SOMMAIRE: Préface au livre "Les coûts du prohibitionnisme", Actes du Colloque international sur l'antiprohibitionnisme en matière de drogues, Bruxelles, 29 septembre - 1 octobre 1988; Ed. PSYCHOTROPES, volume V, numéros 1 et 2, 1989

Les rapport que les experts ont présentés au colloque de Bruxelles l'ont confirmé: le trafic de drogue est une arme qui menace la planète tout entière. Cette affirmation est d'ailleurs reconnue par des documents officiels qui sont le fruit des recherches des gouvernements, des enquêtes de la Communauté européenne, des rapports de l'Organe de contrôle sur les stupéfiants de l'Onu. Aujourd'hui dans le monde, les énormes capitaux que la criminalité organisée tire de l'industrie de la drogue sont devenus la principale source de violence, de corruption et de dégradation sociale. Il constituent en même temps un très grave obstacle au développement des zones les plus pauvres du monde et des pays industrialisés. Les profits de la drogues sont tels qu'avec le budget de trois ou quatre ans de cette industrie, la dette extérieure totale des pays en voie de développement qui se chiffre à environ mille deux cent milliards de dollars serait effacée. Pourtant, jusqu'à maintenant, aucun gouvernement n'a eu le courage, non s

eulement de modifier la politique de prohibition de la consommation et du commerce des drogues mais même pas d'en analyser sérieusement les résultats.

Les rapports présentés à Bruxelles par des médecins, sociologues, philosophes, économistes, juges, policiers, psychiatres provenant des Usa, du Canada, d'Australie, de Grande Bretagne, de France, de Belgique, d'Espagne, des Pays-Bas et d'Italie, et les quatre phases de débat général, on permis d'en arriver à une perspective politique concrète de réforme. La discussion a été très ouverte, des positions même assez distantes se sont confrontées sur ce qu'il faut faire, mais il est possible d'indiquer certains points fermes sur lesquels il est possible de travailler dès maintenant pour le lancement d'une grande campagne antiprohibitionniste au niveau internationale.

Cela signifie que:

a) la réglementation de la production, du commerce et de la vente des drogues aujourd'hui prohibées, de la marijuana à l'héroïne et à la cocaïne aurait pour effet de réduire les prix de 99%, pour cela, il sera du devoir de l'Etat de fixer des taxes adéquates pour décourager la consommation des drogues et en garantir en même temps la qualité de façon à en réduire au minimum les effets dangereux pour les consommateurs, y compris l'infection par le SIDA ou toute autre maladie;

b) la condition des toxicomanes en sera immédiatement modifiée, puisqu'ils ne seront plus contraints -comme ça se passe aujourd'hui pour beaucoup d'entre eux - entrer dans le monde de la violence et de la criminalité et leurs problèmes pourront être abordés de manière non seulement plus humaine mais efficace tant du point de vue médical que psychologique ou social;

c) la mafia internationale subira une défaite que pas même la coalition de toutes les armées de l'Est et de l'Ouest n'est aujourd'hui en état de lui imposer, ainsi la mafia perdra-t-elle d'un seul coup la source essentielle de sa richesse et la cause de son invincibilité, une fois cassée l'origine du profit, la propagande souterraine menée par des centaines de milliers de petits revendeurs - ce qui s'est avéré l'incitant le plus puissant qu'on puisse imaginer pour diffuser les drogues lourdes dans la société et augmenter la consommation personnelle - cessera d'un coup; la réglementation effacera du jour au lendemain les millions d'actes de violence accomplis aux dépens des personnes les plus faibles et sans défense;

f) elle libérera les forces de l'ordre et la magistrature du poids de ces délits, en leur offrant de nouveau l'efficacité et la capacité d'intervenir pour garantir la sécurité des citoyens;

g) elle rendra disponible pour des campagnes de dissuasion et pour l'assistance aux toxicomanes des sommes énormes actuellement dépensées dans une inutile chasse à l'homme;

h) elle mettra un terme à la situation d'exception internationale qui pèse de plus en plus fort sur l'Etat de droit et qui est à l'origine de lois toujours moins respectueuses des garanties pénales lors des procès et des droits de l'homme (voir la réintroduction de la peine de mort dans de nombreux Etats américains qui l'avaient abolie).

C'est sur ces présupposés que nous tenterons dans le prochains mois de donner vie à une ligue internationale antiprohibitionniste, dont l'objectif est de conduire une campagne scientifique, politique et d'information pour la réglementation des stupéfiants au niveau international, ligue qui devrait mener à sa fin le trafic clandestin et ses tragiques et inexorables implications.