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Charnelet Patricia, Pannella Marco - 22 luglio 1977
MARCO PANNELLA, L'HOMME QUI VEUT FAIRE CHANGER LA SOCIETE ITALIENNE
di Patricia Charnelet

SOMMAIRE: En Italie, c'est le charivari: crise monétaire, guerre des partis politiques, défaite de l'équipe de football en coupe du monde. C'est aussi le silence. Personne ne parle de la grève da la faim de Marco Pannella, 44 ans, fondateur de Ligue Italienne pour le divorce. Pourquoi? Parce qu'en Italie, cela ne se passe jamais comme ailleurs? Parce que le drame y prend toujours un ton de comédie? Cette fois-ci cependant, c'est sérieux. Après le référendum du 13 mai où 59,1% d'Italiens ont repoussé l'abrogation de la loi autorisant le divorce, la ligue réclame aujourd'hui un certain nombre de garanties défendant les libertés civiles et individuelles, des droits accordés déjà à la majorité des grands pays modernes d'Europe. A Rome et dans toute l'Italie, des hommes et des femmes - laïques, catholiques, non-violents - soutiennent Marco Pannella, écrivent aux députés, commencent eux aussi des grèves de la faim.

(ELLE, 22 luglio 1977)

"Rome, mardi 2 juillet".

Depuis soixante-sept jours, Marco Pannella, 44 ans, docteur en droit et journaliste, fondateur de la Ligue Italienne pour le Divorce (L.I.D.) fait la grève de la faim. Il refuse d'étre suivi par son médecin, il boit cinq litres d'eau par jour et quatre cafés avec du lait. Il a perdu vingt-deux kilos. Lui, le "libéral, laïque, démocrate", considéré par les partis de droite et de gauche comme un maniaque de la politique, un fou utopique, un fantaisiste, détesté par les uns et ignoré par les autres, est décidé à aller jusqu'au bout. Il exige aujourd'hui que la Ligue pour le Divorce dont ni la télévision, ni la radio, ni la presse n'ont parté pendant la campagne du référendum puisse s'exprimer librement à la télévision. Et il a déjà choisi son porte-parole: un prêtre, don Giovanni Franzoni, 45 ans, qui depuis sa prise de position publique pour le divorce n'a pas été réélu abbé de la Basilique de Saint-Paul. Marco Pannella veut que la Ligue et toutes les associations défendant "les droits civils" en Italie soient

reçues par le président de la République, Giovanni Leone. Il demande que la proposition de loi sur l'avortement, déposée par l'avocat-député Loris Fortuna le 11 février 1973, soit discutée à l'Assemblée nationale. Le 3 mai 1974, avant même la victoire des "divorcistes" en Italie, Marco Pannella avait commencé sa grève de la faim: "Je savais que, quel que soit le résultat du référendum, tout allait continuer comme avant." Les yeux rougis par la fatigue, les joues creusées par le jeûne, Marco apparaît aujourd'hui comme une sorte de "martyre laïque". Et pourtant il ironise: "Je ne suis pas encore mort... j'aime beaucoup trop la vie pour la quitter sur un coup de tête."

UNE REALITE DRAMATIQUE

Depuis 1950 il mène la bataille du divorce. Après la création de la L.I.D., en 1964, Marco organise des grandes manifestations sur les places.

La loi sur le divorce est votée dans la nuit du 30 novembre au 1· dicembre 1970. Trois ans et demi plus tard, le 13 mai, son abrogation sera repoussée par 59,1% d'Italiens, malgré les actives campagnes de la majorité: "Le divorce est un cancer, les "divorcistes" veulent tuer l'âme de la famille, ceux qui veulent le divorce veulent aussi l'avortement...". L'avortement, un mot qui brûle les lèvres en Italie, une réalité sociale dramatique qui oppose et déchire les partis, l'avortement: la nuovelle bataille de Marco Pannella, soutenu par les intellectuels Alberto Moravia, Eugenio Montale (le plus grand poète italien), les artistes, les metteurs en scène, Pier Paolo Pasolini, les chercheurs et les jeunes, une minorité dont les cris sont impuissants à briser l'indiférence ou la censure de l'information. Depuis le début de la grève de Marco, des étudiants, des professeurs, des avocats, des secrétaires se réunissent tous les jours au deuxième étage d'un immeuble ancien de Rome. Des militants de la L.I.D., des femme

s du M.L.D. (Movimento di liberazione della Donna, M.L.F. italien), des épouses, des enfants, des maris aussi ont interrompu leurs activités pour soutenir bènévolement les campagnes de mobilisation de l'opinion, sans moyens matériels, sans argent. Marco n'est plus seul à risquer sa vie dans cette aventure. 22 autres hommes et femmes ont suivi son exemple. C'est la seule forme d'action non-violente dont ils disposent encore. Marisa Poliani, 30 ans, peintre, n'a rien mangé depuis quatre semaines: "Le premier jour, c'était très dur. J'ai traversé d'horribles crises dépressives où je crevais d'envie d'arrêter... mais j'irai jusqu'au bout, par solidarité avec Marco et parce que je suis convaincue que nous n'avons pas d'autres moyens de provoquer un débat sur l'avortement. Les statistiques de l'Etata avouent un million et demi d'avortements par an. En réalité, plus de trois millions de femmes doivent avorter elles-même ou se confier à des médecins pour un million de lires... C'est le tarif de ceux qu'on appelle ic

i la Maffia Blanche". Constanza Lopez, 30 ans, employée de bureau, ne se nourrit plus depuis trente jours: "Je suis très fatiguée de bureau, ne se nourrit plus depuis trente jours: "Je suis très fatiguée, je ne dors plus. L'après-midi, je souffre de violents maux de tête. La chaleur m'est insupportable". Pourtant ses mains sont glacées.

Angiolo Bandinelli, 47 ans, professeur d'histoire, cache qu'il fait partie lui aussi des grévistes. Il préfère parler de Marco qu'il connaît depuis 1960: "Marco a le culte de l'amitié. Même les fascistes ont de la sympathie pour lui. Je veux croire qu'il s'en sortira. Il connaît ses limites. La confiance ou l'inconscience d'Angiolo peine et révolte sa femme, Heather, 41 ans, parce qu'elle aussi a peur, peur de perdre son mari: "Je suis très inquiète, j'essaye pourtant de lui donner tout mon appui. Mais quel peut être mon rôle dans cette lutte? Je ne puis que le laisser libre!". L'attitude de cette femme est celle de tous les amis de Marco, de tous ceux qui depuis vingt ans se battent à ses côtés. Par exemple, sa soeur, Liliana: "Je n'ai pas essayé de le dissuader, il est convaincu d'avoir raison... Le soir, il préfère rester seul".

L'EGLISE ET L'ETAT

Dans son appartement, une série de mansardes dans le quartier ancien de Rome, allongé sur son lit, Marco Pannella écoute un disque de musique classique. "Il y a des moments où je voudrais ne plus parler pendant six mois, où je ne supporte plus d'entendre le son de ma voix. Il y a des soirs comme celui-ci où je me laisse envahir par la musique... La fenêtre est ouverte, j'entends le bruit des eaux claires de la fontaine de Trevi, alors je suis heureux." De sa fenêtre, il voit les toits et les clochers de Rome vers où sont montés, la nuit du 13 mai, les cris de joie de 100.000 personnes rassemblées sur la Place Navona à l'annonce de la victoire du "No" (contre l'abrogation de la loi sur le divorce).

Ce soir là, étouffée, bousculée par la foule, une femme, Sofia, tient une rose rouge à la main. Elle est l'une de ces milliers d'èpouses dont le mariage a été annulé par l'Eglise, avant la loi sur le divorce de 1970, selon les règles de la Sacra Rota: en 1929, Mussolini signait avec le Pape un Concordat qui reconnaissait le catholicisme comme la seule religion officielle et qui déléguait à la seule Eglise le pouvoir de dissoudre le mariage. Sofia était mariée depuis vingt-deux ans quand son mari a voulu retrouver sa liberté. Il s'est adressé au Tribunal Ecclésiastique. Il a soutenu que l'union n'avait pas été consommée. "J'ai passé des visites médicales, j'ai produit quatre certificats prouvant que que le mariage avai été consommé. Je suis passée deux fois devant le Tribunal. J'avais en face de moi le juge, l'avocat d'office et le notaire. Pendant toute une journée, ils m'ont posé toutes sortes de questions intimes et personnelles. J'ai parlé avec foi et crédulité, ils me regardaient sans aucune chaleur. Tro

is ans après, la sentence était rendue. Moi catholique et fidèle, j'étais répudiée par mon mari et par l'Eglise. Je ne pouvais pas me résigner à cette affreuse situation, je me sentais déchue et humiliée, j'étais devenue une parla." Sofia a perdu la foi en même temps que son mari. Cependant dans le vote du 13 mai et pour la première fois, des millions de catholiques ont voulu affirmer qu'un "divorciste" peut être aussi un croyant.

Marta, 36 ans, et Vincenzo Colacino, 45 ans, sont l'illustration exemplaire de cette situation nouvelle. Ils sont marités depuis huit ans, ils vont à la messe tous les dimanches. Elle est professeur d'anglais, lui est avocat et il estime que toutes les revendications de Marco Pannella sont justes: "L'activité du citoyen doit être séparée de la morale du croyant. En tant que citoyen, je conteste le pouvoir temporel de l'Eglise, je vote pour le divorce et je fais un choix de liberté.

En tant que croyant, je ne divorcerai ja-mais; mais je n'imposerai ni ma foi ni mes convinctions personnelles."

"Si le Pape, dit Marta, est opposé au divorce, pourquoi ne dicte-il pas sa loi aux autres pays? Pourquoi la rupture du mariage serait-elle un péché seulement pour les italiens?" Et Vincenzo de préciser: "Les opinions du Pape ne lint pas les catholiques, sauf lorsqu'il s'exprime "ex cathedra", en qualité de souverain pontife pur définir un dogme. Dans l'Evangile, le Christ a laissé les hommes libres!" Les interrogations de Marta et sa modération donnent aujourd'hui un surcroît de force à sa campagne pour l'émancipation féminine: "L'homme italien ne reconnaît pas à la femme les droits qu'il revendique pour lui-même. Il la considère comme un objet, il peut l'obliger à rester à la maison. Dans le Sud, la condition de la femme est servile. L'obéissance au mari est la seule règle. Lui peut avoir des maîtresses et des idées! Si la femme se permet seulement de penser, elle est corrompue..."

UNE ACCUSATION PUBLIQUE

Les partisans du divorce ont pagné une bataille. Ils n'ont pas gagné la guerre contre l'asservissement des femmes, mais ils se battent maintenant sur un terrain plus favorable, grâce aux profonds bouleversements de l'opinion. Ainsi, ce protestant de 36 ans, Giancarlo Calma, dessinateur, l'un des premiers à divorcer après la loi de 1970: "Je n'étais ni militant ni politisé mais j'ai participé au campagnes pour le divorce, j'ai protesté contre le fanatisme de ceux qui ont demandé l'abrogation de la loi. Dans une manifestation, j'ai rencontré une jeune femme dont le mariage avait été annulé parce que son mari s'Ptait fait passer pour homosexuel. Elle avait gagné son divorce mais elle ne croyait plus en Dieu."

Le 27 avril, 700 femmes manifestent place Farnese, à Rome. Parmi elles, Mireille, 20 ans, étudiante en deuxième année de médecine: "Marco est le seul en Italie à défendre les droits civils, les minorités et la femme. Son combat est le nôtre, celui de militiers d'Italiennes, de "mams" opprimées, celui des 263 femmes avortées de Trente qui ont toutes été poursuivies et dont le procès va s'ouvrir." Depuis le début de la grève de la faim de Marco, toutes les militantes du M.L.D. sont mobilisées. Vanda Raheli, 48 ans, peintre, et sa fille, Eugenia, 20 ans, étudiante, rédigent les télégrammes qu'elles enverront aux députés et au Président du Conseil: "Je demande l'immédiate reprise de la session parlementaire sur l'avortement." Depuis qu'elle est inscrite au M.L.D. Vanda a des problèmes avec son mari: "Il admet intellectuellement nos idées mais il ne supporte pas que nous les mettions en pratique. En fait, il est comme tous les autres hommes. Il voudrait me confiner à la maison et me réduire à l'étata de femme d'i

ntérieur, cette hypocrite appellation de la séquestration maritale. Aujourd'hui, il se sent seul, abandonné..." Vanda n'a pas fait la grève de la faim parce qu'elle est certaine qu'elle n'aurait pas pu la supporter: "Vous savez, c'est très difficile d'être féministe... je traverse des crises graves où j'ai envie de tout abandonner. J'ai peur pendant les manifestations..." Avec Eugenia, elle a monté des spectacles dans les rues des quartiers populaires pour expliquer qux femmes leur oppression, l'enjeu du référendum sur le divorce et la nécessité aujourd'hui d'une battaille sur l'avortement. Il y a vingt ans qu'elle connaît Marco. "C'est un homme tellement extra-ordinaire qu'on ne peut pas ne pas le suivre. Mais jusqu'où? Il risque de mourir..." Au Parti, plus personne n'a le courage de parler à Marco de sa grève. On le sait invulnérable au chantage sentimental. Il est plus nerveux que d'habitude, il fume plus de cinquante cigarettes par jour. Il refuse toujours de voir son médecin. Il n'a pas dormi pendant t

rois jours pour préparer sa conférence de presse, une des dernières chances que l'opinion publique soit alertée.

Dans un salon d'un hôtel de rome, les journalistes attendent: ils sont venus voir le don Quichotte, l'homme en sursis. Pendant une heure et demie, Marco explique sa grève et celle des autres, il crie sa révolte. Ebloui par les projecteurs, il trouve pourtant les mots qui tranformeront ce "spectacle" en une accusation publique. Loin de transiger, il durcit sa position, renforce ses revendications, annonce qu'il réclame manitenant les "huit référendums pour les droits civils", parmi lesquels l'abolition du Concordat de 1929 entre l'Eglise et l'Etat et de la loi punissant les avortements. Le soir même, à 20 h, la radio et la télévision s'intéressent à "la grève de la faim de Marco Pannella". L'espoir renaît le temps d'une nuit mais les journaux du matin ne consacrent à l'événement que quelques brefs commentaires.

AU NOM DE LA LIBERTE

Via Torre Argentina, au siège de la Ligue pour le Divorce, l'attente, l'angoisse augmentent d'heure en heure. Tous les jours, d'autres hommes, d'autres femmes entreprennent de nouvelles grèves de la faim. Sans en parler, sans oser même trop y penser, on compte: 53, 54, 55, 60 jours. Combien de temps Marco va-t-il encore tenir? Dans une Italie en miettes, ébranlée par une crise politique grave et une situation économique alarmante, les revendications de Marco Pannella sont ignorées par le gouvernmente. La battaille de l'après-divorce menée par quelques milliers d'hommes et de femmes secoue pourtant les structures officielles de l'information et la concepetion même de la famille. Au nom de la liberté pour les femmes de vivre et de donner la vie comme elles l'entendent.

 
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