INTERVIEW DE MARCO PANNELLA PAR MILOVAN ERKIC
POLITICKI SVET (Belgrade) - 15 Novembre 1988
OSAM (Belgrade) - 18 Novembre 1988
SOMMAIRE: Milovan Erkic interview Marco Pannella sur les théories du parti transnational, sur ses perpectives de croissance dans les pays socialistes, sur la méthode nonviolente, sur son rôle de leader, sur les difficultés d'affirmer les batailles de libération individuelle dans les pays ayant un code moral conservateur, sur la paix et la sécurité en Europe, sur l'intégration de la Yougoslavie dans la Communauté européenne.
(RADICALNE NOVOSTI, par MARINO BUSDACHIN ET SANDRO OTTONI - avec la collaboration de MASSIMO LENSI, FULVIO ROGANTIN, PAOLA SAIN JAN VANEK, ANDREA TAMBURI - TRIESTE, 1er Janvier 1989)
2) Le caractère transnational du Parti radical est relativement nouveau. S'agit-t-il d'un choix à long terme ou d'un programme limité dans le temps, comme l'ont été d'autres programmes du PR?
"Ce parti est un parti ayant une vie annuelle. Par son Congrès il se constitue ou se reconstitue sur la base des décisions que le Congrès adopte à la majorité des deux tiers des votants. Par conséquent, la transnationalité aussi est théoriquement précaire, comme le parti. Puisque les adhérents, les inscrits au Parti le sont aujourd'hui précisément à cause de ce choix (transnational et transpartite), je pense que le parti se renforcera dans cette direction, ou bien il cessera ses activités. Il me semble évident qu'aujourd'hui les dimensions des problèmes les plus importants pour l'humanité et pour chaque peuple et chaque individu ne sont plus nationales et qu'elles exigent que les solutions soient élaborées, défendues et affirmées par des organisations politiques et des institutions d'Etat qui aient assuré en leur sein la participation active et responsable des différents idéaux, cultures, stratégies, expériences et nécessités, propres à chaque histoire nationale ou d'état, de chaque marché, et aient une
souveraineté correspondante aux problèmes qui doivent être résolus. Et, pour cela, nous avons deux convictions fondamentales: la méthode de la nonvilence absolue, politique qui est l'actuelle incarnation de la civilisation de la tolérance laïque et de la démocratie politique et qui impose à la conscience individuelle et collective, comme pour Gandhi, une sorte de révolution continue; et le caractère de service public, ouvert et géré par des individus libres et qui le restent, du Parti radical, une sorte de bus, où ceux qui paient leur billet, leur carte, ont le droit d'accomplir jusqu'au bout, s'ils le souhaitent, le parcours payé. Le droit, je le répète, et non pas l'obligation. Le Parti ne postule aucune discipline: ses délibérations ne sont contraignantes, en fait, que pour ses dirigeants de l'année et non pas pour ses inscrits.
Comme vous le constatez, il s'agit vraiment d'un parti étrange, presque impossible; mais qui a opéré jusqu'ici avec un respect parfois féroce de ses règles, n'ayant que des objectifs à poursuivre et pas une once de pouvoir, qui n' a vu quelques milliers de personnes et même quelques centaines parfois, compter davantage que des millions d'autres, organisés en partis traditionnels, de pouvoir ou idéologiques.
C'est donc un parti qui ne fait concurrence à aucun autre, surtout national. Ses objectifs sont absoluments différents: on pourrait dire qu'il s'agit d'une sorte de WWF des délits humains au lieu de délits de la faune ou de la flore. Je défie n'importe quel tribunal de n'importe quel pays au monde d'exprimer juridiquement, dans le respect de ses lois, un jugement différent, et de trouver une sorte quelconque d'incompatibilité même avec des institutions ou des législations qui prévoient des partis uniques pour la vie et le gouvernement du pays. Comme il est impossible ou injuste de le considérer, où qu'il se trouve, un parti étranger, alors qu'il est un parti international et transnational.
Une autre caractéristique implicite mais certaine est celle ne n'être d'aucune façon légitimé pour représenter ses inscrits, leur humanité, leurs idées, leurs intérêts généraux: un parti démocratique, pour nous, est un instrument, un outil, et non pas une église, une ethnie, une armée.
Nos dirigeants en tant que tels, ne peuvent que réaliser l'oeuvre nécessaire pour poursuivre l'objectif annuel, mais nous représenter, jamais. Naturellement, eux aussi sont des personnes, des citoyens, des militants, et ils ont le droit et le titre personnel d'exprimer d'autres choix et d'autres intérêts que ceux qui ont été pris en considération par le parti.
Donc, si cet instrument, cet outil, pour une raison quelconque, n'est plus utile, n'est plus adéquat, perd de sa solidité, se brise, il doit être mis de côté, pour en imaginer éventuellement d'autres.
C'est ce qui risque d'arriver aujourd'hui à cause du fait que nous sommes qu'un peu plus de cinq mille dans le monde, et nous avons besoin (selon nos évaluations) d'au moins le triple d'énergies humaines et d'argent, d'inscriptions et de souscriptions de militants".
3) Votre parti est, pour le moment, l'unique parti transnational. Pensez-vous qu'il y e aura d'autres qui opèreront hors de leurs frontières nationales, surtout en tenant compte de l'Europe de 1992?
"A vrai dire, notre parti n'est pas le seul parti transnational, mais il est l'unique sous tous les autres aspects: par exemple celui de ne pas considérer contradictoire l'appartenance à un autre parti. Un démocrate, il me semble, peut et doit être aussi radical, et pas seulement radical.
Il me semble évident que d'autres partis transnationaux devront se former, pour les mêmes motifs qu'à la fin du siècle dernier et au cours des premières décennies de celui-ci, le mouvement des travailleurs postulait le caractère internationaliste et international des organisations politiques socialistes. En particulier, il me semble que très bientôt, au sein de la Communauté européenne, des Etats Unis d'Europe, les partis devront se reformer et devenir réellement européens et non pas seulement nationaux. Le Parlement européen a formellement délibéré, d'autre part, de demander à ce que les prochaines élections de 1989 permettent la présentation de candidats des 12 pays adhérents dans chaque collège national. Il est difficile que cela advienne, mais il est probable que le Parlement italien vote de manière unilatérale, grâce à notre initiative, au cours des prochaines semaines, afin qu'en Italie puissent être candidats tous les citoyens de la Communauté européenne. En ce qui concerne l'Europe de 1992, nous
ne sommes pas optimistes, à moins que l'on arrive à la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises, mais aussi à la constitution d'un véritable Etat fédéral qui soit en mesure de gouverner avec ses propres lois ce nouveau marché unique, et de les faire respecter. De toutes façons, le processus une fois lancé subira peut-être des retards dans certains secteurs, mais il ne pourra subir que de fortes accélérations sur le plan culturel, politique et sociologique".
4) En Yougoslavie aussi, le nombre des inscrits au PR croît. Avez-vous un programme qui pourrait être accepté en masse par les citoyens yougoslaves?
"Moi? Si je l'avais je ne serais pas radical! Le Parti Radical en tant que tel ne peut avoir, à mon avis, de programme yougoslave ou italien ou africain: il peut avoir des objectifs, des projets valables même en Yougoslavie.
Et nos camarades yougoslaves, dans le parti et en tant que parti, participeront à faire affirmer les objectifs et les projets italiens, européens, et pas seulement yougoslaves. Au sujet des droits de l'Homme, des droits civils, sociaux, politiques; au sujet de la défense de l'environnement, de l'écologie, contre l'effet de serre, la pollution des eaux (en commençant par l'Adriatique), contre les puies acides, la pollution des villes, l'industrialisme destructif, contre le fléau de la drogue, contre le Sida, contre la peste nationaliste et autoritaire, contre la violence dans la vie civile et sociale et politique, contre le gaspillage en investissements militaires ... Tout cela ne peut guère être combattu dans un seul pays, un seul Etat. Il y a donc, vous le voyez, l'embarras du choix, puisque nous ne pourrons jamais, avec les caractéristiques de notre parti, les combattre, en tant que Parti Radical, tous et tous ensemble..."
5) Croyez-vous dans la possibilité de pouvoir agir dans les pays socialistes sans que les membres de votre parti ne soient exposés à des mesures répressives par les pouvoirs locaux qui, probablement, ne tiennent aucun compte des méthodes nonviolentes de votre parti?
"Ecoutez, parlons franchement. En Italie, pays du monde occidental, Etat de droit et de démocratie politique, du moins en principe, nous tous ou presque avons été en prison, avons subi des procès des centaines de fois (et acquittés en général). Un nonviolent, un gandhien, s'auto-accuse même, désobéït aux lois civiles, ne collabore pas aux ordres injustes, de manière systématique; ou devrait être en mesure de pouvoir le faire. Il me semble donc probable que dans les pays à socialisme réel, les difficultés ne manqueront pas. Cela est déjà arrivé, ces derniers mois, que des gouvernements, comme le gouvernement tchécoslovaque, accusent le Parti radical d'être à l'origine de la grande manifestation populaire du 21 Août, exhibant à la télévision nos tracts, nos calicots, une manifestation-éclair le 19 Août à Prague... A Varsovie, même chose; le ministre de l'information a accusé le parti de... Cicciolina et des dépravés radicaux d'être des ennemis du régime, des responsables de manifestations et actions contr
aires à Jeruzelski. C'est trop d'honneur!
Mais, en ce qui concerne la Yougoslavie, personnellement, cela fait huit ans au moins que je prêche que les créneaux de démocratie sont plus vastes de ce que l'on pense à l'ètranger, et même en Yougoslavie, et que la classe dirigeante est très sérieuse. J'espère que l'on ne voudra pas me donner tort... Certes, les difficultés consécutives au dépassement des motivations historiques des choix accomplis à la fin des années Cinquante, difficultés aggravées de bonne foi ou de mauvaise foi par l'Occident et par l'Europe démocratique, qui ont continué comme des perroquets à dire qu'indèpendance nationale et non-alignement traditionnel étaient d'excellents choix pour vous, alors qu'eux-mêmes en accomplissaient d'autres, à l'opposé, créent aujourd'hui une situation difficile".
6) Suite aux expériences que vous avez eues jusqu'ici, dans les pays socialistes, considère-t-on davantage une force politique concurrente ou plutôt un ennemi de classe?
"Jusqu'ici, dans les pays à socialisme réel, nous ne pouvons pas dire que nous avons pu agir en tant que parti: les inscrits - qualitativement et souvent emblématiquement importants - ont été et sont toujours trop peu nombreux. Pour le reste, il est évident que les vieilles classes dirigeantes encore marquées par le stalinisme ne peuvent qu'avoir des évaluations tout à fait stupides à notre égard. Mais il sera intéressant de voir quels seront au contraire les réactions de l'ère de Gorbatchev, si elle se poursuivra et si elle se renforcera. Il pourrait y avoir des surprises, malheureusement pas seulement positives, chose que, pour le moment, nous ne pouvons pas exclure".
7) L'un des principes fondamentaux du Parti radical est la nonviolence. Cela ne vous semble-t-il pas une méthode anachronique du monde d'aujourd'hui? Ou plutôt, ne croyez-vous pas que dans le contexte de la culture européenne, la nonviolence de type gandhien puisse paraître de type catholique? Et je pose cette question tout en sachant que vous avez été les plus grands adversaires du Concordat.
"Ce que l'on considère peu c'est la nonviolence gandhienne, dans son essence et dans ses manifestations historiques, elle est surtout de dérivation occidentale, anglosaxonne, et non pas orientale (sinon,elle aurait été de nature contemplative). Gandhi était un avocat, diplomé en Grande Bretagne, comme le Pandit Nehru, et bien d'autres. Gandhi, dans son action sociale et politique, a été beaucoup plus proche de la société fabienne, en tant qu'inspiration politique, et de la nonviolence de croiser les bras (la manière avec laquelle on définissait la grève, cette révolution ouvrière et démocratique) que de la nonviolence boudhiste.
La nonviolence politique, constitue aujourd'hui, la forme la plus avancée et intègre de la tolérance laïque, sur laquelle se fonde la civilisation d'une société et d'un Etat, si elle est traduite dans les lois et dans les comportements de la classe dirigeante aussi bien que dans les oppositions historiques. Pendant deux siècles, après la révolution bourgeoise, d'épouvantables contradictions ont blessé la civilisation de la tolérance et de la démocratie. Au nom de la Déesse Raison on a tué et massacré, au nom des nations et des révolutions on a fait des guerres et des carnages et l'on a même pensé que tolérance et violence pouvaient et devaient cohabiter, lorsque la violence devenait d'Etat ou révolutionnaire. Malheureusement l'Eglise catholique, au cours des siècles, a subie elle-aussi, et à certaines époques elle a même imposé, des massacres et des violences les plus atroces. Dans les procès staliniens on retrouve la matrice "inquisition".
La nonviolence place au centre de la vie sociale la personne, le dialogue, comme Socrate, non seulement comme Gandhi. La nonviolence suppose le fait que les démons n'existent pas, mais que les personnes, elles, existent. Et que la pire d'entre-elles, si elle est agressée avec la force de la nonviolence, qui est toujours agressive contrairement à l'apparente douceur du pacifisme peut correspondre avec cette partie d'elle-même qui est la meilleure...
La véritable nonviolence politique, par exemple, n'a rien à voir avec certaines forces de grève de la faim, comme celles des militaires irlandais de l'IRA. Si l'on ne veut pas que la nonviolence constitue une forme de violence, il faut utiliser ses formes extrêmes, comme celle justement de la grève de la faim, uniquement pour demander au pouvoir, avec confiance, de réaliser ce qu'il a promis et que la loi lui impose...
8) Vous êtes le premier homme du Parti Radical. Dans la réalisation des programmes du parti, on ne parle que de vous. Rien ne se fait sans Pannella. Dans les pays à socialisme réel, le parti est à la mesure de son leader. Où résident donc les différences et y-a-t-il peut-être un danger commun de soumission au charisme du chef du parti?
"Le charisme a été trouvé comme caractéristique de la réalité sociologique et politique par Weber. Et, pour Weber, le charisme a été ressenti comme force positive. Nous, après les expériences de ce siècle, nous avons au contraire compris qu'il faut absolument tendre à garder la force du charisme et celle du pouvoir nettement séparées. Mais ce qui est fondamental, il me semble, c'est que tout le pouvoir qui est conféré au premier secrétaire par le Statut, soit dans les mains de celui qui a cette charge, et que - dans le bien et dans le mal - dans les marges très étroites que la structure particulière de notre parti permet - il puisse de facto affirmer ses convictions, ses décisions, mêmes si elles sont à l'opposé de celles dudit leader sans pouvoir.
Ainsi, en un peu plus de vingt ans, j'ai accepté de payer la "taxe" d'être secrétaire deux années consécutives, comme plusieurs autres radicaux. Dans les pays totalitaires, mais aussi dans les partis des particraties occidentales comme l'italienne, en général, le leader dit charismatique, se garde bien de ne pas ajouter à son prestige le pouvoir de secrétaire et de le faire souvent en se plaçant au-dessus et en dehors de n'importe quelle loi intérieure, démocratique ou libertaire. Et tout le monde peut constater combien ils sont peu disposés en général à laisser leur siège avant de passer à meilleur vie. Ceux qui ont participé à la vie du parti et à la politique italienne, savent très bien qu'il existe un mécanisme tel que n'importe quel inscrit (même au premier jour) au Parti radical qui insulte Pannella, devient un héros en première page de tous les journaux italiens et le reste longtemps. En général on lui accorde davantage d'espace que tous les radicaux, députès, secrétaires, etc... qui arrivent sou
vent à incarner des victoires sociales et politiques d'extraordinaire valeur".
9) La plupart des luttes du Parti radical ont été de nature, pour ainsi dire, éthique ou morale: avortement, divorce, objection de conscience, libéralisation des drogues légères, soutien aux homosexuels et transexuels. Vous rendez-vous compte que dans les pays socialistes prédomine encore un code moral très conservateur, et que cela pourrait être déterminant pour le jugement à l'encontre du PR de la part des masses et même des intellectuels?
"Dans les sociétés très fermées, étouffées ou apparemment embaumées, le risque est exactement le contraire: à savoir, qu'à un moment donné, on jette le bébé en même temps que l'eau du bain... Déjà dans les sociétés autoritaires et répressives, sous la couche de conformisme couvaient les comportements plus transgressifs que dans les sociétés plus libres et donc mieux vaccinées et plus responsables.Sauf que l'on n'en sait jamais rien. Les médias n'en parlent guère: comme de la pauvreté, des tortures, des injustices. Et lorsque l'on se libère officiellement, on risque en réalité de confondre liberté et responsabilité avec des comportements sauvages. En ce qui nous concerne, contrairement à ce qui peut paraître, je pense que nous avons représenté une force de grande rigueur puritaine: nous n'avons pas toléré que des fléaux comme celui de l'avortement clandestin ou de masse et de classe demeurent cachés, que la réalité scientifique d'une sexualité complexe et riche, continue d'être ignorée et à provoquer de
s risques et des désastres sociaux. La répression sexuelle contient en soi une sorte de bombe atomique de la violence. Nous avons toujours addirmé que ce qui vit à la lumière du jour peut toujours être rendu positif et que ce qui reste dans l'obscurité de la nuit et de la clandestinité finit par être dangereux pour soi et pour les autres. Par conséquent, la nonviolence, qui est nécessairement dialogique, officielle, manifeste, constitue un drame qui empêche les tragédies.
La tolérance, la civilisation laïque doit fuir comme la peste un état et des lois qui prétendent imposer des valeurs éthiques et morales: le droit positif doit seulement garantir qu'aucune morale individuelle et collective ne se dèveloppe aux dépens des autres, ne leur fasse violence".
10) Quels sont selon vous les principaux dangers pour la paix en Europe et pour la survie de l'Homme dans cette grave situation écologique? Que pense faire votre parti dans ces secteurs?
"Aujourd'hui, les principaux dangers pour la paix en Europe résident dans la nature non démocratique, non tolérante, et par conséquent violente de nombreux régimes européens, dans la détérioration de la qualité démocratique des sociétés et des Etats occidentaux. C'est la paix civile qui est en cause, avec un ordre politique et économique international dominé par le pouvoir du complexe multinational industrialo-militaire, par le pouvoir du complexe agro-alimentaire, et d'autres encore; l'absence de pouvoirs institutionnels démocratiques transnatioinaux et internationaux en font, naturellement, avant même que leur choix, les plus grands pouvoirs de facto du monde. L'échec historique, économique et productif, politique du système du communisme réel, fait que ces complexes sont en quelque sorte déjà potentiellement "souverains" même à l'égard de ce dernier. Il y a aussi le risque des guerres civiles, du terrorisme que les Etats nationaux ne peuvent désormais que provoquer au lieu de prévenir".
11) Le Parti radical est également présent au Parlement européen. Quelle est votre influence dans ce lieu politique? Est-il vrai qu'elle est bien supérieure à votre effective présence numérique?
"Une réalité radicale transpartite est de facto déjà présente au Parlement européen, puisque les idéaux et les objectifs que nous poursuivons sont les mêmes que ceux de nombreux autres députés, indépendamment de la politique des groupes auxquels ils appartiennent. Ainsi, il est arrivé plusieurs fois que nous obtenions l'adhésion de la majorité absolue des membres du Parlement (et non pas seulement d'occasionnelles majorités relatives des votants) sur des propositions par 300 adhésions environ sur l'élection directe de la part du PE et des douze parlements nationaux, réunis en Etats généraux, sur la proposition de permettre l'électorat passif, à savoir, sur la possibilité d'être candidat de tous les citoyens de ces Etats, pour les prochaines élections européennes. C'est sur notre initiative que le Parlement a obligé la CEE à interrompre pendant des années toute coopération avec la Syrie, à avoir une attitude de condamnation pratique vis-à-vis du régime militaire turc... Je veux préciser que s'il est vra
i que nous ne sommes que trois députés élus dans les listes électorales italiennes, il y a aujourd'hui d'autres députés européens inscrits au PR, des socialistes, des libéraux, des indépendants...".
12) On dit qu'un véritable politique radical consacre une bonne partie de sa vie au parti. Personnellement, quelle est la partie de votre vie que vous donnez au Parti radical?
"Il ne s'agit pas tellement du "combien": dans les autres partis aussi, comme dans les bureaux et les entreprises, il y a des personnes qui travaillent énormément. C'est le "comment", qui distingue l'activité des militants nonviolents radicaux. Lorsqu'ils accompagnent une lutte politique avec des grèves de la faim (et de la soif, parfois), avec la désobéïssance qui conduit à la prison, au tribunal, même s'ils finissent par être reconnus absolument innocents, lorsqu'il s'agit d'obtenir des lois qui interrompent des fléaux en cours, des massacres, comme l'extermination par la faim dans le monde ou l'avortement clandestin de masse avec ses innombrables victimes, lorsque de ton initiative dépend la libération de milliers de détenus innocents, ou bien il s'agit d'empêcher l'approbation de lois liberticides et criminogènes, allors tu es comme à la guerre, au front, dans le maquis, comme un "partigiano". Il n'y a de jour ni de nuit qui tienne, chaque moment est important et il faut se réveiller.
J'ai souvent rappelé que violents et nonviolents sont des frères ennemis, mais des frères: les uns et les autres donnent corps à leurs idées... les violents préfèrent donner... le corps de leurs ennemis, en attendant leur tour, dans une logique qui est une logique de mort et de destruction. Les nonviolents opèrent dans un contexte dramatique de vie et pour la vie, la vie de chacun, et pas seulement la vie de "tout le monde". Un général italien, ex commandant des paras de la "Folgore", ainsi que du contre-espionnage italien, Ambrogio Viviani, a déclaré que, étant un soldat, ne sachant exercer que ce métier, il a découvert que les radicaux sont des soldats à plein-temps, toujours, très efficaces pour atteindre les objectifs qui sont les siens; c'est pourquoi, aujourd'hui, c'est un militant du PR.
Mais c'est un aspect qu'il ne faut pas ignorer: la grande force d'amour, d'engagement personnel de chacun de nous, dans les moments heureux même si difficiles, fait de cette epérience une occasion de grande richesse et de plénitude "privée" et pas seulement "publique"..."
13) L'un des objectifs de votre engagement transnational est dirigé vers l'intégration de la Yougoslavie dans l'Europe unie. Quelles sont les raisons de cet engagement?
Croyez-vous vraiment qu'il y ait les prémisses, en Europe, la volonté politique, et en Yougoslavie, l'ouverture économique et politique, pour inclure notre pays dans l'Europe 1992?
"J'ai déjà répondu plusieurs fois à ce propos, même en Yougoslavie, depuis 8 ans au moins; je ne voudrais pas me répéter, mais les motifs sont déjà dans toutes les réponses que j'ai données, Monsieur Milovan Erkic. (voir l'interview dans Vjesnik et le dossier annexe)