SOMMAIRE: Marco Pannella poursuit le dialogue avec la Commission pour obtenir l'application de la résolution du Parlement européen qui demandait la préparation endéans le mois d'un projet pour investir de 5 milliards de dollars pour lutter contre l'extermination par la faim dans le monde (16-11-81).
M. Pannella. - Monsieur le Président, pour une fois - une fois n'est pas coutume - je crois que les critiques exprimées par notre ami et collègue Cohen et par les collègues qui nous ont précédés sont certainement méritées. Je crains que nous n'ayons affaire à une attitude - et je le regrette profondément - car l'estime, la confiance envers un homme et une personne sont déjà un fait politique. Eh bien, je crains qu'on ne se donne bonne conscience à bon marché ou que l'on n'adopte des rythmes qui ne soient pas à la mesure des problèmes que l'on doit résoudre, mais plutôt à la mesure de nos propres problèmes vus d'une façon introvertie.
Je ne suivrai pas, Monsieur le Président, celui qui, tout à l'heure, a dit qu'il ne s'interrogeait pas sur la manière dont, dans le Parlement, on avait collecté des signatures, car sinon je devrais me demander comment on collecte à l'intérieur de la Commission des décisions qui sont honteuses, comme la décision du 9 novembre sur la Turquie qui représente un mystère pour quiconque connaît les démocrates qui travaillent au sein de la Commission. Je dis tout simplement que ces 40 milliards sont un miroir, non pas pour des alouettes, mais servant à quelques narcisses, je le crains, pour s'y regarder. Lorsque notre Parlement - non pas par main levée, non pas sur ordre du président, mais en y souscrivant expressément - demande que l'on entame une procédure extra-budgétaire vis-à-vis des dix Etats, il a voulu ajouter à la position Brandt sur le développement, qui est la nôtre, un élément éthique sans lequel aucun intérêt ne peut être défendu. Notre Parlement a estimé que, de toute façon, la valeur de la vie, la lut
te contre l'holocauste demandaient un effort extraordinaire. En effet, on n'a pas demandé à la Commission de se préparer à dépenser 5 milliards pour sauver, à elle seule, 5 millions d'hommes. On a simplement demandé l'établissement d'un projet financier. Après quoi, pour les dépenses, il existe tout le système ONU qu'on aurait pu mettre cri oeuvre selon les méthodes indiquées dans le "rapport Nord-Sud", avec l'assistance, la participation, entre autres, de la Commission. Nous avons demandé, et ceci dans les 30 jours, l'établissement d'un plan, d'un projet financier; il ne s'agit pas de sauver le monde entier à travers la DG VIII, ou je ne sais quoi...
C'est pour cela, Monsieur le Président que je regrette beaucoup que l'on sacrifie à une sorte de "Realpolitik" des 40 milliards ce que notre Parlement a conçu en s'inspirant de l'esprit scientifique de 40 sur 54 Prix Nobel, à la suite de l'avis officiel donné ici, dans un colloque qui s'est tenu à quelques mètres de là, par les principales personnalités du système de l'ONU. Nous demandons simplement à la Commission de prendre sur elle de repousser honnêtement, si elle veut le faire, la politique que le Parlement européen a choisie et lui a demandé de choisir et d'appuyer. Après quoi, c'est un conflit qui risque de se produire, mais non un conflit entre une personne qui est sage et d'autres qui le seraient moins; c'est un conflit entre deux sagesses différentes. Je crois que la nôtre, celle de représentants de 300 millions d'Européens, est la véritable sagesse et le véritable réalisme. J'estime, Monsieur le Président, que notre Parlement peut en témoigner avec fierté une fois de plus face à une Commission qui
paraît ne pas en être convaincue.