SOMMAIRE: Mauro Mellini conteste à la classe dirigeante du Parti radical d'avoir refusé, après avoir atteint l'objectif des dix mille inscrits en 1987, de se donner des objectifs politiques qui peuvent être poursuivis en Italie pour suivre au contraire une improbable perspective transnationale qui se réduisait à la recherche insensée et chère d'inscrits hors d'Italie. Les choix conséquents, comme celui de ne plus se présenter aux élections, représentent un véritable cadeau au régime des partis en Italie. Il invite par conséquent le premier secrétaire Stanzani à reconnaître les erreurs accomplies, à reprendre les anciennes batailles en Italie, à rétablir le symbole de la rose dans le poing, à en finir avec le "tourisme transnational" et, enfin, à organiser un vrai congrès en Italie et non à Zagreb.
(Nouvelles Radicales n. 262 du 30 novembre 1988)
Cher Sergio, les discussions et les délibérations du Conseil Fédéral de Jérusalem représentent une autre page d'une chronique désormais longue d'une mort maintes fois et différemment annoncée. Tellement souvent qu'elle est l'annonce désormais escomptée et peu croyable, sauf pour ceux qui ont à coeur la vie de ce parti, pour lesquels la variété des annonces est désormais en train de déterminer la conviction que la mort est voulue et qu'elle sera procurée d'une façon ou l'autre.
Je ne crois pas que l'annonce ne soit pas fondée, ni que la mort soit voulue, de même que je ne crois pas que la mort soit probable justement et surtout pour les causes qui ont été dénoncées, et je ne crois pas non plus que le fait de ne pas vouloir la mort du parti soit suffisant pour exclure qu'on soit en train d'agir pour la provoquer.
Le métier de Cassandre ne me convient pas et je crois ne jamais l'avoir exercé. Je dois me reprocher au cas où de ne pas avoir toujours dit entièrement ce qui m'aurait, somme toute, fait acquérir de plein droit cette qualification.
Ce qui est certain c'est qu'à Bologne j'ai dit, durant les quelques minutes où il est permis dans certains congrès de répliquer aux rapports kilométriques des secrétaires, tout ou presque tout ce qu'on peut dire aujourd'hui à la lumière des résultats sur les choix insensés accomplis dans ce congrès, mais - fondamentalement - également sur ce qui avait été fait dans la deuxième session du congrès annuel précédent, en février 1987, et lors du congrès extraordinaire du mois d'avril.
Car une erreur énorme a été accomplie après avoir atteint l'objectif des dix mille inscrits, en refusant, dans un congrès passerelle manquant de toute capacité de projet et de débat, de donner naissance et de donner des objectifs à une force qui était en train d'assumer des proportions et des significations jamais exprimées, pour poser d'autres conditions, cette fois "transnationales, pour ne pas "cesser les activités", presque comme pour souligner que, tout en poursuivant les activités on commençait à "débarrasser le plancher" sur le plan national, confirmant ensuite cette attitude dans le congrès ambigu préélectoral dans lequel on décida de ne pas prendre de décision sur la présentation aux élections au bénéfice d'une thèse dans la polémique toute contingente et de manoeuvre entre Craxi (1) et De Mita (2), pour se présenter ensuite aux élections avec un projet faible, peu convainquant et mal accepté, gravitant dans la sphère laïque-socialiste et destiné à se dissoudre au lendemain du vote.
J'ai pu dire, à Bologne, qu'aller "chercher des inscrits" hors d'Italie à un prix exagérément élevé, en dépensant de l'argent et des énergies exclusivement italiennes, alors que ceux-ci doivent être acquis jour après jour avec des difficultés déjà importantes, et, de plus, en affichant d'avoir "dépassé" l'intérêt pour les choses italiennes, était une chose insensée.
J'ai pu dire qu'avec ce "tournant" transnational, avec la décision de ne plus participer aux élections avec des listes de parti et avec le symbole du parti, que tout cela signifiait offrir gratuitement, sur un plat d'argent, au régime du parti qui s'étend et qui est en voie de renforcement, notre disparition et le fait de "débarrasser le plancher" avec la conséquence de nous empêcher aussi toute possibilité réaliste de poursuivre des objectifs et non des utopies sur le plan européen et transnational.
J'ai pu dire, à Bologne, que les attentes et les espérances pour l'expansion d'une force politique capable de se traduire en termes de droit, à travers la nonviolence, les exigences spécifiques de liberté et de justice dans le monde actuel, peuvent être exprimées uniquement par le Parti radical du moins à présent et ici, et que sa disparition ferait disparaître ces espérances et frustrerait ces attentes.
J'ai dit d'autres choses et j'aurais pu en dire beaucoup d'autres sur la sottise de faire une distinction entre la cessation des activités et la disparition pure et simple, ainsi que sur l'effet délétère de répéter que le parti devra cesser ses activités. Car il n'y a pas de liberté d'information en Italie, a-t-on répété à Florence en 1985. Pour faire le lien avec le collège uninominal (rétablissant ainsi des conditions de liberté, etc) a-t-on dit à l'assemblée de Rome, durant l'été 1986. S'il n'y avait pas eu 10.000 inscrits pour 1986 et 5.000 pour 1987 avant une certaine date, a-t-on dit à Rome au congrès de 1987. Si l'on n'avait pas trouvé quelques milliers d'inscriptions à l'étranger, a-t-on dit au congrès de février toujours à Rome. Pour ne pas dire que la présentation aux élections, équivalent à la cessation des activités, a été décidée au congrès du mois d'avril 1987 au cas où Cossiga aurait dissout les Chambres malgré un Gouvernement qui avait obtenu la majorité. Ensuite à Bologne, en janvier 1988, o
n a décidé, si ce n'est de cesser les activités, d'en faire d'autres, du moins sans le soutien d'une politique italienne et d'une présence institutionnelle à l'étranger, de changer le symbole (on a choisi ensuite cette cochonnerie qui, parait-il, a coûté la bagatelle de 30 millions!) de ne plus faire d'élections, etc, etc.
A présent, comme c'était prévisible, on n'a pas "trouvé" d'inscrits à l'étranger, si ce n'est quelques amateurs de choses italiennes et quelques camarades de pérégrinations touristiques-politiques des "chercheurs", etc.
La 'transnationalité' du Conseil Fédéral n'est pas plus sérieuse que la façon dont il a été élu, pratiquement à la fin du Congrès, et ses sessions dans diverses villes transalpines et transmarines n'ont signifié qu'un gaspillage insensé d'argent des inscrits italiens.
Malgré tout cela, un nombre exigu mais toutefois incroyable de personnes s'inscrit au parti parce qu'ils veulent une justice équitable, la responsabilité des juges, la fin du prohibitionnisme assassin de la drogue, la défense des droits de l'homme, la lutte contre la corruption, celle contre le Concordat, celle contre le "gorbatchovisme" et la "perestroika" de chez nous, etc, etc. Depuis qu'on a décidé de ne plus participer aux élections, nous nous sommes présentés aux élections municipales à Catane, à Trieste et ailleurs. Et pour obvier à l'absence du symbole radical, Marco a dû se présenter partout et on a dépensé des centaines de millions pour faire savoir que nous étions là même si on avait l'impression, et on devait avoir l'impression, que nous étions absents.
Nous nous plaignons du manque d'information sur nos activités, qui sont ensuite essentiellement les activités parlementaires. Mais nous faisons appeler nos groupes parlementaires "fédéralistes européens", si bien que le peu d'information qui passe confond les idées de ceux qui écoutent les bulletins de la RAI (3).
Nous nous plaignons du manque de fonds, chronique pour un parti qui ne vole pas et nous organisons des réunions du Conseil fédéral à droite et à gauche en Europe et dans les environs, qui, à tort ou à raison, sont considérés par la très grande majorité des contribuables potentiels et des inscrits radicaux des gaspillages inutiles et inconcevables.
A présent, cher Sergio, tu devrais rester en charge à condition qu'il y ait un miracle ou pour gérer la fermeture. Peut-être même avec l'avis, très cher, d'illustres juristes qui se sont mesurés à la question "élégante" du parti qui cesse ses activités, qui se dissout, qui disparaît, mais qui peut réapparaître, qui existe, qui n'agit pas, qui ferme et ne ferme pas, sauf si, etc, etc.
Il serait beaucoup plus clair et honnête de dire que nous nous sommes trompés. Je dis "nous nous sommes trompés" même si j'aurais plus d'un titre pour dire "vous vous êtes trompés". Et faire autre chose au lieu de ressasser cette fermeture équivoque et malhonnête des activités. Car le dilemme entre impossible et rien, entre projets irréalisables et échec est malhonnête, comme si cette faisabilité était un mètre dégradant et polluant.
Et il serait surtout juste et honnête envers les inscrits, ceux qui malgré tout se sont réinscrits, de changer de partition, et au moins quelques-uns des musiciens. Reprendre le symbole, le symbole décent qu'on connaît, reprendre sans hypocrisie et contorsions nos batailles, ici où nous sommes et où se trouvent nos camarades, en finir avec le tourisme transnational, et le "transnational" comme alibi et fuite de la réalité, organiser un vrai congrès ici et non à Zagreb, où la confirmation du choix transnational, avec quelques centaines de millions, aurait la majorité parmi cent-vingt congressistes si tout va bien. Redonner au groupe parlementaire le nom qui lui appartient: radical.
Appeler les camarades, les dix mille camarades et les autres qui n'ont pas eu voulu se réinscrire pour ne pas avaliser une fermeture avec l'alibi du transnational.
En attendant, pour ce qui est de l'immédiat, je te conjure de ne pas pousser jusqu'à l'irréparable la comédie du congrès à organiser ou à ne pas organiser à Zagreb.
On organise un congrès pour permettre aux inscrits de se prononcer sur les choix essentiels du parti, non pas pour rendre irréversibles et non-changeables les choix de toute façon accomplis, ni pour obtenir autre chose, peut-être même un peu de chronique (qu'il serait ensuite consolant de définir "censurée, etc) d'une interdiction plus ou moins formelle. Et tout cela en dépensant des sommes énormes pour un parti qui est au sec, avec le résultat de rendre impossible un vrai congrès, où les délibérations et les choix aient un sens et une légitimation.
Avec la perspective d'une possibilité effective de changement je crois possible une campagne d'inscriptions et un engagement pour la promouvoir.
Voilà ce qu'il reste à faire, avant qu'il ne soit trop tard. Sinon je devrai changer d'avis moi aussi et me convaincre qu'il n'existe que la volonté d'obtenir la mort de ce parti, n'en déplaise pour les projets transnationaux, transpartis, européens, etc. etc.
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N.d.T
1 - CRAXI BETTINO. (Milan 1934). Homme politique italien. Socialiste, député à partir de 1968. Devenu secrétaire du Parti socialiste italien (PSI) en 1976, il a profondément changé la physionomie du parti, le faisant devenir l'axe d'un ample projet de réformes également institutionnelles et d'unité des forces socialistes.
2 - DE MITA CIRIACO. (Avellino 1928). Homme politique démocrate-chrétien, député à partir de 1963. Ministre à plusieurs reprises, élu secrétaire de la Démocratie Chrétienne en 1981 et Président du Conseil en 1988 il se caractérise pour sa polémique ardente avec Craxi et les socialistes et pour ses tentatives d'"ouvertures" au Parti communiste italien (PCI). Exclu de sa fonction par les démocrates-chrétiens modérés, les soi-disant "dorotei", il a été élu Président de la DC. Il a conduit le courant de gauche.
3 - R.A.I. Sigle de la Radiotélévision Italienne.