par Marco PannellaSOMMAIRE: Lettre-télex à Pierre Beregovoy, secrétaire général de la présidence de la République française, pour l'intéresser à la réunion internationale du 14 octobre à Strasbourg sur la résolution du P.E. 35/781 qui demandait, entre autre, d'affecter 5 milliards de dollars pour sauver 5 millions de vies menacées d'extermination par la faim et le pousser à plus d'intéressement de la part des autorités françaises en soutien de l'initiative du Parlement européen.
(Langue de l'original: français)
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8 octobre 1981,
Cher Monsieur,
comme vous le savez les médias de masse français et donc la classe dirigeante elle-même ont ignoré totalement le Manifeste des 54 Prix Nobel qui est à l'origine maintenant de nombreux événements institutionnels et internationaux en ce qui concerne la politique nord-sud et la lutte contre le nouvel holocauste dans le monde.
A quelques exceptions près il en a été de même pour des événements politiques sur le même thème qui ont eu et ont de plus en plus un écho en Europe, dans le Tiers et le Quart Monde et ailleurs. Le 14 octobre le Parlement européen annoncera officiellement au cours de sa session à Strasbourg l'adoption d'une résolution qui a déjà été accueillie au niveau des Etats et des médias de masse avec émotion et intérêt.
A titre d'exemple, le Journal Officiel du Saint-Siège "L'Osservatore Romano" a publié intégralement cette résolution en première page avec un commentaire direct du Secrétaire d'Etat et donc inspiré par le Pape.
Ceci étant absolument sans précédents dans l'histoire du journal.
En France, malgré l'action de Food and Desarmement International, malgré les tentatives que j'ai accompli contre cette censure et cette insensibilité - sans précédents -, je dois et je peux dire que la situation politique qui a précédé les élections présidentielles continue et s'aggrave. Par désespoir de cause et par acquis de conscience, je m'adresse donc directement à vous et à d'autres collaborateurs du Président pour vous informer que ce 14 octobre, pour souligner l'importance extrême de la décision du Parlement européen, annulant à la dernière minute tout engagement déjà pris pour cette date, nombre de hautes personnalités des Nations Unies, dont Bradford Morse sous-secrétaire général de l'ONU et administrateur du PNUD, Jan Pronk secrétaire général adjoint de la CNUCED, les Prix Nobel George Wald, Maurice Wilkins, Lord Philip Noel Baker, des représentants de l'UNICEF, du Conseil Mondial de l'Alimentation, de la FAO, l'Ambassadeur Jazairy, des représentants des pays ACP et des 77 (sans préjuger des Prix
Nobel français) viendront à Strasbourg et se réuniront pour tenir un colloque international pour lequel est déjà acquise la présence de nombreuses autres personnalités politiques, religieuses, et d'experts, à commencer naturellement par René Dumont.
Je tiens à souligner que j'estime qu'il est de votre plein droit, voire parfaitement compréhensible que mon action personnelle et celle des radicaux non-violents, que nos grèves de la faim contre cet état de choses, soient considérées comme totalement étrangères aux intérêts que vous représentez et que donc il soit tout à fait normal que je me trouve à agir, comme hier en France, face au pouvoir - sinon contre le pouvoir.
Mais permettez moi, en tant qu'individu, en tant que parlementaire européen, en tant que socialiste et en tant que militant contre l'holocauste et pour le développement, de dire qu'il est navrant de se résigner à cet état de choses et de prévoir que pour le 14 octobre les médias de masse publics - interprétant ainsi le silence des pouvoirs publics français, arbitrairement je l'espère - s'apprêtent à censurer ou à traiter d'une façon indigne l'information concernant cet événement et l'action qui en résulte à cette date sur le sol français.
Je vous prie de croire, cher Monsieur, que cette lettre me coûte et que ce n'est donc pas à coeur léger que j'ai risqué d'abuser de votre attention.
Recevez l'expression de mes meilleurs sentiments.
Marco Pannella