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Capecelatro Ennio, Roccella Franco - 1 marzo 1981
LA PEAU DE D'URSO: (2bis) Les 33 jours (seconde partie)
par Ennio Capelcelatro et Franco Roccella

SOMMAIRE: L'action du Parti radical pour obtenir la libération du juge Giovanni D'Urso enlevé par les "Brigades Rouges" le 12 décembre 1980, et pour contraster ce groupe de pouvoir politique et journalistique qui veut sa mort pour justifier l'imposition en Italie d'un gouvernement "d'urgence" formé de "techniciens". Le 15 janvier 1981, le juge D'Urso est libéré: "le parti de la fermeté était en train d'organiser et est en train de tenter un vrai coup d'état, c'est pour cela, comme le fascisme de 1921, qu'il a besoin de cadavres; mais cette fois, au contraire de ce qui s'est passé avec Moro, il a été battu provisoirement; pour une fois les BR n'ont pas servi. La campagne de "Radio Radicale" qui réussit à rompre le "black-out" d'information de la presse.

("LA PEAU DE D'URSO", A qui servait-elle, qui l'a vendue, comment elle fut sauvée - par Lino Jannuzzi, Ennio Capelcelatro, Franco Roccella, Valter Vecellio - Supplément à Nouvelles Radicales n.3 - mars 1981)

(seconde partie - suite du texte n. 1768)

Le dialogue est-il possible?

La presse de régime est désorientée. Elle comprend le refus catégorique de la négociation, mais elle a du mal à comprendre l'appellation "camarades assassins" et l'invocation au dialogue.

C'est ainsi qu'elle trouve une échappatoire en parlant génériquement d'une "nouvelle initiative de Marco Pannella", ou bien, comme le fait la presse communiste, d'une "proposition déconcertante". L'accueil du monde intellectuel est pourtant différent car malgré les réserves, il trouve que la voie indiquée par Marco Pannella peut être parcourue et il en saisit la suggestion. Dans un fil direct de Radio Radicale, conduit en studio par Lino Jannuzzi et Roberto Cicciomessere (1), le débat est très articulé et il révèle surtout les consensus unanimes sur le diagnostic contenu dans la lettre de Pannella, et aussi certains doutes, non pas sur l'évidence de la proposition au dialogue mais sur la possibilité réelle d'y attirer les brigadistes.

Pour Ernesto Galli Della Loggia, l'obstacle au dialogue serait la nature même de l'organisation politique des Br, de son ensemble, non pas de chaque militant, "qui dans ses traits anthropologiques-idéologiques, est du genre nazie. Les éléments de ressemblance sont impressionnants et toute l'activité des brigadistes témoigne d'une telle coïncidence". Les Br, en tant qu'organisation armée, "opèrent sciemment depuis cinq ans pour détruire la démocratie ainsi que le corollaire des droits civils. Sur quelles bases, alors, pourrait avoir lieu le dialogue?". Pannella suppose un dialogue fondé sur le respect de certains principes, mais les Br "opèrent précisément au mépris évident de tels principes".

Le philosophe Norberto Bobbio (2) est moins pessimiste, ou plus possibiliste, si l'on préfère. "Si le dialogue avec les Br doit être entendu comme l'énonciation d'arguments rationnels pour démontrer que leurs actes ne sont pas seulement des délits condamnés par la morale, mais aussi des erreurs politiques, comme ils doivent être considérés, car jusqu'à présent les effets ont été contraires aux objectifs poursuivis, il s'agit d'un discours fait beaucoup d'autres fois, mais sans aucun résultat. Malgré ça, le devoir du bon démocrate est de tenir ouvert le dialogue avec quiconque et, pour le dire avec Pannella, de convaincre plutôt que de vaincre".

Le savant Adriano Buzzati-Traverso est au contraire catégorique. Pour lui le problème est quoi qu'il en soit de sauver D'Urso: "Si le dialogue peut amener à sa libération, Pannella a raison de prendre la position qu'il a pris". L'historien Salvatore Sechi est consentant et il accomplit une analyse très articulée. A son avis, la lettre de Pannella "est un document qui n'est absolument pas équivoque, qui rejette la négociation, rejette la loi du fléchissement, exorcise le marché de la vie, demande le relâchement pur et simple du juge D'Urso, et pose un problème qui se posait aussi pendant l'histoire Moro, c'est à dire donner plus de transparence au débat parlementaire, et donc plus de publicité et d'ouverture au dialogue entre les gens et les institutions, et même entre les bandes armées, les citoyens et les institutions". En outre, selon Sechi, le texte de Pannella pose une question cruciale: "D'Urso apparaît comme un homme seul, il n'a pas d'organisations derrière lui, ni un prestige tel qui puisse fonctionn

er comme pouvoir de veto. A ce point de vue les réactions de la conscience laïque et catholique me semblent caractérisées par l'indifférence. Il me semble qu'il y ait une tentative de tout confier à l'Etat, à sa capacité opérationnelle. Je pense que l'Etat ne peut pas traiter avec les justiciers d'hier, qui se sont repentis par la suite, quand bien même sous la poussée de garanties de clémence, et en attendant ne pas se soucier de qui ne s'est pas repenti, peut-être pour que son propre repentir ne coïncide pas avec la condamnation à la vie ou à la mort de ses propres camarades". Le problème , poursuit Sechi, est compliqué, mais il faut se le poser, et la voie est sûrement celle du dialogue, qui est une tentative de comprendre et de connaître qui ils sont. Il semble pourtant que le document accrédite au terrorisme de viser, bien qu'avec des méthodes aberrantes, à la production de décisions réformatrices. "Mais mon impression personnelle est que le terrorisme agit de façon à bloquer une quelconque innovation e

t transformation de la démocratie. Je dirais qu'entre la politique du terrorisme, qui consiste à s'ouvrir le chemin en provoquant un tour de vis autoritaire de la part de l'Etat, et le système de pouvoir Dc, qui vit sur le bloc du système décisionnel, c'est à dire sur le non-gouvernement et sur les non-réformes, il y a un rapport d'intégration, même sans aucun plan concret".

Pour Gianni Baget Bozzo, au contraire, la proposition n'est pas claire. Que veut dire dialogue, sinon trouver une position de respect commun entre deux personnes qui dialoguent? S'il en est ainsi, affirme-t-il, "alors dialogue et négociation sont la même chose, parce que dans la négociation aussi il y a deux positions qui sont en face l'une de l'autre. Je ne réussis donc pas à comprendre ce que la proposition de dialogue puisse avoir de spécifique, ni comment elle pourrait se passer et en quel lieu. Cela me semble une déclaration de principe, de méthode, mais je ne comprends pas bien, et je me répète, le sens spécifique de la proposition, puisque dialogue veut dire reconnaître quelque chose en commun avec la contrepartie, et dans ce sens il va au-delà de la négociation, qui en définitive ne suppose aucun point en commun."

Maurizio Costanzo, directeur de "L'Occhio", trouve justement très importante la différence que Pannella saisit entre négociation et dialogue, car ce dernier "peut être très dur", jusqu'au fond, les ennemis devenir encore plus ennemis, ceux-là mêmes avec qui la négociation ne peut jamais, ne doit pas avoir lieu. La négociation est ambiguë, fausse". Selon Lanfranco Pace, l'initiative de Pannella est de toute façon importante parce qu'entre temps elle remue les eaux de l'étang politico-institutionnel, où il semble que prévaut la volonté de ne pas décider". On devrait toutefois vérifier l'efficacité opérationnelle de la proposition, comprendre ce qu'elle signifie, dans le cadre d'un comportement ou d'une volonté réformiste, à l'égard du terrorisme. "De ce point de vue, cela me semble plutôt un appel aux bons sentiments qu'une proposition politique efficace. Il existe un élément de faiblesse, parce qu'on ne voit pas quelles voies pourraient mettre en contact la raison de la non-violence et celle de la violence".

Sur ce dernier point c'est Pannella lui-même, intervenu par hasard dans le débat, qui répond indirectement. Il n'existe pas une seule forme de dialogue, mais elles sont infinies, et n'importe quelle forme fait l'affaire. Mais faites attention - dit-il au brigadiste - " aucune de celles, qui même par omission, m'amène à une complicité ou à des connivences avec vous". Le dialogue est l'arme absolue, non seulement contre le terrorisme, mais aussi contre le Léviathan rouge. "Ce n'est pas un hasard si en tant que parlementaire européen, je continue à dire que nous sommes en train de mener une politique à la Munich, à la Chamberlain". Pour abattre le Léviathan rouge, il n'y a pas besoin de guerres exterminatrices, il suffit d'"une arme technologique qui permette de bombarder d'informations le peuple russe afin que celui-ci se déstabilise". Et en fait, cela aussi est dialogue.

Un mauvais coup au parti de la "fermeté":

l'Asinara ferme

Au fur et à mesure que se poursuit l'action de Pannella et des radicaux, qui visent à un engagement des consciences et des intelligences et poussent pour une suite concrète de l'engagement pris par Rognoni à la Chambre le 16 décembre, quoi qu'il en soit pour sauver la vie de D'Urso, toujours dans le sillon de la légalité, les interventions des fanatiques de la ligne de fermeté se font plus sombres. C'est encore le communiste Pecchioli, qui dans un interview à "Rinascita" (3), critique pesamment ceux qui considèrent qu'il existe des actes possibles pour sauver la vie du magistrat, sans que cela suppose une négociation ou signifie un fléchissement. "Ni le problème des prisons de sécurité ni aucun autre problème - dit-il - ne doit être affronté sous la poussée du chantage; en ce moment, aucune prétention des terroristes ne peut être prise en considération. Gare si on leur faisait savoir qu'il existe aussi la moindre disposition à les écouter".

Cette exhortation à la dureté arrive pourtant quand le front humanitaire est en train de s'élargir énormément. La sortie de Pecchioli est contrebalancée immédiatement par un appel souscrit par de nombreux intellectuels, parmi lesquels Sabino Acquaviva, Gianni Baget Bozzo, Marco Boato, Cesare Cases, Oreste Del Buono et Franco Fortini, et visant à demander que l'on procède tout de suite à la fermeture de la prison de l'Asinara, dans la conscience sereine de ne pas céder à un chantage, mais d'accomplir ce qui a été reconnu juste et opportun en pleine liberté".

Le respect du "juste et de ce qui est dû", comme loyauté envers la démocratie et force de la légalité, avait été incessamment répété par Radio Radicale pendant ces jours-là à propos de la fermeture de l'Asinara.

Successivement, juste le jour de Noël, un communiqué de la direction du PSI (4) demande explicitement la fermeture de l'Asinara, étant donné que depuis longtemps, est-il écrit dans le communiqué, "on a commencé à prendre les dispositions nécessaires à la fermeture des prisons spéciales comme Favignana et Termini Imerese, et la même chose aurait dû se passer ou devrait se passer avec l'Asinara... Le fait que la fermeture de l'Asinara soit maintenant demandée par l'organisation terroriste qui tient prisonnier le juge D'Urso pour son chantage, ne change pas et ne doit pas changer la nature de fond du problème, elle n'ajoute au cas où qu'un motif à ceux qui existent déjà. La prison de l'Asinara devait et doit être fermée, et cela peut être accompli sans préjudice des exigences de sécurité qui peuvent être remplies autrement".

Si une telle décision "dans les circonstances actuelles, peut apparaître une concession faite au chantage terroriste en échange de la libération du juge D'Urso", "elle coïncide en fait avec un accomplissement absolument justifié, demandé et sollicité de plusieurs côtés, y compris par des sources gouvernementales et administratives"; donc, la décision "ne comporte aucun affaiblissement et aucune renonciation", et le PSI est convaincu qu'il est nécessaire d'offrir tout de suite aux ravisseurs du juge D'Urso l'occasion d'éviter un énième crime barbare".

Les réactions à chaud des "durs" sont très âpres, mais aussi très confuses. En premier lieu, on insinue que Craxi (5) aurait été poussé au geste par un message que le prisonnier aurait envoyé à lui et à Pannella, ou bien par une lettre de la même teneur venant de la famille du magistrat. Le communiqué socialiste serait donc aussi le fruit de transactions secrètes entre Craxi et Pannella ou entre les socialistes et les radicaux. On verse ensuite de l'huile sur le feu en affermant que quoi qu'il en soit, la manoeuvre socialiste pourrait casser la majorité et déterminer une crise de gouvernement qui ne pourrait se résoudre qu'avec un retour anticipé aux urnes.

Et en effet, à en juger par les déclarations d'exposants parlementaires des partis de gouvernement, l'hypothèse d'une déchirure possible au sein de la majorité n'est pas singulière. "nous n'avons pas cédé pour Moro, fermer l'Asinara serait céder à un chantage", dit la démochrétienne Maria Eletta Martini; l'habituel républicain Mammi lui fait écho, en affermant péremptoirement: "L'Asinara ne doit pas être fermée". Enfin le social-démocrate Puletti ajoute: "traiter aujourd'hui pour D'Urso signifierait jeter une ombre sur la ligne de fermeté qui à l'époque de l'enlèvement Moro, servit à sauver les institutions".

Si ce n'est que 24 heures plus tard, le lendemain du jour de Noël, une note du ministère de la Justice, convenue paraît-il lors d'une réunion à Palazzo Chigi entre Forlani (6), Rognoni et Sarti, annonce que le programme pour la fermeture des sections spéciales de la prison de l'Asinara "est fixé depuis longtemps, et est réalisé progressivement, tant et si bien que les détenus de la section Fornelli ("justement la section spéciale"), déjà en nombre considérablement inférieur par rapport aux possibilités effectives d'accueil, sont aujourd'hui 25 et descendront à 18 avant la fin de la semaine... l'achèvement du plan demandera des temps brefs".

Auparavant le directeur général des instituts de prévention et de peines, Ugo Sisti, dans une déclaration transmise à l'"Ansa"(7) avait fait savoir que " la prison de l'Asinara redeviendra une colonie pénale agricole", et cela non pas comme fléchissement au chantage des brigades rouges, mais selon la réalisation d'un programme précédent l'enlèvement, auquel même D'Urso avait travaillé"; de toute façon, ajoutait-il en concluant, si les terroristes devaient faire du chantage et poser des conditions pour mettre fin à cet enlèvement privé de toute logique, alors la décision n'appartiendra plus à la direction générale mais au Gouvernement".

Le communiqué suivant du Ministère de la Justice officialisait cette décision, en déplaçant complètement les exposants des partis de la majorité, qui du reste sont désavoués par leurs secrétariats respectifs. Le démochrétien Piccoli (8), contredisant la Martini, confirme la position de Forlani, en la définissant "ferme et équilibrée", sur laquelle, espère-t-il, se reformera l'unité et la solidarité entre les partis. Longo (9) et Saragat (10), démentant leur compagnon de parti Puletti, diffusent une déclaration conjointe de cette teneur: "la décision du Gouvernement de procéder à la réalisation du programme des prisons est un geste de sagesse et de responsabilité et donne force et crédibilité aux institutions démocratiques". Le PRI (11) est plus prudent, il continue à nourrir des réserves, surtout envers Craxi car ce dernier aurait rompu un engagement de discrétion et de consultation", ainsi qu'à se déclarer contre toute négociation "directe ou indirecte". Il assure toutefois qu'il ne fera pas un drame de la

décision de fermer l'Asinara, étant donné que "la question est strictement de la compétence du Ministère de la Justice et donc du Gouvernement".

Les radicaux, qui ont sans aucun doute eu un rôle entraînant dans cette direction, et sont en outre depuis toujours fauteurs du démantèlement des prisons spéciales et surtout fauteurs d'une réorganisation pénitentiaire générale, en ce qui concerne aussi la position des gardiens de prison, ne peuvent pas ne pas partager la décision du Gouvernement successive au communiqué de la direction du PSI. Ils vont même jusqu'à convoquer une réunion du conseil de la fédération du parti pour le dimanche suivant, afin de déterminer "un ultérieur et plus ample paquet de requêtes d'humanisation et civilisation du système des prisons". Au même moment Marco Pannella, développant l'action pour pousser les brigades rouges au dialogue, des écrans de télévision de la première chaîne indépendante, demande de vouloir savoir "comment puis-je être utile à ces gens là, et s'il est plus utile pour eux et pour nous de se convaincre du choix de la vie, et que quelqu'un d'autre prenne la place de D'Urso".

A part les "missini" (12), dont les positions sont escomptées, il ne reste plus que les communistes accrochés à une intransigeance sans débouché, et convaincus entre autres que la décision de fermeture de l'Asinara, malgré les preuves du contraire, confirme l'existence d'une déchirure dans la majorité. "Quel que soit le côté dont on l'observe, l'épisode repropose, d'une part, les vraies fins des partisans de l'éversion, et de l'autre, l'existence d'une division, d'une désorientation, d'une confusion, peut-être de manoeuvres politiques dans la coalition de Gouvernement. Serait-ce trop de demander des éclaircissements qui rassurent les italiens et ôtent toute illusion aux terroristes?".

Samedi 27, dans une conférence de presse, Forlani remet à zéro les polémiques en répétant que la fermeture de l'Asinara, ayant déjà été décidée depuis longtemps, ne compromet pas la fermeté de comportement du Gouvernement; et à ceux qui manifestent des doutes sur le choix du moment, qui se représenteraient la réalisation comme une obéissance au chantage, il réplique: "je considère qu'aucun de nous ne doit concourir à réduire les possibilités de sauver la vie d'un homme". Il va de soi qu'on ne peut exclure "des jugements d'opportunité différents en ce qui concerne les temps et les modalités de certaines communications, mais je souligne le caractère autonome des décisions du Gouvernement: les mesures étaient déjà mises à exécution et elles continuent à l'être. Il n'y a aucun lien entre les décisions qui ont été confirmées hier et la stratégie d'ensemble contre le terrorisme". Ni, enfin, ainsi que les communistes plus que tout autre avaient supposé, l'initiative socialiste ne compromet pas le front du Gouvernem

ent: "le secrétaire du PSI a exprimé des inquiétudes communes à tous. En ce qui concerne le fond de la question, l'initiative socialiste ne contredit pas les engagements pris par le Gouvernement".

La révolte de Trani (13)

Le coup d'éponge sur les contrastes dans la majorité ne freinent pas longtemps l'hémorragie polémique. L'opposition communiste continue à tirer la corde, elle exploite les titubations républicaines dans l'espoir de les faire éclater. Le développement des événements à l'extérieur, qui prend un rythme toujours plus pressant au fur et à mesure que les jours passent, fait le reste.

Le chef du groupe communiste Di Giulio revient à la charge et considère que le comportement du Gouvernement est une "concession au chantage"; et Pecchioli ajoute: "la déclaration du Gouvernement selon laquelle la décision de fermer l'Asinara a été prise de façon autonome ne convainc vraiment personne". Le secrétaire républicain Spadolini, très embarrassé, tente de s'en tirer de justesse: il répète la condamnation faite aux socialistes pour avoir brisé la ligne de la discrétion, "car ainsi tout est plus difficile", mais il nie un lien entre initiative du Gouvernement et requêtes des brigadistes.

le démochrétien Piccoli descend sur le terrain de façon beaucoup plus nette que le jour précédent, et il pose aux communistes la question suivante; "Pour quelle obscure raison veut-on reconnaître aux terroristes une affirmation qu'ils n'ont pas eue, en affaiblissant les raisons du Gouvernement?"; et il se répond lui-même: "si le Gouvernement n'avait pas déclaré ce qu'il était en train de faire, les mêmes critiques d'aujourd'hui l'auraient accusé d'avoir négligé un devoir fondamental". Longo et Lagorio lui prêtent main forte, le premier en disant qu'"un Etat démocratique est fort s'il met ses programmes à exécution sans se laisser intimider par les terroristes", le second que "l'Etat démocratique doit avoir un visage humain, et qu'il fasse ce qu'il considère raisonnable et juste de faire. Le fait que les terroristes soulèvent la même question ne doit pas empêcher à l'Etat d'accomplir un geste que l'Etat même considère un acte de justice".

Mais plus que par les polémiques, le 28 décembre le climat est mis en alarme par une succession d'événements qui donnent aussi la sensation de ne pas être épisodiques, mais qui annonceraient plutôt des événements toujours plus dramatiques. Dans la superprison de Trani les détenus se révoltent en prenant 19 gardiens en otages, et au même moment les ravisseurs de D'Urso lancent un communiqué auquel est jointe une lettre de D'Urso au directeur des instituts pénitentiaires.

Avec ce cinquième communiqué, même si de façon indirecte, la corrélation que les brigadistes mettent entre le sort de D'Urso et leurs requêtes, commence à se profiler.

Le lien entre la concession et la révolte dans la superprison de Trani, que certains y lisent, est le fruit d'une interprétation de certaines expressions qui font partie quoi qu'il en soit de l'économie du contexte et de tout le discours des Br, abstraction faite de cette allusion.

Ayant été confirmée la nécessité d'une fermeture "immédiate et définitive" de l'Asinara, on affirme que "le programme des prolétaires prisonniers a pu être aussi incisif parce que les organismes qui l'ont conduit ont surgi" et l'on ajoute que "l'initiative de parti" est reliée au programme des prolétaires prisonniers, auxquels on adresse un appel afin que "les mouvements dans les prisons et ses expressions organisées expriment les termes de leur programme". Voici la phrase qui laisse penser à la connexion entre l'action externe des brigadistes, culminée dans l'enlèvement D'Urso, et la révolte qui a éclaté à Trani. Il est au contraire plus convainquant de la comprendre comme une implication dans l'histoire D'Urso, au niveau de protagonistes politiques, des terroristes détenus et comme une indication de l'intention des Br de représenter le parti des prisons; des éléments stratégiques du reste, tout autre que nouveaux. En fait, les points les plus saillants de ce communiqué sont au nombre de deux: la lettre de

D'Urso qui y est annexée, et qui indique explicitement dans la fermeture de l'Asinara la condition de son salut, et les allusions à la décision du Gouvernement de démanteler cette prison. Ce sont des expressions de méfiance qui ne sonnent pas comme des appréciations de la délibération gouvernementale mais comme une demande de garanties: On ne peut se fier aux "promesses de l'état impérialiste"; "dans les repaires du pouvoir certains croient qu'il soit possible de faire cyniquement des trucs avec des communiqués équivoques" (allusion au communiqué apocryphe).

Selon la lettre de D'Urso adressée au directeur des instituts pénitentiaires, Sisti, son supérieur direct, il semblerait que le magistrat ne soit pas encore informé de la décision du Gouvernement au sujet de l'Asinara ou qu'il s'en montre désinformé pour en invoquer la mise à exécution par celui qui détient la responsabilité opérationnelle. Le destinataire de la lettre est sollicité à s'activer promptement: "puisqu'il sera conscient que ma vie dépend de la fermeture définitive de la section spéciale, je suis certain qu'il voudra faire tout ce qui est en son pouvoir afin que cette mesure puisse être réalisée le plus vite possible. On me dit du reste que, ces jours ci, les demandes de fermeture des sections, qui sont arrivées de tous côtés, se sont faites plus incisives et plus nombreuses".

Il existe - relève D'Urso - pour réaliser cet objectif, des voies "praticables dans le cadre des normes en vigueur". On connaît du reste combien le maintien des structures de cette prison "ait représenté un point de tension pour l'administration. Et ceci aussi à cause de l'éloignement excessif des détenus des lieux de leurs propres affections ou de leurs propres intérêts, soit privés soit de procès, ainsi que des grandes difficultés éprouvées par les familles pour tenir des contacts fréquents avec leurs proches parents, et aussi enfin parce que la position extrêmement périphérique du lieu, en rendant difficile des contrôles constants, opportuns et approfondis, aura pu favoriser des applications déviantes des normes pénitentiaires". Il me semble donc - conclut-il - "qu'une prompte fermeture de la section puisse répondre à des raisons d'opportunité, à la lumière de critères technico-pénitentiaires". Mais il faudrait aussi - ajoute le Magistrat en reconnaissant explicitement une revendication des brigadistes, s

elon laquelle il faudrait "plus d'espaces d'expression et de lutte pour les détenus", des contacts plus fréquents entre prisonniers et monde extérieur - "il faudrait favoriser des visites fréquentes de journalistes dans les prisons, ou bien permettre aux détenus de transmettre des communiqués qui ne soient pas d'importance pénale ou de préjudice à la sécurité".

Selon les communistes, l'ensemble du communiqué indiquerait que les brigadistes ne sont pas satisfaits des décisions du Gouvernement, et étant donné qu'il y a eu un premier fléchissement, maintenant "ils augmentent le prix". Si ce n'est que la lettre annexée de D'Urso, adressée à Sisti, admettant, comme il est probable, qu'elle ait été révisée par les terroristes, ne confirme ni l'une ni l'autre hypothèse.

Mais plus que sur ces deux documents, l'objectif des organes de presse est pointé sur la révolte de Trani. Les nouvelles en ce qui concerne la mécanique, les modalités et les motifs de la révolte sont peu nombreuses, ou veulent l'être. Les données qui sembleraient sûrement acquises ne seraient qu'au nombre de deux: dix-neuf gardiens sont tenus en otages par les détenus, lesquels demandent de parler, ou de "traiter", selon certains, avec la direction du pénitencier et un substitut de la procure de Trani; et l'un des agents est blessé. Les chroniques sont en effet plutôt rapides et approximatives, et elles sont destinées à suggérer, de façon plus ou moins explicite, le recours à la manière forte. La possibilité d'un arrangement indolore, d'une résorption pacifique, tout en maintenant les exigences de sécurité, en tenant aussi compte que les détenus en révolte disposent de moyens offensifs rudimentaires, n'est pas le moins du monde prise en considération. C'est au contraire l'occasion pour compenser avec des in

térêts, le soi-disant "fléchissement" qu'il y a eu avec la décision de fermeture de la section Fornelli de l'Asinara.

Le blitz

Conformément à ces humeurs les fauteurs de la "fermeté" exercent une forte pression pour une intervention immédiate. Les républicains transmettent une note à Palazzo Chigi (14) ainsi libellée: "Un fil commun lie la révolte de Trani à l'enlèvement du juge D'Urso. Aucun fléchissement n'est concevable dans ces conditions. La limite atteinte avec la déclaration du Ministre de la Justice ne peut être en aucun cas dépassée et pour aucune raison". Tina Anselmi, en insistant, répète avec emphase que "si l'on accède au principe qu'il faut traiter pour un seul, il faut traiter pour n'importe qui d'autre. Mais il faut alors accepter que l'Etat soit soumis tous les jours au chantage des brigadistes". Forlani convoque un sommet d'urgence avec les ministres préposés à la sécurité de l'Etat, Rognoni, Sarti et Lagorio (15), et décide après une brève séance, comme on l'apprendra par la suite, pour une intervention immédiate à Trani avec des unités spéciales des carabiniers (16). La décision, naturellement, est gardée secrète

dans la discrétion la plus absolue.

Nous sommes au lundi 29 décembre. L'Italie a perdu au "Mundialito" et l'ensemble des supporters nationaux ne miserait pas une lire sur l'efficacité du pays. A 2h de l'après-midi le sommet des ministres de la sécurité arrive à sa conclusion, et quelques minutes plus tard le Ministre Sarti dicte le phonogramme par lequel il invite le directeur de la prison de Trani à demander "l'intervention nécessaire des forces de l'ordre". La réponse, dans le sens que l'on désire, arrive en moins d'une heure. C'est ainsi que se déclenche l'opération qui suit un "non" sec aux solutions possibles par les voies normales auxquelles pourraient amener les entretiens en cours dans la prison entre les détenus en révolte, le juge de surveillance Noviello et le sénateur socialiste Gaetano Scamarcio, disponibles sur place à cela. Les délégués des révoltés, parmi lesquels ne figure pas Toni Negri (17), ont présenté deux documents, le premier, déjà connu depuis dimanche soir, contient la demande plus qu'autre chose d'un programme de fer

meture des prisons spéciales et d'abolition de l'arrêt de police, et le second qui contient des requêtes prévues pour la plupart par la loi pénitentiaire, comme le rétablissement de la lumière dans le secteur occupé, la possibilité d'acheter de la nourriture et des journaux à la cantine de la prison, la publication de deux documents et la possibilité de tenir une conférence de presse. A noter que certaines de ces requêtes intéressaient des services et des concessions dues; elles révélaient donc un comportement d'omission de la contrepartie.

La prison est désormais une forteresse assiégée. Le sénateur Scamarcio et le député radical Mimmo Pinto ne peuvent faire rien d'autre que les inermes spectateurs de l'extérieur.

Il est près de 16h 15, quand de trois hélicoptères descendent sur les terrasses de la prison les fameux carabiniers du groupe spécial d'intervention (GIS), lesquels se frayent un chemin à coups de bombes au plastic, rafales de mitraillettes et coups de pistolets. Il aura fallu moins de deux heures pour conclure l'opération baptisée "blitz" de façon abrégée, pour souligner la rapidité et l'efficacité objective.

Le "Corriere della Sera écrit textuellement dans un résumé: "tout s'est résolu sans dommage: 27 blessés". Evidemment, en tant que détenus, ces blessés ne représentent pas un dommage. Quoi qu'il en soit, les données sur les blessés sont contradictoires pour l'instant; nous verrons mieux par la suite, que les blessés ont été beaucoup plus que 27, mais qu'ils l'ont été après le blitz, quand l'ordre avait été rétabli et non pendant l'opération conduite par les carabiniers.

La correction avec laquelle a été conduite l'opération des carabiniers, avec capacité et efficacité tendant à rétablir les conditions de normalité dans la prison, au nom et dans le respect de la légalité, est célébrée et louée par une grande partie de la presse avec une satisfaction exaltante, comme une manifestation de force pure et de représentation de "fermeté" vengeresse. On décrit minutieusement les superqualités et les superéquipements en armes et instruments de technologie des carabiniers du groupe spécial d'intervention (GIS). Les agents en ressortent signalés comme des produits artificiels d'un laboratoire délirant de perfection génétique. L'équilibre et l'efficacité de l'opération sont au contraire mis en relief par un communiqué du groupe parlementaire radical.

Dans ce climat, on affiche les déclarations de Pertini (18) qui, se taisant sur la fermeture de l'Asinara, étant donné qu'il s'agit d'une mesure de la compétence du gouvernement, souligne la différence de comportement enregistrée avec le cas Moro: "Avec Moro, on agit de façon différente". Et il ajoute: "L'Etat ne doit pas céder; parce que les terroristes ne se contenteront pas de cette victoire. Ils demanderont autre chose." Il renchérit la dose en affermant de façon significative: "si jamais je devais être enlevé, ma femme et le Secrétaire général du Quirinal (19) rendront publique une lettre par laquelle j'exprime fermement ma volonté; personne ne devra en venir aux pactes avec les terroristes, ce sera une histoire entre eux et moi".

Le sixième communiqué des brigadistes, portant la date du 29 décembre, était arrivé quelques heures avant le début du blitz, y était joint le communiqué numéro 1 du "Comité de lutte des prolétaires prisonniers de Trani", celui-ci portant la date du jour précédent et arrivé on ne sait comment entre les mains des br. Il est hors de doute qu'il y ait une liaison entre terrorisme clandestin et terroristes détenus; il apparait douteux que cette liaison reflète une collaboration opérationnelle et de décisions, même si les brigadistes eux-mêmes concourent à donner en quelque sorte l'aval à cette hypothèse en poursuivant le mythe de la force et de l'efficacité, étant rapides à cueillir toutes les occasions qui diffusent d'eux une telle image.

En effet, dans le communique n. 6, écrit quelques heures avant le blitz, on dit que la révolte de Trani "donne la mesure de la grande unité et mobilisation que le mouvement des prolétaires prisonniers a atteint", avec "les brigades rouges de façon inconditionnée à leur flanc", lesquelles "dans l'évaluation de la continuation de la bataille commencée par la capture du bourreau D'Urso, s'en tiendront strictement aux termes politiques par lesquels les prolétaires prisonniers expriment leurs besoins".

L'intervention des corps spéciaux est toutefois prévue, ou plutôt envisagée en termes de défi: "quoi que l'Etat soit en train de comploter pour réprimer les luttes des prolétaires prisonniers à Trani, qu'il sache qu'il trouvera aussi une réponse immédiate des brigades rouges. Jusqu'à présent le Gouvernement n'a répondu aux requêtes légitimes des comités de lutte qu'avec la menace de faire intervenir les tueurs des corps spéciaux. Ceci ne vous sera pas permis impunément". Suit par conséquent une intimation qui peut sonner comme une menace pour D'Urso, à soutien d'une requête précise: "les communiqués émis depuis Trani et Palmi doivent être publiés immédiatement et de façon intégrale. Ce que les prolétaires de ces deux camps ont à dire sur leur programme doit être recueilli de leur propre voix. Si ceci ne sera pas respecté, en tout ou en partie, nous en tirerons la conclusion que votre politique homicide n'admet aucune hésitation de la part des forces révolutionnaires: nous agirons en conséquence".

Les Br diffusent l'interrogatoire de D'Urso

Quelque chose dans l'air laisse penser que le temps presse. L'anxiété d'en finir prépare aussi au pire. La matinée du 1er janvier est troublée par la nouvelle d'un formidable "scoop" de l'hebdomadaire romain "L'Espresso": la publication dans le numéro suivant, qui sera dans les aubettes samedi 3 janvier 1981, du verbal d'interrogatoire du magistrat prisonnier, ainsi que d'une interview aux brigades rouges, articulée en 54 questions, qui se réduiront de beaucoup par la suite, et qui sembleront surtout soufflées par les interviewers qu'avancées par les interviewés. Il s'agit de documents exceptionnels, dont le substitut procureur Nicolo Amato a déjà pris vision, après quoi il a séquestré les originaux et s'est réservé d'approfondir l'enquête pour contrôler selon quelles modalités et à travers quels canaux le journal est arrivé en possession du précieux matériel.

Selon les premières informations, le 19 décembre à 22h 30 à peu près, un "délégué" anonyme des terroristes, après avoir fixé un rendez-vous par téléphone, se serait présenté au domicile du rédacteur Gianpaolo Bultrini, pour s'offrir comme intermédiaire avec les br, assurant d'en être capable, pour obtenir le texte de l'interrogatoire de D'Urso et une interview. Bultrini, ne s'occupant pas de terrorisme, téléphone à Mario Scialoja pour l'informer de l'offre, c'est ainsi qu'un rendez-vous entre les trois est fixé pour le jour suivant sur la Place du Peuple, devant le bar Canova. La rencontre laisse Scialoja méfiant, et un autre rendez-vous est fixé sur la place St. Pierre; c'est ici qu'on remet finalement à l'émissaire inconnu, les 54 questions qui devront être rendues avec autant de réponses des brigadistes ainsi qu'avec le fameux verbal.

Le matin du 30 décembre, Bultrini téléphone triomphant à Scialoja à la rédaction pour lui communiquer d'avoir "reçu de la poste"; peu après il se présente au journal et renverse sur la table, sous les regards abasourdis des recevants, un épais dossier divisé de la façon suivante: 1) 13 pages qui constituent l'interview promise (les questions sont réorganisées et adaptées, dit-on à la rédaction, mais un remaniement général transparaît, c'est pourquoi il serait plus juste de parler d'auto-interview que d'interview; 2) 33 feuilles contenant des "passages" tirés des premiers interrogatoires de D'Urso (comme assurent les expéditeurs dans une note d'instruction à part); 3) une copie de la résolution stratégique des br portant la date "octobre 1980" (date historique parce qu'elle marque l'objectif prioritaire de la nouvelle phase de lutte, dont l'enlèvement du magistrat serait le point de plus haute tension); 4) des polycopies des cinq premiers communiqués; 5) une nouvelle photo en couleurs du magistrat enlevé. L'h

ebdomadaire n'a pas de doutes sur l'authenticité du matériel et il publie.

Voici, ayant trait aux canaux et aux modalités qui auraient permis à "L'Espresso d'entrer en possession du matériel, la première version fournie à l'opinion publique. Il est probable que la même histoire ait été racontée de suite au magistrat qui s'est rendu au journal pour prendre vision du butin avant la publication.

Le texte de l'interrogatoire de D'Urso transmis à "L'espresso", confirme ce que l'on sait déjà par les communiqués brigadistes précédents, dans lesquels on révèle que le prisonnier "collabore": le magistrat a répondu sans résistance - laquelle n'aurait eu d'ailleurs aucun sens, et aurait peut-être été vaine - aux questions qui lui ont été adressées par des interrogateurs très bien informés, en illustrant les mécanismes bureaucratiques qui assument et filtrent les mesures de "plus haute sécurité", et fournissant aussi les noms, quand il les connaît, des différents personnages et fonctionnaires échelonnés le long de la ligne verticale de gestion de la vie de prison. L'interview, ou auto-interview, au contraire, est dans l'ensemble, mises à part les allusions à des épisodes spécifiques, un bréviaire de l'idéologie et de la stratégie des brigades rouges, qui ne présente pourtant aucune nouveauté, si ce n'est une organisation plus ou moins systématique des concepts, par rapport aux théorisations mises en pièces d

ans la myriade de communiqués et de messages déjà transmis.

L'assassinat de Galvaligi

Mais on n'a pas le temps de s'occuper de cette histoire sensationnelle, de laquelle pourtant on devra reparler très vite pour le pli qu'elle prendra sur le plan judiciaire, qu'un autre événement plus grave s'abat sur le pays: l'assassinat du général des carabiniers Enrico Galvaligi, revendiqué cinquante minutes plus tard par un sec coup de téléphone au "Messaggero": "Ici brigades rouges. Nous avons justicié le général Enrico Galvaligi de la coordination des services de sécurité des prisons." Une autre revendication arrivera par la suite de la part d'"unités combattantes communistes", mais elle sera écartée comme étant fausse, et on en aura une preuve irréfutable par l'arrivée, quelques heures plus tard, du communiqué n. 7 du commando qui a enlevé D'Urso.

La dynamique du crime est d'une simplicité stupéfiante, mais révélatrice d'un sang froid extraordinaire et d'une sûreté d'exécution due à une mise au point scrupuleuse du plan. Les deux killers agissent à coup sûr, signe évident qu'ils ne craignent pas de devoir affronter une escorte que le général Galvaligi avait toujours refusé. Ils ont recours au plus vieux truc du monde: se faisant passer pour des livreurs, ils se présentent au domicile du général, via Girolamo Segato 13, au quartier Ardeatino, pour livrer un paquet de Noël. Il est un peu plus de trois heures de l'après-midi. Le portier les arrête en disant que le général n'est pas là, qu'il rentrera vers 18h 30. "Ca ne fait rien - répondent-ils - nous effectuerons d'abord d'autres livraisons et nous reviendrons ensuite".

A 18h 30 précises, ils se présentent avec la même désinvolture et le même paquet duquel émergent des bouteilles de mousseux, et des emballages luminescents de friandises. Le général n'est pas encore rentré; patience, ils attendront, question de minutes. Le général, mais peut-être que les killers ne le savent pas, est à cette heure là dans l'Eglise de Santa Francesca Romana en train d'assister à la messe et de communier. Les deux époux sont de retour à 19h 15. Tandis que le mari parque la voiture, sa femme se dirige vers l'immeuble et commence à monter les escaliers. Quelques secondes plus tard, le général aussi arrive devant l'entrée de l'immeuble. Le jeune avec le paquet le bloque, humblement, cela va sans dire, comme un subordonné: "général Galvaligi?" - demande-t-il timidement - voila un cadeau pour vous". Surpris, mais au fond flatté, le général fait mine de sortir de sa poche une pièce de monnaie comme pourboire, quand un coup de pistolet provenant de la poche de la veste du donateur l'atteint aux jambe

s. Il a désormais compris; mais il est trop tard. Il est atteint en rapide succession par d'autres balles qui le jettent à terre. Le killer s'approche de lui, et l'achève d'une balle dans le coeur comme le coup de grâce donné par le chef d'un peloton d'exécution.

L'opération n'a duré que deux minutes. Il est 19h 18. Quand quelques minutes plus tard arrivent la police, les carabiniers, les ambulances, les magistrats, qui mettent sur place en un clin d'oeil des postes de bloc, des contrôles, des patrouilles, et qui procèdent à des perquisitions méticuleuses, il est déjà tard: des killers, pas même l'ombre. Le tract n. 7 des br est la seule chose qui reste, dans lequel il est dit explicitement que l'assassinat du général Galvaligi est la réponse au blitz de Trani. On admet que "le pouvoir a porté des coups très durs au mouvement de classe"; mais c'est justement pour ça, qu'il faut frapper dix fois plus fort et de façon terrifiante". "La bataille commencée avec la capture de D'Urso continue" - conclut le communiqué.

Puis arrivent les conjectures: les killers n'étaient que deux ou il y en avait-il un troisième qui attendait? Ont-ils tiré avec un revolver de gros calibre, ou disposaient-ils même du terrible Magnum? Comment ont-ils réussi à savoir que le général Galvaligi, dont le nom n'apparaissait pas dans les journaux, et qui était presque dans la clandestinité malgré l'importance de ses fonctions, était un personnage clef des services de sécurité des prisons?

L'arrestation de Scialoja

Tandis que les livreurs rôdent autour de l'immeuble de Galvaligi avec leur étrenne mortelle, les magistrats de la procure de Rome accomplissent une perquisition au siège de "L'Espresso" et interrogent longuement le directeur Livio Zanetti et le rédacteur Giampaolo Bultrini. Pendant la nuit, à Siusi, près d'Ortisei, où il n'était arrivé que depuis quelques heures pour passer une courte vacance de fin d'année, Mario Scialoja reçoit un mandat d'arrêt dans lequel on lui conteste les délits de complicité personnelle et faux témoignage. Il est quatre heures du matin quand on vient l'arrêter, il est ensuite traduit à Bolzano d'où il sera immédiatement conduit à Rome. Des motifs de la capture on en déduit que le juge doit avoir vérifié la non-véridicité de la version des faits fournie par le journaliste, surtout en ce qui concerne la façon dont il avait obtenu le matériel et l'identité de celui qui le lui avait remis; en dépistant par conséquent ou quoi qu'il en soit en entravant l'enquête et couvrant d'une certaine

façon le médiateur par le faux témoignage rendu. Bultrini dans cette première phase confirme le récit de son collègue, à son tour il parcoure le même chemin délictueux, et quelques jours plus tard il sera en effet arrêté lui-aussi.

L'épisode "Espresso" provoque de vastes polémiques et pose des interrogatifs de poids en ce qui concerne la liberté de la presse, le devoir d'informer les gens pour qu'ils participent à la vie démocratique en ayant force de jugement autonome, le comportement de la presse face au terrorisme. Et c'est dans le sillage de ce débat que commence à prendre pied l'hypothèse d'un black-out, c'est à dire d'un refus de publier des nouvelles fournies par les terroristes autres que celles qui pourraient être indispensables, suite à une règle éthique-professionnelle qui devrait induire le journaliste à ne pas informer ou à se faire juge des opportunités de l'information. La question aurait assumé une consistance hautement dramatique quand, plus tard, on saura que de la publication de deux communiqués des terroristes dépendra la vie ou la mort du juge D'Urso et l'on se demandera si les journaux peuvent nier à la vie d'un homme, beaucoup moins que ce que "L'Espresso" a concédé à l'ambition d'un "scoop" journalistique et à l

'intérêt d'augmenter son propre prestige sur le marché et le bénéfice économique conséquent en faveur de ses actionnaires (parmi lesquels le directeur du journal "La Repubblica", Eugenio Scalfari). La philosophie de la "fermeté" des républicains, ou pour mieux dire de l'emphase de la "fermeté", qui fait de contrepoint ponctuel à celle communiste, en assumant plutôt à l'égard de la stratégie du Parti communiste un rôle de reconnaissance, émerge désormais de façon suffisamment claire: sur le plan juridique, rétablissement des lois fascistes, considérablement aggravées, avec mise de côté de la Constitution; sur le terrain administratif, concession d'amples pouvoirs discrétionnaires à la police avec mise de côté de la prééminence de la fonction du juge; sur le plan politique, instauration de la logique de l'affrontement pur police-terrorisme et projection du caractère exceptionnel du moment dans les termes de l'"unité" nationale" avec mise de côté de la dialectique démocratique et de l'initiative politique. Le d

rame D'Urso assume dans ce cadre de référence une valeur subordonnée et une fonction de prétexte, la responsabilité à l'égard du salut du magistrat s'épuise dans une concession marginale de pitié, la mort éventuelle de D'Urso se représente comme un holocauste sur l'autel de la fermeté d'un Etat compromis par trente cinq ans de mauvais gouvernement et incapable d'affronter le terrorisme par la force de la démocratie. La mort éventuelle de D'Urso, comme déjà celle de Moro, finit par être le signal de la fermeté, le coût évident du "non-fléchissement" à un terrorisme idolâtré comme un mythe et pas même connu si ce n'est que pour la théorie de ses assassins et de ses violences.

L'assassinat du général Galvaligi redonne évidemment du souffle aux durs de la ligne de la "fermeté". Le premier à descendre sur le terrain est le social-démocrate Longo, qui demande de suite " de pourvoir avec de nouvelles lois à l'insuffisance de celles que le libre Parlement a voté" ( le "libre Parlement", c'est bien de le rappeler, a voté des arrêts de police sur de simples hypothèses discrétionnaires de suspect, douze ans de détention préventive, faculté de rafles, etc.). Le républicain Spadolini avertit que la démocratie ne pourrait pas survivre sur une ligne de fléchissements.

Trois jours sont déjà passés depuis l'assassinat de Galvaligi, et trois jours, par les temps qui courent, peuvent être suffisants pour un "parce sepulto".

Le blitz n'était pas "propre"?

Tandis que l'on remet en ordre les cartes pour les rendez-vous à court terme, on commence pourtant à apprendre que le blitz de Trani a été tout autre qu'indolore. La première dénonciation a lieu au cours d'un fil direct de Radio Radicale du 4 janvier, conduit en studio par Franco Roccella. De Milan téléphone l'amie de Vaccher, du comité des familles des détenus de la prison de Trani, elle dit s'appeler Daniela, refusant de révéler son nom. Elle demande de pouvoir lire, et on le lui concède, l'appel suivant: "les familles des détenus de Trani font appel pour solliciter l'intervention immédiate de la commission médicale externe afin qu'elle vérifie directement la condition physique actuelle des détenus après la révolte qui a lieu 28 décembre". Les nouvelles recueillies jusqu'à présent, poursuit Daniela, "parlent de tortures, de graves rossées subies de façon indistincte par tous. Nous savons que beaucoup des nôtres ont été pris et torturés, et que beaucoup ont subi des traumatismes crâniens. Maria, par exemple

a dix points de suture sur la tête; un autre a les doigts fracturés, Mastropasqua a les mains et les poignets brisés, Baumgartner a un fracture du nez. De toute façon, ce ne sont pas les seuls, parce que tous ont été tabassés. Je ne vous ai parlé que de ceux dont nous savons avec certitude, mais il y en a pourtant d'autres. Savez-vous qui fut l'auteur de tout cela?" Et Daniela émet l'hypothèse qu'il aurait pu s'agir soit des carabiniers des unités d'assaut soit, par la suite, des gardiens de prison, en représailles, mais elle ajoute de n'avoir aucune nouvelle à ce propos. Elle précise toutefois que l'appel qu'elle a lancé hier ne doit servir qu'à tranquilliser les membres des familles. Certains de ceux- ci, en ce qui concerne trois détenus, ont été autorisés à rendre visite à leurs conjoints, mais il ne les ont vu que trois minutes derrière une vitre et n'ont pas pu communiquer avec eux car les interphones ne marchaient pas. Quoi qu'il en soit, ces trois détenus aussi étaient blessés à la tête et avaient de

s yeux pochés, et ce sont eux-mêmes qui ont fait comprendre que tous les autres étaient dans les mêmes conditions.

Le récit de Daniela réverbère une nouvelle lumière sur le blitz de Trani, un aspect qu'il faudra sûrement vérifier, comme le souligne immédiatement Marco Pannella qui intervient dans l'émission, ainsi que Franco Roccella lui-même.

Les parlementaires du PR avaient déjà au programme une visite à Trani; sur la poussée de cette nouvelle ils s'y rendront de suite, c'est leur "devoir", d'autant plus que le Groupe parlementaire radical avait fait dans un communiqué l'éloge du comportement des carabiniers au cours du blitz, en saisissant dans celui-ci la valeur d'un rare exemple d'efficacité de l'Etat démocratique. Il est nécessaire non seulement de vérifier si les violences ont effectivement eu lieu, comme il semble hors de discussion, pouvant exclure que le récit de Daniela soit fruit de pure fantaisie, mais comment, quand et par qui de telles violences aient été accomplies.

"Certes - observe Pannella - ce que dit le comité des membres des familles des détenus de Trani ne peut évidemment pas être inventé, et ce serait encore plus inquiétant dans le cas où on l'on constaterait que les carabiniers au cours du blitz n'ont pas accompli ces violences, parce que cela démontrerait que ces violences ont été faites à froid, et que donc elles ne sont que punitives et vindicatives. Ce qui est inadmissible, parce qu'on ne tabasse pas les gens, qui que ce soit, on ne tabasse en aucun cas, aussi parce que ce serait une stupidité et surtout une grave erreur politique. En tout cas nous ferons une vérification en allant à Trani: je répète, c'est notre devoir".

D'Urso condamné à mort

C'est à ce point de l'émission qu'arrive à l'improviste une dépêche de l'agence "Ansa" avec cette nouvelle dramatique et angoissante: les brigades rouges, par le communiqué n. 8, annoncent d'avoir condamné à mort le magistrat enlevé le 12 décembre dernier, ajoutant que l'exécution pourra éventuellement être suspendue "si l'on n'empêchera pas au comité de camp des prisonniers de Palmi, d'exprimer de façon intégrale, sans même censurer une virgule, leurs appréciations politiques et leur jugement. Nous voulons l'entendre dire par vos instruments radio-télévisés, le lire sur les plus grands quotidiens italiens, ainsi que l'avaient demandé les prolétaires de lutte de Trani". Les brigadistes expliquent que "la condamnation à mort du bourreau D'Urso est un acte nécessaire de justice prolétaire, et que c'est aussi l'acte d'humanité le plus haut que ce régime nous permet". Quoi qu'il en soit, ajoutent-ils, si "la condamnation à mort de D'Urso est sûrement juste, l'opportunité de l'exécuter ou de la suspendre doit êtr

e considérée politiquement. Ceci concerne, outre que les br, exclusivement les organismes révolutionnaires de masse dans les prisons". D'une façon significative, ensuite, après l'énonciation des hypothèses de suspension de la peine, on adresse un appel "à qui dans les files de la bourgeoisie a encore un minimum de bon sens". Ni l'Etat ni le Gouvernement ne sont appelés en cause étant donné que c'est des organes de presse, officiellement ou théoriquement non-gouvernementaux, bien que ce soit de leur homogénéité au régime qu'ils tirent les milliards pour couvrir les passifs qu'ils accumulent joyeusement, que dépend la publication ou non des documents des prisonniers de Trani et de Palmi.

Le communiqué n. 8 modifie les "motifs" de la condamnation du magistrat prisonnier: d'Urso "a confirmé le rôle infâme de massacreur de prolétaires. Face à la mort physique et politique de centaines de prolétaires prisonniers que D'Urso a poursuivi cyniquement au cours de ces dernières années, et à la pleine conscience qu'il avait de son rôle, la sentence ne peut être que de condamnation à mort".

L'alibi des "divagations"

Il est normal, pour tous les organes de presse et aussi pour la grande majorité des parlementaires et des exposants des partis de Gouvernement, ou de l'opposition communiste, de liquider les communiqués des brigadistes en les définissant "délirants", "déraisonnants", "hallucinants"; et en fait ils le sont, mais le délire de ces paroles et de ces arguments ne peut être un expédient facile et expéditif pour s'absoudre de l'engagement politique de connaissance, d'intelligence et d'initiative, à l'égard du terrorisme, en se réfugiant dans l'indignation, ni ne peut être un alibi pour couvrir les dégâts moraux et politiques qui ont concouru dans ce pays à l'instauration du terrorisme et qui y concourent encore, et pour couvrir aussi bien les responsabilités que ces dégâts comportent que la responsabilité de les perpétuer.

Ce délire ne peut représenter le toit sous lequel faire passer l'omission de la démocratie ou même des normes, des comportements et des mythes anti-démocratiques, compensatoires de l'incapacité de donner force réelle à la démocratie. En agissant de la sorte c'est un chantage qui coïncide avec le chantage du terrorisme.

Dans ce cas ci, les divagations des terroristes et leurs violences ont été utilisées pour submerger dans l'ombre un scénario de prison qui constitue depuis toujours un problème de réforme, un scénario de l'administration de la justice qui pose depuis toujours un problème d'intervention, un état du procès pénal que l'on a considéré de façon unanime devoir corriger par une réforme qui git depuis des années et des années dans les armoires des commissions parlementaires, en y pourvoyant au contraire en promulguant certaines lois empruntées au fascisme. Si on élargit le discours on tombe sur la soi-disant "question morale" et sur la mystification malheureuse de la donner pour résolue parce que posée. Tout ceci explique en partie mais ne justifie pas le terrorisme; mais il est vrai aussi que le terrorisme ne peut justifier l'inertie, les fautes, les omissions de la classe politique, ni le chantage terroriste ne peut être adopté comme justification.

L'emphase du chantage et l'invocation de lois spéciales sont les thèmes qui reviennent dans les déclarations du monde politique sur le communiqué n. 8. Le secrétaire démochrétien Piccoli déclare de suite au "Corriere della Sera": "Nous sommes face au plus grave et inacceptable des chantages". Le secrétaire républicain Spadolini: "Chantage inacceptable et monstrueux". Le social-démocrate Longo: "Dans la nouvelle phase d'attaque des brigadistes rouges, nous confirmons notre orientation de toujours: lutte jusqu'au fond et avec tous les moyens contre le terrorisme, en adoptant aussi ces mesures exceptionnelles qui seraient considérées nécessaires". Et les communistes: " on vise à la reddition de la République", écrivent-ils sur l'"Unità". Ainsi avec une allusion sous entendue aux radicaux, et aux socialistes, car ils n'ont pas voulu "l'acte dû", on se compromet dans une sombre menace: "tant de choses devront être tirées au clair dès les prochains débats parlementaires. Il nous suffit de dire aujourd'hui que l'é

version vise tellement haut qu'elle fait peser l'ombre de la trahison sur quelque incertitude ou calcul malin que ce soit. Les br "pensent à la reprise, à l'élargissement du parti du fléchissement. Qui leur a donné un tel espoir?"

Le black-out de la presse

Nous voici au 5 janvier. Le débat sur le terrorisme commence aux Commissions Justice et Intérieur du Sénat, réunies en séance conjointe. Le ministre de la justice Sarti, illustrant au nom du gouvernement la réponse officielle au communiqué n. 8 des br, affirme à son tour: "les procédés sinistres proposés par les terroristes n'ont aucune possibilité d'être acceptées et ne font que témoigner du prétexte criminel de leur idéation"; de plus les brigadistes en mettant en cause les "terroristes" de Trani et de Palmi, "ont l'intention de charger sur les épaules de détenus pour des crimes exécrables, la responsabilité aussi de concourir à l'assassinat du juge D'Urso".

Dans le même temps, guidés par le quotidien romain "Il Tempo", qui revendique avec orgueil la leadership dans cette direction , et par le "Giornale Nuovo" de Montanelli (20), les organes de presse et même la RAI (21), décident "le silence total sur les requêtes des terroristes, ravisseurs de D'Urso". C'est le "black-out", au moment où le silence de la presse apparaît décisif pour la vie de D'Urso. Le "Corriere della Sera", qui emploie le premier l'expression anglaise, donne son adhésion au "black-out". Certains journaux se dissocient; c'est le cas du "Messaggero", de l'"Avanti!" et plus tard d'autres quotidiens; mais la coalition est assez massive; la majorité des quotidiens y participent en sautant à pieds joints leur devoir d'information qui ne s'accomplit pas mollement ou fermement, qui s'accomplit un point c'est tout, sans limitations qui ne soient celles de la correction, ou vérité, de la nouvelle et d'une faculté de critique dans chaque direction. L'idéologue par excellence de cette ligne de fermeté q

ui investit indifféremment Gouvernement, société politique et journaux, qui transfère plutôt aux journaux la fermeté demandée au Gouvernement et aux forces politiques, est le républicain sénateur à vie, Leo Valiani. Dans un éditorial sur le "Corriere della Sera", placé juste sous le communiqué par lequel le journal annonce sa décision "macérée" du silence de presse, le vieux sénateur républicain écrit ce qui suit: " je suis un admirateur des arguments de Beccaria (22) contre la peine de mort et la torture. Mais ceci ne signifie pas la renonciation à la dureté dans la répression des bandes d'assassins".

Et voici en deux mots la "fermeté": 1) l'arrêt et l'interrogatoire de police, dont il faut faire un usage fréquent pour empaqueter, repérer, perquisitionner, surveiller téléphoniquement, suivre les centaines de violents qui organisent des manifestations destructives; 2) augmenter les termes maximum de l'instruction sommaire et de la détention préventive; 3) "les procès contre ceux-ci devraient être concentrés dans quelques sièges judiciaires afin que les juges enquêteurs et les jugeants aient une vision globale, nationale...".

On peut dire et penser ce que l'on veut de Valiani, et des organes de presse, "Corriere della Sera" en tête, qui montrent d'en partager la doctrine; mais il faut lui reconnaître le mérite d'un "strip-tease" aussi cru de la "fermeté".

Le black-out ressort au moment où la position de la "fermeté" se durcit, jusqu'à assumer une charge de "chantage": au delà de celle-ci il ne reste que le fléchissement, qui se résout dans la complicité avec le terrorisme. Le motif qui justifie le silence de presse est tout emprunté aux motifs adoptés par les protagonistes politiques de la "fermeté", qui demandent d'opposer à la violence des terroristes la violence de l'Etat, qui assument le refus de fermer l'Asinara, et c'est ainsi que l'Asinara devient en même temps symbole de la force des br et symbole de la fermeté de l'Etat.

Leo Valiani a invoqué sur le "Corriere" un comportement de la magistrature qui, ne tenant pas compte des éléments d'indice et de preuve, ne procède pas à trop d'acquittements de "présumés terroristes", ne concède pas la liberté provisoire, prononce toujours et quoi qu'il en soit des condamnations onéreuse, fasse valoir la justice n'instruisant pas les procès avec zèle et émettant des sentences opportunes, mais utilisant la plus longue durée possible de l'emprisonnement préventif qui, dans l'état actuel des faits, peut se prolonger jusqu'à douze ans aussi dans le cas d'hypothèse de condamnation à une période d'emprisonnement nettement plus breve. C'est à dire une magistrature qui n'administre pas justice mais "guerre" au terrorisme sans souci de justice. Pour la police, Valiani encore, invoque les mains libres dans l'usage du pouvoir de prévention, de l'arrêt de police, des interrogatoires et des mises en fiche, à l'abri de tout contrôle de la magistrature et avec pleine licence d'agir en dehors d'une stratég

ie démocratique de l'ordre public. Une autre voix de la fermeté est celle du sénateur communiste Pecchioli: "en ce moment, aucune prétention des terroristes ne peut être prise en considération", aucun acte ne doit être accompli qui puisse être entendu comme une forme de reconnaissance politique des br, de la part de l'Etat", quel que soit, évidemment, le prix que ce "refus" comporte.

Les thèses de la fermeté reposent sur une référence insistante au cas Moro: "la DC - a écrit Spadolini - ne peut osciller. Elle résista avec courage pendant les 54 terribles jours de la détention de Moro...Elle paya un prix élevé mais tel de lui permettre de conserver le droit à la guide du Gouvernement... La démocratie laïque fut ferme tout autant, et de façon exemplaire. Les communistes n'ont pas changé d'opinion". La référence est éloquente; peu importe si la fermeté exemplaire d'alors entraîna la mort de Moro (le "prix élevé"); peu importe si la fermeté exemplaire d'aujourd'hui pourra comporter un prix analogue (la mort de D'Urso).

Cette exigence préjudicielle d'opposer au terrorisme un comportement de "fermeté" indifférente aux contenus qu'il assume est la même que l'on pose à la base du black-out. Peu importe si par le silence de presse les journaux trahissent leur devoir d'information en laissant aux informés l'autonomie et la responsabilité exclusives d'un jugement libre, qui se pose en rapport dialectique avec les jugements et les orientations de la classe politique, peu importe si l'information est le premier des "actes justes qui sont dus" (fermeture de l'Asinara, libération de Faina) non pas aux terroristes mais à la démocratie; il est important que l'on donne quoi qu'il en soit une réponse au terrorisme. C'est à dire que le black-out naît comme intégration et projection de la politique de la fermeté et non pas d'une labeur des journalistes. Qui n'a pas eu lieu. Et c'est tellement vrai que jusqu'à présent (y compris pour le cas Moro) les journaux ont publié avec une ampleur extraordinaire les nouvelles et les compte rendus sur

le terrorisme, sans aucune limitation, avec avidité plutôt, tout à fait "journalistique"; c'est tant vrai que la publication de l'interrogatoire de Giovanni D'Urso sur l'"Espresso", ne suscite pas d'immédiates réactions négatives, il en suscite, plus tard, des médiates, suite aux condamnations prononcées par les exposants politiques de la fermeté; c'est tant vrai que face à ce coup journalistique de l'"Espresso", "Repubblica" analyse minutieusement l'interrogatoire en montrant d'en apprécier la valeur de documentaire ("c'est la première fois que les br parlent avec tant d'ampleur...") et ensuite la publication; c'est tant vrai que ce même journal ("Repubblica") en prenant ses distances de l'hebdomadaire après l'arrêt de Scialoja, le fait en exprimant des réserves, légères à vrai dire, (" nous sommes désolés de ne pas l'avoir fait"), d'opportunité (pas de devoir) morale (il aurait été opportun que les journalistes de l'"Espresso" eussent mis la police sur "une trace des br") en se dépêchant toutefois de préci

ser que Scialoja et Bultrini ne sont pas "poursuivables" du "point de vue juridique", ni ne sont "critiquables du point de vue de la déontologie professionnelle"; c'est tant vrai qu'Eugenio Scalfari (23) se précipite au siège de l'"Espresso" pour fêter le scoop en portant un toast.

Le black-out naît donc d'une façon improvisée, contredisant le comportement que la presse a toujours et constamment tenu, justement quand la partie se joue sur la vie d'un homme et mettant en compte l'hypothèse de sa mort. Madame D'Urso aura beau jeu de demander aux journaux, qui nient tout espace aux deux documents dont les br ont demandé la publication, si deux colonnes de plomb peuvent valoir la vie d'un homme; Franca d'Urso a raison, du moment que ce n'est qu'à présent que l'on nie un espace aux terroristes, quand ce refus comporte la mort de son mari. C'est Giovanni D'Urso et non pas les br qui paye le black-out, et c'est la liberté de presse, non pas les br, qui le subit. (*)

(*) Pour un récit approfondi du comportement de la presse nous renvoyons à une autre partie du volume, consacrée de façon spécifique à cet argument.

Tandis qu'un choeur de voix applaudit le "black-out" proclamé par les journaux (ou journaux du système d'assistance et de lotissement), Pannella tient une conférence de presse pour illustrer la position du Groupe radical, en coïncidence avec le départ pour Trani d'une délégation de parlementaires du parti, afin de procéder aux accomplissements suivants, comme cela fut concordé lors de deux réunions précédentes, dans la soirée du 4 janvier au siège de Radio Radicale et le matin du 5 au siège du Groupe parlementaire: 1) vérifier dans le cadre rigoureux de l'art. 67 de la loi 26 juillet 1975, n. 354, les conditions de la prison et celle des détenus après la révolte apaisée par l'intervention des GIS le 28 décembre 1980; 2) se rendre interprètes, si jamais la nécessité devait se présenter, des voix des détenus, dans le cadre rigoureux de la norme citée.

"Notre position est différente - dit Pannella dans sa conférence de presse - "en tant que non-violents nous considérons que l'on ne doit jamais, d'aucune façon, collaborer ou offrir un quelconque hommage à la violence; nous répétons par conséquent que les positions de négociation, comme les autres soi-disant dures, de fermeté, furent les deux visages de la même politique qui amena à l'assassinat de Moro et qui continue à provoquer l'effondrement de l'Etat. La démocratie est aussi une question de procédure, et dès le premier jour du cas Moro, mais avant aussi, nous avons dit que le problème est avant tout de respecter les responsabilités et les cours constitutionnels pour arriver à la formation des volontés politiques de l'Etat et des gouvernements, ainsi que de l'administration de l'Etat à tout moment. Il n'est donc pas question que, face à des violences ou des assassins, l'Etat élude et cède sur ses lois".

Au contraire, poursuit Pannella, "dans notre pays il s'est créé une situation monstrueuse, de façon particulière par les politiques d'unité nationale entre 76 et 79, qui ont mis l'Etat toujours plus durement hors la loi. Des secteurs fondamentaux, comme celui de la Justice, nous l'avons défendu dans ses moindres détails contre les débordements féroces et jacobins de démantèlement, qui étaient assurés de façon particulière grâce à l'efficacité du parti communiste dans notre Parlement; nous avons lutté pas à pas contre l'ultérieur retour à la barbarie de nos lois et de nos structures. Aux "realpolitik" des défenseurs des lois Reale (24) et autres, aux défenseurs "cossighiani" (25) et "pecchiolani" (26), unis étroitement dans le sabotage de la réforme des prisons et de toute autre indication tardive et inadéquate née avec le centre gauche, nous avons objecté et nous objections que l'Etat n'aurait pu que recueillir d'autre violence, et que les réflexes autoritaires et d'efficacité étaient en fait en train de pro

duire le démantèlement du droit et de la Justice";

Pannella illustre encore le sens du dialogue qu'il a proposé ("nous dialoguons tous les jours, avec notre vie, notre métier de non-violents et de parlementaires, avec cet Etat, pour que la loi et le droit soient respectés; nous voulons dialoguer avec les br de la même façon"), qui, se référant au communiqué n. 8 des br, pourrait se dérouler ainsi (explicatif aussi des raisons de la visite des parlementaires radicaux à Trani): "les br, par ce communiqué, semblent prendre la charge d'un droit, ainsi que Moro l'écrit de sa prison, et ainsi que D'Urso l'a justement rappelé, je crois, et c'est le plein droit du détenu, dans le cadre du respect de la loi et du code pénal, d'exprimer sa propre pensée, de manifester ses propres idées, d'informer sur les conditions d'incarcération; puisque c'est un droit qu'il a conquis, et pas une licence qu'on lui élargit. Eh bien, disons-nous aux br, nous n'avons pas de difficultés, jusqu'à preuve du contraire, à croire ce que nous disons, et les délégués radicaux prennent en char

ge les droits de Trani et de Palmi".

Il est significatif, selon Pannella, qu'en fait la décision d'une vérification dans les prisons de Trani et de Palmi soit venue bien avant le communiqué n. 8 des br, en coïncidence avec le coup de téléphone de la jeune Daniela qui dénonçait les graves violences sur les détenus de Trani, durant ou après le blitz. La visite, envisagée de façon spécifique immédiatement après, rentre du reste dans le programme de visite aux prisons déjà décidé par le Groupe radical. Après le coup de téléphone de Daniela, on ne fait qu'en avancer les délais et on en précise la double finalité, comme on précise clairement par le communiqué qui annonce le départ pour Trani de la délégation radicale: contrôler si les détenus ont vraiment subi des violences, et comment, où, quand et par qui, ainsi que vérifier s'ils ont au moins été soignés après; connaître de la bouche même des détenus quelles étaient leurs requêtes ayant trait à leurs droits, de prisonniers, certes, mais quoi qu'il en soit également des droits ratifiés constitution

nellement, car représentant des droits humainement inaliénables. L'insistance des br sur la perversité du traitement différencié dans les prisons, qui fait penser que cela soit pour eux le point le plus important, n'est pas un obstacle à cette formulation, parce que sur cela aussi, dit Pannella, les radicaux ont de beaucoup précédé les br. "Nous avons toujours été contraires aux traitements différenciés - explique-t-il - simplement parce que nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement doit garantir unité de temps et d'espace aux organisations terroristes, c'est à dire organiser directement les brigades en prison".

Parmi le public qui assiste à la conférence de presse il y a Paola Negri, la femme de Toni, ainsi que la femme de Baumgartner, l'"autonomo" (27) condamné avec Pifano pour le transport du missile. De façon particulière, Paola Negri a rappelé que son mari a été frappé sauvagement, et qu'une grande partie de la presse a essayé d'un commun accord de le faire passer pour le chef et l'organisateur de la révolte. La femme de Baumgartner, au contraire, signale qu'il existe dans les prisons un milieu hétérogène, un arc d'orientations politiques différencié, et c'est aussi pourquoi la visite des radicaux est particulièrement opportune. Les br - dit-elle - ne peuvent pas s'approprier de la leadership de tous les détenus.

Un jugement analogue est exprimé par le libéral Biondi, bien qu'il nourrisse des réserves formelles, et non de fond, sur la singularité et sur les modalités

surprenantes de maturation et de formation des décisions et de l'initiative radicale. "Les radicaux - dit-il - agissent sur des positions et avec des initiatives particulières, si bien que l'on n'est pas surpris que de leur point de vue la provocation obéisse à des critères aussi importants et tels qu'ils masquent la propagande des br par une contre-propagande de presse, précisément, radicale". Il reconnait que l'initiative d'aujourd'hui est une espèce de contre-pied politique et institutionnel dans un pays où le retard et la stagnation sont de règle. Les stimulations radicales peuvent étonner, mais en tant que libéral je ne fais pas partie de ceux qui s'indignent".

(suite au texte n. 1770)

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N.d.T:

(1) Roberto Cicciomessere: (1947) homme politique italien, objecteur de conscience, arrêté et emprisonné pour refus de service militaire (1972), secrétaire du Parti radical (1971 et 1984). Député au Parlement italien dans la VI, VII et VIII. Député au Parlement européen de 1984 à 1989.

(2) Norberto Bobbio: (1909) Juriste et philosophe italien; a étudié les fondements de la science juridique d'un point de vue proche de celui du néopositivisme juridique.

(3) "Rinascita": hebdomadaire politico-culturel du Parti communiste italien, fondé en 1944 par P. Togliatti.

(4) PSI: Parti socialiste italien.

(5) Bettino Craxi: (1934) Homme politique italien, secrétaire du PSI, le Parti socialiste italien, depuis 1976.

(6) Arnaldo Forlani: (1925) homme politique italien. Secrétaire de la Démocratie chrétienne (69-73), ministre de la Défense (74-76) et des Affaires étrangères (76-79). Président du Conseil (80-81).

(7) "ANSA": La plus importante agence de presse italienne, fondée à Rome en 1945.

(8) Flaminio Piccoli: (1915) homme politique italien. Secrétaire de la DC, la Démocratie chrétienne italienne (1969; 1980-1982).

(9) Pietro Longo: (1935) Homme politique italien, secrétaire du PSDI, le Parti social-démocrate italien, depuis 1978.

(10) Giuseppe Saragat: (1898-1988) homme politique italien. Socialiste, exilé par le fascisme, ministre en 1944 et président de l'Assemblée Constituante en 46. En 47, guida la scission de l'aile droite du PSI, le Parti socialiste italien, en formant le PSLI ( Parti socialiste des travailleurs italiens), puis PSDI, Parti social-démocrate. Vice-président du Conseil (47-50, 54-57); a soutenu le centre gauche; fut ministre des Affaires étrangères (63-64). Président de la République (64-71), puis président du PSDI.

(11) PRI: Parti républicain italien.

(12) "missini": membre du MSI, le Mouvement social italien, d'extrême droite.

(13) Trani: commune du Sud de l'Italie où se trouve une prison de haute sécurité.

(14) Palazzo Chigi: siège de la présidence du Conseil.

(15) Lelio Lagorio: Homme politique italien. Exposant

socialiste, député du Groupe parlementaire socialiste, a été ministre de la Défense de 1980 à 1983, ministre du Tourisme et du Spectacle de 1983 à 1986.

(16) Carabinieri: corps de l'armée italienne qui a des fonctions de police militaire, de sécurité publique et de police judiciaire.

(17) Toni Negri: exposant d'un groupe d'extrême gauche, arrêté et mis en prison pendant cinq ans en espérant de subir un procès. Libéré, il fut ensuite élu député du Parti radical.

(18) Sandro Pertini: (1898-1989) homme politique italien. Socialiste, emprisonné à plusieurs reprises pendant le fascisme, membre de la Résistance (43-54). Député de la Constituante, président de la Chambre des députés (68-76), élu président de la République en 1978.

(19) Quirinale: Résidence officielle du Président de la République.

(20) Indro Montanelli: (1909) journaliste et écrivain italien, directeur depuis 1974 du quotidien "Il Giornale Nuovo".

(21) RAI: Radio-Télévision italienne.

(22) Cesare Beccaria: (1738-1794) homme de lettres et économiste italien. Dans son célèbre livre "Des délits et des peines" soutient l'ajustement de la peine à la faute et l'abolition de la peine de mort.

(23) Eugenio Scalfari: directeur du quotidien "La Repubblica".

(24) Loi Reale: loi répressive anti-terroriste.

(25) "cossighiani": partisans de Francesco Cossiga: (1928) homme politique italien. Démo-chrétien, ministre de l'Intérieur (1976-78), président du Conseil (1979-80), actuel président de la République.

(26) "pecchiolani": partisans de Ugo Pecchioli, exposant du Parti communiste italien.

(27) "autonomo": membre du Mouvement d'extrême gauche "Autonomia Operaia" (Autonomie Ouvrière).

 
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