par Marco De Andreis, Mauro Marè, Paolo MiggianoIRDISP-INSTITUT DE RECHERCHES POUR LE DESARMEMENT, LE DEVELOPPEMENT ET LA PAIX
SOMMAIRE: La course au réarmement? D'accord. Mais l'Italie là- dedans? Ce ne sont pas les Etats-Unis et l'Union Soviétique qui organisent cette course? Il est vrai que les deux grandes puissances sont les principales responsables de la course au réarmement. Les principales, mais pas les seules. L'Italie aussi a sa part de responsabilité. Inférieure mais pas négligeable. En chiffres absolu la dépense militaire de l'Italie a été en 1985 au huitième rang dans le monde. En ce qui concerne le nombre d'hommes sous les armes, au quinzième rang. Et parmi les exportateurs mondiaux d'armes, les italiens occupent la sixième place. Le poids du secteur militaire dans l'ensemble de l'économie italienne est encore assez contenu: la dépense absorbe 2,7% du produit national brut; les armes représentent 2,7% de la richesse produite par l'industrie et 2,3% des exportations. En outre les menaces militaires contre la sécurité de l'Italie sont moins graves que celles que doivent affronter beaucoup d'autres acteurs internationaux
- y compris beaucoup de nos alliés. Nous nous trouvons donc dans une situation qui offre beaucoup d'opportunités de limitation des dépenses, d'expérimenter des conversions au civil des productions militaires, de promouvoir une politique de sécurité réaliste et de distension. Malheureusement on ne profite pas de ces opportunités. Au contraire, dans les dix dernières années, c'est la tendance à l'extension qui s'est affirmée, et il est urgent de la stopper. C'est depuis la moitié des années 70, en effet, que l'Italie commence à figurer parmi les principaux exportateurs de systèmes d'armes, et que la dépense militaire dépasse les taux de croissance annuelle concordés à l'OTAN. Et c'est toujours dans cette période que commencent à se faire entendre les défenseurs d'un "nouveau rôle" militaire de l'Italie en Méditerranée. Le "Livre blanc", présenté par le Ministre de la Défense Spadolini au cours de l'hiver 1984-1985, résume et met au point ces développements, évidemment du côté de ceux qui les ont soutenus et il
espère qu'ils continueront. Ce volume, par contre, met en relief les doutes, les interrogatifs, les propositions alternatives par rapport à ce qui a été jusqu'à présent un monologue de l'establishment.
("L'ITALIE ET LA COURSE AU REARMEMENT" - Un contre-livre blanc de la défense - par Marco De Andreis et Paolo Miggiano - Préface de Roberto Cicciomessere - Franco Angeli Libri, 1987, Milan)
5. LA DEPENSE MILITAIRE EN ITALIE
par Marco De Andreis, Alessandro Liberati, Mauro Marè, Paolo Miggiano
1. Guide pour la lecture de la dépense militaire en Italie
En jouant avec les chiffres on peut tout soutenir et le contraire de tout. Malheureusement cet élément de relativité inhérent à l'usage des mathématiques n'est que trop peu reconnu. Notre attention se concentre presque exclusivement sur l'exactitude des opérations: "2 + 2 = 4" et ça suffit.
Mais ça ne suffit pas du tout. Pour rester sur cet exemple, il n'est pas dit que la somme en question soit celle qui nous sert pour résoudre le problème que nous avons devant nous. Autrement dit, elle peut être correcte mais peu significative. Il faut aussi faire attention au fait que les termes de l'addition soient des entités homogènes: notoirement, si l'on additionne deux poires et deux pommes on obtient bien sûr quatre fruits, mais sûrement pas quatre poires ni quatre pommes. Bien que ce que nous venons de dire puisse ressembler à un échantillon de banalité, c'est toutefois un bagage utile pour s'orienter dans la lecture des pages qui suivent. Des pages dans lesquelles apparaissent très souvent des nombres et des chiffres: pour les juger, ceux-ci comme d'autres, nous croyons que les lecteurs ont avantage à faire attention aux thèses qui en ont inspiré l'application.
Venons-en ainsi à la substance de ce "contre-livre" blanc sur la défense italienne. Notre principale critique aux comptes du ministère de la défense ne se base pas sur le fait que les calculs des documents officiels soient erronés - ça arrive parfois, mais c'est rare et peu significatif (1). Le point, bien plus important, est que nous considérons que les critères qui sont à la base des chiffres ministériels sont presque toujours fourvoyants.
Le premier de ces critères fourvoyants est utilisé chaque année par le gouvernement en présentant aux Chambres le projet de loi (pdl) du budget de la Défense. Ce pdl, en effet, est presque toujours comparé au budget rectifié de l'année précédente. Tout ça n'est pas correct, et pour une raison fort simple: régulièrement la procédure de rectification augmente les allocations pour la Défense. Le but de cette inconduite est en tout cas manifeste: en inflationnant le terme de comparaison, l'augmentation semble plus contenue. Mais ce n'est pas tout: un autre système classique utilisé par la Défense pour occulter les augmentations - lorsque ces dernières sont plus importantes - est sur le discours sur les "réductions". Présentant le budget 1984, le 20 octobre 1983 à la commission défense du Sénat, le ministre Spadolini parlait de "réduction de 1.300 milliards" par rapport à l'"état de prévision de la dépense présenté par la Défense de 15.000 milliards". La même scène se répétait, plus ou moins dans les mêmes termes
, l'année suivante, alors qu'en fait le budget augmentait, par rapport à l'année précédente, effectivement d'environ 10%.
Hélas, presque tous les organes d'information reprenaient, jusque dans leurs titres, cet étrange principe de réduction, accréditant ainsi la fausse image de la Défense comme la "Cendrillon" de la dépense publique. Le point ici est que lorsque l'on parle de "réductions" ou de "diminutions", on se réfère d'habitude à la discussion parlementaire, c'est-à-dire aux changements entre le pdl et la loi. Tout le reste est l'affaire du gouvernement et de ses rapports avec les différentes bureaucraties d'Etat. Si l'on utilisait le même mètre utilisé par Spadolini, il y aurait tout lieu de croire que le budget de la Justice est diminué par rapport aux requêtes des magistrats, que celui des Biens culturels est coupé par rapport aux requêtes des surintendants, et ainsi de suite.
Il vaut la peine de rappeler à présent les différentes étapes de la formation de la dépense publique italienne. Nous avons tout d'abord la présentation aux Chambres, de la part du gouvernement, du "projet de loi" de budget et de la loi financière. Les deux documents expriment les intentions de l'exécutif concernant le montant et la composition de la dépense. Le parlement modifie presque toujours le projet gouvernemental et on arrive ainsi à l'approbation de la "loi de budget", que nous pouvons considérer comme la seconde étape. Ensuite, interviennent d'autres changements, le plus souvent à caractère administratif, qui font substantiellement augmenter la dépense autorisée à l'origine avec la loi de budget. Formellement, ces changements sont eux aussi soumis au contrôle parlementaire. Les Chambres votent en effet le "budget rectifié" en cours d'exercice et le "compte-rendu général" une fois que l'exercice financier est conclu: il s'agit respectivement de la troisième et de la quatrième étape. Elles ont toutefo
is lieu dans le désintérêt général - surtout par rapport à la grande publicité qui entoure la discussion sur la loi de budget et sur la loi financière. Il y a une tendance à interpréter les changements en cours d'exercice comme un phénomène physiologique, même s'il s'agit ici d'une des causes principales de l'ingouvernabilité de la dépense publique italienne dont on se plaint tellement.
Par conséquent, lorsque l'on parle de "budget de la Défense" il faut mieux indiquer à quelle étape on est en train de se référer. D'où la bonne habitude, par exemple, dans les comparaisons entre une année et l'autre, de procéder par entités homogènes: pdl avec pdl, loi avec loi, rectification avec rectification, compte-rendu avec compte-rendu. Une règle qui sera observée ici.
Dans la présentation des données sur les dépenses militaires, comme on verra, on choisi de privilégier le pdl et le compte-rendu. Le pdl (rubrique compétence) parce que - nous l'avons déjà dit - c'est un signal des intentions futures du gouvernement; le compte-rendu parce qu'il exprime quelle a été effectivement la dépense dans un exercice financier précis, au-delà de toute intention, opinion ou polémique; c'est dans ce but que nous avons choisi la rubrique caisse.
La différence entre la rubrique compétence et caisse est que la première exprime le montant de ressources confié au ministre dans l'année à laquelle on se réfère, tandis que la seconde est le plafond maximum de lires que ce Ministère peut effectivement dépenser dans la même année. Autrement dit, avec la "compétence" on autorise le gouvernement à prendre des engagements: signer des contrats, faire des commandes, etc. Les payements peuvent ensuite avoir effectivement lieu dans n'importe quel exercice à partir de celui en question. Avec la "caisse" par contre, on établit le maximum de payements (dépenses effectives d'argent) possibles dans l'exercice de référence et uniquement dans celui-ci. Comme nous le verrons, la différence est importante. Il peut arriver, par exemple, que les payements (la caisse) augmentent, dans une certaine année et par rapport à l'année précédente, moins que ce que n'augmentent les engagements (la compétence). Dans ce cas c'est la troisième rubrique du budget qui augmente, celle des "r
estes", c'est-à-dire les sommes engagées mais qui n'ont pas été dépensées au cours de l'exercice financier. Ce qui signifie seulement que l'augmentation est renvoyée dans le temps: avec les engagements les "traites" sont là et il faut les honorer tôt ou tard.
La dernière notice concerne l'usage qui sera fait des termes budget de la Défense et dépense militaire: même si quelque fois, surtout pour ne pas alourdir le texte, ils seront utilisés comme synonymes, ils indiqueront la plupart du temps deux entités différentes. Avec "bilan de la Défense" nous avons voulu nous référer strictement au tableau 12 (Défense, précisément) du budget de l'Etat. Par "dépense militaire" (ou "dépense pour la défense") on entend par contre toutes les dépenses que l'état italien soutient pour sa propre sécurité militaire, aussi bien celles qui sont à la charge du ministère de la défense, que celles qui sont à la charge d'autres ministères. Pour le montant de la dépense militaire italienne on utilisera les données de l'OTAN, dont la définition de dépense militaire comprend: la recherche et le développement militaires, les aides militaires (en les inscrivant dans la dépense du pays qui les fournit et en les excluant de la dépense du pays qui les reçoit), le coût des retraites du personnel
hors service et les coûts des forces paramilitaires (carabiniers, police, etc.) au cas où elles sont entraînées et équipées pour les opérations militaires. On exclut par contre les dépenses pour la protection civile, les pensions de guerre et les payements des dettes de guerre. Enfin, ce critère - qui est manifestement appliqué de manière uniforme par l'OTAN à tous les Pays membres - tient compte des dépenses effectives dans l'année prise en considération: il est basé, par conséquent, sur la rubrique Caisse de notre compte-rendu. La dépense la plus importante qui n'est pas contenue dans le tableau 12 est, en tout cas, celle pour les pensions des militaires, qui en Italie sont inscrites dans des chapitres du bilan du Trésor.
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Tab. 5 Comparaison entre dépenses et budgets militaires 1973-85 (définition Otan de dépense militaire et projet de loi, rubrique compétence)
A B C D E
années dépense budget prix dépense budget
militaire défense à la militaire défense
consommation base 73 base 73
1973 2.392 2.294 10,4% 2.392 2.294
1974 2.852 2.373 19,4% 2.389 1.987
1975 3.104 2.451 17,2% 2.218 1.752
1976 3.608 2.957 16,5% 2.213 1.814
1977 4.533 3.561 18,1% 2.354 1.850
1978 5.301 4.314 12,4% 2.450 1.993
1979 6.468 5.119 15,7% 2.583 2.044
1980 8.203 5.780 21,1% 2.705 1.906
1981 9.868 7.511 18,7% 2.742 2.087
1982 12.294 10.149 16,3% 2.937 2.425
1983 14.400 11.890 15,0% 2.991 2.470
1984 16.443 13.800 10,6% 3.088 2.592
1985 18.059 16.500 9,2% 3.106 2.838
Note: A, B = milliards de lires courants
C = variations annuelles des indices des prix à la consommation pour les familles d'ouvriers et salariés
D, E = milliards de lires constants, sur base 1973
* = estimations
Sources: A = jusqu'en 1979 "The North Atlantic Treatry Organization. Facts and Figures" (10ième édit., 1983), pp. 320, 321; à partir de 1980 "Nouvelles Otan", décembre 1985, p. 212
B = Projet de loi, Budget de l'Etat, tableau 12, Etat de prévision pour le Ministère de la défense (différentes années), prévisions de compétence
C = Istat, "Annuaire statistique italien"
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Inutile d'ajouter que le critère de l'Otan est plus correct parce qu'il rend compte des coûts réels soutenus pour la sécurité militaire. C'est pourquoi nous l'avons choisi comme indicateur pour les comparaisons avec le produit national brut (pnb) - des comparaisons qui ne représentent rien d'autre que la part de richesse nationale affectée à la défense - ainsi que pour les comparaisons internationales. A ce propos également, comme nous le verrons, la Défense utilise les statistiques sans scrupules, en ne prenant en considération que l'incidence du budget de la Défense - donc l'ensemble le plus petit - sur le pnb.
Le seul regret qui vient à l'esprit en utilisant la définition OTAN de dépense militaire est qu'elle ne comprend pas les coûts de la protection civile. En général, ça ne pourrait être plus juste. Toutefois, dans le cas de l'Italie, ça comporte la déduction de centaines de milliards qui devraient aller bien sûr à la protection civile, mais que le Ministère de la défense utilise pour acheter des armes (2).
2. L'augmentation des dépenses militaires dans les années 80
Le "Livre blanc" de la Défense 1985, dans la partie sur l'économie, fournit différentes données sur les dépenses italiennes pour la défense. Un des défauts de ces données est la tendance à aplatir sur de longues périodes (dix et/ou trente ans) des changements importants à l'intérieur de ces périodes. Un second défaut des données fournies par la Défense est d'estimer les "dépenses pour la défense" italiennes sur la base des budgets de la Défense. Le tableau 5 montre l'évolution aussi bien de la dépense militaire effective que des budgets de la Défense de 1973 à 1985. Comme on voit, la dépense effective pour la défense a été et continue d'être supérieure à celle qui est décrite dans les budgets de la Défense. La figure 6 montre graphiquement l'évolution, en monnaie constante 1973, de la dépense militaire et des budgets de la Défense (colonne D et E du tableau 5).
Par rapport aux budgets de la Défense, la Dépense militaire effective montre, dans les deux années 1973-1975, des décréments inférieurs. Dans le cas des deux années 1980-1981, alors que dans les budgets il y a une baisse et ensuite un retour à la dépense de 1979, la dépense militaire augmente au contraire. Il est significatif que, à partir de 1976, la dépense militaire effective augmente sans solution de continuité, enregistrant uniquement des périodes de stabilisation (augmentations mineures minimales) en 1980 et en 1984. Si nous essayons de diviser la période 1975-1985 en deux période de cinq ans (1976-1980 et 1981-1985) et que nous analysons la dépense moyenne annuelle de chaque période de cinq ans, la variation devient encore plus significative: au niveau de dépenses effectives, il y a a eu dans la dernière période de cinq ans une augmentation de 20,8% par rapport aux cinq années précédentes. Au niveau des budgets de la Défense, qui expriment la volonté des ministres de la Défense par rapport à l'augment
ation des budgets, il y a eu dans les cinq dernières années une augmentation de 29,2% par rapport aux cinq années 1976-1980. Non seulement donc la dépense militaire effective a été dans les différentes années très supérieure aux budgets, mais ce qui est évident c'est le rôle joué par les deux derniers ministres laïques de la Défense pour faire augmenter les budgets à partir de 1981.
Concentrons par conséquent notre attention sur la période 1980-1986 et analysons les différentes augmentations aussi bien des budgets que des dépenses pour la défense. Le tableau 7 montre les augmentations en lires courantes et constantes des budgets de la Défense.
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Tab. 7 Budgets de la Défense 1980-86 (projet de loi, compétence)
A B C D
années défense prix défense augmentations
à la constante réelles %
consommation
1980 5.780 - 5.780 -
1981 7.511 18,7% 6.328 9,5%
1982 10.149 16,3% 7.352 16,2%
1983 11.890 15,0% 7.490 1,9%
1984 13.800 10,6% 7.860 4,9%
1985 16.500 9,2% 8.606 9,5%
1986 17.812 5,9% 8.772 1,9%
Note: A = milliards de lires courants
B = variations annuelles des indices des prix à la consommation pour les familles d'ouvriers et salariés
C = milliards de lires constants, sur base 1980
Sources: A = Projet de loi, Budget de l'Etat, tableau 12, Etat de prévision pour le Ministère de la défense (différentes années), prévisions de compétence
B = jusqu'en 1985, Istat, "Annuaire" statistique italien"; pour 1986, prévisions Cer (Centre Europe Recherches), "Rapport n. 2", 1986
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Comme nous l'avons dit précédemment, le budget de la Défense s'écarte fort du bilan. Le tableau 8 montre les budgets de la Défense tels qu'on les trouve dans les compte-rendus. Les données s'arrêtent à 1984 car il s'agit du dernier compte-rendu disponible.
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Tab. 8 Bilans de la Défense 1980-84 (compte-rendu, caisse)
A B C D
années défense prix défense augmentations
courante à la constante réelles %
consommation
1980 6.729 - 6.729 -
1981 7.945 18,7% 6.693 -0,5%
1982 10.407 16,3% 7.539 12,6%
1983 12.195 15,0% 7.681 1,9%
1984 14.145 10,6% 8.056 4,9
Note: A = milliards de lires courants
B = variations annuelles des indices des prix à la consommation pour les familles d'ouvriers et salariés
C = milliards de lires constants, sur base 1980
Sources: A = Compte-rendu général de l'administration de l'Etat (différentes années), volume six
B = Istat, "Annuaire statistique italien"
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Comme on voit, il s'agit de chiffres supérieurs à ceux du budget, de plusieurs centaines si ce n'est de milliers de milliards. Les variations en cours d'exercice du budget de la Défense prennent donc l'aspect de véritables choix politiques qui vont bien au-delà de la simple gestion des allocations approuvées par loi. Par exemple en 1980, le budget prévoyait une dépense de 5.780 milliards. Le socialiste Lelio Lagorio, devenu ministre de la Défense après que le budget ait été approuvé, réussissait à dépenser dans le même exercice financier 6.729 milliards, 16,4% en plus que ce qui avait approuvé par le parlement.
Nous avons vu précédemment comment les bilans italiens de la Défense ne sont qu'une partie des dépenses soutenues par l'état pour la Défense. Le tableau 9 montre la dépense militaire italienne selon la "définition OTAN" de 1980 à 1985.
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Tab. 9 Dépense militaire italienne 1980-1985 (définition Otan de dépense militaire)
A B C D
années dépense prix dépense augmentations
courante à la constante réelles %
consommation
1980 8.203 - 8.203 -
1981 9.868 18,7% 8.313 1,3%
1982 12.294 16,3% 8.905 7,1%
1983 14.400 15,0% 9.070 1,9%
1984 16.443 10,6% 9.365 3,2%
1985* 18.085 9,2% 9.418 0,6%
Note: A = milliards de lires courantes
B = variations annuelles des indices des prix à la consommation pour les familles d'ouvriers et salariés
C = milliards de lires constantes, sur base 1980
* = estimations
Sources: A = "Nouvelles Otan", décembre 1985, p. 212
B = Istat, "Annuaire statistique italien"
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Dans ce cas aussi les différences entre les bilans de la Défense et les dépenses militaires effectives sont significatives. Lorsque l'on parle de dépenses pour la défense ou de dépenses militaires réellement soutenues par l'Italie il nous parait correct de se référer à la "définition OTAN". Le Ministre de la défense ne semble pas de cet avis. Le "Livre blanc" (Lb) de la Défense 1985 affirme que l'incidence des "dépenses pour la Défense" sur le "revenu national" dans le deuxième après-guerre s'est stabilisée "autour de 2,5% jusqu'à présent, avec une tendance à la diminution" (3). Dans une autre partie du Lb on affirme que, dans les dix dernières années, "les dépenses pour la Défense... ont représenté, comme valeur moyenne, 2% du produit national brut" (4). Ce sont des chiffres très inférieurs à la réalité et l'équivoque provient de l'utilisation, de la part de la Défense, du budget comme terme de comparaison avec le PNB. L'évolution effective des dépenses pour la défense (définition OTAN) sur le PNB est indiq
uée dans le tableau 10.
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Tab. 10 Dépense militaire et pnb 1976-85 (définition Otan de dépense militaire)
A B C
années pnb dépense B/A
militaire %
1976 156.657 3.608 2,3%
1977 190.083 4.533 2,4%
1978 222.254 5.301 2,4%
1979 270.198 6.468 2,4%
1980 338.743 8.203 2,4%
1981 401.579 9.868 2,5%
1982 470.484 12.294 2,6%
1983 538.998 14.400 2,7%
1984 612.112 16.443 2,7%
1985* 680.500 18.059 2,7%
Notes: A = milliards de lires courantes, brut aux prix de marché
B = milliards de lires courantes
* = estimations
Sources: A = jusqu'en 1984 Banque d'Italie, "Rapport annuel 1984", pour 1985 prévisions Cer, "Rapport n. 5", 1985
B = jusqu'en 1979 "The North Atlantic Treatry Organization. Facts and Figures" (10ª édit., 1983), pp. 320, 321; à partir de 1980 "Nouvelles Otan", décembre 1985, p. 212
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Dans les cinq ans 1976-1980 l'incidence moyenne annuelle des dépenses pour la dépense sur le pnb a été de 2,4%. Dans la période suivante le tableau montre une hausse significative de la dépense militaire italienne qui augmente de trois dixièmes en trois ans, s'équilibrant à 2,7% du pnb. On met ainsi en évidence une tendance croissante de la dépense militaire dans les cinq dernières années, c'est-à-dire le contraire exact de ce qu'a affirmé la Défense.
3. Dépenses d'état pour la défense et le bien-être
La comparaison entre le dépenses d'état pour la défense et celles pour le bien-être est un indicateur largement accepté pour mettre en évidence les tendances dans la répartition des ressources entre le secteur militaire et civil. La sagesse populaire a toujours comparé le beurre et les canons, les hôpitaux et les casernes, les écoles et les chars. Le tableau 11 compare les dépenses d'état pour la défense nationale, l'instruction et la santé de 1980 à 1985, comme elles sont définies dans la "Relation générale sur la situation économique du pays" (années 1984 et 1985). A côté des dépenses en monnaie courante sont mis en évidence les pourcentages de chaque rubrique sur le total des dépenses d'état.
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Tab. 11 Comparaison entre différentes dépenses d'état 1980-1985 (Relation annuelle sur la situation économique du pays)
A A/D B B/D C C/D D
années défense % instruc- % santé % bilan
natio- tion total
nale
état
1980 5.823 4,1% 16.239 11,4% 18.877 13,2% 142.757
1981 6.873 3,8% 18.882 10,6% 23.072 12,9% 178.774
1982 8.786 4,2% 21.815 10,4% 24.716 11,8% 208.817
1983 10.616 4,1% 26.774 10,3% 32.178 12,4% 260.150
1984 13.183 4,4% 28.995 9.7% 36.176 12,2% 296.933
1985 14.729 4,1% 33.860 9,4% 46.942 13,1% 358.924
Notes: A = milliards de lires actuels, les chiffres sont tirés des budgets (loi approuvée) de l'Etat
Source: Ministère du budget, "Relation générale sur la situation économique du pays" vol. 2 (année 1984, p. 148 et année 1985, p. 152)
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La part de dépenses d'état allouée à la "défense nationale" montre, malgré les oscillations, une stabilité substantielle. La part de dépenses pour la santé diminue jusqu'en 1982 pour remonter ensuite au niveau de 1980. Mais la baisse constante de la part de dépenses d'état pour l'instruction à partir de 1980 est par contre évidente. Même si la "Relation" présentée par les ministres du Budget et du Trésor est le document le plus digne de confiance pour évaluer l'évolution conjoncturelle de l'économie italienne, il offre d'après nous certaines limites.
La critique principale concerne la définition des catégories de dépense. La catégorie de "défense nationale" comprend, dans tous les autres pays occidentaux, toutes les dépenses qui ont une finalité directe avec la fonction de défense, et correspond à la définition Otan de dépenses pour la défense (5). Au cours de ce chapitre nous expliquerons ultérieurement le sens italien de "défense nationale". Ici, cependant, nous voulons utiliser aussi un autre critère de comparaison entre "beurre et canons". La tableau 12 montre les budgets des Ministères de la défense, de l'instruction et de la santé de 1980 à 1986.
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Tab. 12 Budgets Défense, Instruction et Santé 1980-86 (pdl, compétence)
A A/D B B/D C C/D D
années budget % budget % budget % total
défense instruction santé budget
état
1980 5.780 3,8 12.617 8,4 16.195 10,8 150.248
1981 7.510 4,4 16.916 9,9 20.292 11,8 171.490
1982 10.149 5,0 20.448 10,2 22.680 11,3 200.941
1983 11.889 5,1 22.280 9,5 29.605 12,7 233.819
1984 13.800 4,3 26.144 8,1 35.153 10,9 322.388
1985 16.500 4,7 31.103 8,8 44.048 12,5 351.867
1986 17.812 4,6 34.306 8,8 43.509 11,2 389.612
Note: A, B, C, D = milliards de lires actuels
Sources: Budget de l'état, projets de loi, rubrique compétence (différentes années); dans la colonne relative à l'instruction on s'est référé au total des dépenses pour l'instruction et la culture; pour la santé on a rapporté les dépenses de la rubrique hygiène et santé
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De 1980 à 1986 le budget de la Défense a gagné 0,8% en plus sur le total du budget de l'état, exactement le double du 0,4% gagné aussi bien par le budget de l'Instruction que par celui de la Santé. Comme on voit, le budget de la Défense augmente davantage que les bilans de l'Instruction et de la Santé.
4. L'engagement Otan d'augmentation de 3 pour cent des dépenses militaires
Le critère d'évaluation des dimensions de la dépense militaire ne peut pas, à notre avis, dériver uniquement de choix idéologiques, moraux ou politiques. Aussi bien la quantité que la qualité des dépenses militaires doivent aussi répondre à la capacité de fournir un bien spécifique, c'est-à-dire de garantir la sécurité du pays. Cependant la définition quantitative et qualitative de ce qui suffit à garantir la sécurité de l'Italie est une question amplement arbitraire. Le quatrième chapitre de ce volume est entièrement consacré à l'analyse de la politique de sécurité du gouvernement et entre dans le fond de la question. En tout cas, pour chaque pays qui fasse partie d'une alliance militaire (tant qu'il décidera d'en faire partie), la nécessité existe de satisfaire les engagements pris en commun. La discussion sur la répartition des charges économiques de l'Otan entre les alliés est prise en considération dans le troisième chapitre. Ce qui nous intéresse ici c'est uniquement d'analyser la manière dont notre pa
ys a donné suite à la décision prise dans la réunion du Conseil atlantique de mai 1978 à Washington d'augmenter de 3% en termes réels les dépenses pour la défenses des pays de l'Alliance. Le tableau 13 offre une comparaison entre les dépenses que l'on aurait dû soutenir en honorant l'engagement Otan et celles qui ont été effectivement soutenues.
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Tab. 13 Comparaison entre engagement Otan et dépense effective (définition Otan de dépense militaire)
A B C D
années dépense hausse dépense hausse
hypothé- effec-
tique % tive
1978 5.301 - 5.301 -
1979 5.460 + 3 5.590 + 5,4
1980 5.624 + 3 5.855 + 4,7
1981 5.793 + 3 5.934 + 1,3
1982 5.967 + 3 6.357 + 7,1
1983 6.146 + 3 6.475 + 1,8
1984 6.330 + 3 6.684 + 3,2
1985* 6 520 + 3 6.722 + 0,6
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Total 47.141 48.918
Note: A, C = milliards de lires constants sur base 1978, les facteurs de déflation utilisés sont ceux du tab. 5
* = données estimées (pour la colonne C)
Sources C = "Nouvelles Otan", décembre 1985, p. 212
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Dans toutes les sept années qui ont suivi la prise de l'engagement, l'Italie a dépensé pour la défense des sommes supérieures à celles prévues pour l'engagement lui-même. Si bien que, en 1985, le gouvernement italien a dépensé jusqu'à 1.777 milliards (en lires 1978) en plus que ce qu'il ne s'était engagé à dépenser à l'Otan. Pour 1986, le gouvernement aurait donc pu couper le budget de la Défense d'environ 5 mille milliards (en lires 1986) continuant de toute façon à honorer les engagements Otan.
La question ne change fondamentalement pas si, comme ont l'habitude de faire les responsables de la Défense, nous appliquons l'augmentation de 3% aux budgets de la Défense plutôt qu'aux dépenses militaires effectives. La figure 14 montre graphiquement, en monnaie constante 1978, l'évolution des budgets de la Défense par rapport à la droite de l'augmentation hypothétique de 3%.
5. Changements qualitatifs du budget de la Défense
Le budget de la Défense est traditionnellement divisé en deux grandes catégories: les dépenses pour la "défense nationale" et celles pour la "sécurité publique". Les premières concernent les dépenses pour les trois forces armées (Armée, Marine et Aviation), les secondes celles pour les Carabiniers. Cette division ne nous parait pas très satisfaisante. Comme nous l'avons déjà dit dans ce chapitre, tous les autres pays occidentaux utilisent le terme "défense nationale" pour définir un univers plus large du budget de la Défense. En plus les Carabiniers, en plus d'exercer des fonctions de police, sont aussi "la quatrième force armée", autrement dit ils exercent aussi des fonctions militaires significatives. Il ne s'agit pas uniquement de fonctions de police militaire, d'espionnage et de contre-espionnage relatives à la sécurité du pays contre des menaces externes. Des fonctions proprement de guerre bien plus importantes sont exercées par la 11ième brigade mécanisée des Carabiniers, ainsi que par des unités de pa
rachutistes, alpines, d'hélicoptères, etc. En pratique, les Carabiniers, du temps du général De Lorenzo, possèdent des unités pour presque toutes les spécialisations qui existent dans les autres forces armées. Et il ne s'agit pas de fonctions militaires marginales. Le bataillon carabiniers parachutistes Tuscania a été l'un des éléments portants du second contingent italien au Liban. Le "Livre blanc" de la Défense 1985 prévoit pour les Carabiniers une ample gamme d'utilisations militaires (6). Par conséquent, bien que la répartition du budget de la Défense entre dépenses pour la "défense nationale" et dépenses pour la "sécurité publique" nous parait fourvoyante du point de vue du calcul général de combien on dépense pour la défense en Italie, elle est cependant utile du point de vue analytique pour comprendre les changements qualitatifs de la dépense à l'intérieur d'un univers homogènement militaire (celui des trois forces armées). La figure 15 montre la tarte de la "défense nationale" comme elle est définie
dans le budget de 1986. Les différentes tranches de la tarte montrent la part en pourcentage sur la "défense nationale" des catégories Irdisp (7) de dépense: personnel, administration et services, contributions pour accords internationaux, infrastructures et carburants, armes, services civils.
Le tableau 16 montre comment change le poids en pourcentage des différentes catégories de dépense sur le total de la "défense nationale" de 1980 à 1986.
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Tab. 16 Composition de la "défense nationale" 1980-86 (en pourcentage, pdl compétence)
années perso- admini- contri- infra- armes services total
nnel stra- butions structu- civils défense
tion accords res et car- natio-
intern. burants nale
1980 47,1 3,1 1,5 6,3 40,7 1,2 100
1981 49,9 2,8 1,5 7,1 36,9 1,7 100
1982 50,2 2,7 1,4 7,8 36,2 1,7 100
1983 47,5 2,7 1,8 8,1 38,0 1,8 100
1984 47,3 2,7 2,1 8,7 38,3 0,9 100
1985 46,2 2,6 2,4 8,5 39,5 0,7 100
1986 45,8 2,6 2,6 9,0 39,1 0,8 100
Note: les catégories de dépense Irdisp sont expliquées dans la note (7), par "défense nationale" on entend ici la définition du gouvernement italien et pas celle qui est acceptée internationalement.
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Au niveau des deux principales rubriques de dépense (personnel et armes), on peut observer - du moins au niveau des budgets - une évolution opposée. Jusqu'en 1982 les Dépenses pour le personnel augmentent, tandis que celles pour les armes diminuent. A partir de 1983 ce sont ces dernières qui augmentent et les premières qui diminuent. Dans les rubriques moins importantes, il y a des changements significatifs. Les frais d'administrations et de services diminuent constamment, ainsi que ceux pour les services civils rendus au pays. Ces variations nous semblent indiquer une baisse des dépenses bureaucratiques et de l'engagement de la Défense dans des missions civiles, autrement dit un engagement plus important dans des fonctions purement de guerre. Ce qui augmente par contre constamment et significativement ce sont les dépenses pour accords internationaux (+ 1,1%) et celles pour infrastructures et carburants (+2,7%). La première augmentation est à associer à l'augmentation des opérations militaires italiennes à l
'étranger (Liban, Mer Rouge, etc.) au cours des dix dernières années, ainsi qu'aux plus fortes dépenses de support pour les nouvelles installations Otan sur le territoire italien (Comiso). L'augmentation des dépenses pour infrastructures et carburants semble montrer, plus que la construction de nouvelles casernes, l'augmentation de l'activité d'entraînement des unités militaires.
6. Dépenses pour les armes: un bilan des lois promotionnelles de 1975-1977
Comme nous l'avons vu dans la comparaison entre dépenses pour armes sur la "défense nationale", les allocations pour les armements représentent une partie substantielle du budget de la Défense. La grosse augmentation des dépenses pour armes de la Défense est à associer au processus de réarmement à la moitié des années 70.
Entre 1975 et 1977 trois lois furent approuvées par le parlement, dites "lois promotionnelles" (ou "spéciales") qui prévoyaient l'allocation d'environ trois mille milliards en dix ans pour la modernisation des moyens des trois forces armées. Comme on peut le voir dans la figure 6, la promulgation des lois promotionnelles servit non seulement à interrompre la tendance à la baisse des dépenses réelles et des budgets de la Défense, mais aussi à établir une dynamique de croissance réelle et continue de la dépense militaire. La nature spéciale de ces lois fut justement motivée par la nécessité d'une intervention exceptionnelle visant, d'après les déclarations des autorités de l'époque, à assainir une situation de manque de modernité des moyens qui aurait rendu très vite les forces armées incapables de défendre efficacement le pays. Le caractère spécial des lois promotionnelles est aussi évident lorsque l'on considère qu'elles prévoyaient une allocation (même si de caractère décennal) équivalent à la totalité du b
udget de la Défense de 1976.
Le choix de soumettre au vote du parlement des projets de réarmement s'accompagna de mesures de plus grand contrôle gouvernemental et parlementaire sur la réalisation des lois promotionnelles. Le sixième chapitre de ce volume analyse de façon plus large le problème du contrôle parlementaire sur les commandes militaires. Il suffit de rappeler ici que pour chacune des trois lois promotionnelles relatives à chaque force armée (8), des comités de contrôle gouvernementaux furent institués avec la tâche d'examiner et d'approuver au préalable la stipulation des contrats entre la Défense et les différentes entreprises qui fournissent des systèmes d'armes. Les procès-verbaux de ces comités auraient également été remis aux parlementaires des Commissions défense du parlement, pour leur permettre un contrôle à posteriori sur le travail du gouvernement et de la Défense. En outre, chaque année, trois relations sur l'état de réalisation des lois promotionnelles auraient été inclues comme documents-joints au budget de la Dé
fense.
Le développement des lois promotionnelles était lié à son tour à un processus plus large de restructuration des forces armées, inspiré à une "logique de réduction quantitative et de récupération d'efficacité", selon ce qu'affirme le "Libre blanc" de la Défense (9), Les lois promotionnelles furent enfin conçues comme des lois pluriannuelles, c'est-à-dire que leur réalisation devait s'achever dix ans après leur approbation. Telle était en effet la période que les programmateurs militaires avait jugé suffisante pour achever le cycle de recherche, de production, d'achat des nouveaux armements.
Aujourd'hui, dix ans après l'entrée en vigueur des lois promotionnelles le bilan qu'on peut en tirer est désolant. Le "Libre blanc" lui-même rappelle à ce propos que "la réduction des composantes opérationnelles aurait dû être compensée par une amélioration qualitative" de l'entraînement et des armes en dotation aux unités maintenues en vie (10). En outre les lois promotionnelles pour l'achat de nouveaux armements "auraient dû représenter un traitement de choc indispensable pour combler les carences les plus graves". "Le processus de restructuration - continue encore le "Livre blanc" - aurait dû être achevé en dix ans". Fondamentalement, la Défense elle-même admet aussi que tout ce qui aurait dû avoir lieu... n'a pas eu lieu. En fait, les délais de réalisation des lois promotionnelles ont été repoussés, tandis que les devis pour l'achat des nouveaux armements ont été dépassés.
En ce qui concerne le glissement des délais, le "Livre blanc" rappelle que déjà au cours de l'année 1981 le ministre de la Défense de l'époque Lagorio annonça un premier glissement. Le plan décennal (1976-1986) devient ainsi de quinze ans (1977-1991). en 1983, la Défense communiquait que le plan était devenu de dix-sept ans, prévoyant son achèvement en 1993.
Mais le glissement ne s'est pas arrêté. Le tableau 17 montre les périodes de réalisation prévue des lois promotionnelles, telles qu'elles sont définies dans les budgets de la Défense des trois dernières années.
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Tab. 17 Périodes de réalisation des lois promotionnelles (selon la Défense)
Loi promo- Pdl 1984 Pdl 1985 Pdl 1986
tionnelle
Armée 1977-1990 1977-1994 1975-1992
Marine 1975-1990 1977-1995 1977-1991
Aviation 1977-1990 1975-1992 1977-1992
Source: Projet de loi, Budget de l'Etat, tableau 12, Etat de prévision pour le Ministère de la défense (différentes années)
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Comme on voit, les termes d'achèvement des lois promotionnelles glissent d'année en année. Déjà maintenant, du moins pour l'Armée, nous avons devant nous un plan presque vicennal: le plan était décennal en 1977, lorsqu'il fut approuvé, il reste décennal encore aujourd'hui, après dix ans d'investissements.
Les coûts nécessaires à l'achèvement des différents programmes prévus dans les lois promotionnelles ont eux aussi augmenté. Dans un pays civil il serait logique que le dépassement des coûts par rapport aux prévisions fut documenté dans les bilans de la Défense. En Italie, il n'en est pas ainsi. Dans les bilans de la Défense il manque toute documentation économiquement sensée du développement des coûts des différents programmes. Les données contenues dans l'état de prévision du Ministère de la défense sont le résultat d'une opération comptable plutôt douteuse: on a ajouté, en effet, entre elles les parts de dépense soutenues dans des années précédentes et celles qui ont été engagées pour les années qui ont suivi celle pour laquelle a été présenté le budget, sans les rapporter cependant dans une seule unité de compte. Ce n'est pas correct et ça n'a pas de sens, car les coûts pluriannuels des systèmes d'arme fournis par le Ministère de la défense viennent de l'addition de chiffres qui ne sont pas homogènes entr
e eux. Si l'on n'effectue pas une transformation de ces chiffres en monnaie constante, le résultat est que ces coûts seront exprimés dans une monnaie "fantôme", dans laquelle, pour ainsi dire, les monnaies des années précédentes ressuscitent. Faisons un simple exemple de cette méthode de calcul adoptée par la Défense. La Défense décide en 1980 d'acheter, en trois tranches annuelles de 10 milliards l'une, un stock de fusils. En 1980 la Défense paye la première tranche, en 1981 la deuxième et en 1982 la troisième. Après le payement de la dernière tranche, d'après les calculs extravagants de la Défense, elle aurait dépensé au total pour les fusils 30 milliards. En réalité elle a dépensé les sommes suivantes:
tranche année de payements infla- payements
payement en milliards tion en milliards
actuels % 1982
1ª 1980 10 21,1 14,4
2ª 1981 10 18,7 11,9
3ª 1982 10 - 10
La Défense a autrement dit dépensé 36,3 milliards (lires 1982), c'est-à-dire 21% en plus de ce qu'elle a affirmé. Il est évident que plus les périodes de réalisation des programmes seront longues, plus les coûts finaux seront supérieurs. Avec l'utilisation de la monnaie fantôme on obtient au contraire des coûts des programmes relatifs aux systèmes d'arme naturellement plus bas, et qui peuvent donc être plus facilement digérés par le parlement et par l'opinion publique. Ce n'est pas que les programmateurs militaires ne se rendent pas compte du peu de fiabilité des prévisions fondées sur l'utilisation de la monnaie fantôme. Mais ils continuent à proposer ces estimations, essayant d'expliquer au lecteur dépaysé que le coût unitaire de chaque programme est "une entité numérique croissante d'année en année en fonction de l'inflation en mesure inversement proportionnelle au pourcentage de réalisation du programme" (11).
Pour arriver à construire une estimation digne de foi de l'augmentation, en monnaie constante, des coûts des programmes des lois promotionnelles, il faut cependant surmonter beaucoup d'autres obstacles. L'administration de la Défense n'est pas uniquement capable de doubler le temps et de créer une nouvelle monnaie extraordinaire qui fasse abstraction de l'inflation. Beaucoup d'autres trucs de prestidigitation comptable et de véritables enchantements constellent les bilans de la Défense.
D'un bilan à l'autre, ce ne sont pas seulement les frais à soutenir pour l'achèvement futur des différents programmes qui changent, mais aussi ceux soutenus dans les années précédentes (12). Des programmes particuliers réussissent, comme les chromosomes des cellules de la reproduction, à se fondre (13). Les coûts de support logistique de certains programmes disparaissent et réapparaissent comme l'homme invisible (14). Sur tous ces miracles émerge cependant celui de la multiplication des coûts.
Le tableau 18 rapporte les coûts soutenus pour la réalisation des différents programmes des lois promotionnelles, en comparant les estimations en monnaie fantôme fournies par la Défense avec celles en monnaie constante 1986 que nous avons élaborées. Il faut dépenser quelques mots pour expliquer les critères suivis dans l'élaboration de ce tableau. On a utilisé comme source les budgets de la Défense (ddl) des trois dernières années (1984-1986). En cas d'incongruité entre les données des trois budgets, on a suivi le critère de considérer davantage digne de foi l'estimation la plus récente. Devant des incongruités dans la définition des programmes (programmes doublés ou fusionnés) on a choisi de donner la version la plus désagrégée. Dans ces cas-là, on a utilisé des quotes-parts de dépense hypothétiques, calculées sur le pourcentage de dépense relatif à chaque programme, pour les années où ceux-ci avaient été définis de façon désagrégée. Enfin, pour la réduction en monnaie constante 1986, on a utilisé des indic
es d'inflation (9,0% pour 1985 et 6,7% pour 1986) légèrement différents que ceux (plus récents) qui ont été utilisés dans les tableaux précédents. Les estimations des coûts ont été arrondies aux dizaines de milliards.
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Tab. 18 Coût des programmes des lois promotionnelles (en milliards fantôme et constantes 1986)
A B C = A-B (C/A)%
nom programme monnaie monnaie sous-estimation
constante fantôme
Armée:
FH-70 1.160 932 228 20%
HAWK-HELIP 1.320 397 923 70%
MILAN 940 864 76 8%
MOYENS SUR ROUE 340 198 142 42%
LEOPARD CBT 1.350 650 700 52%
LEOPARD AUS 530 355 175 33%
VCC-1 86 62 24 28%
Marine:
8 FREGATES 2.900 1.870 1.030 36%
6 HYDROFOIL 370 175 195 53%
CROIS. GARIBALDI 700 490 210 30%
10 CHAS. MINES 690 600 90 13%
Aviation:
MRCA TORNADO 8.400 6.459 1.941 23%
MB-339 650 386 264 41%
SPADA-ASPIDE 2.070 1.949 121 6%
RADAR DFS AER 197 192 5 3%
Note: L'FH-70 est un obus campale, l'HAWK-ELIP est un missile air/air, le MILAN est un missile anti-char, le LEOPARD est un char en version de combat (cbt) et auxiliaire (aus), le VCC-1 est un véhicule blindé de transport de troupes. Le GARIBALDI est un croiseur tout-pont, approuvé par le parlement comme porte-hélicoptères et modifié sans autorisation par la Marine en porte-avions pour avions à décollage court ou vertical. L'MRCA TORNADO est un chasseur bombardier, intercepteur, dont le financement fut approuvé par le parlement pour ses caractéristiques d'avion intercepteur. Par contre le rôle où cet avion est le plus adapté est celui de bombardement, même nucléaire, à longue portée. L'MB-339 est un avion financé par le parlement comme avion d'entraînement, il est devenu aussi à présent un avion de chasse léger d'interception. Le SPADA-ASPIDE est un système anti-missile terre/air pour les basses-moyennes altitudes. Le RADAR cité dans le tableau est un radar de défense aérienne.
Sources: Nos élaborations sur données Dessein de loi, Budget de l'Etat (exercices financiers 1984, 1985, 1986), tableau 12, Etat de prévision pour le Ministère de la défense.
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Le tableau 19 représente la même comparaison qui ne se réfère cependant pas aux programmes particuliers mais aux trois lois promotionnelles de force armée. Le plus haut dépassement des coûts des programmes de la Marine provient aussi du fait que sa loi promotionnelle a été promulguée en 1975, avec deux ans d'avance sur celles de l'Armée et de l'Aviation. Il faut aussi remarquer que les dépenses pour la loi promotionnelle de l'Armée sont en train d'exploser dans les dernières années. Le chapitre 4011 du budget de la Défense, auquel sont imputés les dépenses de la loi promotionnelle de l'Armée, a augmenté, de 1984 à 1985, en termes réels de 21,1% et de 15,1% en 1986. Ceci est dû au fait que les programmes de la loi promotionnelle de l'Armée avaient du retard sur ceux des deux autres forces armées. On commence aujourd'hui à récupérer du terrain et les coûts explosent, dans l'ensemble et programme par programme. Il faut observer enfin que ces données relatives aux dépassement des délais et des coûts sont encore
partiels, parce que tous les programmes ne sont pas encore achevés. En particulier, on peut prévoir que les augmentations de coût des programmes de l'Armée arriveront très probablement à dépasser les augmentations déjà fortes de la Marine.
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Tab. 19 Coût des lois promotionnelles (en milliards constants 1986 et fantôme)
A B C = A-B (C/A)%
force armée monnaie différence sous-estimation
constante fantôme
Armée 11.920 8.015 3.095 33%
Marine 11.970 5.350 6.620 55%
Aviation 11.320 8.887 2.433 21%
Total 35.210 22.252 12.958 37%
Sources: Nos élaborations sur les données du Projet de loi, Budget de l'Etat (exercices financiers 1984, 1985, 1986), tableau 12, Etat de prévision pour le Ministère de la défense.
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La seule explication que la Défense donne pour justifier les dépassements des délais des programmes et des budgets de dépense pour l'achat d'armements est l'inflation dite militaire. D'après le "Livre blanc" les engagements pluriannuels, "dans le cadre des commandes pour des armes et des moyens, prévoient une hausse annuelle des coûts fondamentalement supérieure au taux de référence officiel" (15). Ceci aurait lieu, d'après le "Livre blanc", pour trois raisons: "a) parce que les produits manufacturés à haute technologie ont un taux de révision des prix supérieur au taux moyen d'inflation; b) parce qu'une composante des approvisionnements militaires, relative à des produits spécialisés, qui ne sont pas reproductibles à bon marché par nos industries, est achetée en devises étrangères sur le marché international; c) parce que le renouvellement des armements prévoit en principe une sophistication supérieure des systèmes d'arme qui comporte une hausse parallèle des coûts".
Il est difficile de s'orienter dans une matière aussi controversée et discutée que celle qui est représentée par l'évolution des coûts dans le secteur militaire.
Il est plus que jamais nécessaire de rappeler, toutefois, que la conclusion principale d'une étude menée à ce propos par le Sipri, l'Institut international de recherches sure la paix de Stockholm, est qu'il n'y a aucune consistante démonstration empirique pour soutenir que l'inflation dans le secteur militaire - lorsqu'elle est "convenablement" mesurée - est plus élevée que celle du secteur civil.
D'une part, enfin, il est surement vrai que dans beaucoup de pays les indices des prix des input du secteur militaire augmentent plus rapidement que les indices des prix du secteur civil pour la dépense et l'output. Mais ceci dépend, très probablement, du fait que les chiffres des input du secteur militaire ne tiennent pas compte - comme ils devraient - des augmentations de productivité du personnel militaire. Par conséquent, l'utilisation des indices des prix des input tend à donner des résultats en général trop élevés (17). D'autre part, il est vrai aussi que les prix de la plupart des systèmes d'arme ont augmenté beaucoup plus rapidement que les prix des produits du génie civil; ceci a eu lieu à cause du fait que le processus d'amélioration du produit (ou, autrement dit, de changement de qualité) est d'habitude beaucoup plus rapide dans le secteur militaire que dans le secteur civil. Toutefois, lorsque ce facteur d'amélioration de la qualité du produit est isolé et déduit (comme ça devrait être d'ailleurs
dans la construction d'un index des prix), on a que les différences entre les indices des prix du secteur civil et du secteur militaire relatifs aux dépenses tendent à disparaître (18).
Dans cet ouvrage, on a essayé, en outre, d'une manière analogue à ce qui a été fait par la Sipri, de déflationner les dépenses du bilan de la Défense en ayant recours à un indice des prix à la consommation pour les familles d'ouvriers et de salariés, tel qu'il est fourni par l'Istat.
En principe, cette procédure est moins satisfaisante que celle d'utiliser d'autres indices des prix comme, par exemple, le déflateur implicite du pnb ou l'indice des prix au gros (19). Toutefois, il ne semble pas y avoir, en définitive, une grosse différence, si l'on utilise un indice ou un autre, car des données fournies par le Sipri il ne ressort pas une tendance générale de l'indice des prix du pnb (comme également de ceux au gros) à s'écarter de manière importante de l'indice des prix à la consommation: ceux-ci en moyenne, dans les pays industrialisés, ont évolué, au cours des années 60 et 70, de manière assez semblable (20). Il y a enfin également de bonnes raisons pratiques derrière le choix d'utiliser l'indice des prix à la consommation; car c'est en effet, en premier lieu, l'indice le plus facilement accessible et, en second lieu, le seul indice généralement disponible pour presque tous les pays.
En conclusion, cet indice représente une approximation tolérable du "vrai" indice des prix des dépenses militaires (21).
D'autres éléments aussi, en plus de l'inflation militaire, semblent cependant causer l'explosion des coûts de production des nouveaux systèmes d'arme. Il existe en premier lieu un manque d'intérêt répandu, de la part des militaires en général, pour les procédures à meilleur marché de planification et de production développées historiquement par l'industrie. Des changements de projet sont introduits à chaque phase de développement et aussi de production, suivant l'impulsion d'ajouter aussi la toute dernière nouveauté technologique. La capacité de contrôle des militaires sur les commandes passées aux entreprises est faible, vu le niveau technique généralement inférieur des militaires-contrôleurs sur les techniciens civils. Il faut ajouter à ces raisons la grosse capacité de pression des entreprises de guerre, qui réussissent souvent à contourner des contrôles de qualité et des délais de livraison, sur lesquels devraient veiller les officiers chargés de suivre les différents projets pour le compte de la Défense
; des officiers qui, à peine à la retraite, sont souvent embauchés dans le staff ou placés dans le conseil d'administration de l'entreprise en question.
Ce mariage d'intérêts entre militaires et industriels, qui donne naissance aux soi-disants complexes militaires-industriels, est un phénomène international qui concerne tous les pays occidentaux. Mais, alors que dans les autres pays des mesures radicales sont prises pour augmenter le contrôle sur les commandes militaires (22), l'Italie brille par l'absence de toute norme légale ou de mesure de sanction. Il manque une loi qui limite ou réglemente l'exode des officiers vers les industries. Il manque toute volonté de la Défense de décourager à l'intérieur (par le Système disciplinaire) et à l'extérieur (bloc des commandes aux industries qui mettent en oeuvre des pratiques qui ne sont pas correctes) les pressions illicites.
Le ministre de la Défense Giovanni Spadolini semble s'être dernièrement rendu compte de la gravité du problème. En septembre 1985, sur la base d'une recherche de l'Irdisp, le chef du groupe radical à la Chambre Francesco Rutelli a dénoncé certains cas de plus grand gaspillage dans les commandes militaires. Le même jour de la dénonciation radicale, Spadolini a ordonné "une enquête administrative immédiate et rigoureuse pour faire la lumière sur les faits qui étaient signalés et pour découvrir des responsabilités éventuelles" (23). Malheureusement dans les nombreux mois qui se sont écoulés depuis cette déclaration aucune information n'a été fournie par le ministre sur les développements de l'enquête, faisant naître le soupçon qu'aucune enquête n'ait été entamée.
7. Dépenses pour armements: la nouvelle loi promotionnelle de 1984 et les nouveaux projets
Le glissement des délais et le dépassement des dépenses autorisées par les lois promotionnelles de 1975-1977 n'a pas empêché la Défense de présenter une nouvelle loi promotionnelle. En été 1984 le parlement a approuvé une loi de financement (l. 456/84) de la recherche et du développement (R/D) de trois systèmes d'arme: l'avion de chasse léger AM-X, l'hélicoptère lourd anti sous-marins EH-101, le système de transmissions de champ de bataille CATRIN. La principale nouveauté de la nouvelle loi promotionnelle est qu'elle ne concerne que le financement de la R/D des trois systèmes d'arme et non leur production. Le tableau 20 montre la hausse des coûts des programmes de la nouvelle loi, de son approbation jusqu'en 1986.
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Tab. 20 Coût de la loi promotionnelle 456/84 (en milliards courants 1985 et 1986)
A B (B-A)/A
%
nom pro- coûts selon coûts selon augmentation
gramme la loi la Défense de la dépense
de R/D (1984) (1986)
AM-X 470 667 41,9%
EH-101 300 540 80,0%
CATRIN 226 750 231,9%
Notes: Les données de la colonne B relatives à AM-X et CATRIN ont été obtenues en ajoutant les engagements déjà pris par la Défense et les prévisions de dépense pour l'achèvement des programmes. Pour l'EH-101 la relation contenue dans le budget 1986 n'indique pas clairement les prévisions de dépense, mais fait référence à ses hypothèses d'inflation et d'augmentation des coûts que nous avons utilisées pour calculer les chiffres du tableau.
Sources: Nos élaborations sur les données du Projet de loi, Budget de l'Etat (exercice financier 1986), tableau 12, Etat de prévision pour le Ministère de la défense.
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Le dépassement des prévisions de dépense, approuvées par le parlement il y a deux ans seulement, montre des dynamiques de croissance presque exponentielles et de toute façon beaucoup plus marquées que celles analysées pour les précédentes lois promotionnelles. Et cette donné est encore plus grave si nous considérons d'autres éléments. Le financement de la R/D de l'avion de chasse léger AM-X avait été effectué dans l'hypothèse que les coûts du développement du nouvel avion ne pèseraient que sur l'Italie. Après l'approbation de la loi un accord a par contre été conclu avec le gouvernement brésilien pour une collaboration dans la R/D du nouvel avion. Malgré l'accord international, qui aurait dû diminuer la dépense italienne, cette dernière a par contre augmenté. Pour le financement de la R/D de l'hélicoptère EH-101 on n'a pas alloué que 300 milliards à la Défense, mais aussi 127 autres milliards (tirés des fonds de la loi 46 sur l'innovation technologique) confiés au Ministre de l'industrie. Malgré cela, les pr
évisions de dépense de la Défense ont presque doublé. Le dépassement le plus significatif des coûts est de toute manière celui relatif au système de communication, de commandement, de contrôle et d'information (C3I) CATRIN. Le choix de l'Armée et de la Défense de produire sur base nationale un programme de ces dimensions a déjà porté à tripler les dépenses.
Le grand écart entre les financements promotionnels approuvés par le parlement et les coûts réels des programmes n'est pas explicable si ce n'est avec l'inflation militaire, le peu de capacité de programmation des militaires et les autres causes déjà citées. Il semble aussi que, de la part des militaires et des ministres de la Défense eux-mêmes, soit mise en oeuvre une stratégie consciente de contournement du rôle de contrôle du parlement. A ce dernier sont présentées des demandes de financement volontairement sous-estimées dans la phase d'approbation des lois et, ensuite, des données manipulées sur leur réalisation. De nouvelles lois promotionnelles sont proposées lorsqu'on est bien loin d'avoir achevé les précédentes. Les lois promotionnelles, nées comme instrument d'intervention spéciale dans une condition critique de la Défense, deviennent la règle. Aux vieilles carences des systèmes d'arme s'en ajoutent d'autres entre temps. A la vieille restructuration incomplète des années 70 une autre se superpose, q
ui se fixe de nouveaux objectifs militaires et qui demande de nouveaux systèmes d'arme. Nous sommes ainsi face à une restructuration sans fin, à l'intérieur de laquelle la Défense agit en contournant autant que possible les contrôles du parlement. Les programmes discutés, approuvés et contrôlés par le parlement (ceux des lois promotionnelles), sont même renvoyés consciemment, pour utiliser ces fonds pour entamer de nouveaux projets jamais discutés au parlement.
Une vue d'ensemble de ces nouveaux programmes est contenue dans la "Note additionnelle" au budget de la Défense que Spadolini remet au parlement à partir de 1985 (24). D'après le "Livre blanc", la "Note additionnelle" permettrait "de lier les données comptables de l'état de prévision à une programmation financière pluriannuelle et celle-ci, à son tour, à l'ajustement en cours du modèle de défense: moyennant l'identification des missions interforces" (25). Hélas, les intentions proclamées ne correspondent pas à la réalité décrite dans la "Note additionnelle" au budget 1986. En lisant ce document on tombe sur une myriade de nouveaux systèmes d'arme qui n'apparaissent nulle part dans le budget, ou qui y apparaissent avec des formulations et des chiffres différents. Quelques exemples peuvent illustrer ce point.
Parmi les programmes de l'Armée, il y a les systèmes de missiles SKYGUARD et STINGER qui comporteraient une dépense globale de 2.500 milliards d'après la "Note additionnelle", et de 2.100 milliards d'après le budget 1986; vice-versa, la dépense pour 1986 est de 40 milliards d'après la "note additionnelle" et de 114 milliards d'après le budget. L'obus automoteur SP-70, le lance-fusées multiple MLRS, la revitalisation du parc obus automoteurs M-109 figurent, avec l'obus FhH-70, dans la "note additionnelle" mais ce dernier seulement figure au budget. Le montant est de 2.200 milliards, dont 40 en 1986; mais dans le budget, à elle seule la dépense pour 1986 du FH-70 est de 65 milliards. La "revitalisation" des hélicoptères de transport (pour lesquels, une fois faites les additions et les soustractions nécessaires, on peut estimer un coût d'environ 300 milliards) n'apparait pas au budget. Les "chars de production nationale" de la deuxième et troisième génération, qui coûteraient dans la "note additionnelle" globa
lement plus de mille milliards, n'apparaissent pas au budget.
Pour la Marine aussi les incohérences ne manquent pas. La modernisation du contre-torpilleur de la classe Audace et des navires de la classe Lupo, ainsi que l'"intégration" des hélicoptères SH-3D comporteraient d'après la "Note additionnelle" une dépense en 1986 s'élevant à 253 milliards; l'achèvement de ces programmes, une dépense de 3 mille milliards. Il s'agit de programmes clandestins pour le budget. On peut dire la même chose pour les "trois sous-marins de nouvelle conception", dont le coût est prévu à 1.200 milliards. en outre, dans la "Note additionnelle", il manque les prévisions de dépense relatives à différents systèmes d'arme: les nouvelles unités de haute mer et logistiques, le renouvellement de la ligne de corvettes et des unités légères et rapides, l'avion de chasse européen EFA, le remplacement des systèmes de missiles NIKE-HERCULES et des HAWK, les hélicoptères EH-101, remplacés par les avions ATLANTIC, les radars aéroportés et l'intégration dans le système radar Otan ACCS, les avions citerne
, les coûts relatifs à la Force d'intervention rapide (Fir), ainsi que les avions à décollage vertical pour le croiseur Garibaldi.
Le plan de programmation financière tracé dans la "Note additionnelle" apparait donc négligé et approximatif. Bien qu'un des objectifs déclarés de ce document fut celui de fournir davantage d'éclaircissements sur les coûts des programmes pluriannuels, les seuls chiffres un peu digne de foi que l'on peut tirer concernent l'exercice financier 1986, au cours duquel environ 3.800 milliards seraient dépensés pour des systèmes d'arme et des infrastructures. Largement sans fondement apparaissent au contraire les prévisions de la dépense pour des armements à moyen et long terme. La "Note additionnelle" définit comme période moyenne la fin de la décennie (1990), tandis que la longue période est la nuit des temps qui va au-delà de 1990. Mais la clarté d'intentions n'est pas respectée dans la description des différents programmes. De certains programmes on ne fournit en effet que les prévisions de dépense à moyen terme, tandis que pour d'autres uniquement les prévisions de dépense à long terme. S'il est compréhensible
de fournir uniquement les prévisions des coûts à moyen terme pour les programmes que l'on suppose être terminés avant la décennie, il apparait incorrect de ne pas définir aussi la part de dépense à moyen terme de programmes qui seront achevés après 1990. Ainsi il ressort de la somme des données fournies par la "Note additionnelle" pour 1986 une prévision qui sous-estime les coûts des programmes à moyen terme, arrivant à un total de 12 mille milliards uniquement pour les programmes qui devraient être achevés d'ici la fin de la décennie. Tandis que dans une période indéfinie, successive à 1990, 23 mille milliards devraient être dépensés, auxquels il faudrait cependant ajouter ceux relatifs aux programmes dont la Défense n'a pas cru nécessaire de fournir les prévisions. A un lecteur peu attentif la prévision de dépenser 12 mille milliards en armements de 1987 à 1990 apparaîtrait tranquillisante, correspondant à une dépense moyenne annuelle d'environ 3 mille milliards. En réalité les dépenses pour armements sero
nt de loin supérieures. Selon les susdites catégories Irdisp de désagrégation du bilan de la Défense, la dépense pour armements des trois forces armées dans le budget 1986 s'élève à 5.800 milliards, alors que la même catégorie de dépense dans le bilan 1984 s'était élevée à 3.500 milliards (en lires 1984). Comme on voit il s'agit d'ordres de grandeurs déjà significativement supérieures à celles de la "Note additionnelle". Il nous semble donc, avec ce dernier document aussi, que la vieille habitude de la Défense de manipuler les données pour obtenir d'un parlement peu attentif l'approbation de budgets et de lois promotionnels continue.
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Tab. 21 Programmation financière de la Défense pour achat
d'armements à court, moyen et long terme
nom mission et systèmes d'arme coûts coûts coûts
programme/s du programme 1986 jusqu'à 1990 après
1990
1. MISSION AU NORD EST
1.1. POUR LE FEU
armes antichars 260 1.300
- msl c/c MILAN
- héli c/c A-129
- msl c/c FOLGORE
- lfs pour autodéfense
armes contre-aériennes pour défense unité 40 2.500
- sst msl SKYGUARD-ASPIDE
- sst msl STINGER
- conventionnelles automotrices
artilleries 40 2.200
- obus FH-70
- automoteur SP-70
- lfs MLRS
concours aérien 430 3.500
- avion G-91
- avion F-104
- avion TORNADO
- avion AM-X
1.2. POUR LE MOUVEMENT
programmes divers 147 2.311
- R/S VCC-80
- chars auxiliaires et moyens de
combat nocturnes
- rvt héli trs
1.3. POUR FEU ET MOUVEMENT
programmes divers 114 1.964
- chars 2ª gnr
- rvt chars M-60 et LEOPARD
- R/S char 3ª gnr
1.4. CONCOURS FORCES NAVALES
programmes divers 90 900
- corvettes
- dragueurs de mines
- unités légères
- moyens pose-mines
1.5. COMMANDEMENT ET CONTROLE
programmes divers 40 1.300
- sst cmn CATRIN
- autres prg cmn
2. MISSION AU SUD
2.1. CONTROLE DE LA MER ET
PROTECTION DU TRAFFIC 253 3.000
- cmp GARIBALDI
- cmp frg cls MAESTRALE
- cmp la quote-part dragueurs de mines
- 2 ddg
- 6 autres dragueurs de mines
- rvt ct cls AUDACE
- rvt frg cls LUPO
- héli pour GARIBALDI
2.2. CONTROLE AERIEN A PROXIMITE DU TERRITOIRE 133 1.000
- rvt moitié corvette
- modernisation radar
2.3. OPERATIONS SOUS-MARINES 800
- sst d'arme divers
- 3 sous-marins 1.200
2.4. SUPPORT AERIEN 350 1.600
- cmp héli AB-212
- rvt avions ATLANTIC
- rvt F-104
- cmp TORNADO
- cmp R/S AM-X
- cmp R/S héli EH-101*
- R/S avion EFA*
- avions V/STOL*
2.5. COMPOSANTE TERRESTRE
- celle de la 4ième mission
3. MISSION DE DEFENSE AERIENNE
3.1. DEFENSE AVEC AVIONS 480 3.700
- rvt F-104-S*
- cmp ligne TORNADO*
- R/S et production AM-X
- R/S EFA
- avions citerne*
3.2. DEFENSE DE ZONE AVEC MISSILES 70
- rvt sst msl HAWK
- acq msl PATRIOT*
3.3. DEFENSE DE POINT 200 1.400
- acq sst msl SPADA-ASPIDE
- cmp automoteurs
- moyens pour autodfs bases aériennes
3.4. MOYENS POUR LA DECOUVERTE 45 1.200
- développement écran
- découverte radar
3.5. COMMANDEMENT ET CONTROLE
- intégration Italie dans le sst
Otan ACCS*
4. MISSION DEFENSE DU TERRITOIRE
4.1. FORCES TERRESTRES 221 3.300
- manoeuvre forces défense c/c
- soutien feu terrestre
défense c/c
4.2. FORCES NAVALES 68 1.500
4.3. DEFENSE ANTIAERIENNE DES BASES 900
5. MISSION SECURITE ET PROTECTION CIVILE 50
6. FONCTIONS DE SUPPORT
6.1. STOCK MUNITIONS 50
6.2. INFRASTRUCTURES TOTALES 711
TOTAL 3.972 11.705 23.600
Légende:
a/a = antiaérien
ACCS = Air Control and Communications System
acq = achat
c/c = anti-char
cls = classe
cmn = communications
cmp = complètement
ct = contre-torpilleur/s
ddg = croiseur lance-missiles
dfs = défense
héli = hélicoptère/s
frg = frégate/s
gnr = génération
lfs = lance-fusées
msl = missile/s
prd = production
prg = programme
R/S = recherche et développement
rvt = revitalisation
smv = automoteur/s
sst = système/s
VCC = véhicules armés trans troupe
V/STOL = à décollage court ou vertical
* = systèmes sur les coûts desquels aucune estimation n'est fournie
Source: Ministère de la défense, "Note additionnelle de l'état de prévision pour la Défense 1986"
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8. Projections de la dépense pour armes
Les étiquettes des prix attachées périodiquement aux demandes de nouvelles armes de la part de la Défense, doivent donc être lues avec un grain de sel: elles sont toujours sous-estimées et destinées dans le temps à augmenter dramatiquement. Pour se faire une idée de l'ordre de grandeur de cette sous-estimation, il est bon de revenir aux lois promotionnelles. Lorsqu'elles furent approuvées, en 1975-1977, la demande pour dix ans de réarmement des trois forces armées équivalait à 3.300 milliards de l'époque - pour simplifier disons 3.380 milliards en lires 1976. Dix ans plus tard, en monnaie 1986, les mêmes programmes sont arrivés à coûter 35.210 milliards (Cf. tab. 19). L'augmentation due à l'inflation une fois déduite, on découvre que la hausse réelle a été équivalente à 176% - en moyenne 10,7% par an, dans les dix ans. Autrement dit, même si de 1976 à nos jours il y avait eu une inflation équivalent à zéro, les coûts des programmes des trois lois promotionnelles auraient quand même triplé, passant de 3.380 m
illiards à un peu plus de 9.300.
Dès lors, si l'on essaye d'estimer combien coûteront les dix prochaines années de réarmement, il est de bonne règle de s'attendre un taux analogue de hausse réelle des prix des armes. La somme des deux dernières colonnes du tableau 21 - qui résume de manière synoptique les estimations contenues dans la "Note additionnelle" du budget 1986 - donne environ 35.000 milliards de lires. Si l'ordre de grandeur de l'"escompte" ministériel est le même que celui d'il y a dix ans, on peut s'attendre à ce que ces programmes coûtent en 1986 176% en plus, c'est-à-dire 62.000 milliards de lires actuelles.
Toutefois la liste des achats présentée dans la "Note additionnelle" est, comme nous le faisions observer dans le paragraphe précédent, assez partielle. En l'estimant équivalente à 2/3 de la dépense totale en armes, on arrive à conclure que les dix prochaines années de réarmement coûteront à notre pays 90-100 milliards de lires 1986. Il s'agit d'un chiffre qui confirme les estimations précédentes de l'Irdisp (26) et qui apparait cohérent avec le trend ressortant de la dépense militaire italienne. En effet, d'après des données Otan, cette dernière voyage désormais aux alentours de 20 mille milliards de lires par an; dont 40% environ, selon notre élaboration des données de bilan, de dépenses pour armes.
9. Budget 1986: quel gel et pourquoi
Le budget de la Défense pour 1986 (tab. 7) montre une hausse réelle de 1,9% par rapport au budget de l'année précédente. Donc, comme dirait Monsieur de Lapalisse, une hausse n'est pas un gel. Quoi qu'il en soit, l'augmentation réelle du budget 1986 est, avec celle de 1983, la plus petite hausse réelle enregistrée dans les budgets de la Défense dans les années 80. Le ministre de la Défense Giovanni Spadolini a déclaré, en présentant le budget à la Chambre, qu'il s'est agi d'un "acte de sévérité consciente", assumé en considération des autres grands problèmes qui doivent être affrontés avec le budget de l'Etat (27). Toujours au parlement, Spadolini a également déclaré qu'"il s'agit d'un sacrifice pour 1986 et uniquement pour cette année-là", et qu'il y a eu de la part de la Défens une renonciation "pour cette année à la hausse de 3% en termes réels" décidée à l'Otan.
Ces déclarations ont été amplement reprises par les médias qui ont lancé deux messages à l'opinion publique: un message d'alarme pour le non-respect des accords Otan, l'autre d'estime pour un ministre de la Défense tellement sensible aussi à d'autres problèmes du pays. Aussi bien le premier que le second message ne correspondent pas à la réalité. Comme nous l'avons vu dans le tableau 13 et dans la figure 14, l'Italie a toujours dépensé plus que ce qu'elle s'était engagée à dépenser avec la décision Otan de 1978, accumulant dans le temps un "excédent" par rapport aux engagements de plusieurs milliers de milliards. En 1976 le Ministère de la Défense aurait donc pu présenter un budget de 11.700 milliards (en lires 1986 évidemment), tout en continuant à honorer l'engagement Otan d'augmentation de 3%.
En second lieu, toujours relativement au sacrifice "présumé" de 1986, il faut rappeler qu'il s'agit, précisément, d'un sacrifice présumé, c'est-à-dire relatif au budget. Spadolini, en présentant le budget 1986 à la Chambre, a rappelé lui aussi les critiques du député radical Francesco Rutelli qui, "comme Saint Thomas, renvoie au bilan 1986 pour une vérification concrète". Les doutes de Rutelli ne proviennent cependant pas, comme ceux de Saint Thomas, de l'enfer, mais bien de l'expérience. En 1980, le chef d'état-major de la Défense de l'époque, Vittorio Santini, avait menacé de démissionner pour un budget de 5.780 milliards, considéré trop bas. Ensuite, avec Lagorio, le bilan de 1980 avait augmenté de 16,4%, arrivant à 6.729 milliards. Par rapport aux sacrifices présumés de la défense pour 1986 nous seulement il ne nous parait pas possible, mais aussi probable que Spadolini répète ce qu'a fait Lagorio en 1980. En particulier une condition, c'est-à-dire l'accumulation de restes passifs dans les années précéde
ntes, nous fait considérer probable la comparaison avec 1980. La figure 22 montre l'évolution des budgets de la Défense approuvés par le parlement (1980-1985) et des restes passifs (1980-1984) dans les dernières années. Comme on voit, jusqu'en 1983 entre les budgets approuvés et les restes (argent engagé mais non dépensé) il y a un trend différent. En 1984, par contre, l'augmentation du budget correspond à une hausse parallèle des restes, qui sont passés à 6.400 milliards. Autrement dit la Défense n'a pas réussi en 1984 à dépenser quoi que ce soit de l'augmentation demandée et obtenue au début de l'exercice financier. Même s'il manque (au moment de la rédaction de ce chapitre) les données relatives aux restes de 1985 on peut imaginer que la tendance à la hausse des restes ait conservé en 1985 son taux élevé d'augmentation de 1984.
Dans une telle situation il est en outre vraisemblable que pour 1986 les autres ministres de la coalition gouvernementale aient refusé d'accorder à la Défense des augmentations ultérieures que cette dernière n'aurait pas réussi à dépenser au cours de l'exercice. Du reste, ces considérations mettent sous une toute autre lumière l'acte proclamé de sacrifice volontaire du ministre de la Défense, qui ne semble plus aussi volontaire e ni même aussi motivé par la nécessité d'affronter les grands problèmes civils du pays.
Si, lorsque l'on pourra disposer du bilan 1986, on découvrait que, sur un budget de 18 mille milliards, on en aurait par contre dépensé - par exemple - 23 mille, nous ne serions pas particulièrement surpris. Le meilleur résumé de la discussion sur le gel présumé du budget de la Défense 1986 est celui qui est contenu dans le titre d'une comédie de Shakespeare: "beaucoup de bruit pour rien".
Il est par contre plus intéressant de prêter attention à une autre tendance qui semble se manifester dams la stratégie financière de la Défense dans les dernières années: la tendance à décharger une partie croissante des dépenses militaires sur les bilans d'autres Ministères. Même s'il s'agit d'une tendance pratiquée depuis longtemps (par exemple avec le transfert déjà cité des payements des pensions des militaires au Trésor), certains éléments font penser qu'il y ait une nouvelle volonté de "décentraliser" à d'autres ministères des parts croissantes de dépense militaire. Dans le budget de l'Etat pour 1986, par exemple, 150 milliards pour la construction de nouvelles casernes pour les carabiniers apparaissent dans le budget du ministère des travaux publics et pas dans celui de la défense. A cet exemple il faut ajouter le financement pour R/D militaire alloué par le Ministère de l'industrie et des participations publiques, qui est beaucoup élevé que le cas cité de financement de l'hélicoptère EH-101. Le rever
s de cette même tendance est celui de l'utilisation à des fins militaires des fonds assignés à la Défense pour des objectifs sociaux. Le cas des fonds pour la protection civile à la Défense est emblématique de cette tendance.
10. Considérations conclusives et comparaisons internationales
Sur la base des analyses effectuées jusqu'ici il nous semble avoir amplement démontré que l'Italie dépense pour sa défense beaucoup plus que dans les dix années précédentes et beaucoup que ne l'admet la Défense.
Si, il y a quelques années encore, les plaintes des alliés américains sur l'engagement économique insuffisant des italiens (et des européens) pour leur propre défense avaient une base réelle, à présent ces critiques nous semblent infondées. Le problème est par contre un autre. Ces années-ci on est passés d'un engagement adéquat pour sa propre défense à un engagement important pour sa propre capacité de protection offensive de la force militaire dans la région méditerranéenne et aussi vers l'Est. Les coûts d'un instrument militaire d'"une guerre et demi" (la guerre entière est celle contre le Pacte de Varsovie, la demi guerre est un affrontement bilatéral dans la zone méditerranéenne), capable de poursuivre aussi bien l'objectif de la défense nationale que celui de la protection externe de la force militaire, sont très élevés et supposent une hausse constante de la dépense militaire équivalent ou supérieure à celle des quinze dernières années. L'adoption d'une politique de sécurité strictement défensive, d'un
e plus grande collaboration avec les autres pays européens dans la production d'armements, d'un plus grand contrôle sur les fonds alloués pourrait par contre amener à une stabilisation ou à une réduction des dépenses militaires.
Il existe en effet un rapport étroit entre le volume des dépenses pour la défense et les objectifs de la politique de sécurité. En général, plus la politique de sécurité est ambitieuse, plus les dépenses militaires de ce pays augmenteront. De même que des augmentations significatives de la dépense militaire d'un pays témoignent de changements qualitatifs de sa politique de sécurité. Le rapport entre le volume de dépenses pour la défense et les objectifs de sécurité n'est cependant pas mécanique. Il dépend aussi en mesure significative d'autres facteurs, tels que la possibilité de répartir les coûts de sa propre défense à l'intérieur d'une alliance et, surtout, la portée réelle de la menace spécifique que chaque pays différent doit affronter. Il n'y a qu'avec l'emploi combiné de ces trois critères d'évaluation qu'on peut, d'après nous, fournir une réponse à la question "quel est le niveau de dépense militaire suffisant pour garantir la sécurité du pays?". Cette prémisse est nécessaire pour établir de la façon
la plus transparente les comparaisons avec les autres pays. La tendance existe, de la part des autorités de la Défense, à reproposer sans cesse des comparaisons avec les dépenses militaires d'autres pays uniquement sur la base des chiffres, évitant d'expliciter les problèmes particuliers de sécurité de chaque pays et les objectifs de sécurité de leurs gouvernements respectifs. En particulier plusieurs représentants civils et militaires de la défense concentrent l'attention sur les dépenses militaires de la France et de la Grande-Bretagne, affirmant que celles-là seraient les parts de dépense militaires auxquelles l'Italie devrait viser. La chose la plus extravagante c'est que, de la part de la Défense, on n'affirme pas qu'il faut dépenser autant que ces pays parce que l'on veut poursuivre une politique de sécurité semblable à la leur. Au contraire, les autorités de la Défense font référence à la nécessité de suivre l'exemple de ces deux pays parce que "plus développés" que le nôtre, comme si le pourcentage
de dépenses militaires sur le produit national brut était l'indice du développement économique ou de la civilisation d'un pays. Mais il n'en est pas ainsi. Des Pays comme la République Fédérale Allemande et le Japon, qui offrent les indices les plus soutenus de développement économique de l'après-guerre, dépensent beaucoup moins pour leur défense que les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Les évaluations sur les dépenses militaires doivent donc être principalement référées à la réalité des menaces et aux objectifs de sécurité adoptés.
Le tableau 1 du troisième chapitre montre une comparaison entre les dépenses militaires (comme pourcentage du pnb) des pays de l'Otan. Vu les oscillations significatives entre les estimations et les données définitives, on a choisi d'utiliser pour les comparaisons les données certaines relatives à 1984 plutôt que les estimations sur 1985. On peut remarquer que l'Italie (2,7% de dépense militaire sur le pnb) est dans les cinq dernières places, suivie par l'Espagne (2,5%)* [* Cette donnée, qui n'est pas rapportée dans le tab. 1, est tirée du "SIPRI Yearbook 1985", p. 281.], Danemark (2,3), Canada (2,2) et Luxembourg (1,2). En plus de la Norvège (2,8), qui dépense à peu près comme l'Italie, on peut identifier un groupe de "dépenseurs moyens" formé par la Belgique (3,2%), l'Allemagne Fédérale (3,3%), les Pays-Bas (3,2%), le Portugal (3,3%) qui dépensent pour leur dèfense une part oscillant entre 3,0 et 3,3,% du pnb. Plus haut nous trouvons le groupe des "grands dépenseurs" pour la défense: France (4,1), Turquie
(4,4), Grande-Bretagne (5,3), Etats-Unis (5,3), Grèce (7,2).
C'est sur ce cadre que se basent les évaluations de différents représentants de la Dèfense qui considèrent modeste la dépense militaire italienne. A ce propos il faut avant tout observer que la stabilisation de la dépense militaire italienne sur 2.7% du pnb est due à l'explosion des restes passifs du bilan de la Défense à partir de 1984. Si la Défense réussissait à dépenser au cours de 1986 tous les restes accumulés jusqu'en 1984, le pourcentage de la dépense militaire italienne augmenterait à 3,6%. Ne fut-ce qu'en réduisant l'importance des restes au niveau de 1980 (près de 2 mille milliards) on arriverait à 3,3%. Dans ce cas l'Italie se placerait déjà en tête du groupe des dépenseurs moyens.
Mais cette comparaison reste sans signification si l'on ne considère pas aussi les différentes particularités géostratégiques de chaque pays et les menaces spécifiques qu'ils doivent affronter. Parmi les grands dépenseurs pour la défense de l'Otan nous avons la Grèce et la Turquie. Ces deux pays se trouvent en contact direct avec les pays du Pacte de Varsovie. Entre les deux pays Otan, en plus, les rapports ne sont pas des meilleurs au point qu'ils se considèrent réciproquement menacés. L'influence de ces deux facteurs sur le volume de leurs dépenses militaires respectives ne peut être sous-estimée. En ce qui concerne la Turquie il faut aussi dire qu'il s'agit d'un pays régi par une dictature militaire et que cela a une influence évidente pour maintenir élevées les dépenses pour la défense. Pour les dépenseurs moyens également la menace a son influence sur le volume des dépenses militaires. En particulier l'Allemagne Fédérale, mais aussi la Belgique et les Pays-Bas sont les pays les plus directement menacés
par une invasion possible du Pacte de Varsovie. Il faut rappeler que l'Allemagne Fédérale doit faire front à une agression qui peut se développer tout au long des 700 kilomètres de frontières qui la séparent du bloc soviétique; et il s'agit d'une frontière manquant presque totalement d'obstacles naturels. Le Portugal, autre dépenseur moyen, ne doit pas affronter de menaces de cette portée, mais il s'agit d'un pays qui est sorti dans les dix dernières années d'une longue dictature, qui avait gonflé les dépenses militaires pour garantir sa domination sur les colonies.
Depuis la révolution des capitaines de 1975, les dépenses militaires du Portugal sont graduellement en diminution (de 3,6% à 3,3% du pnb). Un discours fondamentalement différent doit être fait pour les trois autres grands dépenseurs de l'Otan: les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Dans les objectifs de sécurité de ces pays c'est l'aspect de la sécurité internationale qui domine sur celui de la sécurité nationale. Un peu par histoire et beaucoup par vocation, ces pays se sentent appelés à remplir des rôles militaires plus ou moins globaux, c'est-à-dire de sécurité internationale mais accomplis le plus souvent hors du cadre et des structures de l'ONU. La prise de ces rôles militaires globaux se manifeste dans le choix de s'être dotés d'armements nucléaires autonomes et de disposer d'amples capacités de projection de la force au niveau régional ou mondial. L'incidence de ces deux objectifs de sécurité sur le volume des dépenses militaires est significative. Près d'un tiers de la dépense militaire fra
nçaise sert à maintenir et à développer une force de dissuasion nucléaire autonome. Une part analogue est dépensée par la Grande-Bretagne pour ses armes nucléaires. Le coût de certains systèmes d'arme nucléaires est devenu tel que, il y a quelques années, toujours en Grande-Bretagne, le gouvernement a dû choisir entre la construction d'une nouvelle série de sous-marins avec missiles nucléaires et le maintien de la flotte. En ce qui concerne la projection offensive de la force militaire conventionnelle, aussi bien les Etats-Unis que la France et la Grande-Bretagne disposent de bases et de forces placées et qui peuvent être placées dans différentes zones du monde. Aussi bien les Etats-Unis que la Grande-Bretagne disposent de forces armées totalement volontaires, plus coûteuses mais plus fiables pour des interventions extérieures. L'intervention militaire anglaise dans les Falkland-Malouines est une démonstration évidente d'une capacité globale, de même que la vocation africaine de la France s'est exprimée auss
i récemment dans une série d'interventions militaires, surtout en Afrique centrale (Tchad). Il semble inutile de parler de la vocation globale des Etats-Unis, tant elle est connue. Des mêmes vocations globales et régionales se trouvent aussi parmi les pays du Pacte de Varsovie et dans d'autres pays extérieurs aux blocs, mais l'analyse de leurs dépenses militaires nous amèneraient trop loin. Une tendance commune, ressortie avec force dans les vingt dernières années, caractérise (avec des conséquences aussi sur les budgets militaires) les capacités de projection de la force conventionnelle des puissances avec des vocations globales ou régionales. La difficulté toujours plus grande de disposer "librement" des territoires (et en partie aussi des cieux) des autres pays a fait diminuer la possibilité de stationnement stable de troupes à l'étranger. Par conséquent l'effort pour acquérir une capacité de déploiement rapide dans les zones de crise de troupes stationnées sur le territoire national a fortement augmenté.
Que ces interventions soient menées avec des moyens navals (les porte-avions) ou avec des moyens aériens (grands avions de transport ou bombardiers), les coûts de cette capacité de projection offensive sont élevés et incident considérablement sur la dépense militaire.
En analysant la situation de l'Italie il est bon de distinguer entre les données objectives et les données subjectives. Dans les premières il y a le caractère marginal du théâtre militaire par rapport à l'hypothèse d'une invasion des forces du Pacte de Varsovie. A une menace de l'Est inférieure à celle que doivent affronter les pays d'Europe centrale, il faut ajouter l'heureuse situation géostratégique de l'Italie: de la défense naturelle fournie gratuitement par les Alpes à la bande limitée qui peut être utilisée pour une invasion du pays avec des chars (les 60 kilomètres du "seuil de Gorizia"), à la bande de tampon formée par les pays neutres et non allignés (Autriche et Yougoslavie) qui nous séparent d'un contact direct avec le bloc soviétique. Même la menace du Sud, pourtant réelle, est de nature limitée et circonscrite. Sans entrer davantage dans les détails (déjà analysés dans le chapitre précédent) il nous parait possible d'affirmer que, par rapport à la situation objective des menaces, il n'y a aucun
e raison de passer du groupe des moyens à celui des grands dépenseurs pour la défense. L'adhésion de l'Italie au Traité de non prolifération nucléaire nous exempte des coûts énormes de production et de développement des armes nucléaires. En outre notre Constitution ne prévoit pas de rôles militaires de sécurité internationale exercés hors de l'ONU ou d'alliances défensives géographiquement délimitées. La volonté d'augmenter la dépense militaire italienne nous semble donc exprimer une volonté subjective du gouvernement et de la Défense de changer certains fondements de la traditionnelle politique de sécurité. Ceci ne vaut pas tellement pour les sympathies récurrentes pour un armement nucléaire autonome. Ça vaut surtout pour la prise d'un rôle militaire régional autonome, c'est-à-dire pour la vocation méditerranéenne qui s'est enracinée chez les autorités militaires et politiques dans les dix dernières années.
Il n'y a qu'en explicitant ses propres objectifs de sécurité que l'on peut arriver à définir combien il faut dépenser pour la défense. Ainsi la première question sur "combien il faut" met en cause la question tout aussi essentielle "quelle est la sécurité que l'on souhaite obtenir?". Dans ces termes un gouvernement élu dans un régime de démocratie devrait présenter ses demandes d'augmentation du budget militaire, mettant en corrélation des objectifs clairs de sécurité et des donnés qui ne soient pas manipulées. On continue par contre à choisir une autre voie. Comme le remarque l'ancien général Luigi Caligaris, "notre Défense n'a jamais été 'transparente, la pauvreté de consensus a amené à choisir la voie, pragmatiquement ambiguë, de l'accompli et non dit" (28).
La méthode d'analyse développée jusqu'ici pour évaluer politiquement les dépenses militaires et économiquement les objectifs de sécurité doit être aussi appliquée pour les comparaisons avec les pays européens hors des blocs. C'est une juste analyse si l'on prend en considération l'hypothèse que notre pays puisse juger un jour opportun d'accomplir de nouveaux choix de politique et de sécurité. Plusieurs pays européens neutres et non allignés ont dépensé en 1983 pour leur propre défense un pourcentage égal ou inférieur à 2% du pnb. C'est le cas de l'Autriche, de la Finlande, de l'Irlande et de la Suisse (29). La Suède neutre a par contre dépensé pour sa défense 3,2% du pnb, la Yougoslavie non allignée 3,9%. Dans ce cas aussi le contact rapproché ou direct avec le bloc soviétique pousse vers le haut la dépense militaire. Des augmentations ultérieures de la dépense militaire de ces deux pays sont probablement dues à l'impossibilité de partager les coûts de leur propre défense à l'intérieur d'une alliance. Il fau
t de toute façon observer qu'un choix de neutralité militaire de l'Italie pourrait aussi exiger davantage de dépenses militaires que les dépenses actuelles. La neutralité des suédois et des yougoslaves ne sont que deux des choix possibles de neutralisme réalisé. Mais, parmi les Etats neutres et non allignés, ces deux pays jouissent d'une capacité d'autodéfense militaire universellement reconnue et "croyable".
Il faut rappeler, du reste, que l'écart entre la dépense militaire italienne et celle de la Suède, étant donné la tendance actuelle à la hausse de la dépense militaire italienne, pourra même disparaître en quelques années. Il est enfin nécessaire de rappeler, à propos de toute comparaison avec les autres pays, que les coûts économiques de toute politique et de tout choix de sécurité doivent être considérés à la lumière des bénéfices que les anciens et nouveaux choix permettent. Des bénéfices relatifs à la plus grande ou plus petite probabilité de subir une agression adversaire ou d'être entraînés dans un conflit, à la plus grande ou plus petite possibilité de jouer un rôle de stabilisation politique au niveau régional pour la solution pacifique des controverses, aux rapports économiques et politiques plus favorables que les différentes politiques de sécurité permettent avec les différents pays.
NOTES
1. Voir, par exemple, le budget de la Défense (ddl) pour 1985, où au chapitre 1381 ont été imputés 12 milliards plus que prévu.
2. Entre 1979 et 1980 l'ampleur des désastres provoqués par le tremblement de terre en Irpinia et l'impact télévisé de la tragédie de Vermicino [un enfant tombé dans un puits, n.d.r] ont l'effet de produire, peut-être pour la première fois en Italie, la conscience de la nécessité d'un engagement contre les ``catastrophes naturelles'' au niveau de la situation et aux possibilités du pays. La conscience du tragique du problème, de la nécessité de mesures draconiennes et urgentes, du manque total de structures organisées et entraînées spécialement, de la confusion engendrée par plusieurs structures en concurrence entre elles amène les parlementaires à choisir les forces armées comme point fort de l'organisation d'une structure de protection civile. En mars 1981 le parlement vote à l'unanimité l'allocation de 650 milliards pour la ``constitution, l'équipement et l'entraînement d'unités opérationnelles mobiles des Forces armées pour participer à la protection civile et au secours des populations frappées en Itali
e et à l'étranger par des calamités''. La gestion de ces fonds est confiée aux militaires. Dans le bilan de la Défense un nouveau chapitre est ouvert, le 4071, auquel imputer les dépenses soutenues pour la protection civile. Avec les près de 600 milliards à sa disposition pour la protection civile la Défense a réussi à faire produire un seul système sophistiqué: un module anti-incendie de l'Aeritalia, monté depuis 1982 sur les G-222 mis à disposition de la Protection civile. Avec l'argent restant les forces armées ont résolu différents problèmes, qui n'ont cependant rien à voir avec la protection civile. Les données qui suivent ont été tirées des procès-verbaux des comités gouvernementaux de contrôle sur les commandes militaires. Avec les fonds du chap.4071 l'Aviation a acheté 16 appareils IFF à installer sur 16 des 21 hélicoptères achetés pour la protection civile. Les IFF ("Identification Friend or Foe", Identification ami ou ennemi) sont, et leur nom lui-même l'indique, des appareils électroniques qui per
mettent d'identifier les avions amis et d'éviter dès lors de les abattre par erreur. Des systèmes d'arme identiques ont été montés sur les Tornado et sur les MB-339. Le coût des hélicoptères et des appareils IFF relatifs est d'environ 80 milliards. Toujours avec les fonds du chap. 4071 l'Aviation a payé les coûts de recherche, développement et production des deux premiers exemplaires du MRCS-403. Il s'agit d'un appareil produit par la Selenia qui intègre un radar à deux dimensions avec un tridimensionnel: un système d'arme étudié spécialement pour améliorer la défense antiaérienne à moyenne et basse altitude. Une des qualités militaires plus publicités du MRCS-403 est sa capacité de résistance dans des milieux brouillés électroniquement. La Défense avait en effet senti depuis longtemps la nécessité d'un radar capable de combattre la guerre électronique. Comme l'explique le bilan de la Défense de 1986, le projet du MRCS-403 était ``un projet de recherche et développement (AM 82) financé dans les années 70 par
l'Administration de la Défense''. Un radar tellement guerrier que deux autres MRCS-403 ont été commandés à la Selenia, en imputant cette fois la dépense au chapitre pour les achats d'armements. Le coût des deux premiers MRCS-403 est de 35 milliards. La Marine a acheté avec le chap. 4071 deux MAS (Vedettes appui chasseurs sous-marins) qui sont de moyens de support pour les groupes d'incursion de la Marine, peu adaptés à l'emploi contre des calamités qui frappent des collectivités. Coût: cinq milliards. Cent milliards l'une coûtent par contre les deux plate-formes pour unités LPD que la Marine voulait acheter depuis longtemps et pour lesquelles sont en train de travailler les Chantiers Navals Réunis de Gênes. Les unités LPD, comme nous l'explique l'"Almanacco Navale 1983-84", sont des ``unités d'attaque amphibie''. Deux sont les systèmes d'artillerie à installer sur les plate-formes des unités LPD commandées par la Marine à la société Elsag en mars 1984. Une des deux plate-formes LPD, que certains journaliste
s ont défini inconsidérément ``le vaisseau amiral de la protection civile'', est financée avec le chap. 4071. La Marine et l'Armée, toujours avec les fonds du chap. 4071, ont aussi résolu le problème des pièces de rechange de leur parc hélicoptères, qui comprend des hélicoptères de combat et de transport de types différents, parmi lesquels la version anti sous-marins AB-212-AS. L'Armée n'est pas en reste. Elle a commandé à l'Agusta six hélicoptères AB-412 avec leur système lance-roquettes multitubes MX-156 déjà installé, contrat payé à 96% avec le chap. 4071 et le reste avec des chapitres pour armements. Coût du contrat: 46 milliards. Toujours l'Armée a acheté des camions semi-remorque FIAT-81, utilisés normalement pour le transport de chars, et d'autres camions pour un total de 36 milliards. aussi bien le Parti radical que 'Democrazia proletaria' ont adressé des mémoires à la Magistrature pour qu'elle enquête sur la correction des actes militaires intéressés à ces décisions.
3. MINISTERE DE LA DEFENSE, "La Défense. Livre blanc 1985", vol. 1, Rome, 1984, p. 65
4. "Ibidem", p. 65.
5. Cf. par exemple la définition de ``défense nationale'' du Département de la défense et du Bureau de gestion et bilan ("Office of Management and Budget") du Congrès américain, citée par le Sipri (Stockholm International Peace Research Institute), dans "SIPRI Yearbook 1985", Taylor Francis, London and Philadelphia, 1985, p. 241, note à: ``Défense nationale: une idée plus large uniquement des activités du Département de la défense, qui incluent des activités militaires financées hors du bilan de la Défense, comme la planification, l'expérimentation et la production des armes nucléaires (bilan du Département pour l'énergie) et les constructions militaires''.
6. Cf. MINISTERE DE LA DEFENSE, "op. cit.", vol. 1, p. 54, où on lit: ``Parmi les forces terrestres opérationnelles il faut considérer l'Arme des Carabiniers. L'accomplissement des tâches opérationnelles de l'Arme est confié aujourd'hui en premier lieu aux bataillons Carabiniers 70 et 130, qui... font partie de la coalition défensive dans l'échiquier Nord-Est. La défense du territoire représente un aspect fondamental de la contribution militaire de l'Arme qui y participe avec les forces déjà existantes en temps de paix, avec les unités préposées aux grandes unités de l'Armée et avec les unités qui doivent être constituées lors d'une urgence. Parmi les forces existantes, l'organisation territoriale, avec le support des composantes aériennes et navales, apparait irremplaçable pour l'action indispensable d'observation et de renseignement. A ses côtés, les bataillons de la 11ième brigade et le bataillon parachutistes, particulièrement entraînés à l'action anti-parachutistes, anti-débarquement par avion et anti-g
uérilla. Les forces à mobiliser comprennent les unités mobiles (100% Carabiniers), avec des fonctions de première intervention lors d'actions de contre-guérilla et de défense mobile, ainsi que les compagnies de sécurité (25% Carabiniers) pour la protection d'objectifs sensibles''.
7. L'Irdisp a élaboré une banque de donnés sur les chapitres de dépense de la Défense. Nous rapportons ci-après la liste des chapitres qui forment les catégories Irdisp du sous-ensemble ``défense nationale'' du bilan.
Personnel: chap. 1381, 1382, 1401, 1412, 1414, 1452, 1454, 1482, 1484, 1008, 1415, 1416, 1417, 1420, 1421, 1422, 1455, 1456, 1457, 1485, 1486, 1487, 1383, 1384, 1400, 1405, 1460, 1599, 1051, 1052, 1053, 1054, 1402, 1404, 1504, 1403, 1073, 1123, 1124, 1178, 3202, 3203, 3204, 3205, 3209, 1175, 1406, 1419, 1459, 1489, 2503, 2507, 3101, 2501, 2502, 2508, 3001, 3003, 2105, 2106, 2807, 1078, 1500, 1503, 1505, 7002, 1171, 1172, 1173, 3201, 3206, 3208, 2803, 2806, 7001, 8001, 8052, 1001, 1002, 1003, 1004, 1598, 1601, 1602, 1607, 1600, 1005, 1006, 1603, 1604, 1605, 1082, 1606, 1615, 1616, 1672, 1673, 1674, 1675, 1701, 3002, 3207.
Administration et services: chap. 1070, 1071, 1074, 1081, 1086, 1087, 1088, 1089, 1090, 1091, 1092, 1096, 1097, 1104, 1107, 1130, 2512, 1072, 1075, 1077, 1079, 1084, 1085, 1095, 1106, 1121, 1122, 1174, 1083, 1103, 1169, 1176, 1179, 1844, 1094, 1100, 2505, 3004, 4004, 1099, 1506, 1180, 1181, 1241, 1242, 1243, 1244, 1245, 1098, 1105, 1170, 1671, 1842.
Contributions pour accords internationaux: chap. 1168, 4001, 1076, 1108.
Infrastructures et carburants: chap. 1836, 1837, 1843, 1878, 2802, 2809, 4005, 2808, 2103, 2104, 2107, 2509, 2510, 2511.
Armes: chap. 1802, 2101, 2102, 4011, 1832, 1833, 1834, 1835, 1838, 1839, 1840, 1841, 1951, 4031, 1872, 1874, 1875, 1877, 2000, 2001, 2002, 4051, 2804, 2805, 1080, 4002, 7010, 7052, 4071.
Services civils: chap. 1109, 1177, 8152, 2003, 7231, 7233, 8101, 4006.
8. Loi n. 57 de 1975, ``Construction et modernisation des moyens navals de la Marine Militaire''; loi n. 38 de 1977, ``Modernisation des moyens de l'Aviation Militaire''; loi n. 372 de 1977, ``Modernisation, armements, matériel, appareils et moyens de l'Armée''.
9. MINISTERE DE LA DEFENSE, "op. cit.", vol. 1, p. 67.
10. "Ibidem", p. 67.
11. AP, Sénat de la République, 9ième législature, documents, ``Projet de loi, Budget de l'Etat..., tableau n. 12, Etat de prévision du Ministère de la défense pour l'année financière 1986'', p. 285.
12. Dans le cas du programme relatif au missile MILAN les dépenses soutenues de 1981 à 1983 rapportées dans le pdl pour 1984 s'élèvent à 104,964 milliards de lires et dans le pdl pour 1985 deviennent 199,7; dans le cas des chars auxiliaires les dépenses soutenues de 1977 à 1983 rapportées dans le pdl pour 1985 s'élèvent à 137,4 milliards de lires et dans le pdl pour 1986 deviennent 174,192; dans le cas du VCC1 les dépenses soutenues de 1977 à 1983 rapportées dans le pdl pour 1984 s'élèvent à 49,9 milliards de lires et dans le pdl pour 1985 deviennent 20,7.
13. Le point 8 du programme de réarmement de l'Armée, ``chars de combat Léopard'', avait été séparé dans les pdl passés dans la dépense concernant l'achat de ce système d'arme et dans celle concernant le système d'avancement et de tir (amélioration du char Léopard), mais dans l'état de prévision pour 1986 cette distinction a disparu.
14. Les coûts de support logistique et des systèmes intégratifs relatifs aux systèmes d'arme de la Marine changent avec une facilité extrême. Les coûts de support logistique de l'unité de débarquement (LPD) restent invisibles jusqu'en 1984, ensuite dans le pdl 1985, ils deviennent de 10 milliards. Le support logistique des Contre-Torpilleurs, qui était de 90 milliards dans le pdl 1984 et de 100 dans le pdl 1985, disparaît dans le pdl 1986. Pour les dragueurs de mines dans aucun pdl ne sont indiqués les coûts du support logistique, ils apparaîtront peut-être l'année prochaine. Pour les autres navires (hydrofoil, croiseurs, corvettes) les coûts de support logistique flottent d'année en année, vers le bas et (plus souvent) vers le haut, comme s'ils étaient le jouet des flots.
15. MINISTERE DE LA DEFENSE, "op. cit.", vol. 1, p. 70.
16. Cf. "SIPRI Yearbook 1983", London, Taylor Francis, 1983, pp. 195-211.
17. "Ibidem", p. 200.
18. "Ibidem", p. 196.
19. Cf. GRAZIOLA G., ``Les politiques de dépense du Ministère de la Défense'', "L'industria", avril-juin 1984, p. 259, note 15.
20. "SIPRI Yearbook 1983", "op. cit.", p. 200.
21. Cf. GRAZIOLA G., "op. cit.", p. 259, nota 15.
22. Cf. en particulier l'enquête en quatre parties ``Billions for Defense, US Military Spending'', consacrée par l'International Herald Tribune" au problème du contrôle sur les dépenses militaires américaines en 1985 (B. Keller, 22 mai; J. Gerth, 23 mai; S.V. Roberts, 24 mai; C. Mohr, 25-26 mai). Cf. aussi S. Dentzer et autres, ``How the Pentagon Spends its Billions'', "Newsweek", 11 fév. 1985; J. Conant, ``Scandal on the Supply Side'', "Newsweek", 5 août 1985. Une enquête intéressante sur les différentes mesures de contrôle sur les commandes militaires mises en place dans différents pays occidentaux a été menée par R. Atkinson et F. Hiatt, ``Weapons Buying: A Better Way?'', "International Herald Tribune", 10 juillet 1985. L'enquête décrit les mesures draconiennes prises par les Etats-Unis, la Grande-bretagne, la France, l'Allemagne Fédérale et d'autres pays pour accroître le contrôle dans ce secteur..
23. Cf. ``Spadolini avvia una immediata e rigorosa indagine dopo la denuncia radicale di `sprechi' della Difesa'', "Corriere de la Sera", 22 sep. 1985.
24. SPADOLINI G., "Note additionnelle à l'état de prévision pour la Défense" (années 1985 et 1986), Ministère de la défense, Rome. La Note pour 1986 a été présentée par le ministre Spadolini au parlement en octobre 1985, avec le budget 1986.
25. MINISTERE DE LA DEFENSE, "op. cit.", vol. 1, p. 71.
26. Cf. CICCIOMESSERE R., "L'Italia armata. Rapporto sul Ministère de la guerra", Gammalibri, Milan, 1982; DE ANDREIS M., "Le armi della Repubblica", Gammalibri, Milan, 1983.
27. Rapport écrit sur le budget de la Défense pour 1986 présenté par Giovanni Spadolini aux parlementaires de la Commission défense de la Chambre.
28. "Corriere de la Sera", 13 déc. 1985.
29. Cf. "SIPRI Yearbook 1985", "op. cit.", p. 281.