SOMMIRE: Le Parlement européen se prépare à voter une résolution de condamnation de la peine de mort ; Marco Pannella déclare qu'il votera favorablement, et invite les parlementaires à faire de même, en arguant que du point de vue juridique, les états qui ont ratifié la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, sont tenus de respecter le droit international et les droits élémentaires des êtres humains (21-11-80).
M. Pannella. - Monsieur le Président, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt l'intervention de notre collègue M. Forth et je pense qu'il y a mis beaucoup de sérieux. Il ne m'a cependant pas convaincu, et je n'en suis pas heureux, car j'estime qu'il est des sujets sur lesquels il est fâcheux qu'un Parlement se divise, car s'il manque, à une certaine époque, à un certain Parlement, un minimum d'union, il est évident que ce Parlement sera rarement assez fort pour imposer ses raisons, même institutionnelles.
Je ne peux que constater que, comme il est dit dans la résolution, nous vivons hors la loi dans beaucoup de nos États. Lorsqu'on accepte la déclaration universelle des droits de l'homme, lorsqu'on se penche sur les philosophies et les doctrines juridiques de nos pays, force est d'admettre que nos Etats ou certains de nos États, continuent, pour des raisons que l'on comprend très bien, qui sont enracinées dans l'histoire, à nier le respect pratique des engagements que, dans un moment donné de notre histoire nos gouvernements ont pris.
Ces déclarations sont la loi et doivent devenir la loi de nos pays. Sinon, il faut avoir le courage, Monsieur Forth, dans nos parlements nationaux, de dire que l'on ne respecte plus l'engagement qu'à un moment donné de l'histoire de l'Europe et du monde, on a pris.
Ce sont en vérité des articles très clairs que ceux du droit positif qu'on a reçus dans nos législations. En Angleterre même, je crois qu'existe juridiquement un droit positif contradictoire. Il y a la loi de toujours, la loi prévalente, mais il y a aussi, avec valeur de droit positif, l'acte accompli par votre gouvernement et votre Parlement lorsqu'il a ratifié certaines déclarations et certains engagements.
Vous riez, Monsieur d'Ormesson et j'en suis heureux, car, comme l'exprime une vieille citation latine, le rire a tendance à abonder sur certains visages. Je ne crois pas cependant que le sujet prête à sourire ou à rire. Nous nous efforçons ici de comprendre, non pas d'exécuter des arguments pour mieux pouvoir exécuter des hommes.
Monsieur le Président, si dans une certaine mesure, M. Schwartzenberg croit que la gravité de la peine peut, jusqu'à un certain point, jouer contre un délit, moi, je suis convaincu qu'il n'en est rien. Je crois que la pensée juridique moderne a suffisamment fait justice de cette thèse: le problème, n'est plus celui d'une peine-châtiment, mais d'une peine appliquée tant que l'inculpé reste un danger social.
C'est au départ de cette conception qui n'est certainement pas la vôtre - je sais que vous aimez l'Afrique du Sud, Monsieur d'Ormesson, c'est une autre civilisation, je m'incline, mais enfin elle est autre, et vous êtes là plutôt en tant queporte-parole de l'Afrique du Sud que de la France - que je suis convaincu que la peine de mort ne sert à rien, qu'elle est, au contraire, un élément qui incite à la mort, qui aide les processus d'autodestruction des assassins. Enfin, le droit, qu'il soit anglais, français ou autre, n'étant pas tel qu'on le dit, et compte tenu aussi de la Déclaration des droits de l'homme et d'autres instruments juridiques internationaux, je voterai en faveur de cette résolution. Même M. Glinne, malgré ses engagements avec MM. Scott-Hopkins et Klepsch, l'appuie! Vous pouvez donc la voter, camarades de tous bancs de l'Assemblée!