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Archivio Partito radicale
Sofri Adriano, Pannella Marco - 2 novembre 1985
LA GALERIE DES PORTRAITS
par Adriano Sofri

SOMMAIRE: Le Parti radical raconté par Pannella à travers les visages de son histoire, à travers les personnes qu'il a aimé. Vittorini: "Vous êtes les seuls coperniciens de notre politique ptolémaïque"; Pasolini: comment naît l'histoire du "Procès"; Rossi, Sciascia, Spinelli, Terracini, Gullo, Vidali...

Le Parti radical de la désobéissance civile à une "nouvelle obéissance". De Benedetti et Scalfaro pensent au commissionnement de la République, et c'est pourquoi ils sont déstabiliseurs.

(FINE SECOLO, 2/3 novembre 1985)

Il est nécessaire qu'une idée nous vienne pour parler des radicaux réunis en congrès. L'idée est d'interviewer Pannella. Mais allez, direz-vous. Un moment, il pourrait y avoir des choses que Pannella n'a pas encore dit, et d'autres que vous n'avez pas encore entendues. Il a décidé ici de revendiquer ses ancêtres proches et éloignés, et d'autres conjoints plus jeunes, sans dédaigner de passer par le chas de l'aiguille de l'actualité et des affaires politiques courantes. On n'a pas encore parlé du congrès. Encore vingt quatre heures, et vous saurez comment ça s'est passé. Par les autres journaux.

___________

"On décide de consacrer un "Fin de siècle" aux radicaux et à leur congrès. On cherche une idée originale. Puis, on va interviewer Pannella. Ce sera son tour d'essayer de ne pas se répéter.

Je le rencontre à Montecitorio (1), un samedi matin, le gouvernement étant vaquant. Le palais est désert, et Pannella s'y trouve avec la désinvolture impatiente du maître d'une maison ancestrale contraint de faire place pour la saison à des locataires vulgaires ou embarrassés, et à voir ses meubles condamnés à s'abîmer et ses reliques les plus sacrées assignées aux usages qui leur conviennent le moins.

N'est-ce pas surprenant que Pannella, arrivé si tard au Parlement, ait tout de suite manié magistralement les lois et les règlements? Tandis qu'il me conduit à travers le palais, Pannella s'arrête devant la galerie des portraits des présidents de la Chambre des Députés, des visages et des noms qui me sont inconnus pour la plupart, et il me dit les avoir appris tous par coeur. Chez lui, me dit-il, il y avait des manuscrits de personnages de la Renaissance Italienne, conservées jalousement, et qu'enfant il déchiffrait avec passion. Je sens que je suis sur le point de recevoir la confession d'un Maître de la Procédure.

La visite inclus les cabinets et le salon de coiffure, un exemple très récent et téméraire d'art déco. Pannella me dit la somme que ça a coûté, très élevée. Ensuite nous passons devant des casiers pour la correspondance, chacun portant le nom de son titulaire. Dans la plupart des serrures il y a une clef, et Pannella m'explique avec satisfaction qu'il y a quelques années encore tout le monde la prenait avec soi: jusqu'au moment où lui la laissa, et tout doucement les autres en firent autant. Une injection de confiance.

Fin de la visite guidée, début de la conversation. Notre supplément consacré à Pasolini (2) est à peine sorti, il est inévitable que je commence par là. Je dis à Pannella que je publierai l'intervention de Pasolini au congrès radical de Florence d'il y dix ans, c'est un petit peu son testament. Il est grand temps, me dit-il, de raconter les rapports qu'ont eu avec le Parti radical des hommes comme Pasolini ou Vittorini".

Vittorini (3)

Combien sont ceux qui savent aujourd'hui que Vittorini était président du parti? En mars 1985, à Bologne, je demandai à Vittorini: "Nous sommes 150 en tout, nous ne comptons pour rien, ils n'envoient même pas de journalistes à nos initiatives, pourquoi acceptes-tu?" "Parce que vous êtes les seuls coperniciens de notre politique ptolémaïque". On nous ôte quelque chose mais à Vittorini aussi quand on tait tout cela. En 68, me semble-t-il, des intellectuels comme Di Carlo, Carocci, Einaudi, tentèrent une opération électorale des indépendants de gauche à Milan, et Vittorini m'envoya un télégramme: "Je te communique d'avoir posé comme condition à ma candidature l'ajoute de l'inscription: radical ou indépendant radical". Il fut suffisant d'enterrer l'opération.

Il y a eu une époque où on le voyait très peu, je lui envoyai une lettre de protestation, et j'en reçu une de sa part: "Je me suis rendu compte de ma vieillesse, parce qu'il y a quelque temps encore je t'aurais répondu avec 80 ou 100 pages".

Pasolini

La même chose pour Pasolini: les lettres luthériennes ont la plupart du temps les radicaux comme interlocuteurs. Surtout les trois ou quatre dernières années, Pasolini nous a lancé des signaux humains et politiques formidables. D'après De Mauro, Pasolini n'employait jamais la locution "je t'aime". Mais Pasolini a écrit, sur le Corriere, "Pannella sait combien je l'aime". Il était désespéré alors que nous avions de l'espoir. Rien n'est pire que les efforts "de gauche" pour démontrer le complot contre Pasolini, le besoin de tuer la vraie image pour en anoblir la mort et la vie. Ils ont rappelé que dans les dix pages qu'il aurait dû lire chez nous, en novembre 1975, il déclarait voter pour le Parti communiste. S'il avait été là, il se serait porté candidat pour nous, avant Sciascia (4). Il y a dix ans de cela, et il est juste de lui donner ce qui lui appartient, et à nous ce qui nous appartient. Il y avait eu cette première page sur le Corriere, en 1974, dans laquelle à un certain point de l'article il écrivait

: "par loyauté j'avertis qu'à partir de maintenant l'article devient aussi formellement un tract", et il concluait en donnant les adresses et les autres indications utiles pour se mettre en contact avec nous. A présent, on peut se souvenir de tout cela: il y a encore quelque temps cela aurait signifié, dans l'opinion commune, lui donner un quotient de violence, d'indignité, à lui, à Ernesto Rossi, à Vittorini - aujourd'hui il n'en est plus ainsi. Sais-tu comment naît l'histoire du Procès de Pasolini? C'était l'été 1974, il était stupéfait par le comportement de la presse, et celui des autres, à notre égard - il en souffrait, il en était angoissé. A la fin août Michele Tito, vice-Directeur du Corriere, me publie un mince article où je disais que les sondages nous donnaient un résultat électoral de 3 %. Il s'agissait d'un long article coupé, mais il réussissait à dire que la vérité historique de notre action ne serait pas ressortie du Procès, un procès pénal contre tous les responsables du pouvoir. Un mois plu

s tard, rentré de l'étranger, Pasolini me téléphone pour avoir de mes nouvelles - il m'avait quitté en plein milieu d'une grève de la faim des plus engageantes - et je lui signale l'article morcelé sur le Corriere. Le lendemain il me rappelle bouleversé et me demande ce qui s'est passé après cette proposition, il se scandalise du silence qui l'a accueillie et dit que dans le fascisme existait au moins l'invective, la polémique. Je lui répond: "essaye toi-même, on ne peut te reconduire à une organisation, tu verras le bordel que ça fera". C'était comme un pari, qui aurait marché avec lui. Et il a écrit les choses que nous connaissons.

Ou alors l'histoire du fascisme-antifascisme: Pasolini fut frappé par ma préface au livre de Valcarenghi (5), et écrivit qu'il s'agissait du manifeste du radicalisme, celui qui manquait. Et Pasolini n'était pas exagéré, excessif, ni même paradoxal, il était plutôt très mesuré, surtout quand il écrivait en tant que critique. Et il appela cette préface - tu t'en souviens, c'était celle où je parlais de la ligne antifasciste Parri-Sofri (6) - le Manifeste du radicalisme. Tout de suite après il écrivit un article où il s'imaginait pédagogue d'un gamin napolitain, et il lui expliquait pour la première fois le rapport entre fascisme et antifascisme, et en fond de page il me citait. Et considère que le fait de me citer dans un support "sérieux" était une vraie coquetterie, parce que je n'existe pas dans le monde des érudits. Je me souviens que je lui recommandai, quand il disait que l'antifascisme post-fascisme était l'héritier du fascisme, de préciser "et pas de l'antifascisme", sans quoi il se serait exposé à l'i

ncompréhension et au lynchage.

En 1964 nous faisions des sauts périlleux pour faire paraître "Agence radicale", tu t'en souviens, une vingtaine de pages par jour, 800 polycopies, et les garçons du bar du coin qui venaient nous aider à mettre en page; eh bien, un jour j'ouvre le "Tempo", l'hebdomadaire, et je trouve un article de Pasolini qui dit que désormais il est toujours plus souvent hors d'Italie, et que même quand il revient il se sent étranger, et qu'il le serait encore plus "si cette feuille n'existait pas".

Ce fut un dialogue continu. Pense à l'"affirmation de conscience", tu sais que nous parlons d'affirmation, et pas d'objection. Pasolini a écrit au sujet d'un gardien de prison, qui violant les consignes avait permis à un détenu de rester avec sa fiancée, et ce dernier s'était évadé: l'agent se suicida. Pasolini a écrit que sa mort était une affirmation d'humanité contre l'obéissance formelle, une proposition de vie (tu vois que la poésie sur Valle Giulia n'était pas impromptue) et il conclus: "tu vois donc, cher Pannella, qu'il faut se mobiliser pour le oui et pas pour le non" - et il ne se souvenait pas que deux ans auparavant c'est nous qui avions dit "non au non".

Je me souviens de certains procès. Mon grand chagrin, tu sais, c'est de ne pas avoir fait l'avocat - ou plutôt j'en ai deux de chagrins, l'autre c'est de ne pas avoir de terrasse. Attention, ce ne sont pas deux choses hors de portée. Au contraire même, demain matin, grâce à la loi belge, je pourrai défendre un jeune objecteur dans un tribunal: je dois me sentir prêt, je suis un bûcheur, je ne crois pas à la défense politique. Enfin, je me souviens de la veille d'un procès à Turin où nous étions accusés, moi, Pasolini, toi, et d'"autres"; je me souviens de la terreur de Pier Paolo, une véritable angoisse kafkaïenne, il ne savait pas si venir ou non, ensuite il resta à Rome. Moi j'écrivis au Tribunal que l'imputation était une offense à la magistrature, et que j'aurais été présent dans la salle pour distribuer des tracts avec le texte de ma lettre, mais en contumace.

Le procès s'ouvre, quand on m'appelle le président répond "oui, oui, nous savons où il se trouve", et à peine une heure plus tard renvoie tout au Procureur général sous prétexte d'un expédient de procédure, mais en fait rejetant l'instruction. C'est pour cela aussi que je ne suis pas d'accord quand on parle indistinctement d'années de plomb - même alors il y avait la possibilité de faire autre chose, et on pouvait trouver un président de tribunal inconnu comme celui-là. Et en même temps, j'ai averti ceux qui prennent la défense posthume de Pasolini niant qu'il était comme il était, de ne pas aller, si jamais moi aussi je devais "mal finir", à la découverte posthume des centaines de plaintes et de procès dont j'ai fait l'objet.

Les dix derniers mois

"Une petite pause, Pannella sort un instant, je regarde par la fenêtre, de cette hauteur je regarde la place: il n'y a pas de terrasse, mais la vue est extraordinaire, avec les profils successifs des coupoles, et la flèche de l'église de Saint Yves est superbe; et au fond voilà la structure tubulaire de l'usine à gaz, au pied de laquelle se trouve notre rédaction, à l'écart pour ça aussi. Retour de Pannella et rapprochement à l'actualité".

Quelque chose a vraiment été fait, il est vrai que l'Italie est sortie des exercices provisoires, mais eux-mêmes ne croient pas dans leurs résultats, ils les considèrent marginaux. C'est ainsi que Bettino (7) risque d'avoir comme mesure la confrontation avec Spadolini. Et puis Spadolini (8) il faut le garder, ne pas en faire de la confiture, Reagan l'a déjà fait. Andreotti (9), un ministre des Affaires étrangères qui, mis à part l'héritage d'enfance d'Evangelisti, a un coeur qui bat pour des gens comme Sindona et Caltagirone chez nous, et à l'étranger pour Assad (même pas pour Arafat, trop romantique) et les soviétiques. Ils lui plaisent, ce sont des hommes dont on ne sait rien, comme de Sindona, l'inexistence privée leur garantit cette intégrité de baroque romain. Y compris Satan, baroque lui aussi, qui est son modèle. La politique comme bras séculaire, et puis la schizophrénie de Dieu et de la messe le matin.

Tu sais quelqu'un que tu devrais connaître, sans autre but, de la même façon qu'on va aux Offices? C'est le capitaine Sankarà, le dictateur du Burkina Fasu, la Haute Volta, un homme de quarante ans que la tragédie accompagne, quelqu'un qui a appelé ses deux fils Philippe et Auguste, et il est probable qu'ils soient bientôt orphelins, et qui à l'ONU cite l'Henri de Ofterdingen de Novalis, ou Victor Hugo; une culture entre France et Scolopi (10), un regard grave, bon, ce n'est pas un Savonarola (11), il est doux, et même ingénu. Burkina Fasu signifie "pays des hommes justes" - je lui ai demandé "et alors les injustes, les différents? Ferons-nous renaître des aryens et des juifs comme justes et injustes?" Il a pourtant une forte passion pour la justice. Il fait faire de la gymnastique à ses ministres, comme faisait Starace (12), mais là ce sont des camarades d'école. Si un jour, après avoir tué, il n'aura pas été tué, et qu'il sera en prison, je lui enverrai Voltaire, ou quelque lettre de Jean XXIII, le premier

à faire arriver Voltaire aux paysans.

Altiero Spinelli (13)

Je me suis retrouvé à la fin avec les gens avec lesquels j'avais commencé, les vieux éléphants que j'ai aimé et qui m'ont aimé jusqu'à la fin, Ernesto Rossi (14), Terracini (15), Fausto Gullo, Fidali. Et, bien vivant, Altiero Spinelli - as-tu lu son très beau livre? Altiero voulait envoyer Franceschini en prison, après avoir vu l'interview avec Biagi (16).

Dans les mois qui viennent la naissance de l'Europe, ou son enterrement, peuvent devenir irréversibles. Nos journaux ne s'en aperçoivent même pas. Non seulement: les républicains ne devaient vraiment pas faire un grand effort pour se rendre compte que si la politique européenne saute, celle du Moyen-Orient saute aussi. Personne n'a informé que, contre les gouvernements, le Parlement européen a encore voté pour Spinelli. Là, même les conservateurs anglais qui, avec toute la suffisance et l'isolationnisme insulaire, sont de sérieux conservateurs, s'engagent sur le fédéralisme. La question est simple: si continuer avec les vieux Traités, ou lancer un nouveau Traité, ce qui est la voie choisie par le Parlement européen. Un organe sans pouvoir, et représentant toutefois 300 millions de personnes. Le nouveau Traité prévoit l'Union européenne (on aurait pu ajouter: des Républiques etc, s'il n'y avait pas eu les monarchies; nous voulions les appeler Etats-Unis d'Europe). Une heure avant le vote européen, la Chambre

chez nous a approuvé une motion qui engageait à le ratifier. Ce fut assez extraordinaire. J'annonçai en salle, avant que cela n'ait lieu, la satisfaction des onze députés non-votants qui avaient vu approuvé presque à l'unanimité le mandat impératif de mettre à exécution le projet que nous étions ici aussi pour approuver: le Parlement vota, et ratifia les yeux fermés une délibération européenne qui devait encore voir le jour!

Au début de son semestre de présidence, janvier-juillet, le gouvernement sembla fonctionner: Craxi, et surtout le secrétaire général de la Farnesina (17), Ruggero, quelqu'un qui connaissait le problème, avaient été à Bruxelles. Puis les choses se sont ensablées, et la position des Etats s'est orientée vers la simple réforme des Traités existants. A Milan, en juillet, on vota que la réforme devait de toute façon avoir lieu sur la base du texte du Parlement européen, et qu'une Conférence inter-gouvernementale devait la proposer dans un délai de trois mois aux Parlements nationaux. En fait, au lieu de donner autorité à la Conférence, ils l'ont déléguée à la diplomatie, préférant encore une fois la logique des choses à la logique des hommes.

L'autre jour le Parlement européen a voté une motion de blâme et d'appel contre le mandat trahi - personne ne l'a su en Italie, ils étaient tous en train de penser à Abbas. A présent, il faudra donc que la Fédération européenne en vienne à la non-violence.

("Je m'arrête un instant, pour soumettre ce passage à l'attention de ceux qui s'interrogent sur les prochaines cibles de l'activité radicale").

Mais c'était d'Altiero que je voulais parler, le visage d'un patriarche, l'un des quelques vrais timides - pense à la pudeur du livre, à la discrétion, si fortes parce qu'elles passent inaperçues, parce qu'elles ne sont pas déclarées - pour la première fois depuis 1948, quand il me proposa de diriger la Jeunesse Fédéraliste Européenne, et je n'acceptai pas, pour la première fois il me dit à présent avec un léger embarras: "Marco, tu sais qu'il me reste peu de temps désormais: et alors, qui le fera si ce n'est pas toi?"

Voilà, à distance de quarante ans je vois encore se dévider ce fil fort, des années 30, fait d'innocence, de laïcité intransigeante et anti-sectaire. Je revois encore tout le répertoire des accusations, celles que le Parti communiste adressait de façon ignoble aux Rosselli (18): exhibitionnistes, victimistes, activistes, vitalistes, marionnettes des services secrets, plus dangereux que les fascistes... Je pense aux textes d'éducation civique qui n'ont jamais connu les noms de Mario Ferrara, ou de Nicolo Carandini, d'Arrigo Cajumi, de Mario Paggi, d'Achille Battaglia, autant de noms que je ne cesse jamais de citer à la Chambre, à mémoire future, afin qu'un jour peut-être quelqu'un vienne fouiller, et les trouvera. C'était une génération qui a cru à la force de la culture, prête à être à la cour - mais aussi à aller en prison - et étrangère et ignare du pouvoir, qui appartient au souverain, ou au Gouvernement.

Ils savaient devoir compter sur la force personnelle, et d'être autre chose. Les fils ont choisi la mortification des idées et des personnes en échange de pouvoir, de pouvoir sur les gens. Les fils sont au père comme le second antifascisme l'est au premier. De Ruggiero, De Caprariis - imagine si Ingrao (19) avait lu, je ne dis pas n'importe quoi, mais De Ruggiero. Et au contraire, avec et contre Croce (20), ce lien que l'on reprochait injustement à Pasolini l'a emporté de façon acritique, avec le monde rural, catholique. Mais la conservation est une activité, une moralité, un faire, alors que pendant quinze ans il n'y avait rien d'autre à voir sauf la terre qui tremblait, et les gens qui pour être vrais devaient hurler de façon assourdissante.

Ce n'est pas facile d'arriver aux derniers temps

Et venons-en aux dix dernières années, et à leurs balayages institutionnels: élections administratives, référendums, élections présidentielles, et à présent la crise de gouvernement. C'est depuis 1967, à Florence, que nous disons que nous sommes (pas que nous devons être) Parti de gouvernement. Alors c'était un stratagème sémantique - comme on parle de gouverner les sentiments, les espoirs, les lois et les nuits et les cuisines, en définitive tout le lexique du radicalien. A présent la vieille question du gouvernement et de l'opposition n'est que plus en évidence. Nous avons "gouverné" tous les problème sur lesquels à chaque fois nous nous sommes engagés. Quand nous avons jeûné pour l'application de l'art. 81 à la Chambre, et qu'ensuite en 67 nous réussîmes, avec le seul appui d'"ABC" à obtenir un vote, le caractère préjudiciel de constitutionnalité du divorce - par dix voix, une majorité sortit gagnante qui allait des libéraux au Parti communiste, et qui avait contre elle Almirante (21) et la DC (22), y co

mpris l'aile gauche de la DC, invertissant des majorités et des minorités politiques. Nous étions les seuls à connaître le règlement, ce qui s'est répété au Parlement Européen: et ce qui vaut à plus forte raison pour l'économie, parce que l'économie au niveau de l'Etat c'est le droit, et nous savons l'éventail de rapports possibles qui existent entre le droit et la société.

"Il y a ici une brève interruption, le temps de recevoir une note d'agence qui informe du dernier sondage sur la popularité respectivement de Craxi et Spadolini.

Cette année, si nous avons gagné sur le référendum, c'est surtout en bonne partie parce que nous avions contraint à faire les élections sur le référendum, à montrer le lien entre les deux échéances. L'échec du PCI cette année a été plus grave que celui de la DC en 74. Carniti (23) se déchaîna, et il n'était pas suspect: j'avais accusé la CGIL pendant vingt ans d'être avec Carniti, et pour une fois la CGIL se mettait aux côtés de la CFDT, du syndicalisme neo-fabien (24).

Lors des élections, le point à imposer était que les listes vertes soient calculées dans la question du dépassement. Ils nous disaient, Alexander Langer nous disait, que le mouvement vert n'était pas mûr: mais on est toujours pas assez mûrs. Même en politique la conception a de l'importance, l'acte d'impétuosité dont dérive la vie, et nous l'avons fait venir à la lumière ce Vert, il n'est pas dit qu'il doive reste dans la maison paternelle, et qu'il ne se trouve pas une meilleure voie. Et considère que c'est grotesque mais pas moins vrai que le dépassement se jouait sur un 1,5 % en plus ou en moins: c'était suffisant pour transformer un échec éclatant en une presque affirmation, avec les conséquences qui pouvaient en dériver pour le référendum. Après quoi, les Verts existent aujourd'hui, et peut-être même que les plus antiradicaux deviennent pentaparti.

"Ah, s'ils y en avaient..."

Mais il n'en est pas ainsi. Voici de toute façon un autre cas où nous avons entraîné tout le monde. Et si nous étions vraiment en démocratie, si Carniti et moi avions pu nous exprimer au JT1, l'abstention serait passée à fureur de peuple.

Regarde ce qui se passe avec la démocratie lotie qui a remplacé la monarchie à la RAI (25): le fait est que si avant tu réussissais à arriver à Bernabei, au souverain, tu trouvais vingt millions de téléspectateurs; aujourd'hui si tu réussis à contraindre les tenanciers du bordel, ce sont ensuite les employés et les huissiers qui te bloquent.

Mais nous n'avons pas l'intention de vivre de reproches et de ressentiments contre la physiologie de l'hégémonie des partis. Pendant un an, à la Chambre, nous avons montré la lune, et ils regardaient le doigt: "eh, vous ne votez pas". Maintenant c'est fini. Nous pourrions à la limite aller au gouvernement et continuer à ne pas voter. Ce n'est pas par amour des slogans que nous disons l'impossible est possible, pas le possible. En ce qui concerne la faim, nous savions bien que nous aurions aussi dû passer par le risque du gaspillage pour en arriver à la dépense raisonnable. Le point est de légitimer la valeur pratique de la vie, d'en faire monnaie courante, contre la valorisation de la mort, l'idée de la mort juste, qui peut servir. La loi sur la faim existe à présent, il y a Forte, et nous ne l'avons pas votée.

Aux élections, c'est la défaite qui a été grave et non pas la victoire qui a été importante. A ce point tu as Craxi qui accepte Cossiga (26). Cossiga n'est pas un homme auquel on peut vouloir du mal. Mais la façon, cette élection associée, est une piètre hypothèque sur le septennat. Il fallait risquer le meilleur, pour la présidence, Craxi n'en a pas eu le courage. Carniti ensuite, sur la présidence de la République, a démontré définitivement sa propre incapacité, car il s'est trompé de deux mois dans sa date de naissance, et je suis sûr que nous aurions réussis à le faire élire. C'est un homme laïque, il n'est pas riche, il brûle de christianisme...

Des gens comme De Benedetti et Scalfaro pensent depuis des années au commissionnement de la République et c'est pourquoi ils sont déstabiliseurs: dès qu'il y a quelqu'un qui marche bien, ils se jettent sur lui. Ils rappellent le noir à la conscience à cause du noir de leur conscience. Nous devons démontrer que la démocratie peut accomplir sans versement de sang ce que se propose le commissionnement. Je suis uninominaliste depuis 1964, majoritaire absolu, antiproportionnaliste, et toujours plus aujourd'hui. Langer l'a écrit sur le Manifesto (27), dans un article affectueux, ceci nous prépare à une loi majoritaire. C'est vrai dans un certain sens.

Le problème est le droit. Tout le monde sait que les résultats des élections dépendent de l'information. Il existe une commission de vigilance dont les interventions sont constamment violées. On dit que la loi ne prévoit pas de sanctions. Mais il existe une loi commune, et il existe en Italie l'obligation de l'action pénale face à un acte délictueux notoire, il suffit de comprendre que la violation de la loi est un acte de subversion. Si je trouble la liberté électorale allant à l'assaut d'un siège ou distribuant de l'alcool, je suis coupable de subversion exactement de la même façon que quand ils diffusent de fausses informations, ce qui est l'objectif commun des dictatures et des coups d'Etat. A cette magistrature pour laquelle chaque délit est d'association, nous fournissons les preuves, en sens propre; et l'on ne voudra pas nier qu'ils aient été à cinq à violer le droit de connaître pour délibérer. Tôt ou tard on trouvera un juge de paix qui les arrêtera - même s'il sera balayé par la suite.

Le PR meurt, vive le PR...

Regarde, le Parti radical est en train de mourir, et c'est peut-être son triomphe. Pasolini avait mis en garde à partir du jour où les intellectuels se seraient jetés sur les droits civils, et les auraient transformés en droits contre les minorités, contre les différents, qui représentent ensemble en réalité la grande majorité de la société. Baget une fois a dit à notre propos que nous sommes une minorité qui représente les grandes majorités sociales. A ce point, la continuation de la vie du Parti n'est pas naturelle, nous avons quelque chose qui lui ressemble, une mort non déclarée et sans même les honneurs. Je sais ce que je ferai quand je serai grand, et peut-être que je ne le ferai jamais, et peut-être que je renoncerai à grandir. (Je veux te dire que la seule fois où j'ai vu Andreotti troublé c'est à la fin du jour où nous lui avons tout envoyé en l'air, et à la sortie je lui dis "il n'y a pas d'animosité de notre part, rien que du regret que vous continuez à ne pas vous demander ce que vous ferez quand

vous serez grand", je l'ai vu troublé, un instant). Ce n'est pas vrai que les hommes meurent et que les idées vivent. Quand Che Guevara mourut, à l'Université de Rome je citai Garcia Lorca, "tu es mort pour toujours et c'est pourquoi nous sommes ici". Et nous l'avions dit pour Grimao qui avait subi le supplice du garrot, quand partout avaient lieu de grandes manifestations officielles, et nous allâmes parler à Centocelle (28), avec une camionnette, avec le vieil Armando Borghi, le grand anarchiste. Voilà pourquoi on craignait les anarchistes, à cause de l'amour libre et des chants de la vie, contre la ligne noire de la gauche, celle des funérailles.

L'importance que nous pouvons avoir, que nous avons, est un petit miracle laïque, aux limites de l'injuste. Si je peux te raconter des choses comme celles-là, et ignorer de fausses pudeurs, parce qu'elles peuvent finir par ôter quelque chose aux autres, chacun peut vraiment le faire, concrètement. Giovanni Negri (29), quand je veux l'insulter je lui dit qu'il est plus vieux que moi: Cette année que tous ont reconnu notre métier politique, j'espère qu'il ait appris aussi qu'avec le métier tu ne construis rien, si tu n'as pas aussi une conception du professionnalisme - avant on parlait de sérieux - comme valeur autonome.

"Nous avons terminé et nous allons déjeuner, Marco, Giovanni et moi. Tous des noms d'évangélistes, sauf le mien. A table, on ne prend pas de notes; on parlera des prochains référendums, et de qui deviendra secrétaire au Congrès: toutes choses que vous lirez dans les autres journaux".

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N.d.T:

(1) Montecitorio: siège de la Chambre des Députés dans un Palais de Rome construit par Bernini en 1650.

(2) Pier Paolo Pasolini: (1922-1975) célèbre écrivain et metteur en scène italien. Inscrit au Parti radical.

(3) Elio Vittorini: (1908-1966) Ecrivain italien. Fut Président du Parti radical.

(4) Leonardo Sciascia: (1921) Ecrivain italien. A dénoncé dans ses livres les plaies de la société sicilienne et italienne.

(5) Andrea Valcarenghi: Militant du mouvement des étudiants et fondateur de la revue "Roi nu", auteur du livre "Underground à poing fermé" dont Marco Pannella écrivit la préface, connue comme "La fantaisie comme nécessité". Il est un exposant du mouvement Sannyasin.

(6) Ferruccio Parri: (1890-1981) Homme politique italien. Antifasciste, leader du Parti d'Action, il eut un rôle de premier plan dans la guerre des partisans. Président du Conseil dans le premier gouvernement italien après la libération. Sénateur à vie depuis 1963; président du groupe parlementaire de la gauche indépendante à partir de 1968.

(7) Bettino Craxi: (1934) Homme politique italien, secrétaire du PSI, le Parti socialiste italien, depuis 1976.

(8) Giovanni Spadolini: (1925) Historien et homme politique italien; secrétaire du Parti républicain (1979); ministre des Biens Culturels (74-76) et de l'Instruction (79), président du Conseil (1981).

(9) Giulio Andreotti: (1919) homme politique italien.

Démo-chrétien, a été ministre de l'intérieur (1954), des finances (1955-58), du trésor (1958-59), de la défense (1959-66, 1974), de l'industrie (1966-68), du bilan (1974-76). Président du Conseil (1972-73, 1976-79, 1989-)

(10) Scolopi: membres d'un ordre religieux fondé en 1617, qui exerça longtemps une action culturelle innovatrice.

(11) Girolamo Savonarola: (1452-11498) Frère dominicain, prieur du couvent de Saint Marc à Florence. Inspiré à un ascétisme radical, il prêcha assidûment contre la corruption de l'Eglise. Après voir chassé les Médicis de Florence, il devint en fait le maître de la ville et l'animateur de la République Florentine qu'il dirigea de façon démocratique en revendiquant à Florence le rôle de guide dans le processus de régénération du monde chrétien. Il fut excommunié par le Pape Alexandre VI; accusé d'hérésie, il fut arrêté et ensuite pendu et brûlé. Il écrivit des oeuvres philosophiques et doctrinales qui influencèrent les courants ecclésiastiques réformateurs en Italie.

(12) Achille Starace: (1889-1945) Homme politique italien. Secrétaire du Parti fasciste (1931-1939), Chef d'état major de la Milice volontaire pour la Sécurité nationale (39-41); il fut fusillé par la Résistance.

(13) Altiero Spinelli: Homme politique italien. Emprisonné pendant le fascisme (de 1929 à 1942) pour ses activités antifascistes. En 1942, écrit avec Ernesto Rossi, l'un des fondateurs du Parti radical, le Manifeste fédéraliste de Ventotene, dans lequel on affirme que seule une Europe fédéraliste peut vaincre définitivement le danger d'un retour de la guerre fratricide sur le continent européen. A la fin de la guerre il fonde avec d'autres le Mouvement fédéraliste Européen, et devient membre de la Commission Européenne. En 1979 est élu député au Parlement Européen, il se consacre alors à un projet de traité qui fut ensuite adopté par le Parlement Européen en 1984 et qui est connu sous le nom de "Projet Spinelli".

(14) Ernesto Rossi: (1897-1967) homme politique italien. Dirigeant de "Giustizia e Libertà" (1929), fut arrêté en 1930. Promoteur du Mouvement fédéraliste européen et parmi les fondateurs du Parti radical.

(15) Umberto Terracini: (1895-1983) homme politique italien, fut l'un des fondateurs du PCI, le Parti communiste italien. En 47-48, fut président de l'Assemblée Constituante.

(16) Enzo Biagi: (1920) Journaliste italien. Collaborateur de l'hebdomadaire "Panorama" et du quotidien "La Repubblica".

(17) La Farnesina: siège du Ministère des Affaires étrangères.

(18) Carlo Rosselli: (1899-1937) Homme politique italien. Parmi les fondateurs du Mouvement "Justice et Liberté" (1929); combattit en Espagne avec les républicains, fut assassiné avec son frère par les services secrets italiens. Figure importante de l'antifascisme italien en exil, fit une synthèse des valeurs libérales et de la doctrine socialiste.

(18) Guido De Ruggiero: philosophe et historien de la philosophie.

(19) Pietro Ingrao: exposant du Parti communiste.

(20) Benedetto Croce: (1866-1952) Philosophe, historien, critique et homme politique italien. Fut sénateur (1910), ministre de l'Instruction (1920-21). Il défendit constamment l'idée libérale.

(21) Giorgio Almirante: (1914-1988) Homme politique italien. Secrétaire du MSI, le Mouvement social italien, (69-87).

(22) DC: Démocratie chrétienne italienne.

(23) Pierre Carniti: (1936) Syndicaliste italien, secrétaire général de la CISL depuis 1979.

(24) de la Fabian Society: Organisation politique anglaise pro-socialiste fondée en 1884 par différents intellectuels (S. et B. Webb, G.B. Shaw. Elle contribua à la naissance du Parti travailliste en 1906.

(25) RAI-TV: Radio-Télévision italienne.

(26) Francesco Cossiga: (1928) homme politique italien. Démo-chrétien, ministre de l'Intérieur (1976-78), président du Conseil (1979-80), actuel président de la République.

(27) "Il Manifesto": Mouvement politique italien surgi autour du mensuel du même nom, fondé (1969) par des exposants du Parti communiste expulsés ensuite du parti. En 1971, le mensuel devient quotidien et pendant quelques années fut l'organe du PDUP, le Parti d'unité prolétaire, dans lequel le Mouvement avait fini par confluer; il est

devenu indépendant par la suite.

(28) Centocelle: quartier populaire au sud de Rome.

(29) Giovanni Negri: Membre de la Chambre des Députés, Groupe Fédéraliste Européen. Secrétaire du PR de 1985 à 1987. En 1986 avec le slogan "ou tu le choisis, ou tu le dissous" il a conduit la campagne extraordinaire pour les 10.000 inscrits. Député radical au Parlement italien et européen à plusieurs reprises. Protagoniste des batailles sur l'information et contre l'extermination par la faim dans le monde, il a aussi soutenu une très longue grève de la faim. Promoteur de la campagne "Le Tibet Vivant" contre l'oppression violente de la Chine. Il est actuellement secrétaire "pro tempore" de l'ARCOD (Association Radicale pour la Constituante Démocratique").

 
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