Manifeste AntiprohibitionnisteSOMMAIRE: Il s'agit d'un appel promu à l'initiative du CORA pour demander la dépénalisation et légalisation de la drogue au niveau international ou au moins européen. L'appel met en évidence la faillite totale du prohibitionnisme.
(Nouvelles Radicales N.3 - juin 1988)
- Attendu que depuis 75 ans, tous les Etats mènent une politique de répression et de prohibition à l'égard de l'usage des stupéfiants et des drogues.
- Attendu que cette politique n'a pas atteint son objectif mais
qu'elle a démontré au contraire sa faillite complète puisque le
commerce, l'usage et l'abus des drogues ont progressé dans presque tous les pays.
- Attendu par ailleurs que la prohibition a entraîné une série
d'effets pervers tels que:
1. la naissance et le développement grâce à des lois nationales
répressives, d'un marché noir international qui permet à ses
détenteurs d'en organiser l'extension et de demeurer à l'abri de tout contrôle, cela grâce à l'infiltration des institutions politiques et économiques;
2. l'entremêlement inextricable du marché noir de la drogue et du
marché des armes au point par exemple que les pays du Sud échangent de la drogue contre des fournitures illicites d'armes en provenance des pays du Nord;
3. l'apparition et le renforcement, au travers du pouvoir qu'exerce cette énorme masse d'argent, d'un effet déstabilisateur sur les économies légales et sur les institutions démocratiques de nombreux Etats.
4. l'apparition et l'augmentation dans le milieu des consommateurs d'une criminalité (trafics, "casses", vols, etc.) rendue nécessaire par la dépendance des toxicomanes, principalement à l'égard de l'héroïne;
5. un processus de transformation des petits consommateurs en
trafiquants aux fins de financer leur consommation;
6. le glissement dans la délinquance de citoyens non consommateurs mais motivés par l'opportunité de réaliser des profits considérables en se livrant au commerce des drogues.
7. La relégation dans la clandestinité et parfois dans la délinquance obligée non seulement des toxicomanes mais aussi des consommateurs - occasionnels ou non - de drogues douces.
- Attendu qu'une telle situation ne va pas sans poser aussi de graves problèmes d'hygiène et de santé publique tels que ceux dûs à:
1. l'utilisation de seringues infectées, une des causes importantes de propagation du SIDA;
2. la présence de substances dite de "coupage" de qualité douteuse et en proportion inconnue, étroitement liée à la majorité des cas d'overdose mortelle.
- Attendu que chaque année, les tribunaux distribuent à une population généralement très jeune et "primaire" (non récidiviste) des milliers d'années d'emprisonnement.
- Attendu également que les peines prévues pour les délits relatifs au trafic ou à la consommation de drogues sont disproportionnées et souvent contradictoires.
- Attendu également que la consommation de cannabis entraîne par
exemple des peines de même nature que celles sanctionnant l'homicide par imprudence ou l'escroquerie.
- Attendu encore que c'est de manière tout-à-fait irrationnelle que le prohibitionnisme affronte la réalité sociale que constitue la consommation de stupéfiants puisqu'il autorise d'une part la
consommation de substances psycho-actives légales (tabac, alcool,
café, produit pharmaceutiques ...) en distinguant pour certaines de ces substances la consommation de l'abus et qu'il nie d'autre part le fait statistiquement vérifié, que certaines drogues douces, notamment le haschich et la marijuana dont font usage des millions de personnes, compromettent moins la santé et le comportement de la population que nombre de substances psycho-actives légales.
- Attendu que la politique prohibitionniste ne permet pas de
distinguer les différents types de drogues et les conditions dans
lesquelles elles sont consommées.
- Attendu enfin que cette politique trompe l'opinion publique en
faisant croire qu'un conservatisme répressif constitue un remède
efficace.
Nous, signataires,
- considérons que l'abus de drogues est un problème réel et parfois dramatique mais qui doit être abordé de manière pragmatique et au-delà de tous préjugés.
- estimons que des solutions alternatives à la prohibition doivent être trouvées d'urgence dans un cadre non seulement national mais international ou à tout le moins européen.
Pour ces raisons, nous signataires, demandons:
1. la dépénalisation de la consommation des drogues,
2. la réglementation du commerce du cannabis et de ses dérivés,
3. la réglementation de l'accès aux drogues dures selon des modalités propres à en casser le trafic,
4. la garantie de la liberté thérapeutique fondée sur la confiance en la responsabilité et en la compétence professionnelles des médecins, sur le respect des règles déontologiques qui sont les leurs, pour tout ce qui concerne la prescription de substances nécessaires ou opportunes au traitement de la toxicomanie,
5. l'offre aux toxicomanes d'un large éventail d'options d'assistance et de traitement, (ce qui inclut le traitement de maintien à base de stupéfiants),
6. le libre accès aux seringues neuves.
Nous signataires, nous affirmons en outre qu'il est urgent:
A. de vérifier et d'évaluer l'efficacité des différentes thérapies pour le traitement de la toxicomanie,
B. d'introduire une réglementation rigoureuse de la publicité des
psychotropes: alcools, médicaments, tabac,
C. de promouvoir des campagnes d'information-dissuasion sur les
drogues légales et illégales visant à en contenir l'usage et à en
décourager l'abus afin de sauvegarder la santé publique.
Appel promu à l'initiative du Co.R.A.
(Coordination Radicale Antiprohibitionniste)
Rue du Prince Royal, 25 - 1050 Bruxelles.
T. 512 96 23 - 230 41 21