SOMMAIRE: JEUNE DE PANNELLA - OBJECTEURS ESPAGNOLS - LA DEPUTEE RADICALE ADELE FACCIO A ENVOYE CE MATIN UNE LETTRE AU PRESIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, HENRY SIMONET. DANS CETTE LETTRE, LA DEPUTEE DEMANDE AU MINISTRE "UN GESTE DE BONNE VOLONTE QUI INDIQUE CLAIREMENT L'INTENTION DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL DE S'ORIENTER DANS LA DIRECTION DE LA REALISATION DE LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME".
(NOUVELLES RADICALES N. 233, 28 septembre 1977)
Rome, 28 septembre (N.R) - Ce matin, la députée radicale Adele Faccio (1) a envoyé une lettre adressée au Président du Conseil des Ministres des Communautés Européennes, Henry Simonet, auquel elle demande explicitement "un geste de bonne volonté qui indique clairement la volonté du gouvernement espagnol de s'orienter dans la direction de la réalisation de la convention européenne des droits de l'homme".
VOICI LE TEXTE INTEGRAL DE LA LETTRE QUE LA DEPUTEE RADICALE, ADELE FACCIO, A ENVOYE CE MATIN AU PRESIDENT DU CONSEIL DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, HENRY SIMONET.
Monsieur le Président,
l'urgence avec laquelle j'ai demandé de pouvoir vous rencontrer est due au caractère dramatique de la situation des détenus militaires et des objecteurs de conscience espagnols partagée par le président du groupe parlementaire radical, Marco Pannella (2). C'est pourquoi je suis sure que vous voudrez m'excusez.
Le député Marco Pannella, qui se trouve désormais depuis dix jours en Espagne, est en train d'effectuer une grève de la faim et de la soif contre la violation manifeste des droits civils et humains de la part des autorités militaires espagnoles à l'égard des deux mille détenus militaires et des objecteurs de conscience. Ces derniers en particulier sont désormais souvent condamnés à huit ans de prison sans aucune possibilité de défense adéquate. En effet les prisonniers militaires ne peuvent pas être défendus par des avocats de confiance civils ni connaître les actes des procès qui les concernent: ce n'est que lorsqu'ils sont convoqués devant le tribunal militaire qu'on leur concède une "défense" d'office de la part d'officier, absolument sans préparation, qui sont nommés par le commandant militaire de la région, et qui assument à chaque fois le rôle de "défenseurs" ou d'accusateurs publiques.
Dans cette situation dramatique le député Marco Pannella ne prétend certainement pas par son initiative non violente de demander et obtenir la reconnaissance immédiate du droit à l'objection de conscience ou la conformation de la législation militaire aux principes juridiques qui prévalent dans le monde civil et occidental mais uniquement un geste de bonne volonté qui indique clairement l'intention du gouvernement espagnol de s'orienter dans le sens de la réalisation de la convention européenne des droits de l'homme. Il n'a donc pas fait de requêtes précises n'ayant pas l'intention ni de demander la violation de la légalité espagnole actuelle ni d'interférer dans le débat politique en cours en Espagne. En tant que citoyen européen il n'a fait que demander le respect de la part de l'Espagne des principes humains et juridiques auxquels le gouvernement espagnol actuel fait référence et que le Ministre espagnol des Affaires Etrangères a confirmé récemment à l'Assemblée des Nations Unies. Il apparait en effet évi
dent que l'entrée de l'Espagne dans la communauté européenne ne peut pas comporter que des engagements économiques mais qu'elle doit signifier aussi une adhésion concrète à ces principes de liberté et de civilisation sur lesquels se fonde en premier lieu le processus d'unification européenne.
Suite à cette initiative démocratique venant de nombreux milieux espagnols, des socialistes PSOE aux catholiques Justizia et Pax, de nombreuses requêtes sont parvenues au gouvernement espagnol; la suspension des procès aux prisonniers militaires et aux objecteurs de conscience jusqu'à la promulgation de l'amnistie; la concession aux détenus militaires de la possibilité de recevoir des visites de la part de parlementaires espagnols ou d'avocats défenseurs civils de confiance.
Mais malgré le fait que cette initiative ait été soutenue par un large éventail de forces politiques et qu'elle ait provoqué de la part du secrétaire du PSOE Phelipe Gonzales une déclaration précise de soutien, malgré les témoignages d'estime que Marco Pannella a reçu personnellement lors de ses entrevues avec le Président des Cortez, Hernandez Gil, le Président du Congrès, Fernando De Miranda, les Vice-Présidents du Congrès, les milieux militaires se sont opposés durement à toute initiative, qui semble en quelque sorte porter atteinte aux privilèges et aux pouvoirs qu'ils considèrent pouvoir maintenir dans la nouvelle Espagne.
C'est pour toutes ces raisons que j'ai jugé nécessaire de m'adresser à vous personnellement, aussi bien au dirigeant socialiste que je sais sensible aux problèmes de démocratie et civilisation, qu'au président du Conseil des Ministres des Communautés Européennes, c'est à dire à l'organe qui s'occupe des négociations pour l'entrée de l'Espagne dans la Communauté Européenne, pour lui demander une intervention urgente et opportune pas tant et pas uniquement pour sauvegarder la vie de Marco Pannella, que pour sauvegarder les droits et les libertés des prisonniers militaires et des objecteurs de conscience espagnols qui sont torturés moralement dans les prisons militaires espagnoles".
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n.d.t.
1 - FACCIO ADELE. (Pontebba 1920). Protagoniste des batailles pour l'avortement; pour l'affirmation de ce droit de la femme, elle a subi la prison, mais elle a été acquittée lors du procès. Président du Parti radical en 1975-76. Députée dans les listes radicales en 1976, 1979, 1983. Animalière et environnementaliste, promotrice des listes "Verts Arc-En-Ciel" dans lesquelles elle fut présentée au parlement européen en 1989. Ecrivain et traductrice. Grande connaisseuse de l'histoire d'Espagne et en particulier de la Catalogne.
2 - PANNELLA MARCO. Pannella Giacinto, dit Marco. (Teramo 1930). Actuellement Président du Conseil Fédéral du Parti radical, dont il est l'un des fondateurs historiques. A vingt ans il est représentant national universitaire du Parti Libéral, à vingt-deux il est Président de l'UGI, l'union des étudiants universitaires d'orientation laïque, à vingt-trois Président de l'UNURI, l'union nationale des étudiants universitaires italien. A vingt-quatre il soutient, dans le cadre du mouvement des étudiants et du Parti libéral, la fondation du nouveau Parti radical, qui naît en 1954 par la confluence d'hommes de culture prestigieux et de groupes politiques démocratiques minoritaires. Il est actif dans le parti, sauf une parenthèse (1960-63) quand il est correspondant du "Giorno" à Paris, où il entre en rapport avec la résistance algérienne. Rentré en Italie, il travaille à la reconstruction du parti radical, liquidé par sa propre classe dirigeante à l'arrivée du centre-gauche. Sous sa leadership incontestée, le parti
arrive à lancer (et à gagner) d'importantes batailles pour les droits civils, faisant introduire le divorce en Italie, l'objection de conscience, le vote à dix-huit ans, d'importantes réformes du droit de la famille, etc. Il se battit pour l'abrogation du Concordat entre l'Eglise et l'Etat. Arrêté à Sofia en 1968, alors qu'il manifeste en défense de la Tchécoslovaquie envahie par Stalin. Il ouvre le parti aux organisations homosexuelles qui viennent de naître (FUORI), il organise la formation des premiers groupes verts et écologistes. Le nouveau parti radical organise, pendant des années, des campagnes difficiles en proposant de nombreux référendums (une vingtaine à peu près, au fil des années) pour la moralisation du pays et de la politique, contre le financement public des partis, contre les centrales nucléaires, etc., mais en particulier pour un profond renouvellement de l'administration de la justice. A cause de ces batailles, toutes conduites avec des méthodes rigoureusement non violentes d'inspiration
gandhienne - mais son Gandhi n'est pas un mystique ni un idéologue mais plutôt un homme politique, rigoureux et à la fois flexible - il a subi de nombreux procès qu'il a, dans la plupart des cas, gagné. Depuis 1976, quand il se présenta la première fois, il est toujours réélu à la Chambre des Députés, deux fois au Sénat, deux fois au Parlement européen. Plusieurs fois candidat et élu conseiller communal à Rome, Naples, Trieste, Catagne, où il conduit des batailles et des initiatives exemplaires et démonstratives. Quand ce fut nécessaire, il fit recours à l'arme du jeûne, pas seulement en Italie mais en Europe aussi, en particulier au cours de la grande campagne contre l'extermination par la faim dans le monde pour laquelle il a mobilisé une centaine de Prix Nobel et d'exposants du monde scientifique et culturel dans le but d'obtenir un changement radical des orientations de gestion des fonds destinés aux pays en voie de développement. Le 30 septembre 1981, il obtint au PE le vote sur une résolution orientée
en ce sens, qui amena à des lois analogues dans les Parlements italien et belge.
En janvier 1987 il est candidat à la Présidence du Parlement européen, obtenant 61 voix.
Actuellement, alors que le Parti radical a pris l'engagement de ne plus présenter de listes aux élections nationales, il agit pour la création d'un parti "transnational" et "transparti", dans la perspective du développement fédéral des Etats-Unis d'Europe et de la promotion des droits civils dans le monde.