de Guido Quaranta(L'ESPRESSO, 25 janvier 1987)
SOMMAIRE: L'objectif des dix mille inscriptions fixé pour 1986 ayant été atteint et en vue de la nouvelle échéance du 31 janvier, le leader radical indique espoir et objectifs de son parti. Et il relance l'idée de listes électorales qui iraient des libéraux aux Verts.
Ils avaient menacé de se dissoudre s'ils n'avaient pas augmenté leur nombre d'inscrits avant la fin de l'année. Maintenant, pour le consolider, ils se sont donné une autre échéance, le 31 janvier. Mais, une fois réalisé ce nouvel objectif, quels sont les programmes que les radicaux méditent pour l'après? "L'Espresso" en a parlé avec le leader du parti, Marco Pannella (ont participé à cet entretien: Giovanni Valentini, directeur du journal; Maurizio De Luca, sous-directeur; Pietro Calderoni, Francesco De Vito et Guido Quaranta).
"L'ESPRESSO. Commençons par votre campagne pour la survie. Pourquoi, pour survivre, avez-vous dû menacer de vous suicider? C'est un fait pathologique, un signal, qu'est-ce que ça représente?"
PANNELLA. "Le mot suicide est impropre, il concerne des choses plutôt sacrées, comme la vie ou la mort, alors que nous sommes une association volontaire qui agit selon la Constitution et les normes, sur les sociétés de fait; nous sommes une "entreprise" politique qui a constaté ne plus pouvoir garantir l'essentiel de la moralité politique, c'est à dire qu'elle ne peut plus légiférer.
Nous nous sommes toujours fait un honneur d'être une force politique qui, sans mentir et sans leurrer par des promesses, savait dire aux gens: "si vous nous faites confiance, on obtiendra ça"; et je voudrais rappeler que nous sommes à peu près les seuls à avoir changé le droit positif de notre pays: par le vote à dix-huit ans, en introduisant le divorce et l'avortement, en réformant le droit de la famille, les tribunaux militaires et ainsi de suite. A un certain point, nous nous sommes rendus compte que le système démocratique s'était tellement pétrifié ou, mieux, putréfié, qu'il ne permettait plus ce "connaître pour délibérer" qui est le fondement même de la démocratie. Ainsi, l'année dernière nous nous sommes réunis en congrès et nous avons dit: "si les choses ne changent pas, il est impossible de poursuivre, mieux vaut dissoudre notre société". Je ne vois pas quoi que ce soit d'excessif ou qui ai trait à un chantage dans tout ça".
"L'ESPRESSO. Votre campagne est désormais dans la dernière ligne droite. Etes-vous satisfaits des résultats obtenus ou vous attendiez-vous à mieux?"
PANNELLA. "Avant la fin du mois nous devons arriver à 5000 nouveaux inscrits. Jusqu'aujourd'hui, lundi 12 janvier, il en manque 1.970. Il est probable qu'on y arrive. Ca dépend des gens".
"L'ESPRESSO. Mais quel sens cela a-t-il pour votre parti d'attribuer cette valeur aux chiffres: auparavant, vous aviez parlé de dix mille inscrits avant fin 86, maintenant c'est 5000, à atteindre avant fin janvier..."
PANNELLA. "L'été dernier, quand nous n'étions encore que 2000 inscrits, nous disions: "Si au congrès de novembre nous arrivions, par exemple, à dix mille inscrits, nous devrions nous imposer d'essayer de résister pendant un an. Mais nous n'y arriverons jamais". Voilà, le chiffre des 10.000 inscrits est né comme cela, comme un ordre de grandeur. Au congrès, nous étions quatre mille: notre force avait doublé en quelques semaines; telle semblait être la tendance. Ensuite, au cours des trois journées de congrès, nous avons même atteint niveau 5.000; et la qualité "scandaleuse" des nouvelles adhésions, sous tous les points de vue, outre la façon dont elles nous étaient parvenues, nous a convaincu qu'il n'aurait pas été honnête, ni intellectuellement ni politiquement, de faire semblant de rien, d'en ignorer le sens et la valeur.
Pour vérifier aussi si cette augmentation était éprouvée, nous nous posâmes également l'autre objectif, celui
des cinq mille inscrits 1987, avant fin janvier. Si nous y arriverons, nous convoquerons un nouveau congrès pour analyser, entre autres, ce que représentent ces inscrits en plus, ce nouveau parti. Moi je crois qu'ils aient une grande homogénéité. Jamais le parti n'a été autant radical que maintenant".
"L'ESPRESSO. Avec ces nouveaux inscrits en plus, assisterons-nous à une expansion de la force militante de votre parti?"
PANNELLA. "J'ai l'impression que par ces nouveaux inscrits, la qualité et la rigueur du patrimoine radical se soient sensiblement enrichis. Aujourd'hui plus que jamais, nous pouvons être une "bombe non-violente", gandhienne. D'autre part, j'ai toujours considéré que plus la quantité d'une force politique est importante, meilleure peut être sa qualité".
"L'ESPRESSO. Cependant, cela vaut aussi pour les partis de masse, pour la Démocratie Chrétienne, pour le Parti communiste..."
PANNELLA. "Ca devrait... Mais ils ont fait preuve d'incapacités extraordinaires. En 1970, ils avaient 11 millions de personnes derrière eux et ils ne comprenaient pas que la majorité de l'Italie était pour le divorce: dix jours avant le referendum abrogatif (1) Enrico Berlinguer (2) fit le pari que nous l'aurions perdu ou que nous l'aurions gagné avec un pour-cent en plus".
"L'ESPRESSO. D'après vous, dans cette multiplicité d'adhésions recueillies, n'y-a-t-il pas surtout la reconnaissance, du reste juste, de la nécessité que votre parti ne disparaisse pas?"
PANNELLA. "C'est certain. Mais il y a aussi la reconnaissance que notre parti a souvent été le premier, par la qualité et l'opportunité de ce que nous avons poursuivi".
"L'ESPRESSO. Et maintenant, quelle politique proposerez-vous à vos inscrits?"
PANNELLA. "Nous avons toujours prouvé que nous étions des gens très sages, même quand nous avons été considérés comme des fous. Dorénavant, nous proposerons des folies encore plus bouleversantes, des choses encore plus "scandaleusement" sages: moi je suis fier, par exemple, d'avoir formellement indiqué Aurelio Peccei (3) comme président du Conseil. Il avait fait une prévision exacte des immenses dangers écologiques et économiques qui nous menacent aujourd'hui.
"Il pourrait probablement arriver que nous proposions comme commissaire de la CEE ou comme premier ministre des Etats Unis d'Europe, Haroun Tazieff, le fameux vulcanologue, d'après qui une grande partie de l'Europe se trouve depuis deux ans exposée au danger du plus grave tremblement de terre des derniers millénaires. Et je n'exclus pas, enfin, que le parti soit également capable de commencer à dire que la défense européenne doit avoir la priorité sur la défense nationale, en convertissant radicalement les moyens et les stratégies de celle-ci".
"L'ESPRESSO. Ce qu'on ne réussit pas à comprendre encore bien, c'est ce qui unifie les nouveaux inscrits du parti radical..."
PANNELLA. "Nous devrons le comprendre ensemble. Malheureusement, aucun des nombreux sociologues italiens qui, comme Francesco Alberoni, s'occupent de tout, ne nous a aidé au cours de ces derniers mois à le comprendre. Même moi, certaines fois, je me demande ce qu'ont en commun Giuseppe Piromalli (4) et Elena Croce, Rita Levi Montalcini (5) et Vincenzo Andraus. C'est l'histoire radicale..."
"L'ESPRESSO. Et ce qu'il y a en commun entre Pannella et Cicciolina (6)..."
PANNELLA. "Ça on peut encore le comprendre, ça ne surprend personne: nous sommes deux personnages excentriques, soupçonnés de marchander, d'une façon plus ou moins provocatrice, corps ou sentiments".
"L'ESPRESSO. Peut-on considérer d'être désormais passés de la saison des batailles pour les droits civils, à celle de l'engagement écologique?"
PANNELLA. "La lutte pour le droit humain et civil à la nature, à l'environnement, à la ville, a toujours fait partie de notre histoire. En mars 1956, j'ai tenu un meeting pour la fermeture du centre historique de Rome: il y a trente ans de cela".
"L'ESPRESSO. Est-il pensable qu'un parti des Verts puisse naître, ou bien les radicaux considèrent-ils pouvoir les représenter politiquement?"
PANNELLA. "Nous avons toujours combattu contre celui qui, à l'intérieur ou hors du parti, soutenait cette seconde hypothèse. Il faut deux types d'organisation, les radicaux et les Verts. Les radicaux doivent s'occuper des lois pour l'environnement au niveau international, les Verts doivent s'en occuper directement au niveau du territoire".
"L'ESPRESSO. Comment expliquer que les radicaux ne soient pas très sensibles aux problèmes de la paix et du nucléaire militaire?"
PANNELLA. "Depuis 1966, nous avons toujours dit que le véritable problème n'est pas le problème rustre du pacifisme du "Day after", mais bien celui de la reconversion des structures militaires en structures civiles. Déjà alors, nous parlions d'affirmation et non pas d'objection de conscience. Nous ne sommes pas des pacifistes des années Trente, culturellement responsables de connivence avec Mussolini et Hitler: nous sommes non-violents, gandhiens, non neutralistes. D'autre part, quand au cours des années Soixante, nous faisions nos marches non-violentes, les communistes se moquaient de nous: maintenant se sont eux, Luciana Castellina en tête, qui marchent. Mais les objectifs continuent encore à manquer."
"L'ESPRESSO. Comment se fait-il que dans la lutte contre la faim dans le monde, le démocrate-chrétien Flaminio Piccoli (7) ne vous dérange pas et que, sur les problèmes de la paix, Luciana Castellina bien?"
PANNELLA. "Parce que nous savions que les "Marches sur Comiso" (8) servaient à faire passer au Parlement les budgets de la Défense du ministre Lagorio (9) avec la connivence du Pci et nous disions que s'il fallait vraiment la faire, c'était de Comiso à Rome. Et puis je considère aberrant de faire descendre dans les rues les jeunes des écoles, génération après génération, par la peur d'une possible mort atomique de demain mais de ne rien faire face aux quarante millions d'assassinés chaque année par l'arme alimentaire et qui par contre peuvent être sauvés."
"L'ESPRESSO. D'après vous, l'augmentation des inscrits amènera-t-elle aussi plus de votes à votre parti?"
PANNELLA. "Je pense que oui, même si la chose ne m'intéresse pas beaucoup: nous sommes un parti qui de 2000 est en train de sauter à 10.000 inscrits, le seul en Occident qui compte 3 Prix Nobel, des ministres de 4 pays, une liste impressionnante de personnalités, d'ex-terroristes, de condamnés à perpétuité, aujourd'hui engagés dans l'activisme non-violent et pour la démocratie politique, et qui en assumeront peut-être la leadership depuis leurs cellules.
"Puis après, si l'on parle de consultations électorales, j'ai proposé des listes sénatoriales qui réunissent Pli (10) et Verts: j'ai lancé cette proposition en décembre dernier et le vice-sécrétaire du Psi, Claudio Martelli, l'a tout de suite accueillie et relancée. Si les forces laïques, socialistes et libérales se rassemblaient, le nombre de sénateurs élus passerait de 63 à 83".
"L'ESPRESSO. Mais de cette façon, de parti d'opposition, les radicaux deviendrait un parti de la majorité gouvernementale."
PANNELLA. "Non. Nous nous sommes toujours fait un honneur de savoir être le parti d'opposition aux oppositions existantes."
"L'ESPRESSO. Mais si vous vous présentez avec des candidats de la majorité, vous entrez dans la majorité!"
PANNELLA. "La Ligue Italienne pour le Divorce nous la fîmes avec le libéral Antonio Baslini et le socialiste Loris Fortuna et moi je ne suis entré nulle part. Ou, mieux, nous tentâmes et nous tentons toujours de constituer de nouvelles majorités à partir de nos idées et non pas à partir de celles des autres, de celles du Pci."
"L'ESPRESSO. Mais à cette époque, les radicaux ne siégeaient pas au Parlement!"
PANNELLA. "Et alors? Il y avait les libéraux et les socialistes et pas les indépendants de gauche. Nous sommes avec qui en est, c'est notre critère."
"L'ESPRESSO. Alors vous vous mettriez sur une liste au côté, mettons, du sénateur social-démocrate Dante Schietroma?"
PANNELLA. "Très volontiers. Le problème est politique. Le social-démocrate Schietroma est certainement moins "dangereux" que le sénateur communiste Ugo Pecchioli qui lui, les radicaux, il les enverrait ... à la maison."
"L'ESPRESSO. Ce n'est pas un problème d'hommes, c'est un problème d'affinités politiques..."
PANNELLA. "Faut-il vraiment rappeler que la première victoire civile en Italie, celle du divorce, passa en 1970 grâce à l'alliance avec les socialistes et les libéraux? Et que pour arriver, quatre ans après, à la seconde, celle du referendum, nous dûmes vaincre la résistance du Pci, et non pas l'Eglise?"
"L'ESPRESSO. Mais alors dites que vous êtes avec la majorité!"
PANNELLA. "Je dis que depuis 1946 le quotient réactionnaire, populiste, illibéral, anti-état de droit, est souvent majeur dans les oppositions que dans la majorité. C'était la conviction de Pannunzio, d'Ernesto Rossi (11), d'Arrigo Benedetti (12): ça reste la nôtre. Quand nous proposâmes le referendum sur la loi Reale (13) le Pci fut plus "fasciste" que le Mouvement social (14). A l'époque des lois Cossiga, nous avions le Msi comme allié contre l'aggravation du code Rocco (15). En 1977, quand nous fîmes une bataille contre le nucléaire, ce fut le Pci, avec son responsable d'alors Andrea Margheri, qui fut pendant trois ans à la tête de la coalition pro-nucléaire, et non pas les partis "bourgeois" qui hésitaient sur des positions contradictoires. Et puis, je le répète, nous faisons les batailles avec ceux qui en sont".
"L'ESPRESSO. Mais le ministre libéral de l'Industrie, Valerio Zanone (16), est plus pro-nucléaire que le secrétaire communiste Alessandro Natta (17)."
PANNELLA. "C'est vous qui le dites. Moi je fais plus confiance à Zanone qu'à Natta. Natta a proposé un dangereux referendum consultatif sans même dire quel sera l'attitude de son parti à ce sujet."
"L'ESPRESSO. Où pensez-vous arriver avec des candidatures communes de genre?"
PANNELLA. "A corriger les effets d'un système électoral qui nous pénalise, au maximum de présence de forces politiques ouvertes à ce que nous considérons nécessaire depuis vingt ans: une option de type anglo-saxon de notre démocratie politique. Pardon si c'est peu."
"L'ESPRESSO. Voilà peu on a dit que les radicaux s'allient avec celui qui appuie leurs batailles et le nom de Piccoli a été cité: la fin justifie-t-elle selon vous les moyens?"
PANNELLA. "Selon nous, au contraire, les moyens préfigurent la fin. Pendant des années nous n'avons rencontré dans cette lutte que l'Eglise et Jean Paul II. Pour obtenir la signature de Piccoli sur la loi contre la faim dans le monde, nous ne mîmes absolument aucune eau dans notre vin et, au contraire, nous avons durci notre bataille: une véritable "campagne d'Afrique", la dernière, capable, certes, de révolutionner les équilibres politiques de ce continent, mais visant à abaisser définitivement les taux de mortalité qui le caractérisent. Si ce n'est que le Pci et les intéressés au vieux système envoyèrent tout en l'air et que la loi livrée au pauvre et honnête Francesco Forte était une parodie de la loi Piccoli, une chose grotesque. Nous déclarâmes à la Chambre notre divergence. Du reste, aurions-nous peut-être mis de l'eau dans nos demandes de référendum sur la justice plus juste, pour nous allier avec les socialistes et avec les libéraux?"
"L'ESPRESSO. Sur le soi-disant "paquet Rognoni" pour la justice, êtes-vous d'accord ou non?"
PANNELLA. "Au cours des vingt derniers jours nous avons attaqué le ministre Rognoni (18) au moins une vingtaine de fois, une fois par jour."
"L'ESPRESSO. Mais comment faites-vous alors pour présenter des candidats avec qui est au gouvernement, avec Rognoni?"
PANNELLA. "La démocratie est le choix du meilleur possible: nous ne pouvons pas ne pas faire confiance à ceux qui, comme les socialistes et les libéraux, ont recueilli les signatures sur les referendums avec nous, en recevant du reste des pelletées d'insultes des corporations de magistrats contrôlées depuis longtemps par des milieux catho-communistes."
"L'ESPRESSO. A propos des problèmes de la justice: ne croyez-vous pas que l'hypothèse tant discutée de compensation économique de la part des juges qui se trompent, pourrait bloquer l'activité de la magistrature, en poussant certains d'entre eux à ne plus mener d'enquêtes délicates ou dangereuses?"
PANNELLA. "Dans la mesure même où un ingénieur refuse de faire de grandes digues, des chirurgiens des opérations importantes ou à risques... Non. D'autre part la Cour Constitutionnelle, depuis 1968, prescrit que tous les fonctionnaires publics, même les juges, doivent d'une certaine façon, quand ils se trompent, répondre civilement."
"L'ESPRESSO. Vous êtes vraiment convaincu qu'un juge comme Carlo Palermo affronterait à nouveau une enquête délicate, non seulement du point de vue technique mais également du point de vue politique, comme celle sur le trafic d'armes, au cours de laquelle il fit même le nom de Bettino Craxi (19)?"
PANNELLA. "Oui, certes. Mais je suis également convaincu qu'il serait plus attentif à ne pas commettre ces graves erreurs qu'il a commises, à en entendre ses collègues du Conseil Supérieur de la Magistrature."
"L'ESPRESSO. Revenons aux affaires politiques. De la façon dont vous parlez du Pci, on dirait que les pannes de notre pays proviennent d'un gouvernement à direction communiste et non pas de ces partis qui sont au pouvoir depuis de nombreuses années..."
PANNELLA. "Le seul véritable parti de pouvoir qui existe aujourd'hui en Italie, est le parti communiste: en effet les lois qui passent au Parlement sont celles que veut le Pci ou bien celles que le Pci fait passer en accord avec les démo-chrétiens ou les "missini" (20), et grâce au soutien des "incappucciati", c'est à dire des francs-tireurs. La Démocratie chrétienne? C'est une grande marmelade, mais à l'occidentale, contradictoire, plus ouverte parfois. Du reste, ça n'a jamais été la Dc mais le Pci qui a sauvé Giulio Andreotti. Ceci dit, expliquez-moi quelle espèce d'anticommuniste peut être celui qui lutte pour introduire le système uninominal en Italie aussi!"
"L'ESPRESSO. Il y a quelques jours le secrétaire social-démocrate Franco Nicolazzi a fait l'hypothèse d'une alliance électorale, et même d'une alliance réformiste qui, d'une certaine façon, vous regarde aussi. Qu'en pensez-vous?"
PANNELLA. "J'ai dit à Nicolazzi que quand il parle de nous, il utilise une prose à la Carolina Invernizio (21); il nous dépeint par exemple comme des "fils du péché": mais laissons tomber, la littérature populaire du 19· siècle ne me déplaît pas. Et l'hypothèse d'une alliance électorale au Sénat c'est nous qui l'avons faite. Autrement pour élire un radical il faut 700.000 voix, et pour élire un démo-chrétien 80.000 suffisent. C'est un problème dont nous avons déjà discuté auparavant".
"L'ESPRESSO. Nombreux sont ceux qui ont la sensation qu'il n'y a pas de place dans votre parti pour les opposants internes: ceux qui n'étaient pas d'accord ont de suite été mis à la marge."
PANNELLA. "Au contraire. Il s'agit de personnes dont les noms apparaissaient, ponctuellement, sur les premières pages des journaux, à la veille de nos congrès, pour faire quelques dénonciations et ils ont eu un moment de célébrité: aucun d'entre eux n'est aujourd'hui présent, et je ne parle pas de la vie politique mais même de la vie civile. Ca voudra quand même dire quelque chose."
"L'ESPRESSO. Pour l'opinion publique, l'arrivée d'Enzo Tortora (22) à la Tv représente un succès des radicaux: êtes-vous d'accord?"
PANNELLA. "Les gens seront sans doute contents que Tortora revienne à "Portobello" (23). Je le lui ai moi-même conseillé pendant deux ans. Mais personne ne pense que Tortora va aller occuper un poste de responsabilité à la Rai: ce sont des conneries, pas les nôtres ni celles des gens."
"L'ESPRESSO. Vous avez toujours demonisé les médias et vous leur attribuez un pouvoir énorme. Presse et Tv ne vous ont toutefois pas empêché d'obtenir le succès que vous avez recueilli ces dernières semaines. Il ne vous paraît pas juste de repenser vos rapports avec le monde de l'information?"
PANNELLA. " Je suis d'accord qu'il ne faut pas surévaluer le pouvoir des médias quand ils essayent par exemple d'imposer Coca-Cola au dépens de Pepsi-Cola, ou vice-versa. Mais pour empêcher, suffoquer, pour ne pas faire savoir, pour détruire, ce sont des instruments mortels."
"L'ESPRESSO. Mais quand vous faites la nouvelle de façon positive, les médias s'intéressent à vous."
PANNELLA. "Je n'ai pas eu une seconde à la Tv pour parler de la drogue, de Toni Negri (24), et même de Pasolini (25). Je demande simplement qu'il y ait des règles à la Rai, même minimes, égales pour tous. Mais je comprends que pour les autres ce serait un risque trop grand: de dix mille inscrits nous passerions à deux cent mille."
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N.d.T:
(1) Referendum abrogatif: le referendum pour
l'abrogation de la loi qui interdisait le
divorce (1970). En Italie, le referendum doit
être demandé par 500.000 électeurs ou par 5
conseils régionaux. Il n'est pas admis pour les
lois fiscales et de bilan, d'amnistie et de
remise des peines, d'autorisation à ratifier des
traités internationaux.
(2) Enrico Berlinguer: (1922-1984) homme politique
italien. Secrétaire de la Fédération de la
jeunesse communiste (1949-1956), député en 1968,
secrétaire général du PCI, le Parti communiste
italien, de 1972 à 1984.
(3) Aurelio Peccei: (1908-1984) industriel italien,
ouvert au Tiers Monde. Fondateur (1968) du "Club
de Rome", un groupe international d'intellectuels
intéressés au problèmes du développement humain.
(4) Vincenzo Andraous et Giuseppe Piromalli:
responsables de nombreux et féroces assassinats,
furent condamnés à perpétuité. Se sont inscrit au
Parti Radical en 1986, reconnaissant la force de
la non-violence et leur solidarité avec le parti
du droit et de la non-violence.
(5) Rita Levi Montalcini: (1909) neurobiologiste
italienne; a accompli des recherches sur le
facteur de croissance des cellules nerveuses
(NGF). Prix Nobel 1986.
(6) Cicciolina: de son vrai nom: Ilona Staller,
artiste pornographique, député radical.
(7) Flaminio Piccoli: (1915) homme politique italien.
Secrétaire de la DC, la Démocratie chrétienne
italienne (1969; 1980-1982).
(8) Comiso: base militaire du Sud de l'Italie.
(9) Lelio Lagorio: homme politique italien. Exposant
socialiste, député du Groupe parlementaire
socialiste, a été ministre de la Défense de 1980
à 1983, ministre du Tourisme et du Spectacle de
1983 à 1986.
(10) PLI: Parti libéral italien.
(11) Ernesto Rossi: (1897-1967) homme politique
italien. Dirigeant de "Giustizia e Libertà"
(1929), fut arrêté en 1930. Promoteur du
Mouvement fédéraliste européen et parmi les
fondateurs du Parti radical.
(12) Arrigo Benedetti: (1910-1976) journaliste
italien; a dirigé les hebdomadaires "Europeo"
(45-54), "L'Espresso" (55-63), "Il Mondo"
(69-72).
(13) Loi Reale: loi policière répressive.
(14) MSI: Mouvement social italien, parti d'extrême
droite, fasciste.
(15) Alfredo Rocco: (1875-1935) juriste et homme
politique italien. Ministre de la justice de
1925 à 1932; créateur des codes pénaux et de
procédure pénale émanés en 1930 et 1931 et
conformes aux exigences idéologiques, politiques
et économiques du fascisme.
(16) Valerio Zanone: homme politique italien.
Secrétaire général du PLI, le Parti libéral
italien, depuis 1976.
(17) Alessandro Natta: homme politique italien.
Fut secrétaire du PCI, le Parti communiste
italien.
(18) Rognoni: homme politique italien. Exposant de la
DC, la Démocratie chrétienne italienne.
(19) Bettino Craxi: (1934) homme politique italien.
Secrétaire du PSI, le Parti socialiste italien,
depuis 1976.
(20) "missini": membres du MSI, le Mouvement social
italien, fasciste.
(21) Carolina Invernizio: (1851-1916) écrivain
italienne de romans populaires.
(22) Enzo Tortora: (1928-1988) présentateur télévisé.
Protagoniste dans les années 80 d'un cas
judiciaire lié à la "camorra"; il fut reconnu
innocent et ensuite élu député dans les files du
Parti radical.
(23) "Portobello": programme télévisé né en 1977, et
dont l'audience était très élevée. Son conducteur
fut Enzo Tortora.
(24) Toni Negri: exposant d'un groupe d'extrême
gauche, arrêté et mis en prison pendant cinq ans
en espérant de subir un procès. Libéré, il fut
ensuite élu député du Parti radical.
(25) Pier Paolo Pasolini: (1922-1975) célèbre écrivain
et metteur en scène italien. Inscrit au Parti
radical.