Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mer 19 mar. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Archivio Partito radicale
Roelandt Micheline - 1 febbraio 1989
Les dependances de la toxicomanie
Micheline Roelandt

Belgique. Médecin, psychiatre à l'hôpital Brugmann de Bruxelles de 1070 à 1987 où elle fut responsable du centre de crise de l'institut de psychiatrie, elle étudia également la criminologie. Membre de diverses organisations scientifiques et thérapeutique s'occupant de toxicomanes. Responsable pour la Belgique de la revue "Psychotropes".

SOMMAIRE: Pour l'essential, l'extension du phénomème toxicomaniaque ne résulte pas du degré de disponibilité d'un certain nonmbre de produits psychotropes, mais de l'impact de conditions socio-économiques désastreuses sur des individus particulèrement fragiles.

("Les coùts du prohibitionnisme", Actes du Colloque international sur l'antiprohibitionnisme en matiére de drogues, Bruxelles, 29 septembre - 1 octobre 1988; Ed. PSYCHOTROPES, volume V, numéros 1 et 2, 1989).

L'illégalité présente-t-elle un quelconque avantage clinique ou épidémiologique?

S'il est évident que l'immense majorité des belges a consommé de l'alcool au moins une fois dans sa vie, s'il est indéniable que bon nombre de belges en sont des consommateurs réguliers, il est certain que seule une fraction de la population "s'adonne à l'alcoolisme", donc présente une consommation problématique, à quelque titre que ce soit.

Ces certitudes, nous pouvons les étendre à une multitude d'autres exemples, en passant de la feuille de coca, consommée la plupart du temps sans problèmes, par les paysans boliviens; à la consommation fréquente de cocaïne à Montréal n'amenant que rarement à des problèmes de dépendance incontrôlable; à l'évidente facilité de l'immense majorité des opérés à se défaire des stupéfiants qui leur ont été administrés en post-opératoire; à l'expérience récente avec les G.I. rentrant du Vietnam et dont seuls quelques uns connurent et connaissent encore des difficultés à se défaire de l'héroïne qu'ils avaient prise sur place, en quantité, au préalable.

Ces quelques préliminaires nous obligent donc à prendre en compte l'existence de facteurs personnels pour expliquer la toxicomanie.

Et lorsque nous parlons de facteurs personnels, nous ne faisons allusion qu'à l'existence de facteurs de personnalité, en un premier temps du moins.

Quelle que soit la théorie à laquelle on adhère, ou quelle que soit dans l'un ou l'autre cas, la théorie qui semble pouvoir s'appliquer, il semble bien qu'il faille certaines caractéristiques personnelles, pour que, à partir d'une consommation fortuite ou habituelle d'un quelconque produit pouvant entraîner une dépendance, cette dépendance se réalise.

Par là-même, nous ne prétendons bien sûr pas que toute personne qui présenterait les caractéristiques qui suivent deviendrait nécessairement toxicomane à un quelconque moment de sa vie. Ce serait faire fi des autres facteurs, essentiellement sociaux, qui interviennent dans l'éclosion d'une toxicomanie. Ce serait faire fi de la possibilité d'un individu d'utiliser d'autres mécanismes de défense par rapport à des noyaux problématiques et notamment à réaliser des "formations réactionnelles", ce qui nous amène inévitablement à prétendre qu'entre l'abstinent, le militant de l'abstinence, et le toxicomane, les différences sont minimes.

Disons que dans les grandes lignes, la plupart des auteurs et des cliniciens considèrent que les problématiques prédisposant à la toxicomanie sont celles qui touchent au narcissisme.

Que ce soit l'insupportable "manque" lacanien, la faille narcissique anglo-saxone ou l'hypothèse du mirroir brisé d'Ollivenstein, il y va toujours plus ou moins d'intolérables failles et blessures narcissiques qu'un individu essayera fortuitement un jour de remplir, de boucher par un produit. L'anxiolyse et le relatif sentiment de bien-être qui en découleront ne pouvant que l'inciter à poursuivre cette auto-médication.

Remarquons ici que malgré la contradiction qui semble exister entre les théories psychanalytiques et des approches telles que celles d'Andrew Weil qui explique la toxicomanie par l'incapacité psychologique (trop plein d'angoisse?) de certains à accéder spontanément à des états altérés de conscience ou celles de Georges Greaves qui pointe l'incapacité à la jouissance sensorielle chez les toxicomanes, cette contradiction n'est qu'apparente. Les failles narcissiques introduisent effectivement à des états de besoin non assouvissables qui mènent au retrait par l'angoisse.

Le blocage de la personne et de sa personnalité réalise les profits décrits par Weil et par Greaves.

Pour en revenir à notre sujet, il semble donc bien qu'il faille une certaine structure de personnalité - pour simplifier, nous dirons dorénavant "faille narcissique" - pour qu'une toxicomanie puisse se développer. Ces autres qui ne se trouvent pas dans la situation où l'anxiolyse ou la situation de bien-être ne peut être réalisée que par l'absorption d'un produit l'utiliseront de temps à autres, prenant en compte les aspects négatifs d'une utilisation trop fréquente et les danger de la dépendance, dans la mesure où leur angoisse ne les oblige pas à faire fi de telles préoccupations.

Partant de telles constatations, il nous faut donc préconiser que pour en venir à bout de la toxicomanie de par le monde, il faudrait "résoudre" l'ensemble des probèmes psychologiques des personnalités à risque ou tout simplement "prévenir" les failles narcissique chez tous et chacun. Ceci parait malheureusement peu réaliste.

Une autre voie est celle de l'abolition pure et simple de l'ensemble des produits pouvant exercer une sensation de bien-être qui entraîne des toxicomanies.

Elle semble tout ausi peu réaliste, dans la mesure où, soit, ces produits offrent des services incommensurables à certains autres nivaux - les antalgiques par exemple - soit, ces substances psychotropes peuvent être extraites d'une quantité infinie de substances utilitaires, pour ne faire référence qu'à l'essence, qui est sniffée avec enthousiasme en Afrique.

Si une vision réaliste sur la question nous amène à postuler que l'éradication pour l'ensemble de la population de personnalités prédisposées à la toxicomanie n'est qu'illusion et que la disparition sur terre de tout produit psychotrope est franchement impensable, c'est bien dans d'autres directions qu'il nous faudra réfléchir, puisqu'il nous faut faire avec cette évidence: il y aura toujours un certain nombre de toxicomanes de par le monde.

Comment s'y prendre pour qu'il y en ait le moins possible, et surtout pour que les dégâts individuels et sociaux de ces toxicomanies se réduisent au minimum, la société actuelle répond par la répression. Diminuer l'accessibilité des produits est pourtant un leurre parce qu'elle ne peut correspondre qu'à diminuer l'accessibilité de certains produits au profit d'autres dont à aucun moment l'avantage n'a définitivement été prouvé.

Qui plus est, c'est qu'en diminuant l'accessibilité de certains produits, - ce qui ne peut avoir aucun effet sur le nombre total de toxicomanes - ou crée plus de problème qu'on n'en résoud.

En un premier temps, pour une frange de la population à risque on rend ces produits plus attirants, plus valorisant de par les difficultés pour les obtenir. Au moins, la consommation de produits illégaux flatte le narcissisme bessé dans la mesure où il permet d'accéder à un statut d'exception.

En soi, tout ceci ne serait pas vraiment problématique si ce n'était que la prohibition d'un produit empêche l'exercice d'un contrôle sur sa qualité et en augmente considérablement le coût pour le consommateur.

Son utilisation excessive étant relativement indépendante de son prix et de sa qualité, ces deux caractéristiques ne peuvent qu'envenimer la situation du toxicomane, physiquement de par les conséquences néfastes de l'absorption des impuretés, psychologiquement et socialement de par les conséquences directes et indirectes des problèmes financiers que la dépendance engendre.

Dans le "meilleur" des cas, la totale élimination momentanée, par la répression d'un produit sur le marché provoque la dépendance des toxicomanes vis à vis d'un produit légal et souvent entraine des accidents graves dans la mesure où ce dernier lui est "culturellement" moins connu. L'héroïnomane en manque d'héroïne ne mourra pas rarement d'une overdose d'alcool potentialisé par l'un ou l'autre calmant pris en quantité incontrôlée parce que moins habituellement gérée.

Marginalisé, souvent criminalisé, le toxicomane aux drogues illcites ne peut à la longue qu'aggraver ses failles narcissiques et l'angoisse qui ont engendré sa toxicomanie.

Nous sommes donc amenés à constater que l'illégalité de la drogue ne semble présenter aucun avantage pour celui qui en est dépendant, alors qu'elle ne peut diminuer le nombre total des toxicomanes dans le monde, ceux-ci étant la conséquence d'autres facteurs. Nous sommes au contraire contraints de constater que l'illégalité de certains produits ne présente que des désavantages pour ceux qui les utilisent comme "palliatifs".

La question que nous devons donc nous poser à ce stade est celle de savoir si la légalisation de l'ensemble des produits infuencerait de façon dramatique les "individus à risque" dans le choix de leur toxicomanie; l'autre question étant de savoir si cette influence éventuelle aurait des conséquences néfastes.

A ce genre de problèmes, il n'y a moyen de répondre que par des réflexions, dites de bon sens. L'utilisation privilégiée d'un produit plutôt qu'un autre, lorsqu'ils sont tous disponibles sembe plus liée à des background culturels - à quelques rares exceptions individuelles près - notamment celles qui sont le résultat d'une recherche précise d'un effet, plutôt que d'un autre - qu'à sa disponibilité.

L'expérience récente de la dépénalisation de la consommation du haschich à Amsterdam en est un exemple; les disparités dans les types de produits consommés en Inde selon que l'on soit hindou, chrétien ou musulman en étant un autre. Nous pouvons d'ailleurs multiplier ces exemples par dizaines, l'évolution dans le choix du produit n'étant souvent que tributaire de sa symbolique sociale en tant que signe promotionnel, ainsi, l'utilisation de l'alcool dans certains pays maghrébins et en Inde.

Comme nous le signalions ci-dessus, des problématiques individuelles feront que le choix ira plus dans la direction d'un produit que d'un autre, toutes choses étant légales par ailleurs et ne posant donc problème que dans les cas où la dépendance au produit a un caractère toxicomaniaque.

C'est bien parce que de tels choix individuels, fonctions de l'effet recherché, existent qu'à l'époque où les prescriptions de stupéfiants étaient moins conntrôlées, certains membres du corps médical sont devenus dépendants d'amphétamines, d'autres de morphiniques alors que l'alcool en Europe est le psychotrope culturellement admis. Cela n'a pas empêché d'autres médecins d'ailleurs de devenir franchement alcooliques.

L'expérience des amphétaminomanes et des morphinomanes "médicaux" nous montre toutefois que leurs toxicomanies ne semblaient pas plus destructrices que celles de leurs confrères alcooliques.

La consommation d'héroïne, chez les consommateurs et chez les toxicomanes dans les pays producteurs tend à prouver que celle-ci n'est pas plus mortifère que l'acoolisme en France.

Ce ne serait donc pas le danger intrinsèque de l'héroïne qui en Occident constituerait le fléau mais plutôt son illicité.

Si nous résumons actuellement l'ensemble de nos considérations, nous en venons à constater que:

-1) un certain type de personnalités sera préfragilisé à développer une toxicomanie;

-2) nous n'avons que peu d'espoir d'avoir un effet direct sur le nombre de personnes préfragilisées dans le monde;

-3) que nous n'avons aucun espoir d'éliminer l'ensemble des psychotropes qui entrainent des dépendances;

-4) que l'illégalité de certains produits n'entraine que des effets négatifs sur ceux qui en sont dépendants;

-5) que le "choix" du produit de consommation est culturel alors que le choix du produit de la toxicomanie, bien que prédéterminé culturellement, répond aussi à des besoins individuels;

-6) qu'un produit comparé à un autre, ne semble pas "intrinsèquement" plus dangereux, toutes limites de la connaissance de ces "effets" gardées.

Et nous devons en concure que si la légalisation de l'ensemble des psychotropes augmentera la quantité de consommateurs des produits fraîchement légalisés - ce qui en soi ne doit pas être problématique - elle n'entraînera qu'une augmentation relative du nombre de toxicomanes à ces produits, sans toutefois nécessairement augmenter le nombre total de toxicomanes.

Comme sous conditions légales, une toxicomanie à un psychotrope en vaut bien une autre - et nous ne parlons pas ici de tabac - les conséquences ne peuvent être que bénéfiques, tant indivduellement que socialement.

Nous en arrivons donc à contester une des hypothèses les plus répandues en la matière, notamment celle qui lie l'aggravation de la toxicomanie actuelle de par le monde (occidental) à l'augmentation de l'offre.

Nul ne peut contester que dans une culture donnée, si le "Martini" fait l'objet de l'offre et de la publicité, de plus en plus de gens boiront du Martini et le préféreront au Saint Raphaël, jusqu'à la mode suivante, qui louera le Bitter ou le Porto.

En déduire qu'il y en a plus qui sont devenus toxicomanes au Martini de par le Martini-même qu'il y en avaient qui risquaient de l'être au Saint Raphaël tient de la malhonnêteté intelectuelle.

Il est pourtant probable que dans une société où le stress augmente sur tous les plans touchant à la réalisation de soi, de plus en plus d'individus "craquent" des fissures narcissiques au point d'en faire des failles et dans ces conditions, il est vraisemblable que le nombre total de toxicomanes augmente.

Pour tous ceux qui avaient de bonnes raisons de nier l'influence de l'économique et du social sur l'extension du phénomène toxicomaniaque, il sera plus facile d'incriminer le Martini que les conditions sociales et économiques. Si cette incrimination donne par la suite lieu à la mise au banc du Martini, il existera, petit à petit, de plus en plus de raisons pour l'incriminer, mais avec cela, l'on n'a pas encore fait la preuve de sa nocivité supérieure.

L'augmentation de l'alcoolisme dans le bassin de Charleroi, région durement frappée par la crise économique, n'est pas liée à l'augmentation de l'offre de la bière. Si l'on y introduit de l'héroïne, il est pourtant probable qu'un plus grand nombre de gens en deviennent dépendant, qu'ailleurs en Belgique. Cette dépendance ne sera pourtant pas engendrée par l'offre du produit et, s'il est légal, on peut espérer qu'il ne fera pas longtemps plus de tort que l'alcool. S'il est illicite, on peut être certain qu'il entrainera d'autres problèmes qui en fera bientôt un fléau bien plus important que l'alcool et que la complexité des problèmes présenté par ces héroïnomanes aux cliniciens risquent fort de les impressionner au point de vouloir incriminer l'héroïne.

Bien entendu, nous ne pouvons contredire ceux qui nous opposeront que si nous pouvons garder le marché du bassin de Charleroi fermé à l'héroïne illégale, donc, si nous pouvons totalement exclure l'offre, nous nous trouverons face à une situation purement "alcoolique", donc moins complexe, puisque mieux connue.

Cette éventuaité ne pouvant être réalisée à coup sûr, pour des raisons d'un "autre" ordre économique, elle est aussi peu réaiste que celle qui propose de prévenir toutes les failles narcissiques!

Pour en terminer avec ce bref exposé louant les avantages de la légalisation des drogues et niant l'impact de leur disponibilité sur l'extension du phénomène toxicomaniaque dans le monde, dans la mesure où celui-ci nous paraît être avant tout le fait de conditions sociales et économiques désastreuses sur certains individus plus fragiles, il nous faut, non pas par précaution oratoire, mais par précaution réelle situer cette légalisation dans un contexte d'éducation à la santé.

Si la population belge dans son ensemble a appris à travers les générations à gérer l'acool - ce qui n'exclut pas l'alcoolisme de certains - il n'en va pas de même des médicaments psychotropes et des drogues illégales.

La légalisation des psychotropes ne signifie donc pas qu'il faille vendre l'héroïne, a cocaïne et le hasch dans les grandes surfaces. Elle implique, bien au contraire, que tous et chacun apprennent à en comprendre les effets, les avantages, les limites et les risques.

Dans la mesure où les expérience nous montrent qu'il faut des générations et des générations pour qu'un peuple apprenne à gérer un produit - tout en resoulignant que quelle que soit la qualité de la gestion cuturelle elle reste dépendante de facteurs individuels eux-mêmes tributaires du socio-économique - il faudra des générations de "limitations contrôlantes" pour que cette gestion puisse s'apprendre.

Seules dans des conditions de légalité contrôlée une éducation sanitaire peut se réaliser avec quelque chance de succès. N'at-on pas en une génération appris à digérer le danger des barbituriques et les limites de leurs bonnes applications? Le "barbiturique clandestin " n'aurait jamais pu faire l'objet d'une éducation à la santé convaincante.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail