Pourtant, en réalité, il y a eu un autre courant, qui s'est manifesté officiellement dans les années 60, mais qui était déjà vivant dans les années 50: et c'est celui radical. Celui que l'on a présenté comme l'hérésie communiste, après 68, est un courant qui est surtout pris en considération, en ce qui concerne la presse et aussi à l'intérieur de la structure productive, dans les l

imites du milieu ouvrier dans le sens classique du terme.

Si nous prêtons attention à la réalité de ces trente dernières années, aux équilibres de régime et à la répartition de pouvoir entre la DC et le PCI - à l'une le monopole du gouvernement, à l'autre le monopole de l'opposition - qui constitue la base, on doit reconnaître que le courant radical, au delà des signes particuliers subjectifs du genre bourgeois, a représenté la seule donnée de crise et d'alternative. Du moins dans la mesure où il a contesté la ligne de tous les partis, essayant de faire exploser les points de contradiction du régime. Ce n'est pas un hasard si toute la classe politique s'est coalisée instinctivement, plus que par calcul, contre l'intrusion de cet élément de crise de l'équilibre historique. Pour en arriver à nos années, il est hors de doute que la représentation de ce système parfait, qui est la caractéristique du régime, a été brisée précisément par les batailles pour les droits civils. Avec le divorce et le référendum, les coalitions ont changé ainsi que les rapports mêmes entre le

s directions des partis et leurs bases. De là la nécessité d'empêcher aux radicaux de développer leur lutte dans les institutions. De là la fermeture, la censure, l'exil politique.

Il faut alors se demander pourquoi ce courant historique, qui a réussi à se manifester au cours des années avec grande virulence politique, à en marquer le langage et l'affrontement politique général, ne s'est pas encore présenté à la confrontation électorale. Nous essayons de le faire maintenant, en tant que libertaires qui croient dans le dépérissement du pouvoir et donc à la réduction de la délégation politique. Nous ne pouvions pas continuer à accepter, tout en nous plaignant, pendant cinq autres années, l'isolement où l'on a essayé de nous enfermer. A ce point la donnée radicale doit réussir à être présente dans tous les lieux d'affrontement réel, donc dans les institutions aussi. D'autant plus que si les autres forces de la gauche, les autres gauches, sont présentes bien ou mal dans l'affrontement "de structure", il est au contraire urgent et nécessaire d'ouvrir notre front au niveau collectif. PDUP, Lotta Continua, Avanguardia Nazionale, ont démontré d'être incapables de faire une lutte d'enfoncement

sur le front des institutions.

PROVA RADICALE - On objecte que la place des radicaux est hors des institutions, car il s'agirait d'un mouvement plus que d'un parti.

PANNELLA - Qu'est-ce-que ça signifie? A par le fait que nous avons toujours revendiqué d'être "partie politique", et donc "parti" - tel est le sens originel du terme - comment peut-on dire que nous sommes un mouvement d'opinion? Le nôtre est un mouvement de militants, nous avons toujours travaillé au niveau de dizaines, de centaines de militants, nous sommes plus léninistes que les autres, parce que l'organisation dans le langage courant est toujours léniniste.

PROVA RADICALE - Où penses-tu que le Parti radical puisse trouver des consensus?

PANNELLA - Mais partout. La caractéristique d'une force de classe est de réussir à chacun de ses pas à faire exploser des contradictions de classe. Notre problème est toujours celui d'activer, disons-le, la maturation d'un sous-prolétariat en prolétariat, d'agréger sous l'hégémonie socialiste les valeurs authentiquement libérales, de démocratie. Par nos luttes, la femme et l'homme - ne fut-ce que pour déterminer deux situations - le croyant, le fasciste, l'homme d'ordre, le révolutionnaire violent, ce sont eux qui grandissent dans leur spécificité, au delà des surstructures politiques ou électorales du moment: précisément parce que tu en fais exploser les contradictions structurelles. C'est pourquoi ils finissent dans le PCI, dans le PSI, chez nous, dans les groupes, on ne sait pas, ça n'a pas d'importance; mais ils passent de ce côté-ci.

C'est pour ça que le PSI et le PCI réagissent en nous excluant: il suffit de prendre en considération les histoires du droit d'accès à la RAI-TV. Parce que plus nous réussissons à informer, à nous faire connaître et juger, plus il y a de leur part un réflexe de refus, de peur. Les radicaux représentent en effet potentiellement une position majoritaire, et non pas une donnée minoritaire, de la gauche; comme ce fut pour le divorce, pour l'avortement. Notre influence politique est incontestable: avec nos luttes et avec un seul député, Loris Fortuna, nous avons influencé un Parlement; sur le divorce nous avons tiré le PCI sur nos positions; et sur l'avortement nous avons entraîné tout le monde. Je crois que le PR, avec une campagne électorale qui ne soit pas limitée et avec une utilisation normale de la RAI-TV, serait surement la quatrième force électorale. Nous le sommes déjà, et les autres partis le savent.

De la même façon qu'ils savent qu'il suffirait de dix députés radicaux pour changer le Parlement. Prends l'avortement: avec un succès radical aux élections, il est clair qu'on ne va pas en vacances tant qu'on n'a pas mis fin à l'avortement clandestin de masse, en faisant approuver par le Parlement la meilleure des lois réalistement possible.

PROVA RADICALE - Mais passé l'avortement - c'est une question courante - quelles autres batailles de masse les radicaux pourraient-ils mener?

PANNELLA - Considérons les années passées et où il semble que la seule lutte qui tienne debout soit l'avortement, nous trouvons aussi la drogue, la RAI-TV, la télévision par câble, la censure, les huit référendums. Quel est le problème qui arrive le premier à explosion? Ce fut l'avortement au cours des dernières années: mais ça pouvait être le Concordat (15), par exemple. Et que diable, toutes les grosses nouveautés passent par le Concordat, toute l'école maternelle y passe, ainsi que l'élimination définitive du "compromis historique", déjà mort par lui-même. Je veux dire que lorsqu'on a une série de projets comme celui-là, et qu'ensuite on se concentre d'une fois à l'autre sur un seul projet, tu obtiens une capacité de pression tellement grande par rapport aux institutions, qu'il n'y a pas de moment qualifiant où tu sois absent.

PROVA RADICALE - Dans l'économie aussi?

PANNELLA - Oui, dans l'économie aussi. Il faut en finir avec ces mythes: la gauche traditionnelle ou soi-disant révolutionnaire, qui serait bourrée de projets économiques, et les radicaux qui vaguent au contraire la tête dans les nuages, surstructuraux. Mais quel est, par exemple, la ligne économique du PCI? Elle n'existe pas. Et même les autres positions ne comptent pour rien. Nous affirmons au contraire une chose banale: c'est à dire que si l'on n'a pas les forces homogènes pour un dessein de gestion politique différent, on n'obtiendra jamais la réforme fiscale, et aucune autre réforme économique. Et si ensuite tu ne vas pas au gouvernement, à ce point il n'y a pas une seule des propositions économiques de la gauche qui tienne, en commençant par celle communiste. Depuis des décennies, pas des années, les revendications de la gauche sur le plan économique sont les mêmes. Et à quoi ont-elles servi? La vérité est que nous, et toute la gauche, avons une science économique inutilisée: parce que nous ne sommes p

as au pouvoir.

L'économie fait donc aussi partie de la capacité générale d'action politique. Il s'agit pour les radicaux de développer leurs forces pour relancer un programme d'action valable pour la prochaine décennie. Je ne sais pas si nous y réussirons, mais nous avons au moins déjà démontré d'être les seuls, à gauche, capables de construire et de réaliser un tel programme. Au fond cette gauche italienne a toujours perdu, depuis des décennies: elle a perdu contre les libéraux "giolittiani" (16) et "salandriani" (17), elle a perdu contre les fascistes, contre la DC, et elle est encore en train de perdre aujourd'hui. C'est un record en Europe, parce que dans les autres Pays européens la gauche a au moins gâché ses victoires. N'est-il pas temps de changer d'habitudes?

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N.d.T:

(1) PCI: Parti communiste italien.

(2) DC: Démocratie chrétienne italienne.

(3) PDUP: Parti d'unité prolétaire, fondé en 1972 de la fusion du groupe du "Manifesto" avec des exposants du PSIUP dissous. En 1974 a conflué dans le PCIUP, le Parti communiste italien d'unité prolétaire.

(4) RAI-TV: Radio-Télévision italienne.

(5) PSIUP: Parti socialiste italien d'unité prolétaire, fondé en 1964 suite à une scission des groupes de gauche du Parti socialiste. Dissous en 1972.

(6) "Lotta Continua": (Lutte Continue). Mouvement politique italien d'extrême gauche fondé à Turin en 1969, a donné naissance en 1971 au journal du même nom.

(7) "Avanguardia Operaia": (Avant-grade Ouvrière) Mouvement politique italien d'extrême gauche.

(8) Gianni Agnelli: (1921) industriel italien, président de la société des automobiles FIAT depuis 1966.

(9) Redipuglia: cimetière du nord de l'Italie où sont enterrés les soldats de la I guerre mondiale.

(10) PRI: Parti républicain italien.

(11) PSDI: Parti social-démocrate italien.

(12) PLI: Parti libéral italien.

(13) Palmiro Togliatti: (1893-1964) Homme politique italien. Secrétaire du Parti communiste de 1927 à sa mort. Fut longuement à l'étranger, à Moscou au Komintern, en Espagne, pendant la guerre civile. Promoteur de la politique nationale du PCI avec le rapprochement aux autres forces antifascistes et la reconnaissance du rôle des catholiques. Plusieurs fois ministre, fixa les

prémisses de l'autonomie du PCI de l'URSS.

(14) Compromis historique: Stratégie politique tracée en 1973 par Enrico Berlinguer, et fondée sur la collaboration entre communistes, catholiques et socialistes.

(15) Concordat: accord entre le Pape et un Etat pour établir la position juridique de l'Eglise catholique. En Italie, il fut stipulé en 1929 avec le Pacte de Latran.

(16) "giolittiani": partisans de Giovanni Giolitti: (1842-1928) Homme politique italien. Député libéral depuis 1882, ministre du Trésor avec Crispi (1889-90), président du conseil à plusieurs reprises dans la période 1892-1921. Président du conseil à l'arrivée du fascisme, il le sous-évalua et ne passa à une franche opposition qu'après le délit Matteotti (1924).

(17) "salandriani": partisans de Antonio Salandra: (1853-1931) Homme politique italien. Ministre de l'agriculture (1899-1900), des finances (1906) et du trésor (1909-1910). Président du Conseil (14-16), en 1915 amena l'Italie dans la I guerre mondiale, après avoir souscrit le pacte de Londres. Fut partisan du fascisme.

 
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