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Sciascia Leonardo - 28 agosto 1988
Découvrons qui a tué Pinelli
par Leonardo Sciascia (*)

SOMMAIRE. A la nouvelle de l'arrestation de Sofri, l'auteur déclare avoir pensé tout de suite: "S'il est vraiment coupable... il confessera". Vu que Sofri n'a pas confessé, il nourrit la "conviction qu'il est totalement innocent". Il déclare avoir connu Sofri dix ans après les "années folles", et d'avoir trouvé que c'était un homme "religieux". L'article-même publié le jour après l'assassinat de Calabresi, le disculpe au lieu de l'accuser: Sofri n'aurait pas été aussi stupide d'offrir une trace aux enquêteurs. Tout au plus, on peut accuser cet article d'"apologie d'un crime". Un cas comme celui de Sofri souffre malheureusement d'une "contradiction interne": la recherche de la vérité s'appuye en effet uniquement sur des "impressions subjectives", et celles-ci amènent l'auteur à considérer Sofri innocent. Il prend ensuite en examen les éléments qui sont portés à charge de Sofri (qui se limitent à la confession d'un repenti, Marino) et tente d'analyser également les comportements de ce dernier: malheureusement

il semble que Marino soit "un personnage qui a trouvé son auteur dans la loi sur les repentis".

(L'ESPRESSO, 28 août 1988)

Lorsque j'ai appris l'arrestation d'Afriano Sofri (1), j'ai tout de suite pensé: s'il est vraiment coupable, il confessera dès qu'il sera devant le juge. Je ne veux pas dire que le fait qu'il n'ait pas confessé fasse naître en moi une pleine conviction d'innocence: mais c'est un élément d'intuition, d'impression, auquel s'ajoutent d'autres éléments plus rationnels.

Je n'ai pas connu Sofri dans les années folles, aux alentours de 68. Je l'ai connu dix ans plus tard. Et il m'a semblé, face à la vie, face aux livres, dans ses rapports humains, un homme "religieux". Etait-il vraiment si différent auparavant? Je ne réussis pas à le croire. J'ai eu un ami, qui a été aussi ami de Vitaliano Brancati, et dont Brancati, en lui donnant un autre nom, parle dans un de ses récits, qui à cause de son opinion et de son sentiment de la révolution, en particulier dans les années du fascisme, aurait incendié le monde, mais il n'y avait aucune personne, quoi qu'elle pensât, qui ne fut digne de son respect. C'est l'impression que j'ai de Sofri, pour son caractère outre que pour sa déceptions idéologique et pour ses reflexions sur cette déception: et je peux imaginer ses intempérances d'autrefois, mais entre les intempérances et l'homicide - et de plus, froidement, commissionné par d'autres - il y a une grande différence. Si l'article publié par "Lotta Continua" (2) au lendemain de l'assass

inat de Calabresi est de sa main, un article qui peut ressembler à une revendication, il me semble qu'il réponde, également à des critères révolutionnaires abstraits et il me semble, également, qu'il marque aujourd'hui un point en faveur de la défense plutôt que pour l'accusation. Ceci en considérant la question que nous devons pourtant nous poser: peut-on penser que Sofri et ses amis les plus proches, s'ils avaient décidé d'assassiner de Calabresi, aient été tellement stupides d'attirer tout de suite l'attention de la police sur leur groupuscule?

Je connais la réponse, à cause de la manière dont l'instruction est en train de s'instruire: ils avaient besoin de se signaler comme guide du mouvement tout entier, et en héros aller presque jusqu'assumer la responsabilité de ce crime. Mais, en considérant que même à l'époque ils n'étaient pas idiots, dans la fureur révolutionnaire, à mon avis c'est l'hypothèse contraire qui tient: ils étaient sûrs que la police ne trouverait parmi eux aucune trace de l'organisation de ce crime, et pour le simple fait qu'il avait été organisé et consommé par d'autres; et ne pouvant donc pas être accusés de meurtre, ils pouvaient se permettre d'encourir une accusation d'apologie de crime: une accusation dérisoire, et surtout à ce moment-là. Et, il faut le reconnaître, l'apologie naissait d'une "provocation" de l'Etat qui n'atteignait pas uniquement les révolutionnaires, mais la plupart des italiens. Aujourd'hui encore, quelle vérité avons-nous sur la mort de l'anarchiste Pinelli (3) si ce n'est celle que chacun et tous nous n

ous sommes construits facilement, et avec plus ou moins de variantes graves à charge de ceux qui l'interrogeaient? Pinelli n'a pas résisté aux tortures morales et psychiques, et il s'est jeté par la fenêtre: variante la plus légère. Ou il n'a pas résisté aux tortures physiques, profitant d'un moment de distraction des personnes présentes pour se jeter par la fenêtre. Ou il n'a pas résisté aux tortures, il en est mort, et il a été jeté par la fenêtre. Une hypothèse, cette dernière qui trouve une preuve de probabilité dans le cas plus récent et attesté qui s'est vérifié dans les bureaux de police de Palerme.

Et il faut insister sur le fait qu'un crime ainsi consommé "dans" les institutions est incommensurablement plus grave que n'importe quel qutre crime consommé "à l'extérieur". (Alberto Savinio disait: "J'avertis les imbéciles que leur protestations tomberont aux pieds de mon indifférence glaciale." Mais on ne peut déclarer imbéciles que ceux qui désapprouveront mon affirmation?). Et de toute façon: n'est-ce pas le moment de dire la vérité sur la mort de Pinelli, rendant ainsi honneur à la mémoire de Calabresi si, comme on l'a dit, il n'avait rien à voir avec ça? Ne peut-on pas trouver, parmi ceux qui étaient présents, un "repenti" qui dise finalement la vérité?

Mais, pour en revenir à Sofri, il faut dire que des cas comme le sien font partie des cas qui non seulement se présentent immédiatement ambigus, mais qui sont destinés, dans l'opinion de la plupart des gens, à rester tels; des cas avec des contradictions internes, des doubles vérités. Car la recherche de la vérité ne peut s'en remettre aux faits, à la concomitance d'indices, à la convergence de témoignages plus ou moins directs, et parvenir à une solution "au-delà de tout doute", mais aux impressions subjectives que l'on peut avoir en se trouvant face aux accusés et à l'accusateur, du fait de les avoir connus ou, comme cela se passe pour les juges, de les connaître maintenant, du fait qu'on discute avec eux, du fait qu'on les scrute. Et c'est dans cette limite - de l'avoir connu, de l'estimer, de le croire incapable d'avoir ordonné un assassinat - qu'a été signée, par moi aussi, une lettre qui sera davantage de reconfort que d'aide à Sofri. Jamais, comme elle a été comprise quelque part, en tant qu'affirmati

on d'une équivalence entre l'intellectualité et l'innocence. Même l'esprit de corps ou de caste, dont je suis d'ailleurs dépourvu, peut rendre aveugle à ce point. Il y a eu des intellectuels capables de crimes bien plus ignobles et atroces; et un intellectuel qui voudrait l'ignorer ne serait pas un intellectuel mais un crétin. Et il est inutile de dire qu'on était bien loin, avec cette lettre, de désirer l'impunité ou d'invoquer le "pardon". On voulait et on veut, uniquement et absolument, une justice équitable.

D'après ce que le soi-disant secret de l'instruction laisse affluer aux journaux, la condition de Sofri et de deux autres accusés semble être la suivante: il y a un quatrième homme qui s'auto-accuse et qui les accuse de l'assassinat de Calabresi. Deux mandants, Sofri et Pietrostefani; deux exécutants, Bompressi et Marino: et Marino est celui qui s'auto-accuse et qui accuse. Mais après seize ans, et maintenant que les lois qui avantagent les repentis sont en vigueur. Il semble qu'il n'y ait rien d'autre, pour étayer les accusations de Marino, si ce n'est les révélations faites à la police et à la magistraure par d'autres repentis, qui appartiennent à la préhistoire du "repentisme", d'après lesquelles l'assassinat de Calabresi a été l'oeuvre du groupe de "Lotta Continua". Et ici les questions s'affollent: elles concernent le passé et le présent, l'histoire du terrorisme et l'histoire du "pardonisme". Mais pour nous limiter à aujourd'hui: dans quelle mesure, une fois vérifiée, Marino payerait-il sa participatio

n au crime? Quels ont été ses rapports avec Sofri dans les seize dernières années? Jusqu'à quelle date s'adressa-t-il à lui pour obtenir une aide financière et depuis quand en a-t-il été déçu? S'adressa-t-il aussi à Pietrostefani? Quelle est sa situation financière et morale au moment où il va s'auto-accuser et accuser, sa situation familiale, en particulier les rapports avec sa femme?

Mais le citoyen commun n'a pas, comme le magistrat, ni l'opportunité ni les moyens d'obtenir une réponse à cette question et à d'autres questions du même genre. Ceux qui connaissent Sofri et l'estiment, se sentent en droit d'avoir l'opinion, jusqu'à la preuve nette du contraire, que Marino est un personnage qui a trouvé son auteur dans la loi sur les repentis. Quant aux raisons psychologiques qui peuvent avoir fait naître en lui la décision de s'auto-accuser pour accuser, on peut en trouver beaucoup, aux yeux de l'expérience de la vie comme de la littérature du sentiment de la gratitude, difficile et insoutenable pour beaucoup et dont on se soulage avec un sentiment opposé, à la rancoeur dans laquelle se transforment assez souvent les admirations, les dévotions et les mythisations; de s'ancrer à l'idée que le passé révolutionnaire ait été bon pour les malins et mauvais pour eux, ingénus, à l'envie d'atteindre la notoriété, à une forme de succès, impossible par d'autres voies et ouverte par celle des révélati

ons judiciaires. Et ainsi de suite. Et on ne dit pas par là que ce furent les mobiles de Marino, mais ils peuvent avoir été tels, si nous croyons que Sofri était étranger à ce crime.

L'arbre du repentir peut donner, comme il a donné, des fruits de la sorte. Nous aurions pu espérer que les juges auraient réussi à effacer au plus vite les signes du "d'abord je t'arrête et ensuite je cherche les preuves", que l'on entrevoit hélas dans ce cas aussi. Mais la communication judiciaire envoyée à Boato et à d'autres personnes éloignent de beaucoup cet espoir.

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N.d.T

(*) SCIASCIA LEONARDO. (Racalmuto 1921 - Palerme 1990). Ecrivain, auteur de romans célèbres ("Le parrocchie di Regalpetra", 1956; "Il giorno della Civetta", 1961; Todo modo, 1974), mais connu aussi comme polémiste, participant de la vie civile italienne pendant vingt ans au moins. Il fut aussi député radical pendant une législature, intervenant de façon énergique dans les batailles pour les droits civils (affaire Tortora, etc).

1 - SOFRI ADRIANO. (1942). Leader du mouvement extraparlementaire italien "Lotta Continua". Journaliste, écrivain. Jugé et condamné à vingt ans comme co-responsable présumé de l'assassinat du commissaire de police Calabresi. Il a été acquitté récemment. Mémorialiste lucide et désabusé.

2 - LOTTA CONTINUA (Lutte continue). Un des mouvements politiques de l'extrême gauche italienne les plus importants et les répandus, fondé à Turin en 1969. En 1971, il créa le journal du même nom, qui eut tout de suite une ample diffusion. Il sépara la gauche extraparlementaire de la préjudicielle ouvrière, pénétrant dans le monde de la jeunesse et des étudiants, parmi les appelés au contingent, dans les prisons, etc. Parmi ses leaders, le journaliste et écrivain Adriano Sofri se distingua.

3 - PINELLI GIUSEPPE. Anarchiste, italien. Accusé d'être l'auteur de l'attentat contre la Banque de l'agriculture de Milan, il mourut mystérieusement, en tombant d'une fenêtre de la Préfecture de Milan pendant un interrogatoire (1969). Le commissaire de police Luigi Calabresi fut accusé de sa mort, comme vrai exécuteur, et il fut tué à son tour dans un attentat terroriste pour venger la mort de Pinelli.

 
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