Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mer 12 mar. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Archivio Partito radicale
Pannella Marco - 14 agosto 1987
Drogue: le fléau s'aggrave, que faire?
Au cours des six premiers mois, 209 personnes sont mortes. On dépense chaque année en Italie 27 mille milliards sept cents millions.

de Marco Pannella

SOMMAIRE: Marco Pannella relance l'idée de la création d'une "ligue antiprohibitionniste contre la drogue et la criminalité". Il s'agit d'un problème, celui de la drogue, que chacun en particulier, s'il n'est pas directement intéressé, tend souvent à fuir et préfère cataloguer comme une plaie endémique impossible à soigner. Pourtant la drogue continue à semer ses victimes avec un crescendo terrifiant: en Italie au cours des six premiers mois de cette année elle a provoqué la mort de 209 personnes (40 % de plus qu'en 86). Il y a plus; depuis que la peur du SIDA a augmenté, la drogue en ce qui la concerne fait encore moins nouvelle. On en parle moins sans penser que souvent elle est elle-même une des causes de diffusion de la maladie.

La drogue n'est pas une nouvelle à oublier. Si le nombre des morts, qui n'est malheureusement que la pointe d'un iceberg, ne suffisait pas, il y a d'autres chiffres qui parlent très clairement: l'Italie dépense 17.000 milliards par an en drogues douces, plus 7.900 milliards en héroïne et 2.800 en cocaïne. Il s'agit donc d'un problème énorme qu'il est impossible de s'imaginer pouvoir décharger toujours sur les autres, satisfaits de la chance qui nous a été présentée de ne pas avoir dû l'affronter de près.

C'est dans cet esprit que doit être entendue notre initiative de publier l'intervention de Marco Pannella, avec la thèse duquel la direction de "Il Tempo" n'est absolument pas d'accord, partageant totalement au contraire les idées que Geno Pampaloni soutient ici à côté. Un article, celui de Pannella, dont nous reconnaissons, malgré notre net dissentiment, la forte charge de proposition et l'honnêteté certaine des intentions, visant à ramener au premier plan un argument aussi important comme la lutte sans quartier à la drogue.

(IL TEMPO, 14 août 1987)

C'EST LA GUERRE. Il y a aussi des blessés, des mutilés, des orphelins, des désespérés, des désadaptés. Le fléau est unique, mais les problèmes sont différents et ne doivent pas être confondus, sous peine de n'en résoudre aucun.

Le fléau de la guerre de la drogue est "sans aucun doute", dans sa phénoménologie actuelle, le fruit exclusif du régime prohibitionniste. C'est donc ce régime qui doit avant tout être aboli. Il s'agit d'un régime international, et c'est au niveau international qu'il doit être combattu. C'est à dire à partir de partout, à partir d'ici, d'"ici", Italie, Espagne, d'ici Europe (ou d'ici USA ou Thaïlande ou Brésil ou Bolivie ou Beyrouth).

Même l'alcool, même le tabac, même les médicaments psychotropes les plus répandus sont un fléau. Leur coût direct en vies humaines et en interventions sociales est même sans aucun doute plus élevé. Mais en termes de vie du droit et de droit à la vie, d'institutions, de lois, de criminalité et de danger pour la société et pour les Etats, il n'y a pas de comparaison entre la gravité du problème drogue et celle de ces derniers.

Sans le régime prohibitionniste le fléau de la drogue serait réduit au rang des "fléaux" alcool, tabac, médicaments psychotropes. Confiée aux logiques du marché officiel, "libre", la "drogue" perdrait toute caractéristique autonome par rapport à ces autres produits, c'est à dire qu'elle cesserait d'exister pour ce qu'elle représente de plus affreux, dangereux, coûteux et potentiellement mortel pour la société.

Le régime prohibitionniste persistant le fléau ne pourra pas ne pas s'étendre, jusqu'à enregistrer à court terme des progressions géométriques dans plusieurs régions du monde.

La puissance de la grande criminalité provoquée par le régime prohibitionniste, désormais structurée intimement avec celle du trafic clandestin des armes, commence déjà à être transférée et recyclée dans le monde institutionnel et économique, en l'animant irrémédiablement de cette sous-culture anthropologique que cette histoire est en train de développer, avec ses intérêts et ses objectifs.

Ce qui reste du prohibitionnisme américain des années Vingt n'est pas tant le souvenir des victimes de l'alcoolisme d'un alcool adultéré et non-contrôlé, distribué et produit par la criminalité, mais les pestes du gangstérisme, des villes et des institutions attaquées, ensanglantées, corrompues, des mafias et des "camorre" (1) qui ont survécu depuis des décennies, trouvant une relance sans précédent depuis deux décennies, dans le nouveau "prohibitionnisme".

La seule marchandise libre dans la société contemporaine est de fait celle "défendue" tant qu'elle circule. Toute marchandise en "vente libre" est chargée d'une série de contrôle, directs et indirects. La viande que nous mangeons chez nous ou dans les restaurants est réglementée à partir du moment où l'animal est encore vivant. Dans le cas du veau, par exemple, on contrôle le nourrissage et les conditions d'hygiène, le transport aux abattoirs, l'abattage, la conservation, la vente, l'exposition, la qualité, le prix. C'est certainement dans cette direction que tout commerce se développera toujours plus, pas seulement de produits alimentaires mais de n'importe quelle marchandise.

La prohibition d'une marchandise, par une loi fondamentale et insurmontable de marché, se résout par une augmentation de sa valeur, directement proportionnelle à sa valeur et au risque de l'offre. Le commerce de marchandise interdite fait de cette marchandise la seule à être "libre" en ce qui concerne son prix, sa qualité, sa fourniture et sa consommation. Les bénéfices que l'on réalise sur elle sont totalement "libres", sans concurrence et contrôles possibles, hors de pair avec une quelconque activité lucrative. Par leur logique naturelle, les organisations liées au commerce de la drogue réinvestissent des bénéfices gigantesques dans la promotion du secteur, et se déversent ailleurs avec la seule limite de la capacité d'absorption de l'offre.

La caractéristique spécifique de la "drogue" dont nous nous occupons (la "dure", les autres ne méritant même pas le nom de drogue) est qu'elle crée dépendance et accoutumance, une condition objective de besoin et de demande, qui s'étend progressivement, et que l'activité répressive atteint à peine. Par définition la capacité de comprendre et de vouloir du toxico-dépendant est diminuée, en particulier lors des crises objectives de manque.

Le prohibitionnisme, pas la drogue en elle-même, en fait un être dangereux socialement, et "définitivement" dangereux pour lui-même aussi. La récupération morale, vitale, d'une personne qui sait avoir accompli et devoir accomplir des actes d'une grave violence contre des tiers, innocents, assez souvent contre ceux-là même qu'ils aiment ou dont ils sont le plus aimés, devient toujours plus difficile. L'angoisse, le désespoir, le mal de vivre deviennent toujours plus profonds, intimes, définitifs précisément. Jusqu'à la mort, ou à la récupération toujours plus improbable, il devient une "machine" parfaite pour l'entreprise criminelle, pour l'armée sans frontières et sans possibilité d'objection, dont il est le "soldat", le "mercenaire".

La condition des victimes de l'alcool, des médicaments psychotropes (pour ne pas parler du tabac) est différente, ce sont des drogues soutenues par un signe positif, culturellement parlant, soutenues par la publicité et par des forces culturelles et productives souveraines dans notre société.

Il y a trois ans de cela, des colonnes du "Corriere della Sera" (2), je lançai en Italie la proposition antiprohibitionniste. Depuis lors du fait je me suis tu, d'une part par choix, d'autre part parce qu'on a serré le bâillon. La proposition a fait l'"objet" d'un nombre infini de mentions, dans des débats que l'on réservait rigoureusement à d'autres.

J'ai réfléchi, j'ai étudié, j'ai participé à des commissions d'enquête, parlementaires ou pas, européennes ou italiennes qu'elles soient. Avec mes camarades du Parti radical nous avons essayé d'obtenir, entre-temps, le maximum de soutien possible à l'oeuvre de quiconque luttât sur le front de la récupération, de l'assistance, de la réinsertion des ex-toxico-dépendants ou de ceux qui liés encore à la consommation de drogue y avaient recours. Les actes de la CEE et les budgets d'Etat le documentent. Nous avons également essayé de soutenir la lutte noble et sans quartier, méritoire et dangereuse, que l'organisation de l'ONU dirigée par le doct. Di Gennaro, à Vienne et de Vienne, est en train de mener un peu partout dans le monde, en premier lieu dans les pays de production.

Nous continuerons à le faire, mais parfaitement conscients qu'il s'agit de l'assistance et de la récupération des "blessés", des "orphelins", des "désadaptés", des vaincus et des désespérés de la guerre en cours; ou plutôt d'une petite partie d'entre eux. Ou bien de l'expérience de lutte que l'on a moralement le devoir de soutenir, quand elle est engagée par des gens forts et honnêtes, même si l'on est toujours plus convaincus qu'en suivant cette voie on ne pourra connaître que l'échec. C'est le prix de la tolérance et de l'humilité. Mais il ne peut déchoir à alibi, en ce qui nous concerne. L'ennemi est dans le prohibitionnisme; c'est le prohibitionnisme; il n'est pas dans un produit, dans une marchandise ou dans le mal de vivre, dans la perversité nécessaire de l'humanité ou d'une ses parties. La drogue quant à elle matière maudite et active. Les criminels de la drogue quant à eux imbattables, supérieurs à tout autre, maîtres diaboliques du monde.

L'ennemi est aussi en nous; dans notre attente, dans notre non-organisation, tout de suite, parce que la bataille apparaît et est d'une immense difficulté et l'objectif apparaît trop au-dessus de nos forces. Mais si nous ne commençons pas tout de suite, de façon organisée, nous ne gagnerons jamais, ou quand il sera trop tard.

On peut aimer ou détester la pensée, l'oeuvre, le poids de Milton Friedman, le Prix Nobel auquel on impute les "excès" reaganiens, l'idéologie ultra-libériste, l'anti-stalinisme rigoureux et presque messianique. Mais il nous semble difficile et imprudent d'en nier le sérieux et l'importance.

C'est précisément sur le front de la drogue que Reagan et Milton Friedman apparaissent au contraire comme étant les généraux de deux armées qui s'affrontent. Reagan est en train de passer ouvertement à une idéologie et à une pratique militaire et autoritaire contre la "drogue", bien plus librement et non-contrarié que lors de son autre croisade, celle contre le démon sandiniste. L'ONU et les organisations internationales en ressentent et une naturelle convergence culturelle et stratégique est en train de se dessiner entre les "médecines anti-drogues" de l'empire soviétique et des états totalitaires, et celles du Président américain et de ses partisans.

Milton Friedman ne cesse de dénoncer cette politique comme étant illusoire, antilibérale et antilibéraliste, idéologique, étatiste, follement coûteuse sur le plan du droit pas moins que de l'économie, outre que perdante. Il suffit de lire, parmi tant d'autres, quelques pages de son livre "Contre le pouvoir du statu quo", de 1984 (ed. Longanesi)

Lors d'un hearing - lors d'une séance à huis clos - de la Commission spéciale du Parlement Européen pour les problèmes de la drogue, je demandai au Directeur général de l'Interpol Mr. Kendall de répondre à une de mes question à titre personnel et non officiel. Il le fit, et je le prie ici de m'excuser si je commets une indiscrétion dans une bonne intention, j'espère qu'il me la pardonnera. La question fut la suivante: "Mr. Kendall, si nous étions réunis ici en qualité de chefs de "Cosa nostra" est-ce-que nous déciderions de soutenir une campagne antiprohibitionniste ou la défense du statu quo, du régime prohibitionniste?". La réponse fut probablement difficile, tourmentée, très claire, mais laconique. Je laisse chacun deviner.

Ces dernières années, dans chaque pays, certaines fois aux plus hauts niveaux de responsabilité, dans le monde de la science, de la culture, de la politique, du droit et des chargés de la sécurité et de l'ordre public, des voix se sont élevées claires et courageuses contre le régime prohibitionniste. Mais étant donné que la solution ne peut pas venir des institutions des Etats nationaux (ou rien que d'elles: l'antiprohibitionnisme dans un seul pays serait un suicide inutile) mais des organisations internationales ou, tout au moins, de régions du monde comme la Communauté Européenne, l'Amérique du Nord et Centrale, le Moyen et l'Extrême Orient, et ainsi de suite, aucun pas en avant n'a été accompli.

Il faut donc passer tout de suite à l'organisation d'une campagne transnationale, à la constitution d'une "Ligue antiprohibitionnisme".

---------------------

N.d.T:

(1) La "camorra": association criminelle secrète de la région de Naples née pendant la domination espagnole et qui s'est surtout développée au XIX et au XX siècle.

(2) "Corriere della Sera": fondé à Milan, il s'agit du qotidien d'opinion le plus diffusé en Italie.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail