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Teodori Massimo - 1 dicembre 1985
P2: L'histoire secrète (17) - DEVANT L'AXE P2-VATICAN, LA BANQUE D'ITALIE RECULE.

Faits et méfaits - hommes, banques et journaux, généraux et terroristes, vols et assassinats, chantages et pouvoir - selon les documents de l'enquête parlementaire sur la loge de Gelli.

par Massimo Teodori.

SOMMAIRE: »On a beaucoup écrit sur la P2 et sur Gelli, mais la vérité sur la loge et sa prise de pouvoir dans l'Italie d'aujourd'hui a été gardée secrète. Contrairement à ce qu'affirme la relation Anselmi votée à la majorité en conclusion de l'activité de la Commission d'enquête parlementaire sur la P2, la loge n'a pas été une organisation de malfaiteurs externe aux partis, mais interne à la classe dirigeante. L'enjeu pour la P2 a été le pouvoir et son exercice illégitime et occulte avec utilisation de chantages, de vols à grande échelle, d'activités subversives et de gigantesques imbroglio financiers, et même avec le recours à l'élimination physique de personnes "gênantes".

L'"histoire secrète" de Teodori est une reconstitution de faits et de responsabilités sur la base de milliers de documents; c'est la réélaboration et la réécriture de la relation de minorité présentée par l'auteur au Parlement au terme des travaux de la Commission d'enquête parlementaire. Elle illustre les milieux-ambiants de l'association de malfaiteurs Gelli-P2; elle fournit l'interprétation des activités subversives des services secrets et celles des Cefis, des Sindona et des Calvi: elle élucide le rôle de la P2 dans l'"affaire Moro" et dans l'"affaire d'Urso", dans la Rizzoli et dans l'ENI, dans les Forces Armées et dans l'Administration publique. Elle révèle les intrigues avec le Vatican, les méfaits des Pazienza, des Carboni et la trouble "affaire Cirillo".

(Editions SUGARCO - Décembre 1985)

CHAPITRE XVII - DEVANT L'AXE P2-VATICAN, LA BANQUE D'ITALIE RECULE.

La Banque d'Italie se fait tour à tour médiatrice, s'oppose ou subit la finance spéculative. Calvi, Sindona et Marcinkus font

bloc avec la Centrale.

Au carrefour de tous les trafics bancaires, financiers et de devises des hommes de la P2 et de leurs hauts protecteurs politiques, il y a la Banque d'Italie, organe suprême de contrôle. Sindona d'abord, Calvi ensuite, n'ont pu mettre en acte leurs manoeuvres financières téméraires, uniquement parce que ces dernières ont été permises, ou du moins n'ont pas été contrecarrées par la Banque d'Italie. Le système P2 trouve aussi dans le sanctuaire suprême de la finance son courant qui est cependant minoritaire. Les interférences sur la Banque d'Italie en faveur des groupes IOR-Sindona-Ortolani-Marcinkus-Calvi-Gelli trouvent toujours l'impulsion des ou du protecteur politique d'une cordée de pouvoir qui change ses hommes mais qui persiste dans la continuité d'un système qui se fonde sur la plus criminelle spéculation financière.

C'est dans ce cadre que se situe l'inefficacité du contrôle de la Banque d'Italie qui permet, au cours d'une décennie, de vérifier deux krach colossaux, celui de Sindona en 1974 et celui de Calvi en 1982, tous deux à l'ombre du même système de pouvoir signé P2.

Au cours de ces différentes périodes, l'Institut de via Nationale mène parfois, sous la direction de Guido Carli, une médiation entre les pouvoirs, et s'oppose d'autres fois, sous la responsabilité politique de Ugo La Malfa, aux positions spéculatives, et d'autres fois encore subit, sous la direction de Carlo Azeglio Ciampi, toujours en relation avec ceux qui détiennent le pouvoir politique du secteur de la suprématie démochrétienne. Sans problèmes et tout-à-fait à l'abri, lorsque le pouvoir est démochrétien, le réseau opérationnel de la finance spéculative commence à s'effriter au moment où la DC doit négocier avec les autres forces politiques montantes, qu'elles soient rangées du côté de la majorité ou dans l'opposition parlementaire.

L'année 1968 est une année cruciale pour la croissance et la transformation du système spéculatif qui passera quelques années plus tard sous le contrôle total de la P2. Le Vatican, impliqué dans une série de scandales qui en détériorent l'image, décide de faire émigrer ses propres capitaux vers d'autres pays: à savoir, tranférer et convertir les titres italiens du Saint-Siège en valeurs et titres étrangers. Le financier-contrebandier qui accomplit l'énorme transfert à l'étranger du trésor actionnaire et de valeurs est Michele Sindona, et qui devient l'homme de confiance de la Banque Vaticane, l'Institut pour les Oeuvres Religieuses (IOR), et l'associé dans ses manoeuvres internes et internationales.

C'est au cours de cette même période que s'intensifient les trafics à Rome dans la faune vaticano-sindona-ministérielle, avec Ortolani, factotum d'Andreotti et "gentilhomme du Saint-Père", tandis que le futur maître vénérable de la P2, Licio Gelli, est encore loin des intrigues financières.

C'est dans ces circonstances-là que l'on expérimente pour la première fois une nouvelle technique spéculative triangulaire qui deviendra la règle de Michele Sindona et de Roberto Calvi et ensuite la spécialisation de l'appareil P2. Ce type de manoeuvre, qui se reproduira au cours d'innombrables opérations, présente toujours une caractéristique précise, significative, de l'intrigue entre les banques de Sindona et Calvi et le Vatican: chaque opération triangulaire passe, à un moment donné, par le IOR.

Lorsque Sindona décide de s'accaparer de la Banca Privata Finanziaria, celle-ci, avant d'entrer en sa possession, passe techniquement durant une certaine période, par le IOR, pour être transférée par la suite dans sa société. Il s'agit pratiquement d'un passage d'un même organisme entre deux mains qui font semblant de se vendre ou de s'acheter quelque chose, en en tirant des profits incontrôlables.

Roberto Calvi, vingt ans plus tard, fera la même chose, lorsqu'il décide d'assumer le contrôle total du "Corriere della Sera" à travers la possession du paquet de majorité de la Rizzoli. Rizzoli-Calvi-Ortolani cèdent au IOR 80% des actions qui passent rapidement à Calvi-Ambrosiano-IOR. Avec plusieurs milliards qui, dans la transaction, restent dans les mains des différents protagonistes qui vendent ou achètent indifféremment entre-eux.

Cette technique sans scrupules, maintes fois utilisée, a toujours réussi, uniquement parce que la Banca d'Italia ne voyait rien ou, si elle voyait, elle se taisait selon les ordres politiques supérieurs. Les plus grandes affaires de la République se sont toujours faites de la même manière et ce n'est certainement pas Licio Gelli qui en a inventé la technique et le procédé. Il a été plutôt l'élève de bien d'autres talents. En 1968, une fois abrogée l'exemption des impôts sur les dividendes, le Vatican, qui jusque-là avait joui de ce privilège, »cède à l'ENI d'Eugenio Cefis, une large tranche du portefeuille actionnaire de la Montedison. Avec un double avantage: le contrôle démochrétien sur la chimie en Italie, et de l'argent sonnant et trébuchant pour le Vatican. Mais ce sont toujours les mêmes qui, directement ou indirectement, vendent à eux-mêmes, tirant des bénéfices considérables, sans qu'aucun organisme d'Etat ne trouve rien à redire. La même chose arrivera avec la Società Generale Immobiliare, con

trôlée à 33% par le Vatican, et qui est »achetée au prix fort par Michele Sindona qui s'occupe des affaires vaticanes. Naturellement, toujours sous les auspices du pouvoir politique!

L'intrigue IOR-Sindona-Calvi surmonte l'épreuve du feu avec l'escalade de »La Centrale , contrôlée jusqu'en 1971 par Pirelli. L'Ambrosiano de Calvi, alors que Sindona fait échouer l'opération Bastogi, prend le contrôle de la société financière à travers le holding luxembourgeois Comprendum. En société avec Monseigneur Paul Marcinkus, nommé en Août 1971 président du IOR, Roberto Calvi devient le patron de la société financière qui sera le centre stratégique pour d'autres escalades et d'autres gains illicites (1).

Tandis que Sindona déplace progressivement son centre d'intérêts vers les Etats Unis, les liens directs entre Calvi et le IOR, initialement promus par le banquier sicilien, se renforcent. Le groupe Ambrosiano de Calvi, comme le groupe Sindona, s'articule dans une myriade de banques étrangères - Cisalpine Overseas Bank de Nassau, Banca del Gottardo, Banco Ambrosiano Holding du Luxembourg - tandis qu'en Italie, la »Centrale devient le coffre-fort des participations actionnaires dans d'autres sociétés. Monseigneur Marcinkus entre au Conseil d'Administration de la Banca di Nassau.

Avec »La Centrale , Marcinkus et Calvi intensifient le vieux jeu déjà rodé par Sindona, celui de vendre et acheter à eux-mêmes des sociétés financières et des banques dont ils sont les membres des conseils d'administration, empochant d'énormes pots-de-vin au cours des opérations. La technique triangulaire trouve son application dans l'opération du Credito Varesino (1972) que le groupe Bonomi cède pour 35% en Italie à »La Centrale avec la médiation du IOR et pour 18% à l'étranger à la CIMAFIN (appartenant à Sindona) qui le cèdera à son tour plus tard à des sociétés gérées par la Banca del Gottardo (appartenant à Calvi). Les bénéfices de cet ensemble d'opérations se montent à 20 milliards de lires de l'époque, un trésor qui est partagé entre Marcinkus et Calvi qui s'étaient ainsi vendus et achetés mutuellement à eux-mêmes la même chose, en réalisant ainsi une véritable escroquerie.

La Banca d'Italia assiste indifférente à tout cela, bien que l'organe de contrôle eût effectué au cours de cette période plusieurs vérifications sans donner suite. On a donc la confirmation que dès ce moment-là, à la Banca d'Italia, on était conscient qu'il y avait quelque chose de pourri dans les affaires de Calvi et dans ses intrigues avec le IOR, mais aussi, que les solides protections politiques le rendaient intouchable.

Les liens étroits entre Calvi et Marcinkus, c-à-d., entre l'Ambrosiano et le IOR, sont scellés par la création en 1972, de la Suprafin, une société financière dans lesquelles les croisements "incestueux" entre les sociétés propriétaires et les sociétés possédées atteignent la perfection. Le 20 janvier 1975, le IOR écrit à Calvi pour reconnaître que la société financière »est de son appartenance : à savoir, la Suprafin appartient au IOR et est confiée en simple gestion à l'Ambrosiano. Calvi doit se référer uniquement à son président, Marcinkus, à travers les dirigeants de la finance vaticane, Luigi Mennini et Pellegrino De Stroebel. A son tour, la Suprafin devient progressivement propriétaire à 15,4% du Banco Ambrosiano, c-à-d., du plus gros paquet actionnaire de la banque milanaise qui passe donc au Vatican.

Dans le rapport qui suit l'inspection de 1978, la Banca d'Italia dévoile le lien pervers Suprafin-Banco Ambrosiano-Ior. Mais le scandale de l'illégitimité de cette situation n'éclate point. Evidemment, encore une fois, il y a les protections que Calvi, avec l'Ambrosiano et la distribution d'argent aux partis et journaux, de la Dc au Pci, a réussi à obtenir en influençant jusque même les mécanismes de la Banca d'Italia.

Le duo Gelli-Ortolani médiateur et chartrier de la criminalité financière piduiste et vaticane.

Quelqu'un connaît tous les imbrogli et ce quelqu'un est Licio Gelli. Sindona, après le krach, lui a révélé bon nombre des arcanes du Vatican et de l'Ambrosiano, ainsi que tous leurs imbrogli. Le maître vénérable devient, avec Umberto Ortolani et Calvi, entre 1975 et 1976, le fiduciaire des opérations frauduleuses conduites par la finance vaticane, parfois comme médiateur parasitaire qui obtient des pots-de-vin, parfois comme chartrier toujours prêt à jouer son rôle de maître chanteur (2). Il a gagné la confiance de Calvi et est devenu son associé, avec Ortolani et Tassan Din, à la Rizzoli. Il a commandité tous les projets mis en acte entre 1976 et 1979 en faveur de Sindona en engageant des dizaines de piduistes. Le duo Gelli-Ortolani, formé en 1974, devient ainsi le chas de l'aiguille obligé à travers lequel passent bon nombre des opérations spéculatives internationales de cette finance qui est toujours davantage, à tous les effets, piduiste et vaticane, et agissant de manière occulte et illégale.

Sans entrer dans les myriades de manoeuvres mises en acte dans ce cadre, il est intéressant d'en rappeler quelques unes à titre d'exemple. A partir de 1976 ont lieu les diverses opérations Rizzoli avec l'Ambrosiano et le IOR. C'est alors que commencent les distributions de crédit, absolument injustifiées, de Calvi à l'entrepreneur Mario Genghini, avec l'autorisation du ministère du Commerce extérieur dirigé par Stammati, pour des travaux à effectuer en Arabie Saoudite, mais utilisées effectivement pour d'autres opérations. En 1978, les sociétés Tradinvest et Hydrocarbons de l'ENI concèdent d'énormes financements à de mystérieuses sociétés étrangères de l'Ambrosiano, dont la Capitalfin (3). En 1979 s'accomplit l'affaire ENI-Petromin dont nous parlons au chapitre XV. Toujours en 1978, le complexe Calvi-P2-IOR accorde un appui considérable au groupe Pesenti et intervient pour soutenir les titres "Italmobiliare" à travers une société fictive panaméenne de Giovanni Fabbri, appartenant lui-aussi à la P2. D'au

tres interventions dans lesquelles on perfectionne les caractéristiques opérationnelles de la P2, c-à-d., l'intrigue des sociétés qui cachent les différents passages et bénéficiaires, sont relatives au transfert des actions de »TV Sorrisi et Canzoni avec l'appui de l'Ambrosiano Group Banco Commercial de Managua, et le pacte entre Calvi et le groupe d'Anna Bonomi Bolchini, garanti et contresigné par Gelli et Ortolani.

La documentation de toutes ces opérations, et d'autres encore, on peut la trouver dans les archives de Gelli. On y trouve aussi un minutieux report des interventions et des documents de la Banca d'Italia. Cette dernière n'intervient pas jusques en Avril 1978 lorsque, suite à une dénonciation de Sindona après des contrastes avec Calvi, elle effectue une inspection au Banco Ambrosiano avec 12 hommes aux ordres de Mario Sarcinelli, chef de service de contrôle de la Banca d'Italia.

Le scandale va-t-il enfin éclater? Pas du tout. Sept mois plus tard, en novembre 1978, l'enquête est close. Cinq cents pages reconstruisent une grande partie des plus grands vices de forme de l'Ambrosiano qui finissent par être retrouvées au Banco Overseas de Nassau (ex-Cisalpine) de Calvi. Dans le conseil d'administration figure Paul Marcinkus, comme du reste dans celui de la Suprafin qui détient plus de 15% des actions de l'Ambrosiano, alors qu'officiellement, le IOR n'en déclare que 1,37%.

Calvi aura-t-il la même fin que Sindona? Pas du tout. Par contre, c'est Mario Sarcinelli qui finit en prison, coupable d'avoir conduit l'enquête et désormais, sans la couverture politique de Ugo La Malfa qui est mort en mars 1979. Les obsèques de La Malfa n'avaient pas encore eu lieu que Sarcinelli se retrouvait menottes aux poignets, accusé d'avoir dissimulé des preuves aux magistrats romains qui enquêtaient sur le krach de la SIR de Rovelli! L'enquête sur la SIR de Rovelli avait commencé en 1978: il y a des éléments qui portent à penser que cette partie ouverte par les magistrats Alibrandi, juge d'instruction, et Infelisi, ministère public, servît d'instrument de pression pour arriver à la mise en ordre des finances sindoniennes. Lorsqu'en novembre 1979, les juges Sica et Imposimato interrogent à New York Michele Sindona sur le faux enlèvement sicilien; ce dernier parle surtout de l'argument SIR qui n'avait aucun rapport avec les histoires siciliennes des mois précédents.

Sarcinelli sera libéré quelques mois plus tard. L'accusation tombera mais l'admonition était passée et la diversion qui devait porter ombrage au grand inquisiteur de l'Ambrosiano avait fonctionné. Le rapport sur la banque de Calvi était enseveli. La folie spéculative du duo Calvi-Marcinkus qui pouvait être bloquée début-1979, ira de l'avant jusqu'au Printemps 1982 avec les conséquences catastrophiques d'un krach sans précédent de 1600 milliards de lires endossés par les citoyens italiens. A prêter main-forte à la licence de spéculer de Calvi, il n'y a pas que le parrainage du IOR, mais aussi de l'ENI, à travers les financements étrangers.

L'enveloppe contenant les documents, trouvée chez Gelli à Castiglion Fibocchi (»Calvi Roberto contre Banca d'Italia ), contient de nombreuses notes sur l'enquête de 1978 de la Banca d'Italia effectuée sur le Banco Ambrosiano. C'est une confirmation selon laquelle le maître vénérable avait suivi de près cette affaire qui avait risqué de renverser le pouvoir financier de la loge P2, autrement dit, du trio Ortolani-Calvi-Gelli.

Le maître vénérable, comme pour se mettre au diapason du banquier Calvi et pour imiter le pseudo-banquier Ortolani, s'est toujours présenté comme »homme d'affaires ayant une grande réputation dans ce domaine. La justification des documents financiers trouvés en sa possession et de ses interventions dans les transactions de la finance spéculative de la seconde moitié des années Soixante-dix, on peut la trouver dans ce que Gelli lui-même décrit dans ses mémoires N·2:

»J'ai eu l'opportunité de mener, dans le domaine international, une activité d'intermédiaire fort bien rémunérée, au plus haut niveau, dans les secteurs financiers, bancaires et immobiliers... dans le domaine financier j'ai accepté des charges - rétribuées avec des pourcentages variables selon l'importance - de la part de gouvernements, d'organismes publics et privés et des groupes d'entreprises pour trouver des financements... il faut évidemment mériter la confiance et l'estime des parties et être "bien introduits"... Je ne vois pas ce qu'il peut y avoir d'illégal et de sale dans tout cela... Dans le domaine bancaire... ma tâche portait sur la vente de paquets actionnaires de banques ou d'instituts financiers... Je me considérais "un banquier sans licence" qui opérait en gérant les capitaux des autres... (4).

La fugue de Gelli et Ortolani et l'arrestation de Calvi provoquent le partage de l'Ambrosiano. La spéculation de

Carlo De Benedetti.

C'est au cours de l'année 1980 que commencent les médiations, les accords souterrains, les partages de banques et de journaux, qui ont pour objet de sauver l'Ambrosiano des dangers de déséquilibre, au risque de liquider Roberto Calvi et ses acolytes, à commencer par Licio Gelli. Ortolani, qui a les meilleurs rapports avec les hautes sphères, prend le large en mettant en sécurité son butin, fruit de tant de rapines, appelées de manière euphémique »médiations . On apprendra plus tard qu'il a pris la nationalité brésilienne et qu'il continue d'utiliser quatre passeports de nationalités différentes. De son côté, Roberto Calvi, qui est toujours plus seul et aux abois, commence une bataille pour le sauvetage de l'Ambrosiano, attaqué dans sa fragile psychologie selon laquelle il se sentait lâché par la Loge.

Un coup décisif contre le complexe spéculatif de la P2 est porté le 17 Mars 1981 par l'irruption à Castiglion Fibocchi. Deux semaines auparavant, Luigi Mennini, cerveau du IOR, détenteur de tant de secrets, de Sindona à Calvi, avait été arrêté. Gelli aussi, durant cette même période abandonna les lieux et s'enfuit précipitamment à l'étranger. Avec la découverte de la réalité de la P2, commencent le partage qui voit comme protagonistes d'autres représentants d'autres partis politiques. Dans la débâcle de la finance vaticane et piduiste, ladite finance laïque tente de jouer le rôle du sauvetage sur le terrain de l'intégration dans les grandes opérations spéculatives, en activant les liaisons du réseau maçonnique. Le 20 mai 1981, Roberto Calvi est arrêté, dans la nuit du 8 au 9 juillet il tente de se suicider et le 20 juillet, le procès se termine par sa condamnation. La liberté provisoire lui permet d'assumer à nouveau la direction du Banco Ambrosiano. Mais il s'agit d'une direction effémère puisqu'il ne

dispose plus des pouvoirs et des facultés qui avaient fait de lui un véritable dictateur en mesure, pratiquement, de réaliser tout seul, de gigantesques opérations spéculatives avec le IOR de Marcinkus.

Calvi se sent à découvert sur tous les fronts: il a été abandonné par ses »protecteurs Gelli et Ortolani qui l'ont copieusement dévalisé (5). La justice l'a traîné devant les tribunaux, il a été condamné et difficilement les étapes judiciaires suivantes pourront être meilleures. Mais, surtout, c'est la Banca d'Italia qui s'est réveillée de sa torpeur et qui le harcèle parce qu'elle veut aller au fond de ses crédits à l'étranger et de ses rapports avec le IOR. Calvi doit ainsi chercher de nouvelles protections et tenter de nouvelles alliances.

Nous parlerons par la suite de Pazienza et Carboni, quant aux partis et leur rôle nous en avons déjà parlé dans les chapitres précédents. Ce moment de crise est saisi par Carlo De Benedetti qui, par une action foudroyante, achète 3,2% des actions de l'Ambrosiano, entre dans le Conseil d'Administration et en devient le Président le 18 novembre 1981, pour en sortir tout-à-fait, à peine deux mois plus tard. Ces deux mois devaient rapporter au grand patron de l'entreprise moderne quelques dizaines de milliards, en compensation de l'échec de l'affaire qu'il se proposait de réaliser, le contrôle de l'Ambrosiano, avec le contrôle consécutif du »Corriere della Sera (6).

La tentative du financier dit »laïc De Benedetti n'obtient de succès qu'en termes spéculatifs tandis que la finance catholico-piduiste démontre qu'elle ne tolère pas que des regards indiscrets se posent sur des opérations vaticanes qui s'étendent vers l'Occident (Argentine, guerre des Falkland) et vers l'Orient (Pologne). Après quelques mois, l'Ambrosiano est une véritable passoire et le bras de fer, entre Calvi et Marcinkus sur leurs responsabilités respectives, se poursuit à travers de durs affrontements et de sordides chantages. La Banca d'Italia jusqu'au bout, n'intervient pas opérationnellement, au contraire le ministère du Trésor, en avril et mai 1982 encore, fournit aux Chambres, des nouvelles rassurantes.

Le 11 juin 1982, Calvi disparaît d'Italie, et le 17, il est trouvé mort à Londres. Ce n'est que le 14 juin que le Banco Ambrosiano, soumis à des visites d'inspections de la part de la Banca d'Italia, demande la gestion extraordinaire. Deux mois plus tard on déclare la liquidation de ce qui fut un empire financier glorieux: le krach se monte à plus de 1.500 milliards de lires. Les responsabilités, contestées, résident en grande partie dans les intrigues spéculatives avec le IOR de Marcinkus. Le sauvetage de la banque par la constitution du Nuovo Banco Ambrosiano, se fait de manière rocambolesque sous l'effet de l'émotion suscitée par la mort mystérieuse de Calvi, trouvé pendu sous le pont Blackfriars de Londres. Un pool "lotisé" entre les partis se partage les restes de l'Ambrosiano et hérite de la perle de Calvi, la Rizzoli-Corriere della Sera. La Banca d'Italia a permis le plus grand krach de l'histoire bancaire occidentale. Le IOR s'en tire avec quelques centaines de milliards: le reste du coût des av

entures vaticano-piduistes retombe sur les contribuables italiens.

NOTES:

1. Pour ces éléments sur les différentes manoeuvres judiciaires, cf. "Appendice tecnica: il sistema giudiziario P2", dans "Relazione (Teodori) alla Commissione P2", Parlement, 1984.

2. De nombreuses enveloppes de la documentation trouvée dans les archives de Gelli à Castiglion Fibocchi concernent justement des opérations financières entreprises par Sindona et par Calvi.

3. Cf. chapitre XV.

4. Mémoires de Licio Gelli, seconde partie, cit.

5. Dans la procédure pour la faillite du Banco Ambrosiano, Licio Gelli et Umberto Ortolani sont accusés de délits de détournement financier à l'encontre de l'institut bancaire présidé par Calvi.

6. La circonstance du gain effectué par De Benedetti avec le passage à l'Ambrosiano est affirmée dans le livre du journaliste Cornwell qui a, du reste, une attitude très favorable envers lui: »Après quelques tergiversations les conditions furent concordées. De Benedetti aurait revendu ses propres actions au même prix qu'il les avait payées, en plus des intérêts et d'un investissement en titres, pour une valeur de 27 milliards de lires, dans le portefeuille de l'une de ses sociétés... Que penser de ce bref et tumultueux mariage entre une certaine finance catholique et une finance laïque? De Benedetti aurait été ensuite critiqué pour avoir abandonné, en y gagnant, un bâteau qui devait couler avec tout son équipage cinq mois plus tard (Ruppert Cornwell, "Il banchiere di Dio, Roberto Calvi", Bari, 1984, p.153.). Cf. également Francesco Micheli, conseiller d'administration de la CIR, déposition devant le juge Dell'Osso, du 9 août '82: »On versait en plus à De Benedetti la somme correspondant aux intérêts bancaire

s pour la période de temps de sa permanence à l'Ambrosiano et par conséquent, à l'immobilisation de la somme relative à un million d'actions... Cet escompte lui fut accordé par le groupe Ambrosiano qui lui versa la somme d'environ 27 milliards de lires. La différence entre cette somme et les 32 milliards, constituait le prix de l'opération d'escompte .

 
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