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Teodori Massimo - 1 dicembre 1985
P2: L'histoire secrète (8) DE MICELI-MALETTI A LA "REFORME" DE 1977 - TOUTE LA P2 DANS LES SERVICES SECRETS - ANDREOTTI-MORO-PECCHIOLI

Faits et méfaits - hommes, banques et journaux, généraux et terroristes, vols et assassinats, chantages et pouvoir - selon les documents de l'enquête parlementaire sur la loge de Gelli.

par Massimo Teodori.

SOMMAIRE: »On a beaucoup écrit sur la P2 et sur Gelli, mais la vérité sur la loge et sa prise de pouvoir dans l'Italie d'aujourd'hui a été gardée secrète. Contrairement à ce qu'affirme la relation Anselmi votée à la majorité en conclusion de l'activité de la Commission d'enquête parlementaire sur la P2, la loge n'a pas été une organisation de malfaiteurs externe aux partis, mais interne à la classe dirigeante. L'enjeu pour la P2 a été le pouvoir et son exercice illégitime et occulte avec utilisation de chantages, de vols à grande échelle, d'activités subversives et de gigantesques imbroglio financiers, et même avec le recours à l'élimination physique de personnes "gênantes".

L'"histoire secrète" de Teodori est une reconstitution de faits et de responsabilités sur la base de milliers de documents; c'est la réélaboration et la réécriture de la relation de minorité présentée par l'auteur au Parlement au terme des travaux de la Commission d'enquête parlementaire. Elle illustre les milieux-ambiants de l'association de malfaiteurs Gelli-P2; elle fournit l'interprétation des activités subversives des services secrets et celles des Cefis, des Sindona et des Calvi: elle élucide le rôle de la P2 dans l'"affaire Moro" et dans l'"affaire d'Urso", dans la Rizzoli et dans l'ENI, dans les Forces Armées et dans l'Administration publique. Elle révèle les intrigues avec le Vatican, les méfaits des Pazienza, des Carboni et la trouble "affaire Cirillo".

(Editions SUGARCO - Décembre 1985)

CHAPITRE VIII - DE MICELI-MALETTI A LA "REFORME" DE 1977 - TOUTE LA P2 DANS LES SERVICES SECRETS - ANDREOTTI-MORO-PECCHIOLI

La "lutte sans merci" Miceli-Maletti et son utilisation dans l'affrontement politique entre Moro et Andreotti.

Dans le chapitre précédent, on a examiné de quelle manière, entre la fin des années'60 et les premières années '70, le SID se rendit responsable d'une série d'intrigues graves et continues, dont les plus grands protagonistes furent précisément les hommes de sa direction, le chef des services, le général Vito Miceli, et le chef, à partir de 1971, du secteur opérationnel le plus important, le Département D, le général Gianadelio Maletti. Tous deux appartenaient à la P2, le premier étant entré en 1969 et le second en 1974, au moment-même où les luttes intestines entre les deux généraux s'affrontaient à la tête de véritables bandes militaro-politico-personnelles. L'âpre contraste entre les deux généraux piduistes était le signe certain de l'existence au sein des services secrets, non seulement de rivalités personnelles mais aussi de deux courants qui appuyaient ou qui exerçaient une connivence passive à l'égard des forces subversives et dans les points-charnières internationaux.

Entre Miceli et Maletti régnait une guerre de bandes typique, avec sa propre autonomie de "gouvernement invisible" qui veut influencer l'évolution du cours politique du pays. En simplifiant, on peut attribuer à Miceli une hypothèse favorable à facettes autoritaires provoquées par des opérations voire même putschistes. Maletti, au contraire, peut-être reconduit à des secteurs moins grossiers et plus subtilement technocratico-autoritaires en raison même de ses liens avec les services secrets israéliens, allemands et américains. Cependant, cette lutte, avec ses rattachements aux différents coups-de-main subversifs et aux différents réseaux internationaux, assume sa réelle portée d'affrontement de pouvoir uniquement en relation au contexte politique italien.

On ne comprend pas comment le conflit dans les services ait pu occuper une partie considérable de la scène politique italienne dans les années 1974-75 et même davantage si on ne le met pas en relation avec l'affrontement entre Aldo Moro et Giulio Andreotti. Ce sont les leaders DC qui finissent par transformer la lutte intestine des services en un affrontement politique, à la fois en utilisant leurs différentes factions pour leur propre guerre et en fournissant une couverture aux officiers supérieurs lorsque ces derniers sont interrogés par la magistrature.

Le moment traumatique de tournant décisif de la vie politique italienne est le referendum sur le divorce qui a lieu le 12 Mai 1974 avec l'éclatante défaite de la Démocratie chrétienne pour la première fois dans l'histoire de la République. Le referendum marque une rupture dans la continuité de la gestion du pouvoir par les pratiques de caméléon et détermine la remise en mouvement des équilibres au sein même de la Dc. Andreotti, qui avait dirigé des gouvernements centristes et de centre-droite durant l'année 1972, avait été de facto mis en marge de la leadership du parti. Avec le Congrès de Juin 1973, la direction de la Dc passe au duo Moro-Fanfani, ce dernier étant élu secrétaire du Parti (Pacte de Palazzo Giustiniani) au moment où l'on revient avec Rumor aux gouvernements fondés sur des formules éculées du centre-gauche.

Au referendum, Fanfani est battu et Moro se trouve au centre de la leadership démocrétienne en tant que gestionnaire de cette nouvelle phase politique qui s'annonce par la défaite démochrétienne. C'est dans ce cadre que se situe l'offensive d'Andreotti qui choisit d'utiliser les services secrets comme instrument pour renforcer sa propre position et toucher celle des concurrents, et dans ce cas spécifique, Aldo Moro.

Le 12 Mars 1974 Adreotti revient au Gouvernement, au ministère de la Défense, et ce retour coïncide avec l'avertissement lancé à Fanfani à propos de la vieille affaire Montesi. Le 8 Juin, ce même ministre de la Défense annonce à la presse son intention de destituer le directeur du SID, Miceli, lié à Moro dans un rapport de confiance. Le 16 septembre Miceli, transféré des services secrets à l'armée sur ordre d'Andreotti, est mis en disponibilité, puis suspendu et enfin arrêté. La liquidation de Miceli est effectuée par Andreotti à travers le gén. Maletti, chef du département D, lequel prend l'initiative de fournir à la magistrature la documentation sur les implications putschistes de Miceli. Moro soutient publiquement Miceli dès sa suspension, par une lettre dans laquelle il le remercie »pour ses bons et loyaux services envers l'Etat .

En novembre 1974, Rumor est remplacé, après une longue crise tourmentée, par le gouvernement Moro, de coalition Dc-Pri, avec Ugo La Malfa comme Vice-président. Les ministres de l'Intérieur et de la Défense, Taviani et Andreotti, sont remplacés par Gui et Forlani. L'installation de Moro au siège de président du Conseil, le 24 novembre et le déclassement d'Andreotti qui passe de la Défense au Bilan, ont pour effet de renverser la situation de Miceli et de préparer la chute de Maletti. Au cours des mois qui suivent, l'affrontement entre Moro-Miceli et Andreotti-Maletti tourne progressivement en faveur des premiers. Le témoignage de Moro en Avril '75 permet à Miceli d'être libéré, sous les auspices du chef du bureau d'instruction du Tribunal de Rome, Achille Gallucci et avec l'opposition du substitut du procureur, Claudio Vitalone. Galluci accuse Maletti d'avoir manipulé les preuves sur l'implication de Miceli dans la subversion, tandis que Claudio Vitalone, notoirement lié à Andreotti, opère intensément en

défense de Maletti. Après une période de déclin progressif de pouvoir du groupe ayant à sa tête Maletti, le général est destitué en octobre 1975 de la direction du Département D, transféré subitement au commandement de la division des grenadiers de Sardaigne, puis accusé en relation au massacre de Piazza Fontana et enfin, arrêté.

Le résultat de ces longues luttes est l'évocation générale de toutes les procédures et la mise hors-jeu des Magistrats qui, comme Giovanni Tamburino à Padoue, entendaient procéder pour le contrôle de la vérité sur la dramatique période de subversion. Juste au moment où les enquêtes étaient en train d'arriver au seuil des responsabilités politiques, une manoeuvre de couverture et d'enterrement fut mise en acte grâce à un accord général de ces hautes sphères politiques qui avaient pourtant utilisé dans leurs affrontements les incriminations effectuées par certains secteurs de la magistrature. Piazza Fontana, la stratégie de la tension, les faits du putsch Borghese, du Super-SID, de la Rose des vents et du putsch Sogno, resteront un mystère sans aucune preuve de responsabilité, et maintiendront ainsi une hypothèque sur le développement de la vie de la République.

L'hypothèse selon laquelle les protagonistes des affrontements entre différentes bandes des services secrets, Miceli et Maletti, appartiennent à la même loge P2, pourrait sembler contradictoire. Mais il n'en est pas ainsi. Au contraire, le lien de chacun d'eux avec une super-organisation comme celle de Gelli confirme le rôle de la Loge. Dans ce cas, cette dernière n'agit pas comme centre occulte en défense des intérêts d'un groupe individuel de pouvoir, mais elle sert de chambre de compensation et de centre de coordination à tous ceux qui agissent durant ces années-là dans les services et dans le monde militaire, même si avec des perspectives différentes, vers des objectifs de destabilisation pour une restauration. Il est en effet vrai que les plus grands chefs des services secrets, Miceli et Maletti, sont interrogés dans des enquêtes judiciaires pour de très graves faits de subversion et de déviation hors du cadre de l'Etat démocratique et de leurs fonctions. Mais il est aussi évident qu'ils sont en m

ême temps, protégés et défendus par les hauts-membres du gouvernement et de la classe politique dominante.

Cette contradiction met à nu la signification ultime de la stratégie de la subversion et le rôle joué par les services avec leur utilisation constante de la part des hautes sphères politiques et gouvernementales. C'est dans ce cadre ambigu que la P2 est à son tour utilisée pour reconstituer dans les sièges extra-institutionnels et à travers des procédures secrètes ces conflits entre bandes de partis ou inter-partis avec leurs départements respectifs des services secrets qui paraissent irréductibles. Bien sûr, Miceli et Maletti s'affrontent personnellement et servent des factions politiques opposées, mais en définitive ils appartiennent tous deux au même monde de gestion du pouvoir dans des camps extra-institutionnels et selon des modalités occultes, dont précisément la P2 est la plus grande représentation.

Durant cette période, la loge P2 traverse une phase de transition après que sa "démolition" eût été décrétée par les maîtres vénérables réunis dans la Grande Loge de Naples en décembre 1974.

Cet acte interne à la maçonnerie est en relation à l'affaire Miceli-Maletti et, plus généralement, aux engagements maçonniques dans les différents épisodes de la stratégie de la tension, du "putsch Borghese" au "putsch Sogno". Au sein du peuple maçonnique la sentiment grandit selon lequel la P2 est devenu un repaire de membres subversifs de tous bords.

Cette prise de conscience au sein de la maçonnerie correspond aux initiatives que plusieurs magistratures étaient en train de prendre à l'égard des maçons et de la P2. Pour la première fois, Licio Gelli est convoqué aux Palais de Justice comme de nombreux autres piduistes, chez qui ont décèle des connivences et des participations aux manoeuvres subversives et aux massacres de 1974. La bombe de Piazza della Loggia à Brescia, le 28 mai et le massacre de l'Italicus, le 4 Août. Pour ce dernier, la P2 est officiellement mise sous enquête et les magistrats ordonnent à Gelli de déposer la liste des inscrits tandis qu'ils commencent une enquête sur les contacts entre le maître vénérable et les groupes du Msi et de la droite subversive d'Arezzo, dont quelques-uns, financés par Gelli lui-même, sont mis en cause pour le massacre du train.

Le débat et les affrontements au sein de la maçonnerie jusqu'à la décision de la dissolution de la loge P2, reflètent l'engagement du centre maçonnique dans de nombreux évènements graves. L'utilisation des services secrets et des réseaux maçonniques, de la part d'hommes, de courants et partis politiques, pour développer les guerres par bandes, produit l'effet, peu négligeable, de renforcer l'autonomie et le pouvoir des corps séparés et des organisations occultes toujours plus en mesure de faire chanter, pour leur propre avantage, la classe politique, et plus particulièrement certains de ses représentants, voire même, des partis tout entiers.

Déviations continues des services et nécessité d'une réforme. Voie libre aux terrorismes, rouge et noir.

Au cours de cette même période, l'organisation des services secrets subit un véritable branle-bas. Impliqués dans toute une série d'intrigues avec la destitution de leurs chefs et quelques fois arrêtés, comme dans le cas de Miceli en 1974 et de Maletti en 1975, les services de sécurité démontrent leur continuité dans la "déviation" qui avait commencé avec Tambroni (1960), continué avec De Lorenzo (1964), avait envahi le SID de Henke (1966) et de Miceli (1970) et s'était étendue au ministère de l'Intérieur avec l'Ufficio Affari Riservati de Federico U. D'Amato. A la tête d'une grande partie de ces différents secteurs siègeaient des hommes de la P2 en ce sens qu'ils y étaient déjà inscrits au moment de leur nomination ou bien qu'ils s'y inscrivaient tout de suite après. Alors que la crise des services arrive à son point culminant, les "terrorismes, rouge et noir" se développent dans le pays, encouragés par la liberté d'action qui leur est offerte par les forces de l'ordre toutes occupées à s'entre-déchire

r au lieu de poursuivre des buts institutionnels.

Deux assassinats, en 1976, sont des épisodes importants et significatifs d'un terrorisme auquel on avait laissé la plus grande liberté d'action: celui du procureur général de la République à Gênes, Francesco Coco, et de son escorte, le 8 Juin, par les Brigades Rouges, et celui du Juge de Rome, Vittorio Occorsio, le 10 Juillet, par un commando d'Ordine Nuovo qui revendiquait son rattachement à la maçonnerie.

L'exigence d'un profond renouvellement est largement ressentie dans un pays devenu la patrie du terrorisme, des massacres et des assassinats dits "politiques". L'ufficio Affari Riservati du ministère de l'Intérieur, dirigé par Federico Umberto d'Amato (P2), est dissout et l'on crée à sa place, en juin 1974, un Inspectorat général pour la lutte contre le terrorisme ("antiterrorisme") confié au préfet Emilio Santillo, puis transformé deux ans après en "Service de Sécurité" ayant aussi des tâches de remplacement des services secrets. Parallèlement, on constitue également, dans le cadre de l'arme des carabiniers, un noyau spécial d'investigation opérant au Nord et confié au gén. Carlo Alberto Della Chiesa. Mais le point central de l'assainissement reste le SID, le service secret par excellence, confié aux militaires du ministère de la Défense. C'est pour cette raison que la "réforme" du SID occupe une place importante dans le débat politique de l'époque et engage longuement le Parlement, aussi bien à la fin

de la VIè législature qui se termine de manière anticipée en 1976, que dans la VIIè législature, lorsqu'après un long et dur itinéraire, le 24 octobre 1977, une loi de réforme de la vieille structure unitaire du service de sécurité est approuvée, avec son dédoublement en SISMI pour le secteur militaire et en SISDE pour le secteur civil.

La direction des nouveaux services secrets dits "réformés" prend à ce moment-là une importance particulière, étant donné les antécédents de pollutions, d'implications et de déviations. A la tête des deux services sont nommés, à la fin de 1977, les gén. Giuseppe Sanvito provenant de l'Armée, au SISMI, et le gén. Giulio Grassini, provenant de l'arme des carabiniers, au SISDE. Tous deux sont inscrits à la P2 et il est fort probable que cette appartenance facilite leur désignation.

Au cours de la décennie précédente, l'influence de la P2 était de type maçonnique traditionnel, étant donné la caractéristique qu'assumait la P2 vers 1974-75. Comme De Lorenzo, son successeur aussi était maçon, comme l'étaient Miceli et Maletti et de nombreux collaborateurs. Mais après 1975, la P2 grandit en dimension et en puissance: Gelli est nommé maître vénérable et dominus absolu de la Loge, tandis que les nouvelles affiliations se multiplient en de nombreux secteurs de la vie publique. Le pouvoir de Gelli avait peut-être représenté pour Miceli en 1970, un élément concurrent dans les décisions de responsables politiques tandis qu'à la fin de 1977 la subordination des services secrets à la P2 a un caractère bien autrement systématique.

Outre Sanvito et Grassini, le coordinateur des services, le préfet Walter Pelosi, mis à la tête du CESIS, est un adhérant à la loge. Gelli écrit dans son mémoire N·2, dans le but de limiter son rôle: »Je suis tout-à-fait étranger aux actions du gén. Sanvito et du SID qui ne concernent pas le moins du monde ni moi ni la loge P2... J'ai connu le gén. Grassini: il a été mon hôte et invité par plusieurs ambassades, mais durant nos rencontres je ne lui a jamais posé de questions sur sa fonction (1).

La nomination des deux piduistes, qui aura des conséquences tellement néfastes pour les deux branches des services, ne se fondait pas sur un jugement technique irréprochable. Le passé du gén. Sanvito n'était pas du tout rassurant puisqu'il avait été un proche collaborateur du gén. De Lorenzo et plus tard, il avait été impliqué dans la tentative putschiste de 1974, lorsque Andreooti était ministre de la Défense pour devenir en 1977, président du Conseil. Même la promotion du gén. Giulio Grassini n'était pas tout-à-fait limpide: au candidat naturel Santillo, alors à la tête de l'"Antiterrorisme" prédécesseur du SISDE, on avait préféré un candidat qui s'était même engagé avec un mémoire écrit en défense du commandant de l'Arme De Lorenzo dans le cadre de l'enquête militaire intérieure pour les faits de 1964.

Même aux niveaux immédiatement inférieurs à ceux de la direction, on nommait des éléments piduistes dans des rôles particulièrement importants: le gén. Pietro Musumeci, chef du bureau de contrôle et de sécurité, et le colonnel Sergio Di Donato au bureau administratif, au SISMI; le commissaire à la sécurité publique, Elio Cioppa, responsable de la coordination de l'Italie du centre et méridionale qui se servait de la collaboration de Licio Gelli comme source importante de renseignements, et le major Vincenzo Rizzuti, directeur de la division des affaires générales et chef du secrétariat de Grassini, au SISDE.

L'assentiment communiste aux nominations "piduistes".

Le Comité parlementaire de contrôle en tant qu'organe d'intégration.

De la nature profondément polluée des services dits réformés et de leur complète inféodation à la P2 à travers des membres de la P2 on ne s'apercevra qu'au lendemain de la découverte des listes et au fur et à mesure que l'on réexaminera par des enquêtes judiciaires et parlementaires les affaires éclatantes des "inefficacités" ou des trahisons, de l'affaire Moro à l'affaire Cirillo, aux dépistages des attentats dans les trains jusqu'au massacre de la Gare de Bologne (Août 1980). A qui revenait donc la responsabilité de ces nominations entre fin-77 et début-78 et sur qui avait pu avoir une influence la pression gellienne et du groupe de pouvoir concentré dans la P2?

Les hommes de gouvernement auxquels revenaient les choix, en dernière analyse, étaient le président du Conseil Giulio Andreotti, le ministre de l'Intérieur Francesco Cossiga et le ministre de la Défense Attilio Ruffini. C'est à eux que revenaient donc les responsabilités gouvernementales officielles et fondamentales sur lesquelles l'oeuvre de pression mise en acte par la P2 avait pu être exercée directement ou indirectement. Mais en même temps que l'occupation démochrétienne des poste de commande gouvernementaux, la situation politique et institutionnelle de l'époque présente des traits différents du passé. A partir de 1976, le Parti communiste, avec toute la force procurée par son grand avancement au cours des dernières élections politiques, était entré dans l'aire de gestion du pouvoir, même si par étapes progressives de collaboration parlementaire. Fin-1977, cette "solidarité nationale" qui voit les communistes pour la première fois fortement engagés dans le soutien au Gouvernement Andreotti, est ple

inement opérante. Le Pci s'était depuis longtemps déjà engagé dans la voie de la collaboration avec les hautes hiérarchies militaires et des services secrets, décidant d'établir de bons rapports bien que les hautes sphères et les structures de ces derniers fussent en pleine "déviation" (2).

Entre 1975 et 1978, des rapports continus furent établis et maintenus entre les chefs du SID et les dirigeants du Pci, le sénateur Ugo Pecchioli, responsable des problèmes de l'Etat, et le sénateur Arrigo Boldrini, expert des questions militaires. De ces contacts assidus il y a les témoignages des hommes des services, dans les documents judiciaires et dans la presse. L'agent du SID, le capitaine Antonio Labruna (P2) dépose: »A la fin de 1974, par pure coïncidence, je pris connaissance du contact avec Monsieur Boldrini: action commencée par le lieutenant Viezzer (P2) à Ravenne et conclue à Rome par des rencontres dans notre bureau de Via Rasella. Ma tâche était le service de sécurité à l'extérieur, dans la rue... (3). Boldrini lui-même, dans une interview de Septembre 1981 sur les rapports de Maletti avec le Pci déclare: »Plusieurs éléments des services [prirent l'initiative des rencontres]. Ils se rendaient compte qu'une réforme était nécessaire... (4). Même le colonnel Nicola Falde, un ex-officier du

SID, rappelle dans son mémoire public, qu'une certaine interpellation parlementaire de députés communistes est le »fruit de l'entente établie à cette époque entre Maletti, qui réussit à faire accréditer sa fiabilité démocratique à gauche, et les sénateurs Boldrini et Pecchioli, les experts dans les secteurs de compétence du Pci (5).

Lorsqu'il se fut agi donc de procéder à la nomination des nouveaux directeurs des services "réformés", Sanvito et Grassini, il y eu une grande approbation des forces qui composaient la coalition de solidarité nationale, puisqu'à cette époque-là il y existait la coutume selon laquelle le gouvernement proposait aux partis les nominations que ces derniers pouvaient objecter en mettant une sorte de veto. Du reste, trois années s'étaient écoulées depuis que le Pci s'était décidé à établir des rapports avec les services secrets d'abord avec Maletti, arrêté en 1975, puis avec d'autres éléments de la hiérarchie. Alors que la nouvelle loi entrée en vigueur, celle de la cogestion des renseignements qui existait officieusement jusqu'à la réforme, se poursuit de manière institutionnalisée.

Avec l'institution, en Décembre 1977, du "Comité parlementaire pour le contrôle des services de sécurité", l'intégration institutionnelle du Pci se perfectionne dans le cadre de l'entente de solidarité nationale. De 1977 à 1979, puis plus récemment encore, auprès de la présidence d'un démochrétien, Erminio Pennacchini, le communiste Ugo Pecchioli occupe la vice-présidence sans réussir d'aucune manière toutefois à modifier l'activité anti-institutionnelle des services secrets. Toutes les "déviations" les plus graves des services secrets se réalisent précisément au cours de cette période. En outre, ce qui devrait-être uniquement des fonctions de "contrôle, de proposition et d'initiative" du Comité parlementaire, a en fait fini par s'élargir à une sorte de cogestion des adresses des services secrets si bien que l'organe parlementaire a considérablement couvert à partir de son institution les méfaits piduistes par l'absence d'information ou par connivence délibérée.

Et ainsi, les "services réformés", qui auraient dû interrompre une longue série de "déviations", naissent avec un taux d'infiltration piduiste supérieur à celui, déjà très élevé, des années précédentes. Pour la première fois les trois directions des organes les plus délicats de l'Etat, SISMI, SISDE et CESIS, sont occupées par des membres de la P2.

Grâce à la gestion de la réforme effectuée par les partis de la solidarité nationale, des hommes non fiables, liés à la P2, ont pu continuer à sévir dans les services secrets et ils ont conduit à terme, au cours de la période 1978-1981, une activité grandement suspecte par rapport aux tâches institutionnelles. Cette liberté de "dévier" leur vient aussi des rapports qu'ils ont créés avec des hommes politiques et des partis, élargissant le spectre des implications indispensables pour renforcer cette autonomie d'intervention par laquelle la P2 a pu prospérer.

NOTES

1. "Mémoire Gelli", seconde partie, cit.

2. Un article "Le Pci et les services secrets" paru dans "Panorama" du 7 Septembre 1981, reconstruit les temps et les modes du tournant du Pci par rapport aux Forces Armées et aux services secrets de renseignements. Les journalistes Carlucci et Incerti écrivent: »... le premier signe éclatant de changement des rapports Pci-Forces Armées vint d'une rencontre que les communistes organisèrent à Rome en février 1974. La nouvelle ligne fut: les Forces Armées ne peuvent plus être un corps séparé de l'Etat pour "empêcher que les portes soient ouvertes aux manoeuvres subversives et aux tentatives réactionnaires"; la présence de l'Italie dans l'Otan n'est plus en discussion; la politique militaire ne doit plus être une exclusivité des officiers supérieurs; la vie démocratique doit entrer dans les casernes à tous les niveaux .

»Ce furent les deux plus grands experts militaires du Pci qui signèrent le nouveau cours: Boldrini et Ugo Pecchioli, responsable de la section "problèmes de l'Etat" du parti .

»Les chefs militaires furent frappés par les nouvelles thèses. Mais ils ne bougèrent pas. Ce fut par contre une partie des services secrets, compromise avec les secteurs les plus réactionnaires des corps séparés, qui entrevit immédiatement la voie pour se refaire une virginité à gauche. Mais la guerre intestine (l'affrontement entre le général Vito Miceli, chef du SID et le général Maletti) bloqua toute initiative immédiate. C'est uniquement lorsque Maletti fut patron du camp que les services agirent. D'autant plus que parmi les les hommes du département D, régnait la nette sensation que le Pci pouvait entrer très rapidement dans l'aire du pouvoir (ils savaient déjà que Giulio Andreotti agissait pour favoriser ce projet).

»Au Printemps 1975, il devint donc vital pour le SID, prendre contact avec les communistes; le Département avait ordonné un sondage secret, effectué à travers les postes des carabiniers de toute l'Italie, sur les imminentes élections administratives. Les prévisions étaient éclatantes: le Pci aurait atteint 34-35% des voix. Un bond sans précédent. Maletti réunit ses hommes et annonça qu'il était temps d'agir: ce dossier sur les élections pouvait-être la bonne clé pour ouvrir la porte des Botteghe Oscure .

3. Mémoire envoyé par le capitaine Antonio Labriola à la magistrature en Avril 1981 dans le cadre de la procédure sur le fascicule M.Fo. Biali, publié en All.(T), vol.III, tome XII, pp.197 et suiv. Voir également la lettre envoyée par le capitaine Labruna à la Commission P2 le 5 Juin 1984, publiée en Au.(T.), vol.III, tome XII, pp.215 et suiv.

4. "Le Pci et les services secrets", »Panorama , cit.

5. De l'Exposé-dénonciation de Nicola Falde à la Commission P2 du 19 Octobre 1982, publié en All.(T), vol.III, tome XII, p.184.

 
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