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Pannella Marco - 15 aprile 1980
LE DROIT DE L'ETAT CONTRE L'ETAT DE DROIT.
par Marco Pannella

SOMMAIRE: Marco Pannella décrit l'incessante violation des principes de l'Etat de droit qui a cours en Italie ainsi que la dernière aggravation des lois fascistes et policières, imposée, avec l'alibi du terrorisme, par l'alliance de la Démocratie Chrétienne et du Parti Communiste.

L'Etat, à partir du moment où il refuse les principes du droit, favorise en fait la croissance du terrorisme qui fonde précisément sa capacité de recrutement sur le caractère répressif du pouvoir.

L'opposition nonviolente du Parti Radical, pour la lutte intransigeante en défense du droit, pour son engagement parlementaire contre les lois liberticides, pour ses référendum

populaires pour l'abrogation des lois fascistes, pour sa campagne contre l'extermination par la faim, est devenue le véritable ennemi du compromis historique, du régime italien.

Dans cette situation-là, un golpe légal est possible en Italie, affirme l'auteur.

(Le Monde 15/4/80)

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Depuis quelques semaines, il y a, quelque part en Europe, un pays où l'on peut passer légalement douze ans de prison avant de passer en jugement. Jusqu'alors, la limite prévue était de dix ans: on dut sans doute l'estimer trop libérale et on la corrigea.

Voilà ce pays tranquille.

Dans ce même pays et à la même occasion, on vient de décreter le droit formel, pour les militaires et les policiers, de ratisser, sans mandat ni présence de magistrat, de jour comme de nuit, sur simple soupçon de l'existence d'une cachette d'armes, des quartiers entiers: le cas échéant, la totalité d'une ville. Désormais un pogrom ne serait plus un pogrom, mais une action publique parfaitement légale. Voilà ce pays tranquille.

L'imagination, ici, est enfin au pouvoir: quel juriste eût pu, ailleurs, simplement concevoir des délits tels que celui... d'accomplissement virtuel d'actes soupçonnables d'être objectivement préparatoires de violences terroristes? Le droit canon, lui-même, n'a jamais été si hardi, si prolixe et si précis! Ici, c'est la loi, depuis quelques semaines. Voilà ce pays tranquille.

Comblé, heureux, enfin, d'apprendre qu'en vertu, toujours, du même décret, en cas de "bravures" militaires ou policieres, si la loi l'exige ou si le magistrat l'ordonne, le coupable est certes arrêté; mais que sa prison est sa caserne, où le magistrat doit se rendre pour l'interroger. Le procureur général ayant, si l'affaire devient délicate et sans le moindre motif , le droit de l'en dessaisir et de s'en saisir lui-même ou de la confier à ses adjoints. Voilà, encore, ce pays tranquille.

DEPUIS QUARANTE-NEUF ANS.

Dans ce pays, depuis quarante-neuf ans, parmi les délits justiciables de la cour d'assises, il y a ceux dits de 'vilipendio'- outrage, lèse-majesté - du chef de l'Etat et du gouvernement, de la religion de l'Etat, des officiers d'un régiment de l'armée ou des magistrats d'un palais de justice. Il y a une dizaine au moins de délits de subversion idéologique et d'opinion; autant pour les instigations à la haine des classes, par exemple. Tout citoyen ayant accompli son service militaire demeure sujet à la justice militaire et à ses codes militaires de paix, jadis promulgués par Sa Majesté le roi d'Italie et d'Albanie, empereur d'Ethiopie, et par son "chef du gouvernement, par la grâce de Dieu et la volonté de la nation", duce du fascisme, Benito Mussolini, 1941.

Ainsi, comme on voit, le droit de l'Etat ne s'embarrasse pas, en Italie, de l'Etat de droit. Depuis que l'union nationale et le compromis historique unissent démocratie chrétienne et parti communiste, leurs courants externes et leurs féaux, des codes fascistes ont été à six reprises aggravés en l'espace de quatre ans.

Qu'importe que, jusque dans son discours sur "l'Etat de l'union", le président Carter proclame son inquiétude face aux risques d'une riposte autoritaire du terrorisme, en Italie, et qu'on cite les saisies ponctuelles, régulières, d'un hebdomadaire satirique romain? Qu'importe que 'The Economist' abonde dans le même sens? Les seuls opposants à Rome sont les radicaux. Les radicaux sont proclamés hors-la-loi, désormais, aussi et surtout par M. Berlinguer, avec bien plus de violences verbales et autres que l'on n'en reproche à Marchais contre Mitterand et Rocard.

Pourquoi, en effet, faire crédit à ces étranges hérétiques que nous sommes? A quoi bon colporter leurs "excès", leurs "paradoxes"? Qu'importe qu'ils dénoncent - et presque personne ne le sait, à Paris comme à Rome, que le budget de la justice est réduit à 0,67 % du budget national et que depuis des années lis demandent qu'il soit au moins triplé? Qu'ils restent seuls à exiger que la Constitution soit respectée après trente-deux ans, au moins en créant cette police judiciaire dépendante directement des magistrats, dont nul ne veut que l'on parle? Qu'ils se sont opposés au décret cité ici parce qu'il s'agissait du soixante-septième en six mois; un tous les jours ouvrables, véritable coup d'Etat permanent , dénoncé par présidents de la République, et présidents des Assemblées. Le soixante-septième alors que, en cinq ans dans la législature "cléricale" et "autoritaire" de 1948, le gouvernement en arrêta en tout et pour tout sept. Qu'ils exigent inutile qu'après onze ans l'on conclut le procès pour le premier gr

and massacre terroriste, celui de Milan le 12 décembre 1969, dont la justice a prouvé qu'il fut "couvert" par les services secrets et l'administration de l'Etat (dans la meilleure des hypothèses, donc, apprenti-sorcier dans les massacres d'aujourd'hui), et bien d'autres, encore plus graves peut-être, tel que celui concernant le massacre à Petaeano de trois carabiniers, en 1970?

Qui peut en effet nier qu'entre terrorismes différents un cercle infernal de chantage ne paralyse les puissants d'hier ou d'aujourd'hui? Car enfin le pouvoir des partis officiels, en Italie, compte non seulement sur les lois citées, non seulement sur des pratiques uniques (des généraux nommés igames ou préfets, d'autres assumant le commandement de régions où sont concentrés, pour 40 %, les citoyens italiens, un politique d'armement frénétique des forces militaires de police, jusqu'aux "gardes de finance") mais sur des majorités parlementaires "soviétiques" ou "fascistes", de 90 à 95 % des élus; sur la presque unanimité de la presse (toute subventionnée par l'Etat), sur les syndicats très politisés, sur les pouvoirs régionaux, sur la Cofindustria aussi bien que sur les lignes de coopératives...

L'ETAT BATTU

Et pourtant, sur le plan "militaire", chacun le voit, les terroristes sont gagnants. L'Etat est battu par des bandes de désespérés ou de fanatiques sont les agissements infâmes restent totalement libres de se diffuser et de s'accroître, depuis des années, chaque jour davantage. Ce cercle infernal se nourrit de lui-même. Chaque assassinat sollicite, explicitement, d'une façon convergente, d'une part et de l'autre, une loi aussi infâme. Chaque loi de ce genre, dans ce jeu de massacre, devient une affiche de reclutement pour les deux camps. Héros et martyrs: c'est le lot quotidien de cette pax romana.

La seule cible que cette classe dirigeante, "démochrétienne" et "communiste" vise et parvient même à centrer, c'est celle que visent aussi les terroristes: l'Etat de droit, la Constitution républicaine, l'espoir de plus de justice dans plus de liberté, une civilisation juridique libérale et démocratique. Et c'est ainsi que, pour ce régime, le véritable ennemi est en train de devenir l'opposition non violente, constitutionelle, pacifiste, démocratique, légaliste et intransigeante dont le partito radicale se révèle l'instrument et l'organisateur. Face aux infamies des terroristes et à ces crimes juridiques des partis officiels, notre opposition dérange et fait peur.

L'efficacité de nos méthodes est en effet de moins en moins à prouver. Par notre action parlementaire, nos luttes non violentes (jeûnes, objection de conscience, désobéissances gandhiennes et socratiques), nos campagnes référendaires (avortement, lois d'exception, financements publics des bureaucraties et des appareils de parti, codes pénaux et militaires fascistes, lois niant les droits des institutions locales de contrôler la mise en place de centrales nucléaires, port d'armes, chasse incontrôlée et sauvage...) nos actions parlementaires sont internationales autant que nationales, contre l'extermination par malnutrition, une alternative se dessine et s'affirme qui paraissait hier moins réelle que les hallucinations et les flammes dites révolutionnaires et que la révolutionnaires et que la 'Realpolitik' communiste ou démochrétienne. Partout, pour qui veut bien les voir, les symptômes wiennent nombreux le démontrer: depuis les prisons par exemple où des naufragés de l'action violente se reconvertissent dans

la non violence.

DEUX ECOLES

Ce désastre, le parti communiste en est l'auteur, au même titre que la démocratie chrétienne. Il est l'instrument puissant, le moteur premier de cette politique dite d'"unité nationale" ou de "compromis historique" qui n'est pas pour demain, pour la bonne raison qu'elle est agissante et dominante depuis au moins une décennie. La lutte (si lutte il y a) est lutte entre deux écoles différentes: mieux vaut - selon l'une d'elles - que les rôles restent ceux d'une démocratie chrétienne ayant le monopole du soi-disant "pouvoir" et le P.C.I. celui d'une soi-disant "opposition"; tandis que mieux vaudrait - pour l'autre école - que tous soient officiellement au sein même du gouvernement (question de quelques escabeaux et strapontins de plus autour de la table du conseil des ministres qui, depuis des années, ne font qu'obéir au vouloir des partis de l'"unité nationale").

Entre-temps, l'Etat est en pleine pourriture. Tous les compères de l'unité nationale ayant une sorte de veto sur toutes les lois importantes de réforme, il n'y a pas de réforme qui ne pourrisse avant même de voir le jour. C'est le "filibustering" permanent contre le Parlement et contre toute possibilité de gouvernement réel de la société.

Nous avons, nous, radicaux, bloqué pendant une dizaine de jours, mais ouvertement, démocratiquement, selon les règlements et la Constitution l'itinéraire d'une de ces lois inutiles et violentes, barbares et suicidaires; non tolérées, semble-t-il, sil elles paraissemt à Moscou ou à Buenos Aires (et encore faudrait-il le démontrer). Scandale contre ceux qui essaient de les faire connaître et juger, dans le respect de la non-violence, des lois, des règlements parlementaires. C'est nous, une fois de plus, les "fascistes", les "sociaux traîtres", les "terroristes", les "pédés", les "drogués", les "sionistes", les "exhibitionnistes", les "fanatiques", les "garantistes", les "irresponsables". Comme furent jugés, par le P.C.I. et ses partis frères, le parti fasciste, dans les années 30, tous les vrais anti-fascistes, qu'ils s'appellent Gramsci ou Rosselli, Trotski ou Russel; qu'ils s'appellent Zinoviev ou Blum, Brandt ou Mann.

Mais les apprentis sorciers n'en ont pas fini là. D'ores et déjà, en Italie, un 'golpe' légal est devenu possible, faisable. Il serait possible sans changer les lois de Zaccagnini et de Berlinguer, pour tout violent et imposteur. "rouge" et "noir" (les deux couleurs, d'ailleurs, bien jouées par Benito Mussolini) de maintenir désormais le pouvoir en Italie.

Ne vaudrait-il pas la peine, à Paris, chers amis et camarades, d'ouvrir le débat sur ce point?

 
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