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Sciascia Leonardo - 16 marzo 1986
Au maxiprocès j'ai vu Don Quichotte
par Leonardo Sciascia (*)

SOMMAIRE: Il rappelle que Manzoni (1) signala, dans sa lecture en espagnol du Don Quichotte, le mot "mafia" (mais que lui, Sciascia, n'a jamais réussi à le trouver dans le chef-d'oeuvre de Cervantes). Il rappelle aussi que Borges avait écrit, en parlant de l'Argentine, une phrase sur "les hommes d'honneur" qui s'adaptait parfaitement à la mafia sicilienne. Donc, dans le "sentiment" mafioso il y a quelque chose d'espagnol. Par conséquent, ce que les non siciliens trouvent désagréable chez les siciliens a l'ancienne racine que Borges signalait et enregistrait. Il ne s'agit pas de "connivence", mais d'"une façon d'être". Pas pour tous les siciliens, de toute façon, car la culture a su extirper certains comportements.

(L'ESPRESSO, 16 mars 1986)

Manzoni lut en espagnol le Don Quichotte; et lorsqu'il trouvait des mots ou des expressions encore vivantes dans le dialecte milanais, il les notait soigneusement. Il en dressa ensuite une liste, qu'il donna à ses amis: et ils l'ont gardée pour nous. Dans la liste on trouve le mot "mafia", qui n'est pas enregistré par les dictionnaires d'espagnol et que je n'ai pas réussi jusqu'à présent à trouver dans le Don Quichotte. Je l'ai cherché, dans l'édition Aguilar des ouvrages de Cervantes, dans tous les endroits où je pensais qu'il pouvait se trouver; j'ai demandé de l'aide aux amis qui connaissent l'espagnol et Cervantes beaucoup mieux que moi. Inutilement. Il ne me reste qu'à relire, trente ans plus tard, le livre de fond en comble; et je prévois que ce sera difficile, si le plaisir de le relire sera plein d'embûches et gâché par une chasse à ce mot uniquement.

J'aimerais le retrouver, ce mot, pas seulement pour me libérer d'une obsession, petite tant qu'on veut mais une obsession quand même, mais aussi pour y trouver des correspondances avec un passage de Borges qui m'a, pour ainsi dire, sauté aux yeux lorsque je l'ai trouvé dans "Borges A/Z" récemment publié par Ricci: une sorte de dictionnaire de Borges préparé par Gianni Guadalupi. A l'article "argentin", que Guadalupi tire d'Evaristo Carriego, Borges dit avoir toujours pensé que l'Argentine était irrémédiablement différente de l'Espagne; mais à un certain point deux lignes du Don Quichotte ont suffi à le convaincre qu'il se trompait. Les deux lignes sont les suivantes: "... que dans l'au-delà chacun s'arrange avec son propre péché", mais dans ce monde "il n'est pas bien que des hommes d'honneur se posent en juges d'autres hommes desquels ils n'ont reçu aucun tort".

Moi aussi je croyais, comme Borges, que dans la mafia, dans le "sentiment" mafioso, dans l'indifférence de la plupart des siciliens vis-à-vis de la mafia, il n'y avait rien d'espagnol: mais ce passage de Borges, avec les deux lignes de Cervantes, m'a convaincu que je me trompais. Et ensuite le mot, le mot enregistré par Manzoni et que je n'avais pas trouvé jusqu'alors. Je veux dire: ce qu'aujourd'hui, alors qu'on célèbre le grand procès (2) contre la mafia, ceux qui ne sont pas siciliens trouvent de désagréable et de condamnable chez les siciliens, a cette ancienne racine: le fait de ne pas vouloir juger des hommes dont ils pensent n'avoir reçu aucun tort.

Pas tous les siciliens, bien sûr: puisque la culture - la vraie culture - a réussi à extirper chez beaucoup de gens ce sentiment et cette attitude. Et on comprend que dans cette situation celui qui n'est pas sicilien éprouve une sensation de connivence, de complicité: alors qu'il s'agit tout simplement d'une "façon d'être". Et ce sentiment, cette attitude donnent une impression d'autant plus négative du fait que beaucoup de gens en soutiennent la validité en disant qu'ils n'ont reçu aucun tort direct, personnel, de la mafia et des mafiosi; alors que, certainement, inévitablement, tous les siciliens ont subi un tort direct et d'une proportion énorme. Il est clair que je ne suis pas en train de me réfugier dans la littérature pour chercher des alibis, mais - comme toujours - pour comprendre. Certes, il existe d'autres raisons qui peuvent justifier l'indifférence et le scepticisme des siciliens, surtout des palermitains, à l'égard du grand procès: et, pas au dernier rang, celle que les commerces continuent à êt

re rançonnés comme auparavant, peut-être pire qu'auparavant.

Mais, pour ceux qui savent bien voir le sens de ce procès, ce n'est pas une raison pour lui donner peu d'importance. Le procès est important, et ses effets se verront dans le temps.

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N.d.T.

(*) SCIASCIA LEONARDO. (Racalmuto 1921 - Palerme 1990). Ecrivain, auteur de romans célèbres ("Le parrocchie di Regalpetra", 1956; "Il giorno della Civetta", 1961; Todo modo, 1974), mais connu aussi comme polémiste, participant de la vie civile italienne pendant vingt ans au moins. Il fut aussi député radical pendant une législature, intervenant de façon énergique dans les batailles pour les droits civils (affaire Tortora, etc).

1 - MANZONI ALESSANDRO. (Milan 1785 -1873). Ecrivain italien.

2 - MAXIPROCES. Procès commencé à Palerme en 1985 contre plus de six cent personnes accusées de crimes de mafia et basé sur les confessions de Tommaso Buscetta et d'autres "repentis" (Contorno, Sinagra...). Les ministères publics furent Ayala et Signorino. Il dure 21 mois et la sentence est prononcée le 10 février 1987 (1er degré) avec la condamnation de la plupart des accusés (338 condamnations - 19 prisons à vie pour les boss de la mafia, parmi lesquels Michele Greco et Salvatore Riina, Pietro Vernengo, Giambattista Pullarà, ainsi que pour les killers). Luciano Liggio est acquitté. Le procès de second degré commence à Palerme en 1990. Il s'achève le dix décembre avec une réduction des peines (les prisons à vie passent de 19 à 12). La Cour de Cassation modifie la sentence d'appel en annulant quelques absolutions.

 
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