par Marco Pannella
SOMMAIRE: A la veille du 34ème Congrès radical de Bologne (2-6 janvier 1988), Marco Pannella donne à l'avance la liste des banalités et des "lectures obligées" qui monopoliseront les chroniques journalistiques des assises radicales: la "crise d'isolement" du PR, Cicciolina, l'"opposition" d'Enzo Tortora, l'"usure" du "leader charismatique", la séparation du groupe dirigeant, d'une part en "ultra-pannelliens" qui veulent accomplir la "fuite en avant" du transnational, avec à leur tête Giovanni Negri et d'autre part, en gestionnaires "sérieux" du possible, avec à leur tête Francesco Rutelli et Massimo Teodori...
S'adressant aux journalistes, Pannella rappelle que l'Histoire du PR est une histoire de vingt années de guerre plus que de paix, à cause du nombre de batailles, de l'étendue des terres explorées et parcourues dans la société et les institutions; une histoire au cours de laquelle, vingt fois au moins, la fin des radicaux fut annoncée. Mais chaque fois, c'était ceux qui prévoyaient et souhaitaient cette fin qui disparaissaient. Il serait donc imprudent de sous-estimer le thème du 34ème Congrès, le thème de la création d'un sujet politique international, transnational.
(IL GIORNALE D'ITALIA, 30 décembre 1987)
Plusieurs épisodes saillants, pour la presse, du 34ème Congrès du Parti Radical, sont déjà inscrits dans les faits et dans les éternelles lectures obligées: un commencement de moindre affluence des inscrits et l'absence de prestigieuses délégations des partis nationaux (pour une fois,nous ne prévoyons ni des interventions orales ni des salutations) qui fera souligner "la crise d'isolation et d'efficacité du PR; la nervosité et les épisodes relatifs à la présence de notre camarade Ilona Staller, en tant que député, accusée par certains de n'être rien d'autre que "Madame Idiolina", et soutenue par d'autres; les applaudissements fracassants au discours d'"opposition" annoncé par Enzo Tortora; l'usure du vieux leader charismatique, contesté par d'aucuns, et le difficile "après-Pannella" qui se profile ("mais jusqu'au bout le vieux lion...); la "séparation" du groupe dirigeant, d'une part en "ultra-pannelliens" qui veulent accomplir la "fuite en avant" du transnational, avec à leur tête Giovanni Negri et d'a
utre part, en gestionnaires "sérieux" du possible, avec à leur tête Francesco Rutelli et Massimo Teodori... Et encore: pratiquement disparus bon nombre des "15.000", inscrits pour empêcher la disparition du Parti; les mauvaises humeurs et les contestations pour "l'israélisme" irrationnel du sommet: un parti en somme, à la recherche vaine et désespérée de soi-même, de ses gloires passées... La détérioration des rapports avec le Psi, le vertigineux déclin de l'"illusion" laïque, libèral-socialiste, de la "grande réforme" uninominaliste anglosaxonne, le retrait vers des accords et des ententes avec les Verts et Dp et la trop générale "nouvelle phase" qui devait s'ouvrir dans les rapports avec le Pci, et, pour finir, les reflets désolés et inutilement rageurs pour la déplorable liquidation de la victoire référendaire sur la responsabilité civile des magistrats effectuée par la Chambre avec le texte législatif voté par les cinq partis de la majorité et par le Pci, par presque tous les indépendants de gauche, avec
pour seule opposition celle du Msi et du PR. En arrière-plan, la crise de Radio Radicale, parallèle à celle du Parti.
Tout le reste, à peine un peu plus que du folklore: les refuzniks, les dissidents soviétiques, les petits groupes "étrangers": portugais, espagnols, français, belges, turcs, polonais, yougoslaves...
Des vélléités, en somme, illusions, confusions, provincialismes, marginalités, présomptions, épuisement, une réalité pathétique et ennuyeuse, grotesque et dénuée de mesure, à la recherche d'un artifice quelconque, d'une trouvaille. Rien de nouveau, donc.
La plupart des envoyés spéciaux et des correspondants, n'ayant comme d'habitude qu'un "créneau" étroit octroyé par leurs services, sans possibilité d'écrire des éditoriaux ou conditionnés par la "concurrence " radio-télévisée, auront une rude tâche, presque impossible, et auront à faire avec les mauvaises humeurs des militants et des représentants du Congrès. Comment pourrait-il en être autrement? Au cours de cette dernière année, de ces deux dernières années, combien d'articles sur les évènements radicaux, sur les radicaux, ont paru dans "Alfabeta" ou "Micromega", "Rinascita" ou "Mondo Operaio"? Combien d'interventions congressistes et d'analyses - et non pas seulement de hâtives notes polémiques - à l'égard du PR?
Le "peuple" et les radicaux se rencontrent au 34ème Congrès, en vingt ans, ou trente si l'on part de leur premier Congrès en 1958. L'Histoire du PR est une histoire de vingt années de guerre plus que de paix, à cause du nombre de batailles, de l'étendue des terres explorées et parcourues dans la société et les institutions; une histoire au cours de laquelle, vingt fois au moins, la fin des radicaux fut annoncée. Mais chaque fois, c'était ceux qui prévoyaient et souhaitaient cette fin qui disparaissaient, alors qu'ils semblaient inoxydables et puissants.
Est-il prudent, donc, de sous-estimer hâtivement, paresseusement, cet enième rendez-vous, plutôt invraissemblable de par l'annonce du thème traité, à savoir la création d'un "sujet politico-partite international", avec des "campagnes" de caractère "vieille époque" ou presque, annoncées pour l'immédiat: les Etats-Unis d'Europe, l'attaque au coeur du système "drogue-armes-pouvoir", la "libération" des personnes (et des peuples) opprimés par le système impérial et social soviétique et post-colonial? Tandis que personne n'imagine sérieusement d'abandonner les luttes - même italiennes - "pour le droit à la vie et la vie du droit", et les luttes pour l'écologie et l'environnement, sur la biosphère, l'atmosphère, les eaux, la terre et tout le reste?
Permettez-moi de vous demander: si tous ceux qui aujourd'hui louent les cinq ou six premières années de la bataille solitaire pour les droits civils, le divorce, l'avortement, pour la réforme et l'assurance des droits et du droit, au cours desquelles tout fut joué, avaient "alors" saisi l'importance historique de cette orientation, de cette organisation et de cette lutte, et s'ils l'avaient choisie comme priorité personnelle, que serait-il arrivé à notre société et à notre politique?
Il est plus que probable que le Parti Radical "transnational", "transpartite" avorte, s'écroule dans un capharnaüm de divagations de marginaux complètements dépassés des chroniques de la petite Italie. Il est probable que Massimo Teodori ait raison de dénoncer la répétition pathétique de l'erreur et de l'horreur du "Che", en transit de Cuba vers d'autres rivages à la recherche de la révolution, mais en réalité d'une mort "différente" devant la perspective d'une vie monotone.
Mais si vous le permettez, il est aussi "possible" qu'il n'en sera pas ainsi. Et s'in n'en était pas ainsi, cela ne vaudrait pas la peine d'essayer de comprendre si -encore une fois - on ne risque pas d'ignorer, de ne rien comprendre aujourd'hui ce que demain l'on indiquera comme l'exemple d'un passé glorieux mais inévitablement unique?
Au fond, la fin prévue et - de quelque manière - provoquée, de quatre législatures sur cinq, en quête de referendum "explosifs"; cette réforme une fois obtenue, et d'autres pas (par "distraction" ou "ignorance" de trop de gens parmi les "rares" personnes qui auraient partagé l'initiative); la présence radicale, ne mériteraient elles pas une autre attention, des funérailles ou des honneurs plus réfléchis, plus illustrés, mieux compris?
Les chroniqueurs du Palazzo sont-ils certains de ne pas être en retard par rapport aux habitants titulaires du Palazzo même, hier "étrangers" et ennemis, et aujourd'hui tellement respectueux et engagés dans l'"altérité" radicale, non pas parce que ressentie en déclin ou dont ils n'ont plus rien à craindre, mais vivante et importante, nécessaire peut-être, tandis que les certitudes passées d'un futur "monotone" se sont déjà écroulées, tout comme celles de leurs contemporains "révolutionnistes et alternativistes"?