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Grinspoon Lester - 1 febbraio 1989
L'impot sur la nocivité: une proposition pour la réglementation et l'impot sur les stupéfiants
de Lester Grinspoon et James B.Bakalar

Professeur de Psychiatrie depuis 1973 à la "Harvard Medical School" de Boston, Lester Grinspoon est membre de la Commission d'enquête de l'"American Board of Psychiatry and Neurology". Consultant scientifique de la "National Organisation for the reform of Marijuana Laws", il est aussi membre du Conseil Consultatif de la "Drug Policy Foundation". Il a fait partie en 1980 de la Commission juridique du Sénat américain. Il est actuellement expert juridique auprès de plusieurs Etats américains: New Jersey, Colorado, Washington, New York, Vermont et Massachussetts. Il a publié au cours de ces dernières années de nombreux textes sur les effets sociaux de la légalisation des substances stupéfiantes et sur les modifications sociales provoquées par la diffusion de la cocaïne. Il est l'auteur d'une proposition pour la légalisation et la taxation des drogues. C'est son intervention au récent Colloque international antiprohibitionniste de Bruxelles que nous publions ici.

SOMMAIRE: Les auteurs proposent de substituer au systéme de prohibition actuel une politique de légalisation et de fiscalisation des stupéfiants. Les taxes rempliraient un double objectif: d'une part, exercer un effet dissuasif sur l'usage potentiel; d'autre part, financer les programmes d'education en matière de drogues ainsi que les frais de sécurité sociale liés aux abus.

("Les coùts du prohibitionnisme", Actes du Colloque international sur l'antiprohibitionnisme en matiére de drogues, Bruxelles, 29 septembre - 1 octobre 1988; Ed. PSYCHOTROPES, volume V, numéros 1 et 2, 1989).

Dans les années vingt, H.L. Menck a dit du problème de l'alcool, qu'avec les fabriquants et les détaillants d'un côté et les prohibitionnistes de l'autre, aucun homme intelligent ne serait capable d'y trouver une solution. Il en est peut-être de même pour le problème des stupéfiants illicites, avec les trafiquants d'un côté et les moralistes et la police de l'autre. Mais le problème est plus grave car l'éventail de solutions acceptables semblerait bien plus étroit. Le rapport de la Commission présidentielle sur la criminalité organisée nous offre un indice de l'état actuel des choses: il n'existe pas d'opposition effective à la prohibition:

1914 "Harrison Narcotic Act"

La guerre des stupéfiants aux Etats-Unis a éclaté dès l'approbation de la loi "Harrison Narcotics Act" en 1914 et s'est intensifiée pendant les vingt dernières années.

On estime que les gouverments fédéraux, d'Etat et communaux dépensent actuellement huit ou neuf milliards par an pour l'application de la loi sur les stupéfiants, et plusieurs milliards encore pour l'incarcération des trafiquants, qui représentent désormais un tiers des détenus fédéraux. Ce grand nombre de détenus pour motif de drogue contribue largement au besoin de nouvelles structures pénitentières.

Malgré cet "effort de guerre", la pénétration des stupéfiants aux Etats-Unis augmente constamment, et le seul résultat tangible de cette guerre est l'inflation des prix dont les trafiquants ont besoin pour s'assurer la rentabilité de leurs franchises. D'autres conséquences de la guerre aux stupéfiants sont la criminalité et la violence, issues comme au temps du Volstead Act, du marché noir. Il est évident que l'atteinte aux libertés civiles augmente à mesure que les guerriers, qui se sont munis de plus en plus de pièges et d'indicateurs, s'apprètent à faire appel aux militaires.

Légalisation et fiscalisation

Je voudrais proposer ici un exercice utopique qui pourrait nous porter dans une direction tout à fait opposée. Y voir aujourd'hui une politique possible serait de la folie pure. Cependant je tiens à soummettre mon hypothèse à discussion lors de cette conférence. Il s'agit de la légalisation et de la fiscalisation des substances contrôlées actuellement. Les taxes serviraient à financer des programmes nationaux d'éducation en matière de stupéfiants ainsi que les frais de sécurité sociale liés aux abus. Une commission nationale serait désignée pour établir une taxe sur les stupéfiants fondée sur le coût social de chaque substance. Le taux d'imposition serait alors ajusté d'année en année selon les données les plus récentes en la matière. Ces données ne sont peut-être pas disponibles à l'heure actuelle, mais grâce aux techniques modernes de récolte et de traitement des données, le processus est du domaine du possible. Le gouvernement pourrait ainsi reconnaitre ceux qui seraient d'inévitables victimes de la drogu

e et pourrait chercher à les orienter vers les substances moins nocives à l'aide de la fiscalisation et du programme d'éducation. Avec ce système, aucune distinction ne serait faite entre les drogues légalement tolérées actuellement, comme l'alcool et le tabac, et les autres stupéfiants.

L'atteinte aux libertés civiles

L'avantage qui nous paraît évident ici, est qu'il n'y aurait plus la dépense, la corruption, le chaos et la terreur qui règnent actuellement dans les milieux des trafiquants et des agents du bureau des stupéfiants. Une des répercussions de la guerre des stupéfiants que nous tous ici présents reconnaîtrons est l'atteinte aux libertés civiles. La tendance actuelle à cet égard est indiquée par la proposition de la Commission de la Criminalité Organisée (Organized Crime Commission), qui préconise l'analyse aléatoire d'urine pour les employés fédéraux et pour les employés d'entreprises sous contrat avec le gouvernement fédéral.

Il est possible qu'un cycle auto-suffisant soit en train de se développer à mesure que les opérations anti-stupéfiants s'auto-financent grâce à la confiscation des fonds provenant du trafic de la drogue, qui demeure extrêmement lucratif.

Le système fiscal utopique envisagé imposerait un autre cycle de revenus. Celui-ci paierait les coûts des abus des stupéfiants en imposant aux usagers des charges en rapport avec leur contribution au problème. La commission responsable de l'impôt sur les stupéfiants serait également chargée d'éduquer et de guider la société en la matière, et cela sans les contraintes complètement irréalistes d'aujourd'hui, qui reposent sur le code pénal, qui qualifient l'usage de certains stupéfiants de "maléfique" et de "dangereux" tandis que d'autres sont considérés comme "inoffensifs" ou "nocifs". Une éducation honnête en matière de stupéfiants serait alors possible.

Peut-on croire qu'un tel système puisse fonctionner? Un impôt sur les stupéfiants serait-il suffisant pour couvrir les frais de prise en charge et, dans cette hypothèse, y aurait-il une augmentation proportionnelle des abus qui nous coûterait trop cher en misère humaine et personnelle?

La souplesse de la demande est-elle suffisante ?

La souplesse de la demande est-elle suffisante pour que les impôts aient une influence marquée sur les quantités consommées, surtout auprès des gros consommateurs? Ce n'est ni évident, ni certain, même en ce qui concerne l'alcool et le tabac, pour lesquels la plupart des recherches ont été déjà été faites. Il existe une quantité de littérature analysant les courbes de distribution de la consommation individuelle de l'alcool dans la société. Les conclusions indiquent pour la plupart que toute politique conçue pour réduire la consommation totale réduirait au moins proportionnellement la consommation d'alcool chez les alcoliques tendanciels et, par conséquent, les frais sociaux et médicaux de prise en charge. A cet égard, la demande s'avère suffisamment souple, même chez les consommateurs pour lesquels la boisson est un problème, pour être influencée par la hausse des prix. Certains états des Etats-Unis en témoignent.

Il existe également des preuves à l'appui de l'élasticité de la demande chez les héroïnomanes. Plusieurs études portent à croire que les sujets modifient leurs besoins par rapport au prix de l'héroïne. Un expert dans la lutte contre l'héroïne a dit que le code pénal en matière d'héroïne pourrait être efficace si le temps nécessaire pour obtenir une dose passait de cinq minutes à deux heures. C'est le "tarif du crime". Le code pénal rend risquée la fabrication et la distribution de la drogue. Cela fait augmenter les prix au consommateur qui, de ce fait, doit trouver le temps de gagner ou de voler l'argent nécessaire pour l'obtenir, ce qui réduit la disponibilité et fait que le consommateur doit consacrer plus de temps à la trouver. La question qui se pose ici est: "serait-il possible de créer des limitations semblables au tarif du crime avec une taxe, qui soient plus efficaces et dont les effets soient moins monstrueux?"

Le tabac est une des drogues dont la demande est la moins élastique, car la nicotine est une des substances les plus intoxicantes. Cependant, il est clair qu'une hausse des prix du tabac par la taxation a un effet considérable sur la consommation.

Les effets du prix sur la consommation

Des études récentes suggèrent que pour chaque dix pour cent de hausse du prix des cigarettes, la consommation diminue d'environ quatre pour cent. Certaines études indiquent que le prix a une incidence surtout sur la décision de devenir fumeur ou non, plutôt que sur la quantité de tabac fumé par les fumeurs déjà intoxiqués. Ainsi, l'effet à court terme d'une taxe supplémentaire serait minime, et ce n'est qu'à long terme qu'une réduction de consommation de cigarettes se ferait sentir. D'autres études concluent qu'au fur et à mesure que le prix du tabac augmente, l'élasticité de la demande augmente selon les revenus; autrement dit la dissuasion est plus efficace chez les pauvres que chez les riches.

Il a été estimé que la somme des coûts de prise en charge médicale et des pertes en productivité et en revenus dus aux cigarettes revient à un peu plus de deux dollars U.S. par paquet - 22 milliards de dollars en frais médicaux pour les maladies provoquées par le tabac et 43 milliards en pertes de productivité.

Voilà une simple illustration des calculs qui seraient à faire pour établir une politique de taxation. Une telle politique pourrait être conçue comme un moyen de faire acheter, aux toxicomanes ou aux fumeurs, l'assurance nécessaire pour se couvrir des risques auxquels ils s'exposent eux-mêmes ainsi que les risques qu'ils imposent aux autres. Les compagnies d'asurance-vie offrent déjà des réductions de prime considérables aux non-fumeurs. Cette formule d'assurance est en train de s'étendre aux polices d'incendie et à d'autres enveloppes d'assurances.

Le problème du marché noir

Tout système de vente autorisée présente le problème du marché noir. La taxe doit être fixée à un taux suffisamment bas pour entraver la rentabilité d'un marché noir. Cela est faisable, tout en réduisant la demande. Le cas de l'alcool en témoigne. Par contre, ce n'est pas évident qu'une taxe peu élevée qui empêche le marché noir des stupéfiants puisse rapporter de quoi couvrir les frais sociaux et médicaux qu'entraînent les abus de la drogue en question. En pratique ce problème est peut-être insoluble. En tout cas, le code pénal n'offre ici aucune solution.

Nous n'avons absolument aucun moyen de connaître l'ampleur de l'usage des stupéfiants ou l'importance des problèmes qu'entraînerait un système de ce genre - nous ne savons pas si la fiscalisation de la drogue peut avoir un effet semblable au tarif du crime. Même si l'usage devait augmenter suite à une libéralisation, les expériences de l'Oregon et de l'Alaska, où la marihuana est en vente libre, indiquent que cette augmentation serait inférieure aux prévisions. Avant d'agir d'une manière aussi audacieuse, il faudrait que la société puisse reconnaître que les contraintes et les préjudices de la prohibition sont moins importants que les dégats dus à l'abus croissant des stupéfiants comme lorsqu'elle a décidé d'abroger le "Volstead Act".

Le symbolisme du code pénal

Il serait peut-être utile, à cet égard, d'examiner l'effet sur les habitudes de jeu par l'institution de loteries nationales en concurrence avec les loteries clandestines. Mais un obstacle majeur nous empêche de voir ici une alternative sérieuse. Aucun homme politique ne veut abandonner le symbolisme du code pénal; aucun gouvenement du monde ne veut lâcher son engagement, vieux de 70 ans, à traiter le problème de la drogue comme un problème criminel. On a dit que la pendule des attitudes du public envers la drogue oscille entre la rigidité et la tolérance. Si au début des années '70, la pendule a oscillé vers la tolérance, il semblerait balancer maintenant dans l'autre sens, d'après le rapport de la Commission présidentielle.

L'ambivalence publique en la matière

Mais il existe beaucoup d'ambivalence publique ou plus méchamment d'hypocrisie, en la matière. D'un côté, on accepte publiquement que tout le possible doit être mis en oeuvre pour éviter que qui que ce soit n'utilise les substances controlées. D'un autre côté il existe une espèce de tradition familiale de la drogue qui est plus tolérante. A une certaine époque ces deux aspects, le discours public et le langage privé, semblaient se rapprocher. Maintenant l'écart a l'air de se creuser à nouveau. Une espèce de "faire semblant", qui avait disparu depuis longtemps en ce qui concerne l'alcool, demeure la seule attitude acceptable envers les autres stupéfiants. Est-ce qu'une politique de libéralisation et de fiscalisation serait en mesure de modifier ces attitudes ambivalentes (ou hypocrites) ? Malheureusement, il est difficile de croire qu'une loi puisse être changée sans que les attitudes changent d'abord.

 
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