SOMMAIRE: Le communiqué de la Coordination dite Anti-mafia prouve que sur la lutte contre la mafia "un pouvoir est en train de se fonder ou s'est même déjà fondé qui ne permet ni le doute, ni la dissension, ni la critique". Comme en 1927. En effet, la Coordination a critiqué avec véhémence son article précédent (du 10 janvier) qui n'était qu'"un rappel aux règles, aux lois de l'Etat et à la Constitution". Quant au juge Borsellino, les critiques soulevées ne concernaient pas sa compétence, mais "les modalités de sa nomination", qui sont parues "inquiétantes". Pour éviter des équivoques, l'auteur cite enfin le jugement d'un procès instruit justement par Borsellino, en Cour d'Assise à Palerme: un jugement avec lequel ont été acquittés des inculpés pour des raisons qu'aucune personne honnête et intelligente ne refuserait d'approuver".

(CORRIERE DELLA SERA, 14 janvier 1987)

Le communiqué de la Coordination dite Anti-mafia est la preuve exacte que sur la lutte contre la mafia un pouvoir est en train de se fonder ou s'est même déjà fondé qui ne permet ni le doute, ni la dissension, ni la critique. Exactement comme en 1927.

Dans mon article du samedi 10 janvier, il n'y avait en effet qu'un rappel aux règles, aux lois de l'Etat, à la Constitution de la République: et cette soi-disant Coordination - frange fanatique et stupide de ce pouvoir en constitution ou constitué - répond avec une véhémence qui rend encore plus fondées mes craintes, ma dénonciation. J'en suis satisfait: ils se sont livrés à l'opinion de ceux qui savent avoir une opinion, sous leur vrai jour. Et il est clair que ce n'est pas d'eux ni de ceux qui sont derrière eux - et on en reconnait (pour ainsi dire) le style - que viendra une lutte radicale contre la mafia. Ils aiment la "tension", et ils font en sorte qu'elle ne baisse pas. Mais les tensions sont justement destinées à baisser: et surtout lorsqu'elles obéissent à des jeux de faction et qu'elles visent à l'obtention d'un pouvoir. Quant au juge Borsellino, je n'ai pas mis en discussion sa compétence, qui peut sans doute faire l'objet d'une discussion pour ses collègues; ce sont les modalités de sa nomination

qui me sont apparues et qui m'apparaissent inquiétantes. Et c'est justement dans le jugement d'un procès qui a été précisément instruit me semble-t-il par le juge Borsellino, jugement prononcé par la Cour d'assises de Palerme, seconde session, le 10 novembre de l'année dernière, que je trouve la meilleure raison pour qu'on ne satisfasse pas les intentions de la soi-disant Coordination.

Un jugement qui a acquitté les accusés et dans lequel on lit à un certain point: "On ne peut permettre au juge de bouleverser les règles probatoires qui ne doivent être appliquées qu'au procès contre la mafia; un contrôle sérieux et rigoureux de tous les éléments du délit est toujours nécessaire: les preuves doivent assumer un caractère de certitude et les indices doivent être concordants et univoques; il n'y a dans le procès criminel ni de simples soupçons ni d'opinions générales. La lutte concrète contre le crime ne pourra être faite qu'avec l'utilisation sérieuse des instruments normatifs." Des mots qu'à mon avis aucune personne honnête et intelligente ne refuserait d'approuver.

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N.d.T

SCIASCIA LEONARDO. (Racalmuto 1921 - Palerme 1990). Ecrivain, auteur de romans célèbres ("Le parrocchie di Regalpetra", 1956; "Il giorno della Civetta", 1961; Todo modo, 1974), mais connu aussi comme polémiste, participant de la vie civile italienne pendant vingt ans au moins. Il fut aussi député radical pendant une législature, intervenant de manière énergique dans les batailles pour les droits civils (affaire Tortora, etc).