de Marco PannellaSOMMAIRE: L'auteur exprime un jugement positif concernant la proposition de Bettino Craxi de confier l'administration des territoires occupés à la Communauté européenne. Mais en même temps il indique les obstacles à la réalisation de telle proposition, dont surtout l'absence des institutions supranationales européennes capables de conduire une politique étrangère forte et unitaire.
(IL GIORNO - MILAN - LE 24 AVRIL 1988 - Nouvelles Radicales N.2 - Mai 1988)
Avec sa proposition à l'Europe, autrement dit à la CEE, d'administrer les territoires occupé par Israël, Bettino Craxi fait faire un saut de qualité au débat et à l'attention - qui stagnent, purulents et inutiles depuis des années - sur le Moyen-Orient.
La proposition, absolument positive, est pourtant de réalisation difficile à cause de cet "euro-optimisme" qui a prévalu désastreusement au cours de ces derniers lustres, qui parle seulement en termes de "Marché Unique" (de "1992"); rien d'autre - autrement dit - qu'une jungle sauvage et destructrice, où il manquait - pour en garantir les mécanismes - l'autorité politique, constitutionnelle et démocratique des Etats-Unis d'Europe, ou de l'Union Européenne, c'est comme on veut.
Nous vérifions aussi à cette occasion que le coût de la non-Europe politique a été et est immense: sur le plan historique, politique, économique, technologique, social. Ce vide de pouvoir et de politique substantiel, imposé par les "pouvoirs réservés" de douze administrations étatiques nationales, déstabilise aussi directement et indirectement le Moyen-Orient et l'Afrique, laissant le champ libre aux intérêts meurtriers des multinationales de complexe "militaro-industriels" et de celui "agro-alimentaire" et de leurs composantes nationales. Tout comme ce vide de pouvoir et de politique favorise l'oeuvre de toute autre force qui a intérêt à déstabiliser cette zone ainsi que d'autres zones entières du monde.
Il faudra, par conséquent, que notre Gouvernement opère immédiatement, mobilisant les structures et les appareils diplomatiques, qui toujours plus languissent et semblent coupés de leurs fonctions naturelles, afin que la proposition de Bettino Craxi, si, comme nous l'espérons, la majorité gouvernementale la fait sienne, soit introduite dans l'agenda des travaux du Conseil Européen de Hanovre lors des réunions préparatoires qui auront lieu le 12 ou le 13 mai prochain. Nous cueillons l'occasion pour exprimer au Ministre Andreotti toute notre préoccupation au fait que rien de concret ne semble avoir été fait afin que soient discutés aussi à Hanovre les objectifs et les thèmes, fixés par la Commission des Affaires Etrangères de la Chambre avec le plein appui de Gouvernement, et que le Parlement Européen est en train de faire sienne au travers d'une "Déclaration Solennelle". Cohérence de travail et respect des urgences proclamées s'imposent, et ce également s'il faut aller à contre-courant, quand on assume des in
itiatives nouvelles, qui ne sont pas par conséquent considérées immédiatement par les autres à leur juste valeur et urgence.
La Communauté Européenne vit aujourd'hui pratiquement hors-la-loi, comme un "pouvoir de fait", ayant failli dans sa réalisation selon les prévisions et les textes qui l'avaient constituée; traité chaque fois ignorés, subrepticement réformés suivant de nouvelles normes ou suivant l'adoption de pratiques qui en ont fait une "non-Europe politique", une "non-Europe démocratique", une "non-Europe" sur le plan d'une politique commune de défense, de sécurité et militaire. Cette réalité ne manquera pas d'être opposée, à Hanovre, à tout le moins par des Gouvernements comme celui du Danemark ou de la Grande-Bretagne, pour lesquels le "marché commun" de 1992 est déjà un objectif accepté avec réserves et réticences claires pour tous, même si pas toujours exprimées formellement.
Beaucoup dépendra d'une part de l'attitude allemande et de celle française (qui dans le cas de la réélection de François Mitterrand devrait être positive) et - de l'autre - de la capacité d'initiative politique et diplomatique de notre Gouvernement. Qu'on se meuve, alors, ajoutant au "paquet" que le Gouvernement Goria s'était déjà engagé devant le Parlement italien à soutenir à Hanovre (correspondant aussi au mandat imminent dans ce sens du Parlement Européen) la proposition d'une administration européenne contrôlée des territoires palestiniens.
Pour Israël, il faut faire confiance à ce pays, à son opinion publique démocratique; à la force des juifs de la diaspora, certainement loyaux jusqu'au bout à l'égard du destin démocratique et civil de la mère patrie. Tout au plus, en effet, on pourrait craindre que de la part de l'actuelle classe dirigeante israélienne, désormais sclérosée, impuissante et violente, en selle seulement grâce aux réflexes compréhensibles de peur qu'elle contribue elle aussi à entretenir dans l'opinion publique, une sorte de guerre d'usure de la proposition elle-même, en en contestant les modalités de mise en oeuvre. Rien de plus.
Nous radicaux, nous répétons depuis des années dans tous les forums, institutionnels et non, que le destin démocratique et civil d'Israël doit être considéré comme "intérieur" à celui des Etats-Unis d'Europe et que l'adhésion d'Israël à l'Union Européenne est condition de solution pour le sommet palestinien et pour affronter ensuite les vrais et tragiques problèmes moyen-orientaux.
Nous avons à plus d'une occasion exprimé de façon formelle cette conviction et cette volonté qui sont les nôtres aux Chefs d'Etat, aux Présidents du Conseil et aux Ministres des Affaires Etrangères, aux députés de la Knesset, à la presse israélienne. Nos camarades inscrits en Israël au Parti Radical, simples militants ou députés, partagent cette approche et cet objectif.
L'initiative prise par Bettino Craxi nous trouve donc plus qu'attentifs: nous sommes pleinement d'accord; nous voyons dans cette proposition une initiative partiale et opportune dans une direction que nous souhaitions inutilement depuis des années.
Je souhaite que l'on dépasse également le désaccord, que nous confirmons de manière encore plus énergique que par le passé, sur la reconnaissance de l'OLP. L'OLP et l'OLP: une organisation politico-militaire, c'est à dire pas un Gouvernement Provisoire. C'est - pour en rester au modèle algérien - le FLN, et pas le GPRA. Si telle est la situation ce n'est pas un hasard. L'OLP a grandi, elle a oeuvré durant ces années en repoussant toute possibilité d'insertion comme classe dirigeante palestinienne de milliers et de milliers de citoyens provenant de ces territoires, qui se sont intégrés autre part - parce que restés sans alternative - dans les sociétés nationales qui les accueillent, comme professions libérales, hommes de culture, souvent comme démocrates pour lesquels les droits de l'homme sont fondamentaux, de pensée, d'opinion, politiques, sociales, et plus simplement "juridiques" et légales, constituent non pas un luxe mais les attributs indissociables de tout peuple et individu, en même temps et non après
le droit à l'"indépendance" nationale.
Il y a, ensuite, dans les territoires occupés par Israël de nombreux dirigeants et personnalités de ces villages qui seraient plus proches de la classe dirigeante palestinienne qui participe en position de première force au Gouvernement de la Jordanie mais qui ne sont pas libres de s'exprimer grâce au mutuel jeu de massacre voulu par l'OLP et un Shamir qui entend le rappel de la forêt de la politique violente de libération des années de sa jeunesse, incapable de gouverner l'aujourd'hui de manière heureuse et appropriée.
Reconnaître l'OLP constituerait donc une erreur impardonnable, une attribution de représentation arbitraire à une organisation qui a les "mérites" d'une guerre et d'une lutte, qui c'est constituée seulement sur cela et qui de cela et non de Gouvernement est capable/
Confondre les deux propositions, donc, est pour le moins inopportun. Celle concernant l'OLP affaiblit celle "européenne".