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Archivio Partito radicale
AA.VV. - 27 maggio 1988
Détention et citoyenneté
De la prison de Nice: Salvatore Caronia, Jacques Crouzel, Olivier Lam, Renato Longo, Roberto Pellegrini, Carmelo Raso-Casanova, Paolo Sergi

SOMMAIRE: Document d'un group de détenus de la prison de Nice dans lequel ils expliquent leurs raisons d'inscription au Parti radical.

Prison de Nice - Mai 1988

(Nouvelles Radicales - N.3 - Juin 1988)

Nos inscriptions en tant que citoyens détenus, déterminés à rester citoyens à part entière, sujets de droits et de devoirs au sein de la communauté civile, se veulent le signe du renforcement de l'engagement du Parti Radical pour la réforme démocratique de la Justice.

Une réforme qui traduise, deux siècles après l'affirmation par César Beccaria du principe de la légalité des peines, l'évolution historique dans la réalité et qui permette de ne plus réduire le concept de justice à celui de simple légalisme, de soumission non critique à la légalité, mais qui le reporte à celui de justice sociale, entendue non seulement comme égalité juridique formaliste, mais aussi comme égalité socio-économique, égalité des possibilités de réalisation dans la vie, et comme respect des comportements dont le choix appartient à la conscience individuelle et non à des organismes de contrôle de l'Etat.

Un "Justice (pénale) juste" reste une pure abstraction dans une société aux fondements économiques injustes, et ce même si l'on introduit des réformes telle que la "Réforme Gozzini" en Italie dont l'intention était certainement progressiste mais qui reste néanmoins sectorielle parce qu'elle investit exclusivement la sphère pénale et carcérale et qu'elle n'est pas intégrée dans un projet de transformation globale de la société, et en particulier des rapports sociaux de production.

Beaucoup de choses se sont passées au cours de ces deux siècles ("Des délits et des peines" a été écrit en 1764) mais les critères fondamentaux qui président au fonctionnement de la machine de la justice pénale n'ont pas changés.

Des formes de monopolisation de classe de la justice demeurent. Elles sont dues à la "marchandisation" des garanties légales, de l'assistance légale et des possibilités de réinsertion des condamnés. De nombreux détenus, ne possédant pas les moyens pour régler les honoraires d'un avocat demeurent pratiquement sans défense (on ne peut certes pas considérer la défense d'office comme une véritable défense), ou se trouvent dans des conditions sociales marginales qui ne leur permettent pas d'obtenir le travail ou l'habitation nécessaire au lancement d'un processus de réinsertion et l'accès à d'importantes remises de peine.

La justice pénale reste un instrument de conservation de l'ordre établi ou, mieux, du désordre ou du pouvoir politique établi. Une utilisation instrumentale à laquelle il a été fait amplement recours durant la période dite de l'urgence en Italie.

Mais demeure surtout, trop enraciné par un conditionnement millénaire indifférent à l'évolution de la conscience laïque, le préjugé constitué par l'importance donnée au châtiment, à la sanction pénale devenue une sorte d'appendice de la religion, dont elle est généralement une caricature, reproduisant le schéma du péché et de l'amendement à travers l'expiation. L'autorité judiciaire, encore qu'imparfaite, se substitue aux dieux et impose le rite solennel d'apaisement sacrificiel de la divinité offensée à travers la pénitence et les mortifications.

Au fond, le rôle de l'incarcération n'a pas été élucidé, alors que son unique fonction devrait être celle d'empêcher des individus socialement dangereux de nuire. Quant aux prétendues fonctions "rééducatives" et resocialisantes de la prison, aucun juriste n'a encore fourni une justification valable au paradoxe grotesque selon lequel on prétend réinsérer à travers l'affliction, la violence et les privations de la prison, des personnes auxquelles l'Etat n'a jamais offert la possibilité d'une intégration sociale positive quand ils étaient des citoyens libres... C'est une double tromperie qui est perpétrée. On sanctionne d'abord en les marginalisant des couches entières de la population - que l'on pense au monde de la marginalité que Constituent les réserves de la camorra napolitaine, de la 'ndrangheta calabraise ou de la mafia sicilienne, ou au chômage des jeunes. La prison sanctionne ensuite ces mêmes personnes une seconde fois parce qu'elles ont cherché à se procurer illégalement les moyens d'une vie décente

qui leur avaient été niés par la voie légale ... C'est ce mécanisme pervers qui est appelé justice.

Le code pénal tout entier se réduit à un seul article - un article de foi du reste. Un coupable doit être puni. Toutes les pages des codes pénaux ne sont que des variations sur ce thème stéréotypé. La notion de culpabilité est assimilée à celle de responsabilité (pénale). On considère l'individu comme l'unique dépositaire de la responsabilité (pénale): une raison bien rassurante pour infliger un châtiment. Pourtant les deux termes du "credo" pénal mériteraient une investigation plus approfondie, à la lumière des responsabilités de l'Etat dans la reproduction incessante de situations sociales objectivement criminogènes. Ce n'est pas une nouveauté que le chômage, les complicités politiques dont jouissent les organisations de type mafieux, la logique prohibitionniste en matière de drogue, le non-respect des droits civils et des options de la conscience individuelle, constituent de puissants reproducteurs de déviance, sans solution de continuité.

C'est l'Etat qui porte en premier lieu la responsabilité de ce désordre établi; les juges, qui représentent l'Etat, finissent fatalement par être dans de nombreux cas "juges et parties". C'est sur les fondements de cette antinomie que le musée des horreurs de la justice de classe a été édifié durant des millénaires.

Nos adhésions proviennent de France, "Pays des Droits de l'Homme" dont les hommes politiques nationaux se complaisent à brandir la bannière, et qui a été abondamment salie par le gouvernement de droite qui s'est formé au lendemain des élections de mars 1986.

Diverses tristes figures de la droite "libérale", celles de Pasqua, Pandraud, Chalandon, en syntonie avec celles d'extrême droite, ont érigé en institution la démagogie et la paranoïa, s'activant pour injecter dans le corps social une idéologie de la sécurité entendue uniquement comme renforcement de la répression, du contrôle policier, des formes d'autoritarisme.

Un exemple de la conception sublime de la justice qui inspire l'oeuvre de la coalition de droite nous a été fourni par les ignobles "bavures" policières qui ont porté à l'assassinat de Christian Dovero à Marseille, un jeune à l'abri de tout soupçon qui fut considéré à tort comme auteur d'un vol de voiture et qui, ironie macabre du sort, nourrissait l'espoir de s'engager dans la police.

Le "gardien de l'ordre" responsable de l'homicide a été immédiatement remis en liberté sans même avoir été incriminé, bien qu'il fut évident qu'il avait tué sans motif. On apprit à cette occasion que le Ministère de la Justice avait diffusé en décembre dernier une circulaire qui enjoignait les Parquets d'avertir personnellement le Garde des Sceaux avant d'ouvrir toute enquête qui puisse mettre en cause un fonctionnaire de police.

Une démonstration évidente de manoeuvre tendant à soustraire à la justice une catégorie privilégiée de citoyens, une démonstration de la volonté de se mettre au dessus des lois et de faire du pouvoir judiciaire une courroie de transmission de l'exécutif, enterrant ainsi l'indépendance de la Magistrature.

Malheureusement ce qui est arrivé à Christian ne constitue pas un épisode isolé. Les bavures policières se reproduisent, fruits vénéneux des campagnes alarmistes sur "le danger de la criminalité" orchestrées pour pousser l'opinion publique dans la voie sans issue de la logique autoritaire.

C'est à la même logique perverse qu'appartiennent les appels ouverts à la réintroduction de la peine de mort lancés à la télévision par le ministre ridé de l'Intérieur, Charles Pasqua, dont la subtile philosophie politique peut être résumée par son slogan "terroriser les terroristes" (en se référant en particulier aux autonomistes corses). Un exemple extrême qui s'inscrit dans la même ligne que celle qui a produit l'aberration des peines incompressibles (autrement dit exclues a priori de tout bénéfice prévu par les règlements pénitentiaires), la tentative qui a partiellement abouti de criminaliser tous les consommateurs de chanvre indien et autres "drogues" au moyen d'une forte aggravation des peines pour, précisément, le simple consommateur, les restrictions imposées aux règlements pénitentiaires en matière de bénéfices relatifs à la réinsertion sociale, les tabassages brutaux de détenus de la part du personnel de surveillance.

L'usage politique des "scandales" ou présumés tels, dans lesquels on a voulu voir impliqués des personnalités du Parti Socialiste français et parfois le Président Mitterrand lui-même n'a pas manqué non plus, scandales qui se sont révélés plus d'une fois inconsistants ou fortement redimentionnés par les conclusions des enquêtes. Ainsi en est-il advenu pour l'"Affaire du Carrefour du Développement" qui mettait en cause l'ex-ministre socialiste de la Coopération, Christian Nucci, lequel a été pratiquement lavé de tout soupçon à la suite de la publication, au terme des enquêtes, d'un rapport de la police judiciaire.

Au delà de la situation française, ou italienne, notre souhait est qu'on oeuvre, dans la perspective d'une Europe unie, pour une réforme démocratique de la Justice, d'ampleur européenne, abordant en particulier les questions de la détention préventive, de la dépénalisation des "délits mineurs", de l'antiprohibitionnisme, de la réduction des durées minima et maxima des peines, de la réinsertion sociale effective des condamnés et par conséquent de leur embauche, de l'abolition de la détention à perpétuité.

Notre récente pétition qui est destinée aussi à solliciter le Parlement italien à une rapide approbation de la loi qui ratifie la Convention de Strasbourg du 21 mars 1983, exprime l'exigence de donner vie à un système pénal européen cohérent avec les principes de respect des droits de l'homme et de réinsertion des condamnés. Nous demandons aux députés et sénateurs du Parti Radical un engagement indéfectible dans toutes les instances possible pour arriver dans les plus brefs délais à l'abolition de la détention en exil, véritable forme moderne de la déportation.

Une des grosses limites de notre condition de détenus est de ne pouvoir mettre à jour de façon ponctuelle nos connaissances sur le débat interne au Parti. Toutefois nous désirons exprimer notre point de vue à l'égard de certains thèmes apparus lors du dernier congrès.

Nous partageons pleinement le refus de l'effigie de Gandhi comme nouveau symbole du P.R.. Plus encore nous trouvons l'idée vraiment saugrenue, une des plus malheureuses de l'histoire du parti, risquant d'entraîner une altération du "patrimoine génétique" de ses idéaux.

Gandhi, homme tout aussi digne de respect et de considération qu'il soit, n'est pas un laïque, mais une figure essentiellement religieuse (de matrice hindouiste), tandis que les radicaux se proclament laïques, donc, par définition, sujets dont la pensée et l'action politique sont pleinement indépendantes des idéologies d'inspiration religieuse.

Certains aspects de la pensée et de la pratique gandhienne (pureté des moeurs, rôle de la femme, réunions de prières, etc) sont décidément obsolètes, ne peuvent être proposés aux hommes et aux femmes de la société contemporaine et ne peuvent certainement pas être partagés par les radicaux, mais sont plutôt dans la ligne des "petits cléricaux" de Communion et Libération.

Plus encore, Gandhi n'est ni le premier ni le seul qui affirme que la non-violence doit être posée comme fondement de la communauté humaine et de l'action politique.

Nous considérons du reste qu'il faut repousser non seulement l'effigie de Gandhi, mais aussi celle de n'importe quel autre philosophe ou homme politique. Il faut éviter tout choix qui pourrait conduire à de nouvelles formes surannées du culte de la personnalité ou à une quelconque sclérose idéologique, même si elles sont présentées sous un angle "laïque"; tout choix qui puisse faire apparaître le parti comme une sorte de nouvelle paroisse avec ses braves saints, comme une bonne secte... A ce stade-là il ne nous resterait qu'à nous pendre au coup le médaillon avec la face sublime du "gourou" du moment et distribuer des images de saints aux coins des rues... Il va de soi que nous ne sommes pas disposés à faire cela. Affirmer à ce propos, comme l'aurait fait Marco Pannella selon les journalistes, qu'"être laïque veut dire ne pas avoir de totem, ni même de tabous" est une tentative maladroite de réintroduire subrepticement un choix, fruit d'une suggestion personnelle, qui porterait au dénaturement de l'identité

laïque du parti, en premier lieu de cette identité plus immédiatement visible et perceptible par l'opinion publique.

Un parti laïque, doit non pas tant proposer de nouveaux "maîtres à penser" mais mettre les gens en condition de penser avec leur propre tête. Il doit préserver à tous les niveaux, y compris symbolique, sa propre autonomie vis-à-vis des attitudes religieuses et de celles fondées sur la foi.

De toute évidence toutes les questions fondamentales de la politique doivent être considérés, aujourd'hui plus encore qu'hier, dans leur réelle dimension internationale, en raison des interdépendances objectives et indissolubles entre les politiques nationales en ce qui concerne des problématiques telles que le sous-développement, le progrès technologique, le chômage, le désarmement, la drogue, la protection de l'environnement naturel et ainsi de suite.

Il en découle que le choix "transnational", entendu comme constitution d'un parti radical international, et non comme une internationale regroupant divers partis radicaux, contient en germe de grandes possibilités de développement pour les instances réformatrices que les radicaux représentent.

Toutefois nous considérons qu'il faut être très attentifs à ne pas poursuivre des utopies mégalomanes, où l'aspiration à être partout finisse par se transformer en "n'être plus nullepart", dans le "non-lieu" de l'utopie justement... et nous pensons que le plus grand engagement du P.R. doit être dirigé vers la construction de ses structures organisationnelles dans les différentes régions européennes, dans le cadre de la mobilisation pour les Etats-Unis d'Europe, comme fédération ouverte, aux pays de l'Est également.

En outre il faut repousser fermement tout choix qui risque de conduire à l'extinction du parti, et par conséquent à l'extinction de son patrimoine de batailles civiles, à l'extinction de l'expérience absolument originale que celui-ci incarne grâce à la rigueur et à la cohérence au moyen desquelles il s'est fait le gardien et le promoteur des droits des citoyens, grâce au fait qu'il est animé par d'authentiques "extrémistes de la démocratie".

L'évolution nécessaire pour sortir du "ghetto" du 3% et des frontières nationales trop étroites ne doit pas se transformer en disparition.

Autrement dit, les élections à tous les niveaux, européen, national, local, constituent un moment fondamental de la vie politique, auquel on ne peut renoncer. Que le P.R. ne se présente plus en tant que tel, si l'on veut, mais qu'il s'engage à la formation de "nouveaux sujets politiques" réformateurs, lesquels se présenteraient aux élections, préfigurant "une force laïque d'alternative". Cela exige que la motion du Congrès soit claire. Mais, si celle-ci peut être considérée comme telle en ce qui concerne les thèmes généraux d'initiative politique (Etats-Unis d'Europe, antimilitarisme, antiprohibitionnisme, etc.) elle l'est bien moins en ce qui concerne les questions électorales.

Quels sont concrètement les "nouveaux sujets politiques réformateurs" auxquels nous faisons allusion? A travers quelle alchimie politique ceux-ci se formeraient-ils ? Concrètement, sur quelles alliances, après la faillite substantielle du "pôle laïque" et l'expérience du "gruppo federalista europeo" (nom du groupe parlementaire réunissant les députés élus sur les listes radicales lors des dernières élections, ndlr) le P.R. devrait-il s'appuyer ? Quel type de formation promouvoir ? Une fédération de partis ou un nouveau parti commun ? Quel devrait être le programme commun (au delà des objectifs propres au P.R.)?

Voici quelques-unes des questions qui se posent et auxquelles la motion du congrès ne répond pas, renvoyant la définition de ces points essentiels à la confrontation qui, dit-on, devra avoir lieu à l'intérieur des organes du parti.

Nous venons d'observer ci-dessus comment à partir de notre position de détenus nous restions forcément en marge d'une telle confrontation, comme par ailleurs d'autres moments essentiels de l'activité du P.R. (en plus, nous ne recevons pas régulièrement les publications du P.R.).

Pour ces raisons, nous nous limitons à exprimer ici le vif souhait qu'une stratégie précise puisse être définie, dépassant toute attitude non concluante et de dispersion qui nous porterait, non préparés, aux prochaines échéances électorales, lesquelles, nous le répétons, constituent un rendez-vous auquel on ne peut renoncer, un rendez-vous qui conduirait purement et simplement, s'il était manqué, à se mettre en dehors de la vie politique démocratique, en dehors de ces institutions dont on voudrait, aux dires de la motion, "gouverner" la transformation.

Nous pensons que si au cours des années passées le parti s'était présenté aussi aux élections municipales avec ses propres listes - chose dont nous excluons qu'elle puisse mener automatiquement à la corruption des ressources et des idéaux des radicaux, comme certains le croient - il aurait plus de poids aujourd'hui, il aurait des potentialités d'agrégation plus grandes, il aurait plus de moyens et de ressources pour son action. L'intégrité morale et idéale peut très bien être maintenue sans de stériles inhibitions, à travers l'observance de la "règle" évoquée par Marco Pannella.

Nous ne nous inscrivons donc pas (ou nous ne renouvelons pas l'inscription) pour appartenir à une espèce rare en voie de disparition, mais pour devenir membres d'un parti qui reste protagoniste de la transformation démocratique de la société et conserve une identité aux contours limpides, ainsi qu'il a su le faire dans d'autres moments critiques pour la vie de la démocratie.

 
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