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Dupuis Olivier - 5 dicembre 1985
Affirmation de conscience: la déclaration de Olivier Dupuis aux membres de la Cour Militaire de Bruxelles.

SOMMAIRE: Dans le long texte qui suit Olivier Dupuis explique aux membres de la Cour Militaire qui s'appretent a le juger les raisons pour lesquelles il a refuse d'accomplir les services militaire et civil. Au terme de ce proces il sera neanmoins condamne a deux ans de detention et a la privation de ses droits politiques pour une duree de 6 ans. Le jugement de la Cour d'Appel qui confirmait cette peine sera ensuite casse par la Cour de Cassation. Dans son deuxieme jugement la seconde annee d'incarceration fut remplacee par une peine de deux ans de travail obligatoire. Rappelons qu'au cours de ces differents proces de nombreuses personalites europeennes dont notamment les dissidents sovietiques Vladimir Bukowsky, Vladimir Maximov e Leonide Pliouchtch, l'eurodepute Marco Pannella, le pretre francais Jean Cardonnel, l'agronome et ecrivain Rene Dumont apporterent leur soutien a la defense d'Olivier Dupuis.

Monsieur le Président,

Messieurs les Membres de la Cour Militaire,

Monsieur l'Avocat Général,

Avant de tenter de vous expliquer les diverses raisons qui m'ont amené à accomplir le geste pour lequel je comparais devant vous aujourd'hui, je voudrais faire une prémisse sans laquelle le sens même de mon acte me semblerait ne pas pouvoir être perçu. Ainsi, je conçois mon geste non comme un défi à la justice d'abord, à la justice militaire ensuite ni même aux Forces Armées belges, mais bien comme une tentative de dialogue, fondée en ce qui me concerne sur une volonté réelle d'y parvenir. Tentative de dialogue finalisée bien sur à nos institutions politiques, et d'abord au Parlement européen et aux Parlements des divers Etats membres de la Communauté européenne, ensuite à la Commission des Communautés européenne et aux gouvernements des Etats membres mais aussi au troisième pouvoir en sa qualité de gardien des lois et aussi, souvent, de créateur du Droit.

C'est, je veux le rappeler, un geste européen. J'ai dit et je redis que la seule existence des conditions dramatiques d'objection de conscience en Grèce en particulier mais aussi en Espagne et au Portugal, constitue une raison suffisante pour refuser de cautionner plus longtemps le vide juridique qui entoure la question au niveau européen, et qui plus est, à l'encontre de la Résolution Macciocchi votée à une écrasante majorité du Parlement Européen en 1983 qui demandait une harmonisation immédiate des législations nationales autour de quelques principes fondamentaux sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir plus avant.

J'ai la conviction, c'est donc en quelque sorte un axiome que je "pose", que la Paix est garantie plus par le Droit que par la Force. Ce serait vraiment un axiome, si l'histoire, nous ne dirons pas les lois de l'Histoire pour ne pas prêter à une confusion qui serait fâcheuse, si l'histoire donc, ne m'avait enseigné le prix croissant - la croissance est d'ailleurs exponentielle - de l'établissement ou du réétablissement de la paix par les armes, par la force.

Le point de départ de l'ensemble de ma démarche est donc ma volonté de participer à cette défense fondée sur le droit, sur la défense et la promotion du droit pour assurer la paix et la sécurité de tous.

Dans une telle perspective et étant donné l'organisation actuelle de la Défense, en Europe, en Belgique, défense fondée exclusivement sur le recours à la force ou/et sur la menace du recours à la force, mon premier engagement ne pouvait être, à l'occasion de la prestation du service national de défense, que le refus de l'EXCLUSION de la défense.

Ce refus, comme nous allons le voir, a du être répété à plusieurs reprises, pour diverses raisons.

Si nous adoptons un ordre chronologique, j'ai d'abord été amené à refuser le service civil et partant le statut d'objecteur de conscience. Et cela pour deux raisons. La première, de loin la plus déterminante, parce que le service civil ne constitue pas un moyen de participer à la défense de la société mais est fondé, a été fondé, sur la nécessité d'"occuper", de "caser" pourrait-on dire dans un langage moins voltairien, les "prétendants" au non-recours à la force et à la violence qui étaient de par l'existence du service national obligatoire, tenus d'accomplir un service. C'est donc bien par refus d'une discrimination "positive", celle d'exempter ceux qui ne se reconnaîtraient pas dans la défense armée que le service civil a été conçu et organisé. C'est ce que corrobore également le terme de "substitution" qui lui a été accolé durant longtemps. C'est ce que démontre également le terme même d'objection de conscience. On objecte à quelque chose, ce qui est bien différent d'une affirmation qui est, elle, e

xpression d'un choix véritable. Il est donc incontestable que le service civil n'a jamais été conçu comme un moyen différent, alternatif de participer à la défense. Les tâches, les fonctions assumées par ceux qui prestent ce service relevant par ailleurs, pour l'immense majorité d'entre elles, du domaine des fonctions assumées ou devant être assumées normalement par l'Etat.

Il est par ailleurs utile et important de préciser que s'il en est ainsi actuellement ce n'est pas tant par faute de ceux qui, il y a dix ou vingt ans (et parfois plus) se sont battus, très souvent au prix de leur liberté, pour l'obtention d'une loi réglementant l'"objection de conscience", ni tant par celle des tribunaux et/ou des pouvoirs législatifs d'alors que par celle des générations succèssives de législateurs mais aussi, sans doute, des mouvements d'objecteurs qui n'ont su (ou voulu) transformer ce qu'il faut bien appeler une "législation d'exception" en organisation nouvelle de la défense.

Nous en arrivons ainsi à la seconde raison. Ainsi, si nous pouvons dire que la première raison constitue une discrimination de fond (les miliciens participent à plein titre à la défense, les objecteurs à un surogat de défense), la deuxième raison constitue une discrimination de forme. Elle est d'ailleurs conséquence de la première. Cette discrimination, "négative" s'entend, se manifeste notamment au travers de la durée du temps de service (1,5 ou 2 fois celle du service militaire), au travers de l'existence d'une commision d'"inquisition" qui juge de la conscience des "prétendants" au "titre" d'objecteurs (remarquons que les hautes valeurs morales exigées pour bénéficier du statut d'objecteur ne le sont pas pour bénédicier de celui de "milicien"), au travers encore des conditions inégales de "publicité" (même s'il convient de noter les efforts accomplis par de nombreuses communes, efforts qui ne peuvent de par la nature du problème posé, le résoudre), au travers enfin des conditions matérielles accordée

s (notons ici qu'elles nous semblent également insuffisantes en ce qui concerne les miliciens).

Ces conditions d'accomplissement du service civil et d'obtention du statut d'objecteur de conscience (qu'elles soient le résultat de mesures discriminatoires ou insuffisantes en soi) font qu'aujourd'hui le service civil soit un privilège de classe.

C'est un secret de Polichinel que les objecteurs de conscience se "recrutent" dans les "milieux" "moyennement" ou "supérieurement" instruits jouissant du double avantage de l'instruction (accès facilité à l'information) et de l'âge plus avancé (les études donnant droit aux sursis) qui leur permet d'approfondir une réflexion que leurs compagnons de "levée" qui ne poursuivent pas leurs études ne peuvent faire, faute des sursis nécessaires.

Chronologiquement toujours, n'ayant pas demandé le statut d'objecteur de conscience, j'ai été convoqué au Centre de Recrutement et de Sélection (CRS), au "Petit Château". Après avoir passé examens et tests d'usage de façon positive, j'ai eu l'"opportunité" de profiter, en tant que membre d'une famille nombreuse (six enfants dont trois garçons), d'une dispense. Je l'ai refusée en notifiant cette décision par lettre recommandée à l'institution ad hoc.

A ceux qui seraient tentés de considérer cet acte comme un geste de provocation, je ne peux que les renvoyer aux considérations des rédacteurs du Livre Blanc de la Défense (qui peuvent difficilement être taxés de provocateurs). Ainsi page 59 du Livre Blanc de la Défense Nationale - 1985 nous lisons: "Actuellement, envirron la moitié seulement de la jeunesse masculine accomplit son service militaire. Abstraction faite de l'injustice sociale flagrante de ce phénomène qui sera examiné plus loin, cette situation ne peut persister sans aboutir à une désorganisation des Forces Armées".

Et encore page 65: "Outre les problèmes de budget et de recrutement qui viennent d'être abordés, il y a lieu, dans le domaine du personnel, de tenir compte d'une série de phénomènes sociaux qui sapent le moral".

"En voici quelques exemples parmi les plus frappants:...; le sentiment d'inégalité ressenti par les jeunes qui doivent accomplir leur service militaire par rapport à ceux qui ne sont pas appelés sous les armes..."

Notons deux petites choses. Ainsi d'abord pour les auteurs, l'alternative reste bien entre "ceux qui accomplissent leur service militaire" et "ceux qui ne sont pas appelés sous les armes". Et donc les "prestataires" du service civil soit n'existent pas, soit sont assimilés aux favorisés qui n'accomplissent aucun service.

Secundo, nous avons eu l'occasion d'apprendre par les médias que la solution retenue par le gouvernement pour résoudre le problème du "manque d'effectifs" n'a pas été celle d'élargir le faisceau des recrues (résolvant par là en tout ou en partie l'injustice sociale précitée) mais bien celle d'allonger la durée du service, accroissant par là les discriminations entre les citoyens belges.

Relevant donc désormais des Forces Armées, j'ai été - logiquement - appelé à rejoindre une unité d'instruction, en l'occurence celle de Bruges Sainte Croix. C'était le 4 février de cette année. Comme chacun sait, je n'ai pas rejoint ce lieu d'affectation. J'ai quitté la Belgique au début du mois de février pour préparer dans d'autres pays d'Europe cette campagne pour l'affirmation de conscience dont nous aurons plus loin l'occasion de reparler. 15 jours après la date à laquelle je devais rejoindre mon unité, j'ai été, conformément aux lois militaires, réputé déserteur.

Si, après avoir refusé le statut d'objecteur de conscience, après avoir refusé l'exemption du service militaire, j'ai également refusé le service militaire c'est, comme je l'ai déjà dit, parce que je crois qu'une défense basée sur le droit soit l'unique moyen de dépasser la seule défense cohérente à ce jour inventée par les hommes, la défense militaire. Je dis cohérente, parce que force m'est de constater, que face aux menaces objectives constituées par l'accumulation d'armements d'un pays tiers, une réponse dans les mêmes termes constituait souvent une des seules solutions aptes à préserver la sécurité. Les théories de l'équilibre des forces, de la dissuasion ou des jeux à somme nulle n'étant pas propres à l'aire nucléaire.

J'ai dit "constituait" parce que d'une part il est relativement peu intéressant de savoir s'il aurait pu en aller autrement de par le passé, et d'autre part, ce qui me semble plus important, parce que les conditions d'information et donc de contrôle tout comme les règles de droit international sont, du moins au niveau de leur développement, caractéristiques de la société actuelle. Enfin aussi parce que l'histoire récente, et surtout la seconde guerre mondiale, a largement démontré que les nouveaux systèmes d'armes et de communication avaient de fait bouleversé toutes les règles de la guerre, et surtout éliminé toute possibilité de distinction entre population civile et population combattante quand ce n'est entre pays belligérants et non-belligérants.

S'il existe donc des raisons de "nécessité", largement invoquées par les milieux dits pacifistes, il en est d'"efficacité" qui devraient nous interesser davantage dans le sens où sans cet élément aucune tratégie de défense n'est soutenable, pas même celle militaire, la ligne Maginot étant là pour nous le rappeller.

Sans entrer dans les détails de cette argumentation qui sera développée plus loin, disons que notre front de défense sur le rideau de fer est doublement inadapté. D'une part parce que la menace orientale (soviétique) n'est pas d'abord constituée par la ligne de missiles soviétiques mais par le système soviétique lui-même et donc qu'une réponse en termes de défense ne peut (ne doit) consister qu'en armements visant à changer la nature même du système. D'autre part parce que le front "Sud", qui est le principal front de guerre aujourd'hui existant - il fait chaque année trente millions de morts - est en termes de défense, totalement dégarni. Ainsi, le budget de défense (100 milliards de Fb) représente 5,6 pour cent du budget de l'Etat, les dépenses de défense: 8 pour cent tandis que le budget de la coopération au développement représente moins d'un pour cent de ce même budget avec tous les "détournements" que chacun connaît vers le commerce extérieur, l'"intruction militaire", le écoles belges à l'étrange

r...

Donc, le geste, les gestes qui ont fait que je me trouve aujourd'hui devant vous, sont des gestes d'objection de conscience, un acte de désobeissance civile. J'objecte au statut d'objection de conscience dans sa forme comme dans son essence. Dans sa forme parce qu'il est discriminatoire, dans son essence parce qu' "institutionaliser", "légaliser" des gestes de désobéissance, d'objection "individuelle" me semble un contre-sens en démocratie. En effet, ou l'Etat reconnaît le bien-fondé de la mise en place d'une défense civile comme élément à part entière du système de défense global de la Patrie (qu'elle constitue tout le système de défense ou qu'elle coexiste avec un système de défense militaire) ou il n'en reconnaît pas le bien-fondé et continue alors à laisser condamner ceux qui s'en réclament, sans changer les lois.

Le rôle de la justice, votre rôle, Messieurs, m'apparait extrèmement important, parce que le verdict que vous rendez, et plus encore les attendus que vous prononcez à son occasion constituent - à part entière - un moyen de dire le droit ainsi qu'une interpellation directe des organes législatifs pour qu'ils modifient, le cas échéant, le cadre légal organisant la défense.

J'objecte au service militaire et, par là, à la défense telle qu'elle est conçue et organisée aujourd'hui, parce qu'elle est potentiellement source de mort mais surtout parce que de par les ressources humaines, financières et techniques qu'elle requiert, elle participe au détournement des ressources indispensables à la résolution des guerres en actes, à la guerre alimentaire d'abord, à celles qui, au moyen d'un état de siège permanent - nous pourrions dire "institutionnalisées" si le mot institution avait quelque valeur dans ces zones - à celles, donc, qui privent des centaines de millions de personnes des droits humains les plus fondamentaux: droits civils, politiques et syndicaux. Et nous pensons d'abord, bien sur, à l'Union Soviétique en particulier et aux pays du Pacte de Varsovie en général.

A travers une directive au niveau européen dans la ligne de la Résolution Macciocchi du Parlement Européen, nous voulons montrer qu'au delà de gestes d'objection de concience, que ce soit à la défense militaire seule, ou aussi aux statuts d'objection de conscience dans nos différents pays, il faut affirmer une nouvelle conscience au niveau européen.

Affirmation de conscience qui s'inscrive bien sur dans une directive unique réglementant au niveau européen l'organisation du service civil, mais qui s'inscrive surtout dans des lois qui préfigurent déjà la politique extérieure et de défense de l'Union Européenne. Lois de vie pour des actions et des politiques massives destinées à assurer la vie pour le développement, dans le Sud du monde. Lois de qualité de la vie pour des actions et des politiques d'information et de dialogue pour créer ou recréer les prémisses de la démocratie à l'Est. Affirmation de conscience pour élargir le périmètre politique et de droit de l'Europe.

Si je suis allé au Petit Château, c'est donc bien pour ne pas être éliminé a priori de la défense, comme je l'aurais été si j'avais accepté le statut d'objecteur ou la dispense pour raisons familiales.

Si je me trouve bien aujourd'hui en situation d'insubordination c'est non pas par rapport aux structures militaires mais par rapport aux lois générales organisant la défense en Belgique, et surtout en Europe.

Toute la question est donc: quelle défense?

Je crois que lorsque l'on parle de défense de la patrie, non pas dans son acception "chauvine" ou "boutiquière", on ne pense pas seulement à la défense d'un territoire mais sans doute davantage à la défense de valeurs, d'un système de valeurs, d'une histoire, de traditions, de langues, tout cela organisé dans un système politique, le seul qui permette, qui consente à chaque individu de tenter de vivre, de se réaliser. Ce système, c'est bien sûr la démocratie.

Si l'on parle de démocratie, on parle de droit ou du Droit des individus contre les droits ou la Raison d'Etat, fondement d'un autre système, celui totalitaire contre lequel, à juste titre nous nous défendons.

Droits des individus, droits humains fondamentaux, patrimoine des grandes révolutions bourgeoises, de la Révolutions Américaine et de la Révolution Française, patrimoine sans cesse menacé mais aussi peu à peu enrichi au cours des deux derniers siècles par de successives réformes politiques et sociales.

Droits humains fondamentaux et donc d'abord droit à la vie, droit à la nourriture et à la santé. Droits humains fondamentaux et donc droits à la liberté de pensée, d'expression, d'association, de circulation.

Qu'est-ce que l'"ennemi", sinon ce qui remet ou pourrait remettre en cause, à l'intérieur comme à l'extérieur du "territoire" de la "Patrie", ces principes, ces droits qui justement la fondent.

Il est clair, évident alors que ce ne sont pas les missiles soviétiques qui constituent la menace, le danger, mais bien le système soviétique lui-même. D'ailleurs s'il en était autrement, pourquoi aurait-on au lendemain de la deuxième guerre mondiale abandonné cet allié soviétique qui, il faut bien le dire, avait été considéré jusque là comme fiable. S'il n'en était ainsi pourquoi ne devrions-nous pas nous méfier des missiles américains.

Mais, chacun le sait, à un système américain où existent et fonctionnent des mécannisms de contre-pouvoirs, de contrôle, à un système où a pu se développer et gagner un mouvemnt anti-guerre du Vietnam, à un système qui a pu engendrer les choses les plus démentielles et les plus belles, justement parce qu'il est une démocratie, à un tel système correspond un système soviétique sans mécanismes de contre-pouvoir et de contrôle, un système sans opposition tolérée à quelque niveau que ce soit, un système qui a envahi l'Afganistan et bien avant lui, dès 1921, l'Ukraine pour poursuivre sans interruption avec la Géorgie, la Lithuanie, la Lettonie, l'Estonie, et encore la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, l'Allemagne de l'Est, en passant par la Mongolie, l'Arménie et j'en oublie, un système qui engendre le démentiel parce qu'il est démentiel par essence.

Un ystème soviétique fondé sur l'oppression quatidienne de 300 millions de personnes, un système où la raison d'Etat, "les droits inaliénables de la "classe ouvrière" prevalent quotidiennement sur les droits humains fondamentaux. Un système fondé sur les purges internes, sur la délation, sur la déportation, l'esclavage, l'extermination de millions de personnes.

Mais à l'heure du sourire de Gorbachev, tenir de tels propos relève de l'anticommunisme.

D'ailleurs ce même Gorbatchev ne respecte-t-il pas le fameux principe de non-ingérence. Bien sûr il y a eu l'Afganistan, mais l'Afganistan... bien sûr, il est bien un peu rude, de temps à autre dans les marches de son Empire. Mais lui, comme l'ont fait ses prédécesseurs, garantit, somme toute, la coexistence pacifique.

Téhéran et Yalta valent bien Helsinki, les négociations de Genève les assemblées de l'ONU, les arrangements entre quatre yeux tous les textes de droit du monde, et Kaboul ne vaut pas une messe entre super-grands. La Pologne non plus d'ailleurs. Pas plus aujourd'hui qu'hier, quand le diable noir pactisait avec le diable rouge pour accorder leurs appétits mutuels. Les Français et les Anglais d'alors se gardant bien de désserrer les dents, enfermés dans l'illusion de reporter de quelques semaines ou de quelques mois la guerre qu'ils savaient par ailleurs et pourtant inéluctable.

Aujourd'hui la non-ingérence n'est plus une idée vague, c'est un principe solidement établi avec ses rites et ses rituels, ses sommets et ses réunions préparatoires, ses propositions et contre-propositions.

Bien sûr c'est parfois dur de rester assis - muets - à une table de tricheurs. Alors Mitterand crie Sacharov, Reagan brandit les menaces économiques, "s'immisce" dans le domaine "réservé" du sport. Gestes qui ne sauvent rien, qui ne changent rien sinon qu'ils nous donnent un peu plus le goût de notre impuissance. Pas plus aujourd'hui que durant les années trente, le problème ne peut être celui d'ergoter sur les abus de ce système monstrueux. Pas plus que durant les années trente le problème n'était celui de massacrer chaque jour des milliers de juifs mais bien celui de tolérer qu'à quelques centaines de kilomètres de chez nous, existe un système qui permette qu'UN SEUL juif soit tué.

Mais contre cette guerre là, en acte aujourd'hui, il n'existe toujours pas le moindre soupçon de stratégie de défense. Ses victimes continuent à être immolées sur l'autel d'une hypothétique - toujours plus hypothétique - paix future. La politique toujours plus sacrifice du présent au nom de futurs toujours plus improbables.

On a oublié Nuremberg, on a oublié la condamnation de la "non-ingérence" individuelle, la responsabilité même par omission, la soumission de l'individu à des ordres contraires à la conscience. On a oublié les exterminations staliniennes d'un système qui n'a pourtant pas changé, qui continue a envoyer des millions d'individus au Goulag. On a oublié Helsinki, que les Soviétiques ont cependant librement approuvé.

Oui, je suis antisoviétique.

N'y a-t-il alors vraiment rien de paradoxal dans notre politique de défense ? Cette politique des missiles et des sous-marins nucléaires contre des missiles et des sous-marins nucléaires, des chars contre des chars, de l'OTAN contre le Pacte de Varsovie, des éternelles négociations de Genève où se "palabrent" les réductions de systèmes d'armes, jugees de commun accord, obsolètes, des grandes condamnations mutuelles constitue-elle bien une politique intransigeante, de la fermete ?...

En même temps et parallèlement le grand commerce continue et s'intensifie. Tout s'échange et tout se vend, n'en déplaise aux victimes de Pégard. La technologie militaire n'est pas la dernière, celle nucléaire non plus, l'Affaire du Mont-Louis alors en route pour l'URSS est là, bien là, "hasard malheureux", pour nous le rappeler. L'Italie arme Kadafi et se prépare à se défendre contre lui. Business is business. La Belgique vend ses tubes pour le Gazoduc transsibérien, construit par les esclaves d'un régime qui, somme toute, en affaire, est assez correct. La monoproduction, a ses contresens, Tubemeuse doit tourner, et puis dans certains cas, l'emploi n'a pas de prix.

Il y a quelques mois, la France vendait à l'URSS, 150.000 tonnes de viande, il y a quelques semaines, des millions de tonnes de blé grâce au concours du milliardaire rouge, Doumeng. Chaque année, c'est désormais quasi une institution, les Etats-Unis vendent des dizaines de millions de tonnes de blé à l'URSS. La CEE fait de même avec des milliers de tonnes de beurre à des prix inférieurs de moitié parfois à leur prix de revient. Pas même le Tiers-monde n'a de pareil cadeau. Mais la politique agricole commune n'a parfois pas de prix.

Les milieux libéraux européens du début du siècle hurlaient contre les exactions du Tsar, son régime répressif qui pourtant aux heures les plus noires n'arrive à soutenir la comparaison avec celui, soviétique, d'aujourd'hui. Ne parlons pas de Staline. On hurlait moins à l'époque contre les fameux emprunts russes. Seul Jaurès avait vu qu'ils portaient avec eux la guerre. Aujourd'hui rien n'a changé, les emprunts du bloc de l'Est, le commerce avec les pays du Pacte de Varsovie portent et continueront à porter avec eux la guerre. Rien n'a changé sinon qu'ils la portent loin, bien loin de chez nous, en Afghanistan, au Liban, en Afrique ou en Pologne, et au coeur même de ce système monstrueux.

Je rêve que l'on enseigne le russe dans nos écoles.

Contre un tel ennemi et non pas seulement contre une telle menace, quelles armes pouvons nous opposer sinon d'abord celles de la cohérence. Que pouvons nous faire sinon mettre en oeuvre une politique d'agression, démocratique, pour rendre l'Est à la démocratie et supprimer par là le principal fondement de la menace de l'état de guerre, politique d'agression nonviolente pour ne pas répéter les erreurs d'hier, pour enfin accorder les violons des fins et des moyens.

Politique d'information, oranisée et mise en oeuvre par nos Etats (et non par des radios libres), ou mieux par l'Union de nos Etats, puisqu'il s'agit, il s'agirait d'une arme, d'un élément de notre système de défense, commun à nos démocraties.

Informer, ne fut-ce déjà pour démontrer aux Russes, aux Polonais, à tous ceux de l'Est, que nous ne nous soumettons pas à ce qu'on nous présente comme inéluctable. Informer pour les convaincre et pour nous convaincre qu'un futur différent est possible pour eux et pour nous, comme aurait existé un futur possible et différent pour les Allemands des années "trente" si nous leur avions fait savoir.

Une "initiative de défense stratégique" qui nécessitera très certainement de la haute technologie.

Retrouver la force de la parole, de l'information. Retrouver la force de la "voix de la France libre", du "Ici Londres", du "Faux Soir", des tracts, que les nazis redoutaient bien plus que les attentats.

Inventer, créer des politiques de boycott, exiger le respect des accords signés librement, exier de contrôler.

C'est ce qu'en quelque sorte nous sommes condamnés à faire si nous ne voulons renforcer toujours davantage l'alliance toujours plus objective, toujours plus monstrueuse entre l'Est et l'Ouest, du Nord contre le Sud, au prix de la perpétuation de la guerre, de l'extermination par la faim, par malnutrition et par sous-développement qui fait chaque année plus de 30 millions de morts.

Au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui n'est qu'une reformulation du principe de non-ingérence adapté à ces pays du tiers-monde, héritage le plus hypocrite de la décolonisation parce qu'il consacre et perpétue leur impossibilité à disposer d'eux-mêmes, au nom de ce "droit" nos Etats riches violent chaque jour le droit le plus fondamental, le droit à la vie, entretiennent les conflits locaux, dits nationaux, garantissant ainsi les débouchés et les bancs d'essai de leur industries militaires, contrôlent le prix et l'approvisionnement en matières premières, assurent la paix au Nord.

On nous maintient ainsi dans l'illusion que les droits fondamentaux sur lesquels se fondent nos démocraties ne peuvent, ne sauraient être exigés à ces nations jeunes, sans tradition de droit. On a même inventé la spécificité africaine ou celle musulmane, les traditions tribales ou autres pour tenter de démontrer que la démocratie, née en Occident, ne correspondait pas à ces cultures différentes, oubliant du même coup nos propres origines, notre propre histoire, tribale, despotique...

Nous bénéficions donc de la coexistence pacifique. Le sourire d'Hitler à Daladier et à Chamberlain a été remplacé par celui de Gorbachev à Reagan, les opposants allemands au nazisme, les juifs, les Polonais ont laissé la place à des centaines de millions de Soviétiques sans droit, à des millions d'Africains, d'Asiatiques annuellement exterminés.

L'avion de Monsieur Gorbachev avait 15 minutes de retard, Madame était très élégante, Monsieur Reagan a raté la dernière marche mais a très bien supporté le choc. Les journalistes étaient tous là, les articles étaient très complets. Le sommet n'a rien donné. Mais nous retournons vers un climat de confiance. Et puis dix citoyennes soviétiques, épouses de citoyens américains ont quand-même pu émigrer. L'année prochaine, on fera un effort pour quelques milliers de juifs. Le principe de libre circulation des hommes et des idées n'est pas un vain mot.

Avant la guerre, ce n'est pas la guerre.

Mais y aura-t-il encore quelque chose à défendre contre l'hypothétique agression pour laquelle nos Etats fourbissent leurs armes à coups de milliards ?

Y aura-t-il encore quelque chose à défendre si la nécessaire austérité reste le seul idéal de notre société, si les seuls commentaires face au Sahel, à l'Afrique ou à l'Asie en proie à la famine restent ceux de l'inaction de nos Etats, de l'impuissance des individus, si les images de Beyrouth ou de l'Afrique du Sud restent le seul moyen de nous faire goûter le prix de la paix, de "notre paix", si l'on entasse à la marge de la société toujours plus de vieux, de chômeurs, d'étrangers, de drogués avec comme unique horizon, le désespoir, si le sport et la télévision sont toujours plus violence et défoulement, si, si...

Déjà le viol n'est plus le fait de quelques malades mais expression d'un désespoir diffus quand les passants n'interviennent plus, ne fut-ce que pour appeler la police...

En 1940, non plus, il n'y avait plus grand chose à défendre et les collaborateurs furent au début beaucoup plus nombreux que les résistants.

S'il faut aujourd'hui faire la guerre à la guerre par la faim, pour le droit et le premier d'entre eux, le droit à la vie, s'il faut faire la guerre aux totalitarismes, et d'abord à celui soviétique pour d'évidentes raisons géopolitiques et stratégiques, guerre au non-droit, à la raison d'Etat pour le droit des individus, s'il faut faire la guerre aux guerres régionales qui ont accumulé plus de 20 millions de morts depuis 1945, ce n'est pas seulement pour mettre fin à ces guerres là, mais aussi pour préserver, pour défendre les valeurs fondamentales sur lesquelles reposent nos sociétés, et sans lesquelles elles seraient condamnées à se consumer et enfin à disparaître.

Le terme "défense" est d'ailleurs inexact, à tout le moins incomplet. Comme pour certaines stratégies de défense militaire, la meilleure défense dans ce type de guerre est l'attaque, à la fois parce que la défense de la démocratie ne saurait être limitée à repousser des agresseurs qui en menaceraient les fondements, à la fois parce que la démocratie n'est pas une "conquête" définitive, que l'on aurait fait, une fois pour toutes en 1789, en 1830, ou à un moment précis de l'histoire.

Je crois dans la démocratie comme conquête et reconquête perpétuelle, comme reconquête de droits anciens, usés souvent par l'usage, comme conquête de droits nouveaux nés de la nécessité d'organiser la production du génie ou de la folie des hommes, création incessante sur la toile de fonds des droits fondamentaux.

Cette campagne pour l'Affirmation de conscience se veut "annonciatrice" de droits nouveaux en inscrivant dans le Droit positif, en donnant force de loi au devoir d'ingérence nonviolent pour le respect - partout - du droit à la vie, des droits humains fondamentaux, en créant donc aussi - même si cela doit - et devra - entraîner des profondes révisions de certaines conceptions juridiques - en créant donc des mécanismes de sanction contre les manquements des responsables politiques, contre ce qu'il conviendrait d'appeler de "la non-assistance de la part d'un Etat à personnes en danger".

Mais cette campagne pour l'Affirmation de Conscience se veut aussi "annonciatrice" d'un nouveau périmètre de droit. Contre une Europe du beurre et du lait, des règlements et des systèmes de compensation et contre aussi une "nouvelle" Europe "multiforme", de coopération "à la carte", pour une Europe fondée sur l'abandon des "souverainetés" respectives, et l'on pourrait ajouter, tant qu'il en reste un peu... une directive européenne réglementant l'oranisation de la participation à la défense civile et pourquoi pas, de la défense civile. Un pas - petit sans doute - mais un pas dans la direction d'une Europe fondée sur le droit.

Ce processus de "réarmement" des consciences, nous tentons de le créer au sein de mon parti, le Parti radical - non-italien, non-belge, non-français,... - et bien au delà de lui. Pas d'une manière apocalyptique, ni même prophétique, mais simplement en tentant, par nos actions nonviolentes, par nos jeûnes et par nos grêves de la faim, par nos marches et par nos multiples actions de dialogue, par nos objections et nos gestes de désobéissance civile, par ce pourquoi je suis aujourd'hui devant vous, en tentant d'inscrire dans des lois, dans le droit, le "possible" contre le probable auquel les Genève et autres sanctifications des déclarations d'intention, nous condamnent.

Nous l'avons fait au Parlement Européen, aux parlements belges et italien où des résolutions et des lois ont été imaginées, conçues, discutées, promues et enfin votées, généralement à d'écrasantes majorité. Résolutions et lois qui prévoyaient la réalisation d'urgence de plans d'intervention massifs, attaquant simultanément toutes les causes de mortalité, dans des zones déterminées, pour remédier à l'inefficacité structurelle de le politique de coopération, largement démontrée par l'échec de deux "décénnies de développement".

Nous l'avons fait avec des personnalités et des experts du monde entier, avec plus de 90 Prix Nobels, avec des centaines d'évêques, avec des milliers de maires d'Europe, avec des dizaines de milliers de maires d'Italie, de France, de Belgique, avec les paroles de Jean-Paul II, de Sandro Pertini, de Claude Cheysson, et de bien d'autres, avec les rapports Brandt et Carter, avec les conseils et les encouragements d'Organisations Internationales, et souvent, trop souvent, contre les bureaucraties européennes et nationales de la coopération, Pisani en tête, contre les tiers-mondistes et tous ceux qui avec eux, veulent perpétuer le sacrifice de générations entières sur l'autel d'un développement futur, sur l'autel d'un "bon" développement à long terme.

A moyen terme, dans 25 ou 30 ans, si rien n'est fait, un milliard d'hommes, de femmes et d'enfants auront été ainsi sacrifiés.

Et ces résolutions et ces lois n'ont pas été appliquées. Alors que le Roi, dès décembre 1983, devant la FAO, au lendemain du vote de la loi, vantait la nouvelle approche et l'importance des moyens dégagés, il parlait de 200 millions de dolars, le gouvernement belge en général, et le ministre de la Coopération en particulier s'obstinaient et s'obstinent toujours à ne pas comprendre ce que signifie urgence.

Sur 10 milliards de francs belges, moins de 300 millions ont été dépensés, pas 1 franc n'a été dépensé dans l'optique de sauver des vies.

Entretemps, le Sahel connaissait la plus grande sécheresse depuis 100 ans.

Sur le "front" Est, aussi, devant l'acceptation du soviétisme accompli, nous avons tenté de résister, d'inventer, de proposer. C'est une résistance vieille déjà. En 1968, Marco Pannella et d'autres radicaux manifestaient à dans differentes capitales d'Europe centrale contre l'invasion de la Tchécoslovaquie. En 1982, dans six capitales de l'Est, nous manifestions pour rappeler les Chartes et Conventions des Droits de l'Homme que les gouvernements de ces pays avaient librement approuvées. A cette occasion, je passais avec un camarade italien et un camarade français trois jours dans les prisons de Pragues et nous recevions 5 ans d'interdiction de séjour. En 1983, d'autres camarades du Parti radical retournaient en Tchécoslovaquie. En août 1985, dans 14 capitales du monde dont Moscou, Prague, Varsovie, Ankara, nous manifestions encore pour que le jour d'anniversaire d'Hiroshima ne soit pas seulement prétexte à commémorations mais occasion pour rappeler les guerres en acte et le devoir pour nos Etats d'y fai

re face. En 1985 toujours, en septembre cette fois, nous avons distribué des tracts dans 10 villes de Yougoslavie. "Pour une Youoslavie fondée sur le droit, la démocratie, la liberté, membre de la Communauté Européenne". Pour que la Communauté Européenne fasse part officiellement à la Yougoslavie de sa volonté de la voir un jour membre à part entière de cette future Union Européenne. Aussi parce que nous rejetons cet anticommunisme hypocrite et de salon, nous avons passé trois jours dans les prisons de ce pays avec en prime, trois ans d'interdiction de séjour.

Alors, "de droles de pacifistes"... Par souci de clarté, je serais même tenté de dire que je ne le suis pas. Mais, peut-on, sous prétexte qu'elle a été galvaudée, abandonner tout espoir et toute ambition de rendre à cette parole la force de sa signification originaire ? En tous les cas, je ne me reconnais pas dans ce pacifisme fondé sur la peur, sur l'équivoque "les Sovietiques et les Américains, c'est la même chose", dans cette stratégie à la fois irréaliste et minimaliste, oui à tout ce qui coûte, à tout ce qui perpétue la structure militaire et l'industrie du même nom, oui à l'armement conventionnel. C'est un "oui" que les camarades socialistes connaissent bien, eux qui depuis 40 ans approuvent sans sourcilier les budgets de la défense. "Non" au missiles. Non à l'armement moderne. Et pourquoi pas. Il en existe bien tel le Général Rogers qui arrive à prouver que tout est nécessaire. "On va riposter graduellement", on va même se téléphoner avant pour se mettre d'accord...? Alors, pourquoi pas tout, sau

f les missiles? Pour permettre la charge héroïque de la cavalerie polonaise contre les blindés allemands, il y a bien dû y avoir un général polonais pour convaincre ses homologues de la riposte graduée de la Wehrmarcht ou peut-être du fair-play des officiers allemands ?

Alors, "pour les missiles" ? Certainement pas. La seule chose que je constate, c'est que dans une logique de défense militaire dont les pacifistes ne sortent pas mais qu'ils escamotent, la seule stratégie possible passe par une supériorité qualitative de l'armement. C'est une histoire vieille comme le glaive de bronze contre le glaive de fer, comme le pot de terre contre le pot de fer. Et on ne résout pas un tel problème en feignant de croire que l'on puisse se retirer du jeu, en s'enfermant dans l'illusion et la démission neutraliste.

L'kistoire récente est trop pleine de ces illusions. La guerre de 1914 consacrait l'échec de la politique pacifiste de Guesde, malgrés les tentatives de Jaurès de transformer ces alliances de refus en mouvement européen pour la conquête de plus de droit du travail, de plus de droit social, de plus de démocratie. La guerre de 1940 consacrait la défaite des différents mouvements pacifistes européens, défaite en fait déjà consommée depuis l'acceptation du massacre des opposants allemands, des juifs, des "déviants", par l'acceptation des annexions du pays des sudètes, d'une partie de la Pologne, de l'Autriche ...

Et aujourd'hui, tout n'est-il pas une fois de plus consommé. Difficile d'écarter cette hypothèse. C'est sans doute d'ailleurs peu souhaitable. Trop de choses rappellent de mauvais souvenirs. Un pacifisme trop semblable aux précédents dont nous connaissons la fin tragique, fait de ravages parmi la foule innombrable de ceux qui très souvent de bonne foi et de bonne volonté, refusent le probable. Même nos Etats, nos responsables politiques ne sont pas épargnés, loin s'en faut. Le rêve européen est toujours plus un songe creux, une pseudo-alliance de circonstance où s'affrontent les égoïsmes nationaux, et paradoxalement, il reste indigne d'être partagé par ceux qui, comme les Yougoslaves, s'enferment dans ce neutralisme que le fédéralisme européen voulait contribuer à dépasser.

Seul le neutralisme bancaire survit aux épreuves du temps. Mais le tribut en terme de moralité politique est toujours aussi élevé, aussi lourd d'égoisme, de conservatisme et de provincialisme effréné. Avis aux amateurs.

Oui à cette "nouvelle" défense, plus de sécurité. Il faut réarmer unilatéralement nos consciences. Il faut désarmer pour mieux s'armer.

Un nouvel "Euréka" ne demande qu'à être mis en oeuvre. Une résolution du Parlement Européen datant de 1982 n'attend que sa transformation en plan d'action pour sauver sans délai trois millions de personnes menacées de mort par faim, les Yougoslaves n'attendent qu'une proposition européenne d'adhésion à la Communauté, la résolution Macciochi sur l'objection de conscience n'attend que la directive européenne rendant son application obligatoire dans les différents Etats membres, le rapport Spinelli et la résolution du Parlement Européen sur l'Union Européenne attendent eux aussi, un peu, rien qu'un peu de volonté politique. La Loi Survie votée par les deux Chambres en 1982 et 1983 n'attend qu'un peu de sérieux du gouvernement pour être effectivement appliquée.

Un tel chapitre sur de nouvelles initiatives stratégiques pourrait, vous vous en doutez, et devrait être largement développé. N'ayant pas les compétences nécessaires et ne voulant pas abuser de votre patience, je me limiterai à ces quelques exemples emblématiques d'une autre politique possible de défense sur lesquels se fonde mon geste de désobéissance civile.

Pour terminer, en vous rappelant que pour moi, rien n'est jamais définitif, je tiens à vous assurer que mon geste n'est pas lié à la prétention que tout change du jour au lendemain. Mais c'est l'exigence d'un pas dans la bonne direction.

Je ne pourrai alors que lire jusqu'aux virgules votre sentence pour voir si ce signe d'un pas dans la bonne direction peut être trouvé. S'il en est ainsi, je me devrai de repenser toute mon attitude, service militaire, service civil...

Il est donc absolument évident qu'il est impossible pour quiconque, à commencer par moi de présager, de préjuger de mon attitude future puisque ce qui se passe en dehors de moi est le moteur de ce que je fais.

Espérant avoir réussi à vous communiquer les raisons de mon geste, raisons fondées sur l'état d'efficacité bien plus que sur l'état de nécessité, espérant aussi vous avoir convaincus de ma volonté de dialogue, je vous remercie de m'avoir lu et vous assure de toute ma sérénité quelque soit le verdict.

 
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