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Teodori Massimo - 1 dicembre 1985
P2: L'histoire secrète (10) DE CEFIS A GELLI

Faits et méfaits - hommes, banques et journaux, généraux et terroristes, vols et assassinats, chantages et pouvoir - selon les documents de l'enquête parlementaire sur la loge de Gelli.

par Massimo Teodori.

SOMMAIRE: »On a beaucoup écrit sur la P2 et sur Gelli, mais la vérité sur la loge et sa prise de pouvoir dans l'Italie d'aujourd'hui a été gardée secrète. Contrairement à ce qu'affirme la relation Anselmi votée à la majorité en conclusion de l'activité de la Commission d'enquête parlementaire sur la P2, la loge n'a pas été une organisation de malfaiteurs externe aux partis, mais interne à la classe dirigeante. L'enjeu pour la P2 a été le pouvoir et son exercice illégitime et occulte avec utilisation de chantages, de vols à grande échelle, d'activités subversives et de gigantesques imbroglio financiers, et même avec le recours à l'élimination physique de personnes "gênantes".

L'"histoire secrète" de Teodori est une reconstitution de faits et de responsabilités sur la base de milliers de documents; c'est la réélaboration et la réécriture de la relation de minorité présentée par l'auteur au Parlement au terme des travaux de la Commission d'enquête parlementaire. Elle illustre les milieux-ambiants de l'association de malfaiteurs Gelli-P2; elle fournit l'interprétation des activités subversives des services secrets et celles des Cefis, des Sindona et des Calvi: elle élucide le rôle de la P2 dans l'"affaire Moro" et dans l'"affaire d'Urso", dans la Rizzoli et dans l'ENI, dans les Forces Armées et dans l'Administration publique. Elle révèle les intrigues avec le Vatican, les méfaits des Pazienza, des Carboni et la trouble "affaire Cirillo".

(Editions SUGARCO - Décembre 1985)

CHAPITRE X - DE CEFIS A GELLI

Le développement du système de pouvoir qui trouve sa représentation dans la P2, traverse vers les années '75, un moment crucial. C'est alors que la loge gellienne, organisation qui regroupe principalement des personnalité du monde militaire et des services secrets, devient également le point de rencontre d'hommes faisant partie de noyaux stratégiques du monde financier, de l'information et d'autres institutions. Centre de pouvoir monospécialisé, la P2 devient organisation multidimensionnelle qui relie des hommes et des forces de nombreux et importants secteurs de la vie nationale. La nouvelle P2, celle qui a été la plus connue dans les années récentes, prend son essor après 1975.

Cette transformation se détermine grâce au rapport étroit que les hommes de la Loge établissent avec le système politique qui assume toujours davantage les caractéristiques de régime particratique. C'est-à-dire que la lutte pour le pouvoir sort des sièges institutionnels, passe à travers les formations politiquement non traditionnelles et se sert de centres et d'organisations spécialisées en "guerres de bandes". La P2 devient progressivement plus importante et Gelli, surtout après 1975, se présente sur la scène italienne avec une nouvelle physionomie. Son pouvoir s'exerce désormais non plus fort de ses propres ressources mais comme résultante et intermédiation de rencontres et d'affrontements des pouvoirs d'autrui.

Des phénomènes semblables au phénomène gellien, mais pas équivalents, ne sont cependant pas nouveaux au "cas italien". Il suffit de rappeler ce qu'ont représenté au cours des vingt dernières années Enrico Mattei et Michele Sindona, même dans leur diversité radicale des objectifs poursuivis et des instruments utilisés. Même Mattei, usant de sa position de chef de l'ENI, avait constitué un système de pouvoir qui exerçait des influences et des pressions, établissait des alliances politiques, et jouait en somme un rôle de protagoniste bien au-delà de la sphère naturelle du grand chef d'entreprise public. Sindona aussi arriva à jouer un rôle de grand protagoniste au début des années '70 mais son règne était essentiellement limité à la dimension financière même si à travers celle-ci il exerça des pressions et établit d'étroits rapports avec les secteurs politiques.

Toutefois, le système de pouvoir qui est comparable, avant même la P2, au centre gellien, est le système organisé et promu par Eugenio Cefis, président de l'ENI dans la seconde moitié des années '60, puis à la tête de la Montedison à partir de Mai 1971 (1). Contrairement à Gelli, Cefis utilise sa position prééminente dans le domaine économique et financier, qui lui est conférée par les politiques, pour organiser un centre de pouvoir qui se sert de manière toujours plus agressive des ressources du groupe qu'il gère pour s'accaparer des hommes, des groupes et des ressources dans les différents secteurs de la vie nationale.

Le système Cefis devient progressivement un véritable potentat qui, exploitant les ressources des entreprises publiques, conditionne considérablement la presse, utilise illégalement les services secrets de l'Etat pour obtenir des renseignements, pratique l'intimidation et le chantage, effectue des manoeuvres financières éhontées au-delà de la limite de légalité, corrompt des politiques, établit des alliances avec des ministres, des partis et des courants. La capacité de l'homme et de son système à impliquer des éléments humains dans les secteurs les plus divers est exemplaire. Comme il y avait eu un »parti de Mattei qui avait déplacé les équilibres politiques et conduit une politique étrangère autonome, de la même manière au début des années '70, il s'était formé un »parti de Cefis qui comptait des partisans dans tous les secteurs des formations politiques du Parlement. L'ENI, d'abord et la Montedison ensuite, avec à sa présidence Cefis, ne sont pas de simples lobby économico-financiers, mais ils sont

utilisés comme des instruments d'intervention pour influencer le cours des évènements du Pays.

L'utilisation illicite d'appareils de l'Etat à des fins privées et extra-institutionnelles, est à son summum dans le rapport entre Cefis et les services secrets. Le président de la Montedison soudoie un véritable service de renseignements avec des éléments appartenant ou ayant appartenu au SID, qui préparent des dossiers sur des hommes politiques et des chefs d'entreprise à utiliser pour des manoeuvres en tous genre. Le chef du SID de l'époque, Miceli, était en excellent rapport avec Cefis, si bien qu'au moment de son incarcération, il lui demanda de l'argent pour soulager ses mauvaises conditions financières (2). Mais l'axe principal avec l'appareil des services secrets est établi avec le général Maletti, responsable du service parallèle d'espionnage réalisé pour le compte de la Montedison, et avec également le commandant général des carabiniers, le général Enrico Mino.

Même le contrôle de la presse aux fins de l'exercice du pouvoir n'échappe pas à Cefis et à son groupe d'»amis , avec au premier rang Gioacchino Albanese, Ugo Niutta et Umberto Ortolani. Le jour du referendum sur le divorce (13 Mai 1974) on annonce que »Il Messaggero a été racheté par la Montedison afin d'éviter que ne se renouvellent des campagnes libertaires comme celle que le journal romain avait conduites en première ligne en faveur du divorce. L'acquisition du »Messaggero n'est du reste que le cas le plus ouvert d'une offenssive plus générale pour la conquête et l'assujettissement de la presse. Plusieurs journaux sont directement achetés et d'autres financés (»Il Giornale nuovo , »La Gazzetta del Popolo , »Il Borghese , »Paese Sera ) et les journalistes sont soumis à des conditionnements et à la corruption, perfectionnant ainsi des pratiques qui avaient déjà été amplement expérimentées par Mattei (3).

Pouvoir économique et financier, contrôle de la presse et utilisation des services secrets n'étaient rien d'autre pour Cefis que les prémisses et les instruments pour exercer des pressions sur le monde politique, pour établir des alliances et pour utiliser les partis qui à leur tour utilisaient les services de Cefis.

Le président de la Montedison fut le parrain de la plus importante opération politique de l'époque, ledit »pacte de Palazzo Giustiniani , qui en juin 1973 reconduisit Fanfani à la tête de la Dc et remodela l'organisation du parti sous la conduite des deux »chevaux de race , Moro et Fanfani. Même l'assujettissement des journaux, en plus de servir pour le soutien des manoeuvres économico-financières, devait servir pour Cefis comme monnaie d'échange avec les partis: »J'ai acheté "Il Messaggero" pour faire plaisir à Fanfani et à De Martino déclare Cefis en 1976 dans une interview de Biagi. En définitive, ce système complexe de pouvoir cefisien, à la fois occulte (il ne faut pas oublier l'obsession du personnage pour le secret) et fonctionnel dans la nature de la lutte politique du Pays, visait à des transformations institutionnelles de l'organisation de l'Etat. A l'apogée de l'expansion de son pouvoir, Cefis énonce une sorte de proposition technocratico-autoritaire, dont l'inspiration de fond est annoncée

dans un discours prononcé, et ce n'est point un hasard, à l'Académie militaire de Modena en février 1972 (4).

Que signifiait donc sur la scène italienne, le »cas Cefis , pas nouveau mais certainement plus complexe que d'autres du même genre qui l'avaient précédé? Cela voulait dire que de véritables centres décisionnels alternatifs en mesure de remplacer les institutions de l'Etat à cause de l'affaiblissement progressif des mécanismes démocratiques et parlementaires et de la dégénérescence des partis et de leur capacité de représenter et exprimer les grands choix politiques, trouvaient un créneau et leur raison d'être dans la structure du système politico-économico-institutionnel italien. Plus particulièrement, le système de pouvoir cefisien, protagoniste de la vie nationale au cours de la première moitié des années Soixante, n'aurait pu se développer sans le délabrement du parti de la Dc entendu comme organisme unitaire doté d'autonomie politique, capable de représenter en s'en faisant le médiateur, les intérêts d'une formation modérée de centre majoritaire du Pays. La croissance des pouvoirs occultes mêlés aux

pouvoirs officiels, comme l'était celui qui gravitait autour de Cefis, prend son origine à la fois dans la transformation particratique du régime démocratique et dans la crise des partis de la majorité, en commençant par l'axe de portance des gouvernements depuis plus de vingt ans, la Démocratie chrétienne.

Le système P2 se développe au cours de la même période où le système Cefis commence à décliner jusqu'à la sortie de scène de son organisateur en 1977. Il serait superficiel d'affirmer que le nouveau système de pouvoir prend pied parce que le précédent touche à sa fin ou bien que la P2 hérite, en tant que telle, du système cefisien. Dans un domaine aussi complexe que celui de l'organisation du pouvoir, rien n'arrive automatiquement ou par héritage mécanique. Il est certain cependant qu'il y a des éléments de continuité entre le système cefisien et le système gellien et nombreux sont les points de contact entre les deux phases de la vie politique italienne, dans lesquelles des regroupements évidents et occultes opérant dans l'illégalité, ont eu un poids considérable.

L'affaire Rizzoli-Corriere Della Sera est emblématique. C'est Cefis qui permet à Rizzoli d'acheter le quotidien en 1974 avec la promesse de financements pour plusieurs dizaines de milliards pour le rachat de la quote-part et pour la publicité. Et c'est encore Cefis qui, en n'honorant pas en 1976 les engagements qu'il avait pris précédemment, oblige Rizzoli à avoir recours au crédit des banques piduistes. Pour ce qui concerne les services secrets aussi, les deux affaires ont des coïncidences et des parallélismes singuliers. Cefis se servait du SID de Maletti et avait établi un réseau de rapports et d'alliances qui comprenait le commandant général des carabiniers Mino et le chef de la Garde de Finance Raffaele Giudice. Les mêmes personnages se retrouvent avec Gelli qui utilise le SID, puis le SISMI et le SISDE de Sanvito et Grassini, pour négocier les renseignements sur les affaires secrètes du régime. Dans l'orbite de l'un et de l'autre on retrouve des personnages militaires et des services secrets qui l

uttaient âprement entre-eux au sein même de leurs appareils.

La constellation des personnages secondaires aussi présente des chevauchements. Gioacchino albanese, qui avait été l'homme de confiance de Cefis dans les rapports avec les politiques et les opérations sur la presse, finit par s'inscrire à la P2 en 1980, parrainé par Gelli et Mazzanti, dans le cadre de »l'affaire constituée par les pots-de-vin du contrat ENI-Petromin au service d'une gigantesque opération de corruption de partis et de journaux. Umberto Ortolani, qui gravite dans la zone cefisienne, devient le numéro un-bis de l'organisation gellienne. Carlo Pesenti et Attilio Monti, qui avaient opéré de conserve et en accord avec le président de la Montedison, se retrouvent dans les opérations piduistes liées aux grandes spéculations financières conduites par Calvi. Le service Italia de la Banca Nazionale del Lavoro avec Gianfranco Graziadei qui avait servi Cefis continuera de servir Gelli et Calvi.

Outre les symétries formelles pour lesquelles Gelli peut être considéré comme l'héritier de Cefis, le fait qu'entre 1975 et 1976, le maître vénérable demande à Ugo Niutta (5), connu chez Francesco Cosentino, de le présenter au président de la Montedison, est révélateur de cette continuité-transformation. On ne sait pas si cette rencontre a jamais eu lieu et ce qu'elle a éventuellement pu représenter. On pourrait spéculer longuement sur le passage des consignes du règne du pouvoir occulte et illégitime de Cefis à Gelli ou sur l'investiture que le président peut avoir donné au nouveau grand commis. Ce n'est pas cela qui nous intéresse ni une autre enquête sur les systèmes de liaison entre les personnages et de tels milieux, et en premier lieu celui de Ugo Niutta, indiqué par certains comme membre de la P2 et ne figurant pas dans la liste de Castiglion Fibocchi. Le bras droit de Cefis était ami des généraux Giudice et Mino, proche collaborateur des ministres Bisaglia, Piccoli et Rumor, médiateur de Mattei,

Monti et Cefis, intime de Cosentino et de Stammati, soudoyé par Rizzoli et utilisé dans les grandes consultations étatiques et para-étatiques.

Le passage du système Cefis au système Gelli n'est pas tellement une question de correspondance d'hommes, que l'on pourrait pourtant citer en abondance. Il concerne la fonction désormais permanente que les structures destinées à l'organisation et à la gestion du pouvoir exercent dans le système politique italien. Les deux systèmes, cefisien et gellien, peuvent accaparer le système politique grâce à la dégénérescence institutionnelle et démocratique. Les luttes de pouvoir au sein de la Dc désagrégée avaient représenté le terrain propice pour Cefis. De son côté, Gelli, lorsqu'il arrive au contrôle des services secrets, d'une grande partie de la presse et d'une importante tranche du système bancaire et financier devient alors également l'arbitre influent de la politique et des politiques.

NOTES

1. Pour ce qu'Eugenio Cefis a représenté sur la scène italienne, il est utile de consulter Eugenio Scalfari - Giuseppe Turani, "Razza Padrona", Milan.

2. Audition d'Ugo Niutta à la Commission P2 du 1er décembre 1983.

3. Pour cette phase de l'assaut aux journaux voir Giampaolo Pansa "Comprati e Venduti", Milan, 1975.

4. Discours d'Eugenio Cefis à l'Académie militaire de Modena en février 1972, publié dans "L'Erba Voglio", Avril 1972.

5. Audition de Ugo Niutta, cit.

 
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