de VoynaSOMMAIRE: Il y exactement vingt ans de l'assassinat de Martin Luther King à Memphis. Le journaliste se rappelle la grande personnalité et simplicité de King et se demande pourquoi il y avait tant de haine vers une personne profondément non-violente.
(Nouvelles Radicales N.2 - mai 1988)
Vingt ans exactement ont passés depuis ce tragique 4 avril 1968, quand à Memphis un projectile arracha à la vie le grand américain, Martin Luther King, prix Nobel de la Paix.
Mais sa grandeur était-elle vraiment comprise par tous? Ceux qui le pleurèrent alors savaient-ils vraiment ce que l'Amérique avait perdu? L'impression fut énorme, son martyre laissa tout le monde abasourdis; mais la présence encore récente de cet homme parmi les manifestants, sa fervente parole d'orateur, ses photographies publiques sur des millions de revues, la chronique politique de laquelle il avait été un protagoniste au cours des treize dernières années de sa vie, tout cela ne permettait pas de comprendre tout de suite à fond le rôle que ce leader avait rempli dans l'histoire de son pays et de son peuple.
C'était un homme vivace et sociable, qui aimait allé au cinéma, résoudre les quiz télévisés et danser chez les amis, qui appréciait un bon repas et un habit neuf. Bon athlète quand il était étudiant, il avait conservé l'habitude de jouer au tennis, de nager, de faire de longues promenades, même si sa popularité lui créait des difficultés: les gens l'arrêtaient, lui demandaient aide et conseil. Même les écriteaux "Réservés aux blancs" qui étaient de règle sur les terrains de tennis, à l'entrée des piscines et des stades du Sud où s'était concentrée l'activité de King, ne facilitaient certes guère ses activités sportives.
Tel était-il à 26 ans, quand le boycottage historique des autobus à Montgomry lui procura la réputation de combattant courageux. Ainsi était-il à 39 ans quand l'atteignit la balle de l'assassin. Devenu au cours de sa vie le symbole des qualités les meilleures de l'Amérique, sa conscience et son espérance, il restera toujours jeune dans la conscience des hommes.
"La chose la plus horrible fut que la nouvelle de l'assassinat de King ne provoqua pas de surprise. Non pas que tous s'y attendaient concrètement, mais la nouvelle n'arriva pas de façon inattendue! Dans notre pays la haine a atteind des dimensions épouvantables, le pays était submergé par la haine" écrivait la revue "Harper's". "Un jour, à New York, dans une belle villa en dehors de la ville, j'étais assis à une splendide table en compagnie de personnes sympathiques, exagérément agitées - poursuivait le récit de l'auteur. En parlant, j'en vins à citer le nom de King. Une des dames présentes se pencha vers moi de l'autre côté de la table et me dit textuellement: "je voudrais que vous lui crachiez sur la figure de ma part!" Je restai abasourdi et durant longtemps je me demandai ce qu'avait pu faire le King à cette femme, comment avait-il pu l'effrayer autant, d'où naissait ce haine furieuse".
Le mérite de Martin Luther King ne consistait pas seulement dans le fait d'avoir obtenu des lois contre la ségrégation. la chose la plus importante avait été sans aucun doute le changement provoqué dans les mentalités. Le noyau du racisme est composé en effet par une conscience humaine malade, perverse, par des préjugés séculaires qui n'ont pas contaminé que les américains. Hitler n'avait peut-être pas contraint les allemands à croire dans l'existence d'une "race supérieure" - "nous" et les "sous-humains", "les autres", passibles d'extermination totale?
Lui ne voulait pas permettre l'effusion de sang d'une guerre civile aux Etats-Unis. Il condamnait ceux qui utilisaient la violence comme instrument de politique étrangère, qui envoyaient les jeunes combattre et mourir au Vietnam, il reveillait la conscience de la nation, il demandait le retrait des troupes américaines de l'Asie