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Teodori Massimo - 1 dicembre 1985
P2: L'histoire secrète (6) LES RAPPORTS AVEC GELLI: LE CADAVRE DANS LE PLACARD DU PCI

Faits et méfaits - hommes, banques et journaux, généraux et terroristes, vols et assassinats, chantages et pouvoir - selon les documents de l'enquête parlementaire sur la loge de Gelli.

par Massimo Teodori.

SOMMAIRE: »On a beaucoup écrit sur la P2 et sur Gelli, mais la vérité sur la loge et sa prise de pouvoir dans l'Italie d'aujourd'hui a été gardée secrète. Contrairement à ce qu'affirme la relation Anselmi votée à la majorité en conclusion de l'activité de la Commission d'enquête parlementaire sur la P2, la loge n'a pas été une organisation de malfaiteurs externe aux partis, mais interne à la classe dirigeante. L'enjeu pour la P2 a été le pouvoir et son exercice illégitime et occulte avec utilisation de chantages, de vols à grande échelle, d'activités subversives et de gigantesques imbroglio financiers, et même avec le recours à l'élimination physique de personnes "gênantes".

L'"histoire secrète" de Teodori est une reconstitution de faits et de responsabilités sur la base de milliers de documents; c'est la réélaboration et la réécriture de la relation de minorité présentée par l'auteur au Parlement au terme des travaux de la Commission d'enquête parlementaire. Elle illustre les milieux-ambiants de l'association de malfaiteurs Gelli-P2; elle fournit l'interprétation des activités subversives des services secrets et celles des Cefis, des Sindona et des Calvi: elle élucide le rôle de la P2 dans l'"affaire Moro" et dans l'"affaire d'Urso", dans la Rizzoli et dans l'ENI, dans les Forces Armées et dans l'Administration publique. Elle révèle les intrigues avec le Vatican, les méfaits des Pazienza, des Carboni et la trouble "affaire Cirillo".

(Editions SUGARCO - Décembre 1985)

CHAPITRE VI - LES RAPPORTS AVEC GELLI: LE CADAVRE DANS LE PLACARD DU PCI

Nombreux sont ceux qui se demandent comment Licio Gelli a pu devenir un personnage aussi puissant de la vie italienne. Et pourtant, le marchand de matelas d'Arezzo n'a jamais recouvert de charge officielle, de celles qui donnent le pouvoir politique, comme il n'a pas eu non plus d'activité économique et financière assez élevée pour lui permettre une aussi grande accumulation d'argent. A la fin des années Soixante-dix, les puissants de la politique, de la finance et du monde militaire, s'inclinaient devant le grand maître vénérable, le "Corriere Della Sera" lui réservait en Octobre 1980 une interview sur une page entière et les coffres des banques suisses, d'après ce que l'on a appris par la suite, contenaient des montagnes d'or et de devises lui appartenant. C'était donc un personnage très puissant, en mesure d'influencer des hommes et des situations et de brasser des affaires importantes tous azimuts et dans de nombreux secteurs de la vie nationale. Il détenait, selon une formule qui est devenue popula

ire, un "grand pouvoir occulte", à savoir, un type de pouvoir non visible et lié à des responsabilités politiques et économiques fondé sur le secret et l'absence de responsabilités à l'égard d'autrui. Un pouvoir occulte alimenté par des opérations illicites et illégitimes, organisées justement de manière à en accroître et alimenter l'influence.

Dépositaire des secrets des trames polluantes, confesseur des méfaits de régime, médiateur de l'illégalité, grand maître-chanteur: voilà quelques unes des définitions proposées pour mettre au point la fonction réelle du chef piduiste au-delà des rites et des couvertures maçonniques. Il faut alors s'interroger sur l'origine de la puissance de Gelli, que cette dernière dérivât de son accès aux renseignements réservés et illicites et des chantages consécutifs à l'encontre des puissants, ou bien qu'elle se fondât sur d'autres raisons. Ce n'est qu'en creusant dans son passé, dans les années de guerre et d'après-guerre que l'on trouve les sources de sa mirobolante carrière. Pendant ces années-là, Gelli fait ses premières preuves, décisives pour toute sa vie à venir, dans ses rapports avec les puissants du moment, avec le monde politique, et il s'entraîne dans son activité de délateur et de maître-chanteur qui sera par la suite perfectionnée et approfondie. Parmi les rencontres de cette époque, les plus import

antes résultent celles avec le Pci et les services secrets.

En 1937, à dix-huit ans, Licio Gelli était parti volontaire pour combattre dans le camp fasciste de la guerre d'Espagne. Rapatrié en 1938, il avait travaillé au parti fasciste de sa ville natale, Pistoia, jusqu'à ce que la guerre éclate et qu'il fut envoyé en Dalmatie sur le front greco-macédonien. En Septembre 1943, au moment de l'armistice, il adhéra à la République Sociale, exerçant la fonction d'officier de liaison entre le nouveau fascisme républicain et la Wehrmacht. Ce sont les mois de l'agonie nazie-fasciste qui préludent au succès de la Résistance et à la Libération des alliés. Bien vite, avec le début de l'activité maquisarde de l'Automne 1943, Gelli se met en contact avec Silvano Fedi, chef du mouvement anarchico-libertaire, et avec les représentants du Comité de Libération local, exploitant le trait d'union de l'une de ses soeurs, militante elle-même, et mariée à un membre du parti communiste. Il offre aux résistants sa propre collaboration et ses propres services, commençant son double jeu,

fort de sa position au sein du camp nazi-fasciste: il fournit des renseignements à des représentants communistes du Comité local de Libération et participe également à des actions de résistance, toujours mû cependant par des attitudes ambigües.

Après la libération de la Toscane, en Septembre 1944, il participe à la recherche des éléments dangereux de la collaboration nazie et, dans cette activité, il jouit de la protection des résistants et aussi, probablement, des autorités américaines d'occupation. En Octobre 1944, Gelli demande et obtient la protection des communistes du Comité de Libération qui lui délivrent d'abord une attestation, puis un laisser-passer avec des documents personnels qui lui permettront d'avoir la vie sauve, d'abandonner impunément Pistoia et de se rendre en Janvier 1945 en Sardaigne, à l'île de la Maddalena, à travers un périlleux voyage via Rome et Naples. Loin du théâtre de ses actions de guerre, Gelli, recherché par les forces de l'ordre, entre en contact avec les appareils des services de sécurité à travers les carabiniers de la Maddalena.

La première attestation de mérite de la Résistance est délivrée à Gelli le 2 Octobre 1944 par le président du Comité provincial de Libération Nationale de Pistoia, le communiste Italo Carobbi (1). Il y certifie que l'agent de liaison de la Wehrmarcht, »bien qu'ayant servi les fascistes et les allemands, s'est rendu utile à la cause des patriotes de Pistoia , en aidant matériellement certaines formations, dont celle de Silvano Fedi (tué par les allemands dans une embuscade) et en participant à la libération de prisonniers politiques. »En considération de cela, ce comité autorise Gelli Licio à circuler librement (2). Fort de ce crédit, Gelli, au cours des mois qui suivent, peut quitter Pistoia où il faisait l'objet de représailles, toujours protégé par les communistes locaux. Le 12 Janvier 1945, c'est encore Carobbi qui lui délivre un laisser-passer (3) pour se rendre en Sardaigne et c'est l'appareil du Pci qui lui fournit une escorte de deux résistants armés (Nello Lucchesi et un certain »Alcide , accom

pagnés de Bruno Tesi, représentant prestigieux du Pci de Pistoia) qui le conduit en sécurité à Rome.

La vie de Gelli devait-être devenue précieuse et sa défense importante, puisque le 4 Février 1945, l'organe du CLN de Pistoia, "La Voce del Popolo", publiait un article qui expliquait et créditer ultérieurement devant les résistants, la position de l'ex-fasciste. Toute l'opération de sauvetage fut assumée par le Pci, à ce moment-là, force hégémonique de Pistoia, si bien que les autres représentants du Comité de Libération n'en savait que très peu de chose. Gerardo Bianchi de la DC déclare »personne ne nous a jamais informé et Vincenzo Nardi du Partito d'Azione ajouta »si quelqu'un nous avait fait une proposition de ce genre, cela aurait déclenché les dissensions les plus dures (4).

Le premier tour de valse important avec changement de cap, Gelli l'exécute donc entre 1943 et 1945, en se transformant de fasciste qu'il était en collaborateur des résistants, protégé par le Pci à qui il devait la vie sauve. Gelli devait certainement avoir rendu des services importants pour recevoir en échange les attestations et l'aide du CLN durant cette période marquée par la haine et la violence et par les luttes les plus dures. Le second tour de valse Gelli l'exécute à la Maddalena où, en Septembre 1945, il est arrêté pour collaboration. De sa propre initiative, au premier interrogatoire des carabiniers qui le détiennent en garde à vue, Gelli fournit une liste détaillée des 56 collaborateurs de la République Sociale et des nazis, avec faits et gestes de chacun d'eux (5). Gelli collabore spontanément avec les services secrets, à cette époque-là en phase de réorganisation, dénonçant des personnes qui avaient été ses amis ou ses camarades de parti et de foi politique, par la révélation de circonstanc

es graves (»tortionnaire ... »confident des nazis ... »espion ) qui devaient provoquer chez ces derniers de lourdes conséquences étant donné le climat qui régnait alors. C'est ainsi que commence, pour Gelli, son rapport avec les services secrets - rapport qui avait peut-être déjà des antécédents mais qui passe à travers une étape décisive - basé sur la délation dont il reste une trace écrite mais non pas de mémoire publique, dans les archives des polices et des différents organes de sécurité de l'Etat. Le 29 Septembre 1950, le centre de contre-espionnage de Pistoia envoie au SIFAR central une missive en réponse à une requête de renseignements sur tel »Gelli suspecté d'intelligence avec le Kominform . Dans le dossier, classé comme »fascicule N·15743 Com. In. Form. (6), Gelli y est décrit comme un personnage »capable d'accomplir n'importe quelle action qui a commencé sa collaboration avec le Pci en 1944 et qui mène une activité d'espionnage en faveur des pays de l'Est. Le fascicule se réfère à la liste des

collaborateurs dénoncés à la Maddalena et se termine par ce jugement sur Gelli: »très dangereux aussi bien à cause de la zone stratégique dans laquelle il opère et qu'il connaît parfaitement, qu'à cause de l'action de renseignement qu'il exerce .

On a beaucoup discuté à maintes reprises sur la signification de ce fascicule et sur les implications qu'il comportait. L'hypothèse de Gelli agent communiste et des pays de l'Est formulée en 1950 concernant les années précédentes, semble être contredite par l'attitude même des services secrets qui auraient laissé agir un agent aussi dangereux pendant tant d'années. Il est vrai que l'ex-fasciste pouvait avoir gagné l'impunité en collaborant à la fois avec le Pci et les services secrets qui avaient été contactés à la Maddalena et qui, au cours des années consécutives lui avaient garanti une série de libertés de mouvement, mais il n'en demeure pas moins des contradictions non résolues et inquiétantes.

Une autre hypothèse plus complexe pourrait être celle selon laquelle Gelli aurait joué simultanément plusieurs jeux et sur plusieurs fronts dans le domaine de la délation et des bas services, d'abord en intrigant avec les communistes, puis avec les communistes et les services secrets italiens, conscient que pour ces derniers, il pouvait être utile de laisser agir Gelli afin d'acquérir des renseignements et de s'aliéner par le chantage un personnage dangereux et disposé à n'importe quelle aventure.

Une dernière hypothèse - qui ne contredit pas les précédentes - selon laquelle, au cours de ces années-là, naît ce »marchand de renseignements qui travaille surtout seul et qui est en mesure par conséquent d'opérer sur plusieurs fronts en vendant sa propre marchandise à tous les acquéreurs possibles. Les rapports certains avec les services secrets italiens, les rapports présumés avec les services de l'Est ne s'excluent pas nécessairement les uns les autres. Ce qui est sûr c'est qu'au cours des premières années Cinquante Gelli maintenait d'excellents rapports avec les communistes tant et si bien que le futur sénateur du Pci et maire de Pistoia, Giuseppe Corsini, lui écrivait le 29 Janvier 1952, en termes très cordiaux et amicaux (»avec toute ma cordialité ) pour solliciter l'expédition d'une démarche étant donné l'influence du vieux camarade de Pistoia (7).

Quelle que fût la vérité ultime de cette époque, il est certain qu'aussi bien les rapports avec les services secrets et la connaissance de la part de Gelli de ce que les services secrets savaient de lui, que son rapport avec le Pci, ont constitué au cours des décennies suivantes, des points très vulnérables de l'activité du futur chef de la P2. Gelli n'a jamais voulu reconnaître ni le rapport avec les services secrets ni celui avec le Pci: au contraire, il a toujours agi de telle sorte que tout reste caché.

Dans son mémoire N·2 encore, rédigé en Juin 1984, Gelli affirme »au sujet des suppositions concernant ma collaboration avec le SID, je ne fais aucun commentaire direct: il est évident qu'il ne s'agit que d'insinuations ; et encore plus ferme est le démenti de sa collaboration avec le Pci, même si celle-ci résulte dans des documents, du moins en ce qui concerne la période 1944-45. »Je n'ai jamais eu de contacts avec d'hypothétiques services secrets de l'Est (Com. In. Form.) contrairement à ce que l'on soutient... La plus grave accusation que la Commission [Parlementaire] ait formulée consiste cependant à affirmer que j'étais lié au Pci dès 1944: mes choix idéologiques sont et ont toujours été fermement en contraste avec la philosophie marxiste-léniniste (8).

L'image que Gelli tend à donner de lui avec constance est celle d'un homme foncièrement anticommuniste. C'est ce qui lui sert pour ses jeux de pouvoir, même s'il sait très bien que jouer la carte de réserve de la vieille collaboration avec le Pci peut lui servir au moment opportun. Lorsqu'en 1976, Gelli, déjà devenu chef puissant de la loge maçonnique la plus exclusive est mis en cause pour les implications dans les différentes tentatives putschistes et par conséquent en relation aux sequestrations accomplies par la bande des marseillais à Rome, il n'a pas de scrupule à rappeler aux communistes ses anciens mérites et son passé. »L'Unità du 17 Avril 1976, dans un article consacré aux sequestrations titrant »Quelle est la "grande famille" qui a protégé Bergamelli? écrit que »le groupe IIP jouirait même de la réputation d'orientation conservatrice et neofasciste: il y aurait entre autres, un grand personnage d'Arezzo, un député du Msi et un ex-procureur général de la République... . Le quotidien communis

te ne cite pas gelli, il l'appelle »grand personnage d'Arezzo et transforme le nom de la P2 en IIP, tandis que dans les semaines qui suivent, après l'homicide Occorsio (10 Juillet), d'autres quotidiens comme »Il Messagero et »La Repubblica sont beaucoup plus explicites et parlent directement de Licio Gelli et de son organisation maçonnique, les associant à des activités criminelles.

La mise en cause soudaine du chef maçon, même de la part de la presse communiste, et même si c'est avec prudence, le pousse à ressortir les vieilles attestations de la Résistance que le Pci lui avait fourni trente ans auparavant. Gelli savait que le long silence qui avait enveloppé ses gestes et ses collaborations durant la guerre pouvaient à ce moment-là se briser en assénant un rude coup à son irresistible ascension. Le 15 Mai, il obtient, après avoir longuement insisté, à ce que l'ex-président du CLN de Pistoia, Italo Carobbi, lui signe une nouvelle attestation pour ses mérites dans la résistance, avec un rajout: »sauf autres renseignements possibles, il ne me résulte pas qu'il se soit entaché de délits politiques (9). Le lendemain de cette attestation, l'»Unità reçoit une lettre adressée au directeur responsable dans laquelle le chef de la P2, mis en cause pour les faits délictueux récents, rappelle: »mes concitoyens, y compris les communistes, parmi lesquels je compte depuis toujours des amis sin

cères, m'ont toujours démontré de l'affection et de l'estime. Pour vous démontrer la véracité de mon affirmation, je joins la déclaration délivrée par Monsieur Italo Carobbi, communiste militant, ex-président du CLN de Pistoia .

Gelli prend ainsi les devants avec une lettre pleine d'avertissements mafieux qui ne fut jamais publiée par le quotidien communiste. Après cette lettre, malgré la fusillade de Sezze romano dont le protagoniste est Sandro Saccucci affilié à la P2, on ne parle plus de maçonnerie et de loge P2. Les articles annoncés par Scottoni ne sont pas publiés: deux semaines après seulement l'»Unità , dans un article sur "La cellule noire P2", portant la signature du même journaliste, cite pour la première fois le nom de Gelli, le définissant comme »un ex-officier de la RSI lié aux services secrets argentins . Depuis longtemps déjà, les milieux communistes étaient favorables à une reconstruction de l'image du maître vénérable dans le sens unilatéral fasciste et parafasciste effaçant de leur mémoire ce qui avait tout de même été des rapports importants et des faits amplement documentés. Le 30 Avril 1972, ce même sénateur du Pci, Giuseppe Corsini, qui en 1952 s'était adressé à Gelli avec tant de cordialité et d'amitié

, écrit à un "frère" maçon, Menotti Baldini, en des termes très différents et très durs à l'encontre du vieil ami de Pistoia: »c'était l'organisateur de toutes les actions de représailles, même sans motif, qui furent accomplies à cette époque-là... avec son compère... ils se livraient aux tortures les plus impitoyables sur les prisonniers... ils étaient tellement brutaux et inhumains qu'un pauvre jeune homme, résistant présumé... se suicida par pendaison... (10). Comment pouvait-on expliquer un tel changement chez cet homme, devenu entre-temps sénateur du Pci, sinon par la volonté d'effacer le souvenir de son passé contradictoire et de ses anciens contacts qui représentaient la mauvaise conscience communiste. Non seulement pour Gelli mais aussi pour le monde communiste, il y a toujours eu un intérêt à accréditer une image du chef de la P2 unilatéralement de type fasciste: à l'intéressé direct il importait d'effacer les changements de camp et les délations grâce auxquels il avait réussi à sauver sa peau et co

mmencé sa carrière de collaborateur d'un ou plusieurs services secrets en se spécialisant dans la vente de renseignements. Les communistes n'aimaient pas faire rappeler cette lointaine affaire dans laquelle ils avaient été impliqués et dont la résurgence aurait provoqué les interprétations simplistes de la "conjuration fasciste". Gelli avait été conduit par les communistes à Rome puis à Naples dans son voyage vers la Maddalena de Janvier 1945. Il semble évident qu'Italo Carobbi n'aurait pu s'adresser au CLN de Naples pour accréditer Gelli sans le consensus du Pci de Rome.

C'est à Mino Pecorelli, un autre confesseur et marchand d'affaires réservées du régime, d'enfreindre la convention de fait établie entre Pci et Gelli au cours des années: dans une note de son agence "OP" du 2 Janvier 1979, publiant la première attestation de mérite signée par Carobbi, le journaliste réfute la thèse à sens unique d'un "Gelli ex-fasciste, ex-nazi, agent des services secrets argentins, en contact avec la Cia, Connally et les faucons américains" et il commente: »non pas donc un Gelli nazi-fasciste amérikain et putschiste, mais un vénérable maître sincère démocrate et résistant combattant . Quelques semaines après, le 20 Février, Pecorelli annonce qu'il est en possession de la lettre Com. In. Form.: »C'est une longue liste de noms qu'un jour quelqu'un a trahi [avec référence aux noms des collaborateurs remis à la Maddalena]. Une longue liste de nom, que nous, de toutes façons, nous ne trahirons pas une seconde fois. Parce qu'il n'est pas dans nos habitudes de révéler des secrets d'Etat (et c

ela en a tout l'air) (11).

Pecorelli ne put continuer sa campagne, quels que fussent ses intentions. Le 20 Mars 1979 il fut assassiné; dans son agenda, il avait noté à la date du 23 Mars, un rendez-vous avec le maître vénérable.

On se demandait dans le chapitre précédent comment il était possible qu'Enrico Berlinguer ignorât l'affaire Gellienne jusqu'en 1981. La réponse se trouve également dans les évènements qui ont été rappelés et dans l'oeuvre de refoulement que le Pci a exercé au cours des dernières décennies. On ne pourrait expliquer autrement l'attitude du secrétaire du Pci, à laquelle a pu contribuer également une effective faible connaissance des questions gelliennes et piduistes déterminée par ses collaborateurs les plus proches, mais aussi l'absence de campagnes de la presse officielle du Pci et d'initiatives parlementaires qui concernaient directement Gelli, son rôle et son histoire. Comme nous l'avons documenté, la connaissance du personnage était diffuse en de nombreux lieux et plus particulièrement dans certains milieux en de nombreux lieux et plus particulièrement dans certains milieux au sein du Parti communiste. Il a dû y avoir un énorme embarras concernant ces lointains rapports puisque seulement en Automne 19

80 une série de trois articles d'Ugo Baduel affronte dans l'"Unità" l'affaire Gelli et l'affaire P2, alors qu'il n'y a plus d'alliance avec la Dc d'Andreotti dans le gouvernement de solidarité nationale sans aucune perspective de reconstitution.

Le rôle de Gelli en 1944-46 reste important: ce ne peut-être un hasard si dans une histoire de quarante ans comme celle de notre personnage, les faits de l'époque sont revenus à la surface après autant de temps avec un effet aussi détonant: en 1950, avec la lettre Com.In. Form.; en 1972, avec la lettre du sénateur Corsini; en 1974, avec une lettre de la Garde de Finance qui évoque la collaboration avec le Pci; en 1976, avec la nouvelle attestation Carobbi et la lettre à l'"Unità"; en 1979, avec les articles de Pecorelli publiés juste avant son assassinat. Evidemment, ce que l'on constate dans la vie de Gelli de l'époque prend une tournure importante et influence aussi la suite de son activité complexe.

Parmi toutes les hypothèses, une seule n'est pas controversée: en 1944-45, Gelli collabora avec le Pci, à travers le CLN, et le parti lui vint en aide et le protégea pour surmonter les dangers qui le guettaient en tant que fasciste et collaborateur des allemands, ce qui lui permit de sauver sa peau. Le pouvoir de Gelli et son irrésistible ascension au cours des années ont eu un point d'appui dans la connaissance de faits secrets et dans son engagement qu'il a réussi à ventiler dans les directions politiques les plus variées. Le Pci n'a jamais révélé les histoires gelliennes de l'après-guerre et ne les a jamais combattues jusqu'en 1981. Ce rapport de collaboration gardé secret a constitué pour le maître vénérable une assurance qui a bien fonctionné. En effet ces lointaines histoires contredisent l'image accréditée par la plupart des gens: à savoir, celle d'un Gelli, qui s'est toujours situé, au fond - même s'il a changé plusieurs fois de camp et s'il a joué plusieurs jeux - du côté de la droite dans ses

différentes nuances et pour laquelle il a toujours travaillé.

Sa collaboration avec le Pci est le "cadavre dans le placard" aussi bien du Parti communiste que de Gelli. Cette zone inexplorée et laissée volontairement dans la zone de l'ambiguïté et de la contradiction a produit un double effet spéculaire. Le premier, sur le rapport entre Gelli et le Pci, qui semble être marqué au cours des années d'une sorte de code d'un jeu réciproque, avec le rôle fixe d'anticommuniste octroyé à Gelli, accepté par celui-ci, et avec l'entente de la part de celui-ci à l'égard du Pci selon laquelle rien n'aurait jamais dû tranparaître de leur vieille collaboration. Le second, sur le rapport entre Gelli et les services secrets, rapport qui, relativement à la connaissance spécifique des faits Gelli/Pci, a toujours dû rester marqué par la loi du silence délibérément respectée par les services et très volontiers acceptée par Gelli.

NOTES

1. Attestation du CLN de Pistoia signée par son président, Italo Carobbi, délivrée à Licio Gelli le 2 Octobre 1944, Pièce jointe (T.), vol.III, tome XI, p.131.

2. Ibidem.

3. Sauf-conduit du CLN de Pistoia signé par son président, Italo Carobbi, délivré le 12 Janvier 1945, pièce jointe (T.), vol. III, tome XI, p.135.

4. Voir Gianfranco Piazzesi, "Gelli", cit.

5. Interrogatoires de Gelli au centre C.S. de Cagliari en 1945; notes d'information de cette période, pièce jointe (T.), vol.III, tome XI, p.209.

6. "Note d'information Com. In. Form." transmise par le centre C.S. de Pistoia au SIFAR central le 29 Septembre 1950, pièce jointe (T.), vol.III, tome XI, p.209.

7. "Lettre du sénateur communiste Giuseppe Corsini à Gelli" du 29 Janvier 1952, pièce jointe, (T.), vol. III, tome XI, p.225.

8. Memoire de Licio Gelli, cit.

9. Nouvelle attestation délivrée à Licio Gelli par Italo Carobbi le 15 Mai 1976, pièce jointe (T.), vol.III, Tome XI, p.285.

10. Lettre de l'ex-sénateur communiste Giuseppe Corsini "au frère" Menotti Baldini du 30 Avril 1972, pièce jointe (T.), vol.III, tome XI.

11. "Due volte partigiano", dans "OP", 2 Janvier 1979, et "Il professore e la balaustra", dans "OP", 10 Février 1979.

 
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