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George Susan - 27 novembre 1979
Procès d'un insoumis (28) Témoignage de Susan George (USA, auteur de Comment meurt l'autre moitié du monde, spécialiste des questions alimentaires)

SOMMAIRE: Jean Fabre, président du Parti radical, ancien secrétaire du Pr (élu en novembre 1978), est arrêté en France le 18 octobre 1979 pour insoumission, dans le cadre de la campagne internationale de désobéissance civile contre les dépenses militaires et pour la reconversion des structures militaires en instruments pour la lutte contre l'extermination par la faim. Ce livre recueille les témoignages et les documents du procès qui s'est déroulé contre Jean Fabre le 27 novembre 1979 devant le Tribunal militaire de Paris. Condamné à six mois, dont une remise de peine de 5 mois, il est remis en liberté au lendemain du procès, ayant déjà purgé 40 jours dans la prison de Fresnes. Une peine aussi légère représente la reconnaissance de la haute valeur du témoignage rendu par le président du Parti radical.

Au cours de son témoignage au procès, SUSAN GEORGE communique qu'en 1980 près de 30 millions d'adultes et au moins 15 millions d'enfants mourront de faim. Que faire? Rien qu'avec 2 % des 400 milliards de dollars dépensés en armements on pourrait réduire à zéro l'incidence de la faim dans le monde. Jean Fabre veut précisément dénoncer cette immense différence entre les sommes destinées à la vie et celles destinées à la mort.

(PROCES D'UN INSOUMIS, Jean Fabre, Le Sycomore, Paris 1980)

TEMOIGNAGE DE SUSAN GEORGE

(auteur de Comment meurt l'autre moitié du monde, USA, spécialiste des questions alimentaires)

LE PRESIDENT: Votre nom? TEMOIN: George.

LE PRESIDENT: Votre prénom ? TEMOIN: Susan.

LE PRESIDENT: Votre âge ? S. G.: Quarante cinq ans.

LE PRESIDENT: Votre profession? S. G.: Chercheur et écrivain.

LE PRESIDENT: Connaissez vous le prévenu? S. G.: Oui.

LE PRESIDENT: Vous n'avez pas été à son service ou lui au vôtre? S. G.: Non.

LE PRESIDENT: Jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites: je le Jure.

S. G.: Je le jure.

LE PRESIDENT: Vous avez la parole. SUSAN GEORGE:

Monsieur le Président,

Etant donné que je suis américaine, je n'ai pas la prétention de parler des problèmes qui regardent les relations entres les citoyens et l'Etat français, mais je voudrais déposer en faveur de Jean Fabre sur deux points qui lui sont très chers. L'un est la faim dans le monde, car professionnellement je m'occupe de ce problème, l'autre a trait à mes activités contre la guerre du Vietnam.

Professionnellement, je suis chercheur et écrivain sur les problèmes alimentaires mondiaux et en particulier sur celui de la faim. Quand l'on se familiarise avec les chiffres concernant ces problèmes, ce qui frappe le plus n'est pas seulement le nombre croissant des victimes de la faim, mais aussi le coût relativement minime des efforts qu'il faudrait engager pour les sauver. D'après le Conseil mondial de l'alimentation, en 1980 environ 30 millions d'adultes et au moins 15 millions d'enfants mourront de faim ou de maladies auxquelles la faim aura fourni le terrain favorable.

Comment agir? Des mesures modestes permettraient en fait de sauver toutes ces personnes et d'améliorer le sort de ce milliard d'êtres qui souffrent de malnutrition et de sous alimentation à différents degrés. D'après la FAO et la Banque mondiale, avec seulement 3 % des récoltes mondiales actuelles, ou avec 15 % seulement des céréales qui sont consacrées à nourrir les animaux dans les pays industrialisés, nous pourrions éliminer le fléau de la faim si ces céréales arrivaient jusqu'à ceux qui en ont le plus besoin.

La FAO estime qu'avec environ 10 milliards de dollars, investis annuellement pendant dix ans, on pourrait remettre en culture une grande partie des terres en friche, soit quelque 70 millions d'hectares, rénover tous les systèmes d'irrigation inefficaces existants et créer de vastes réseaux d'irrigation nouveaux, et la croissance des récoltes serait décuplée.

Pour deux milliards et demi de dollars, il serait possible d'éliminer la mouche tsé tsé de l'Afrique, libérant ainsi des espaces équivalant à la surface des Etats Unis pour la culture et les pâturages.

Nous pourrions de même accroître la production d'engrais sans grande difficulté. Autrement dit, avec des investissements raisonnables, le monde pourrait se donner les moyens techniques nécessaires pour fournir à sa population actuelle, voire même à une population beaucoup plus importante, de quoi manger décemment. Pourquoi, alors, ne le fait on pas?

On peut comparer ces chiffres relativement dérisoires avec les chiffres de l'armement. On dépense beaucoup plus pour la mort que pour la vie. Les dépenses d'armements s'élevant actuellement à plus de 400 milliards de dollars par an, ne serait ce qu'avec l à 2 % de ces sommes gigantesques il serait théoriquement possible de réduire à zéro l'incidence de la faim dans le monde. J'ai eu la curiosité d'examiner les budgets nationaux de treize pays du tiers monde qui ont subi depuis ces dix dernières années de graves crises alimentaires. D'après la Banque mondiale, pour ces treize pays, il y a dans tous les cas deux fois plus d'investissements dans la défense que dans l'agriculture. Il y a des cas (le Mali et le Sénégal par exemple) où on se demande pourquoi. Dans de nombreux cas, les armements servent non seulement à une défense contre des ennemis souvent hypothétiques, mais aussi à réprimer des populations affamées qui manifestent leur désespoir. Ceci nous concerne bien évidemment, car certains armements sont fo

urnis par la France, la Grande-bretagne ou les Etats Unis.

LE PRESIDENT: Cela ne nous concerne pas.

S. G.: Si, cela nous concerne car la France et mon pays y sont pour quelque chose. Ce sont nos pays qui fournissent ces gouvernements pour mater des populations affamées qui pourraient se révolter. Je crois que Jean Fabre a voulu dénoncer ces disparités immenses entre les sommes qui sont consacrées à la vie et à la mort, par un acte moral le séparant radicalement de toute entreprise militaire quelle qu'elle soit. Il s'expose à perdre sa liberté pour mettre en lumière cette contradiction fondamentale de nos sociétés pour lesquelles rien n'est trop beau ni trop coûteux pour les armes, pour ce qui sert à la destruction, mais qui ne trouvent jamais les sommes relativement dérisoires pour servir à la survie de millions de personnes et à la dignité humaine. Je veux saluer ici son courage.

En ce qui concerne les insoumis, je souhaite aussi faire part au tribunal d'une récente et douloureuse expérience américaine. Je ne parlerai pas de ce que la guerre a fait au Vietnam, nous en connaissons tous les conséquences. Mais cette guerre a également déchiré mon pays, créé des divisions et des blessures qui ne sont pas près de se refermer. Si la guerre a cessé, c'est aussi parce qu'un très grand nombre de jeunes hommes ont refusé de faire cette guerre abjecte. Plusieurs milliers d'entre eux sont allés en prison, bon nombre d'entre eux se sont exilés, dont certains à Paris, où je les ai connus, et où j'ai travaillé avec eux contre la guerre pendant plusieurs années.

Je vous rappelle une décision prise par le général de Gaulle, puis par son successeur Georges Pompidou, d'accueillir sur le sol de France les insoumis qui aux Etats Unis étaient prisonniers par milliers. En ceci, le gouvernement français restait fidèle à sa tradition de terre d'accueil. Là encore, je crois que Jean Fabre est un exemple de quelqu'un qui reconnaît que les choix moraux sont extrêmement importants. Alors que la France entérinait de la sorte ces choix personnels, et les reconnaissait comme honorables, aux Etats-Unis ceux qui luttaient contre la guerre du Vietnam étaient accusés d'antipatriotisme et fichés par la CIA et le FBI, comme je l'ai été moi même. Nous étions constamment surveillés alors qu'en France, à cette époque, on nous soutenait, on était l'honneur de l'Amérique. Le cas de Jean Fabre est différent car la France n'est pas en guerre, mais je crois que son cas n'est pas si différent car il a une conception de la société et de sa patrie qui serait plus fraternelle. Il a toujours payé de

sa personne pour construire cette fraternité telle qu'ont essayé de la faire les insoumis américains.

Aujourd'hui, vous ne trouverez personne aux Etats Unis, et surtout pas parmi ceux là même qui en étaient responsables dans les milieux gouvernementaux, pour admettre qu'il était favorable à la guerre au Vietnam, reconnue maintenant universellement comme un désastre pour la nation. Mais ceux qui manifestaient alors leur patriotisme en refusant cette guerre ont été aliénés de leur patrie. Ils ont été marqués par des séjours en prison parce qu'ils refusaient de se soumettre à des lois injustes. Plusieurs milliers d'entre eux ont choisi de rester à l'étranger. Les Etats Unis ont ainsi perdu moralement, et parfois physiquement aussi, certains de leurs meilleurs fils. Je me permets de rappeler aux représentants de l'Etat français l'expérience américaine, car je ne crois pas que la France veuille, elle aussi, s'aliéner ou perdre l'un de ses meilleurs fils.

 
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