Lettre de Marco Pannella aux présidents des groupes parlementaires de la Chambre et, pour information, au Président de la Chambre, sur la distribution des groupes dans l'hémicycle.INTRODUCTION: Au début de la VIIe Législature, les quatre députés élus dans les listes radicales (Emma Bonino, Adele Faccio, Mauro Mellini, Marco Pannella) se heurtent à la volonté obstinée du groupe parlementaire communiste et du président de la Chambre Pietro Ingrao (Pci) de les empêcher de siéger à l'extrême gauche de l'hémicycle. Les députés radicaux avaient en effet pris place à l'extrémité de l'hémicycle pour souligner leur opposition à cette majorité qui se dit de l'"Arc Constitutionnel" - un "Ramassis" disent les radicaux - qui embrasse tous les partis, du Pci à la Dc en passant par Psi, Psdi, Pli et Pri, et comprend 90% des parlementaires - qui se consolidera au cours de la VIIe et VIIIe législature. Cette affaire, en soi banale mais qui conduit le Président Ingrao à expulser de la salle le groupe des radicaux tout entier, représente la première manifestation emblématique de ce climat d'intolérance à l'encontre de l'unique opposition réelle existant au Parlement qui caractérisera les années du "comp
romis historique" et de l'"Unité nationale" et qui verra en particulier les communistes dans le rôle de soutien de la majorité. Une violence particulière est donc réservée aux radicaux qui, pour la première fois, osaient attenter au monopole trentenaire communiste de l'opposition de gauche au Parlement, révélant la nature historiquement compromissoire et essentiellement subordonnée à la Dc, de leur politique. Dans la gestion présidentielle de la question des sièges, on voit déjà se manifester ces contraintes et même ces véritables violations qui deviendront par la suite, pratique courante, pour essayer de faire taire la voix de l'opposition radicale.
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SOMMAIRE: Dans sa lettre adressée aux Présidents des groupes parlementaires de la Chambre, Marco Pannella rappelle les motifs pour lesquels les députés demandent à s'asseoir à l'extrême gauche de l'hémicycle en rappelant entre-autre que le Président du Conseil Andreotti a exclus de toute consultation, d'une part les groupe radicaux et de Democrazia Proletaria, et de l'autre, le groupe du Msi. Il conteste en outre la prétention du Pci de représenter la seule et véritable gauche parlementaire. Il propose enfin une distribution "horizontale" au lieu de "verticale" de l'hémicycle.
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INDEX COMPLET DES DOCUMENTS ET ARTICLES SUR LA QUESTION DE L'ATTRIBUTION DES SIEGES DANS LA VIIe LEGISLATURE:
- Lettre de Marco Pannella au Président de la Chambre sur le problème de l'attribution des sièges dans la salle (31 juillet 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical) [texte N·4660];
- Lettre de Marco Pannella aux Présidents des groupes parlementaires de la Chambre et, pour information, au Président de la Chambre sur la distribution des groupes dans la salle (14 août 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical) [texte N·4661];
- "Il Resto Del Carlino" (30 août 1976);
- "Il Tempo" (30 Août 1976);
- "La Repubblica" (1er octobre 1976);
- "Il Resto Del Carlino" (2 octobre 1976);
- Lettre à tous les députés avec requête de solidarité pour la question des sièges (6 octobre 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical) [texte N·4662];
- Expulsion de l'hémicycle des Députés Pannella, Mellini, Faccio et Bonino (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 7 octobre 1976);
- Lettre de solidarité de Raffaele Costa, Mario Segni, Gerardo Bianco, Alessandro Cumetti, Antonio Brusca (7 octobre 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical);
- Requête de débat sur la question des sièges (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 8 octobre 1976);
- "Il Messaggero" (8 octobre 1976);
- "Il Giornale" (8 octobre 1976);
- "Il Corriere della Sera" (8 octobre 1976) [texte N·4663];
- "La Stampa" (8 octobre 1976);
- "Paese Sera"
- "Gazzetta del Popolo (8 octobre 1976);
- "L'Unità" (8 octobre 1976);
- "L'Avvenire" (8 octobre 1976);
- Lettres de Luigi Spaventa et Massimo de Carolis (8 octobre 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical);
- Conférence de presse du groupe radical (9 octobre 1976) [texte N·4664];
- Déclaration du groupe radical sur la lettre de Riccardo Lombardi (9 octobre 1976) [texte N· 4665];
- Intervention sur procès verbal des députés radicaux sur leur expulsion de l'hémicycle (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 12 octobre 1976);
- "Corriere della Sera" (13 octobre 1976);
- "La Nazione" (13 octobre 1976);
- "Paese Sera" (13 octobre 1976);
- "Il Tempo" (13 octobre 1976) [texte N·4666];
- "Il Giorno"(13 octobre 1976);
- Lettre d'Antonio Caldoro (15 octobre 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical);
- "Il Tempo" (17 octobre 1976) [texte N·4667];
- Déclaration du groupe radical sur la distribution des sièges (confèrence des Chefs de groupes - 21 octobre 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical) [texte N·4668];
- Communiqué de presse du Président de la Chambre (21 octobre 1976 - "Questions règlementaires et constitutionnelles" par le Groupe Parlementaire Radical) [texte N·4669];
- Pannella sur le communiqué du Président - Réplique d'Ingrao (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 22 octobre 1976);
- "L'Avvenire" (22 octobre 1976);
- Pannella sur le procès verbal, souligne que les modalités de vote du 22 octobre ne doivent pas constituer de précédents (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 28 octobre 1976);
- Les députés radicaux abandonnent l'hémicycle (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 28 octobre 1976);
- Pannella sur l'art.36 du Règlement (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 8 novembre 1976);
- Les députés communistes empêchent Pannella de parler (Chambre des Députés - Compte-rendu sténographique de la séance du 4 mai 1978);
(CHAMBRE DES DEPUTES, Groupe Parlementaire Radical, VIIe Législature, "QUESTIONS REGLEMENTAIRES ET CONSTITUTIONNELLES" du 5 juillet 1976 au 5 mai 1978)
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Rome, 14 août 1976
A Messieurs les Présidents
des Groupes Parlementaires
de la Chambre des Députés
et pour information
A Monsieur le Président de la Chambre
A Messieurs les Questeurs de la Chambre
Chers Présidents
Il me semble urgent d'investir votre responsabilité d'un problème mineur, marginal mais consistant et emblématique qui, faisant partie des travaux de l'Assemblée et cependant jamais évoqué officiellement, nous a conduit à la perte sèche d'innombrables heures d'activité.
Il s'agit de la distribution des différents groupes dans l'hémicycle. Comme chacun sait, c'est à cause du fait que ce problème n'a pas encore été résolu que nous avons été obligés de renoncer jusqu'ici au vote électronique.
Le Groupe Radical (et celui de Democrazia Proletaria; mais je ne puis ni entends m'arroger ici la représentation des positions des collègues inscrits à ce groupe) a demandé d'occuper les sièges N·49, 50, 51, 52 ou d'autres numéros "équivalents". Ce sont des sièges situés, comme vous le savez, à l'"Extrême" gauche; malgré notre consistance très réduite qui fait de l'occupation de ces places, à peine un peu plus qu'une donnée emblématique, représentative, si bien que l'"Extrême" continue et continuerait d'être occupée dans l'ensemble par les collègues du Pci, le Groupe Communiste a opposé une sorte de veto.
A ce moment-là, il semblerait sûr qu'à la reprise des travaux dans l'hémicycle, on attribuerait au Groupe Radical les places qui vont de 241 à 144, situés au Centre de la salle. S'il en était ainsi, nous n'accepterions pas cette décision que nous jugeons arbitraire, injuste et violente. Nous nous comporterons en conséquence, en démochrétiens et en nonviolents, comme en toute circonstance analogue. Nous essaierons de manifester notre désobéïssance de manière telle à rendre juges de la situation le plus grand nombre possible de citoyens, pour qu'ils sachent exactement ce qui se passe.
Au risque de vous ennuyer, je voudrais vous exposer les considérations pour lesquelles nous insistons dans notre requête:
1) Le caractère "extrême", "irresponsable", "marginal" de notre groupe, et du Parti Radical dans les listes duquel nous avons été élus, est constamment affirmé par vos partis politiques et par la presse. Cette considération, à tort ou à raison,est précisément celle que, historiquement je distingue ici, et qui se situe à l'"Extrême".
2) A cause de ce caractère, comme chacun sait, nous avons été rigoureusement exclus des rencontres ou accords dudit "Arc constitutionnel", de la formation d'organes constitutionnels et institutionnels de la Chambre, même là-où notre règlement semblait indiquer impérativement des solutions différentes. Il est évident que ces faits ne sont pas uniquement relatifs à des considérations "quantitatives": le Pli, par exemple, s'est vu réserver dans de nombreux cas, un traitement différent.
3) Si cela ne suffisait pas, il y a aussi le comportement du président du Conseil Andreotti qui, comme chacun sait, a exclus de toute consultation ou même de toute initiative de pure information, d'une part le Msi, et de l'autre, le groupe radical et le groupe de Democrazia Proletaria.
4) Enfin, les votes sur la confiance au Gouvernement ont confirmé de manière éclatante combien en réalité il ne nous semble pas, honnêtement, qu'il puisse y avoir des doutes.
J'avoue ignorer les raisons que nous oppose le groupe communiste; peut-être que nos collègues pensent qu'il n'est même pas nécessaire, ou du moins pas très opportun, d'en trouver. Il est évident que les »il en a toujours été ainsi et les »nous et nous seuls sommes la véritable gauche parlementaire , ne sont pas soutenables. Je n'ai pas réussi à avoir d'autres explications par les Questeurs, ni par le président Natta que j'ai interpelé à ce sujet.
Par ailleurs, nous avons constaté, jusqu'ici, une attitude de dédain et d'extranéité, qui, franchement, ne nous semble pas justifiable. Aussi marginaux et ennuyeux puissent-ils être, en effet, de tels problèmes, s'ils existent, il est inutile de les nier ou d'en nier le caractère politique. Et plus on tente de le faire, plus il s'agit de politique.
C'est pourquoi, par cette lettre, j'entends avant tout adresser un ultérieur appel au bon sens et à la correction du groupe communiste. Mais aussi, je me permets d'attirer l'attention des autres groupes sur ce problème, car il nous semblerait grave et aussi un peu douloureux de constater le consentement indulgent de trop de personnes devant l'éventuelle arrogance du pouvoir de quelques-uns.
Nous avions proposé une solution nouvelle, et non seulement pour nous: une distribution "horizontale" au lieu de "verticale", du moins pour la gauche, ce qui nous semblait correspondre davantage désormais aux positions nouvelles qui se se créées d'une part avec la proposition du "compromis historique" et de l'autre avec celle de l'"altenative socialiste", confirmées en grande partie aussi bien par le vote de confiance au gouvernement que par la distribution des postes de responsabilité et de direction dans cette législature. Mais la proposition a dû paraître prématurée ou saugrenue et elle n'a même pas été prise en considération. A ce moment-là nous ne pouvions plus rien tenter d'autre.
Je souhaite que chaque groupe voudra bien répondre rapidement à cette lettre, en m'excusant d'avance si c'est un surplus de travail et de problèmes qui sont dèjà sur le tapis.
Je vous prie d'agréer nos meilleures salutations.
pour le Groupe Radical
(Marco Pannella)