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Castrillo Manuela Carmena - 1 febbraio 1989
La législation actuelle et les possibilités d'alternative
Manuela Carmena Castrillo

Magistrat à Madrid

SOMMAIRE: Le système de prohibition en matière de drogues entraîne comme principales conséquences:

1) une non-application massive de la loi;

2) une marginalisation d'individus toujours plus nombreux qui ne devraient normalement pas relever de la délinquance;

3) un fort accroissement de l'insécurité urbaine;

4) une demande massive de répression et de contrôle accrus. La conjonction de ces facteurs est en voie de vider la démocratie de tout contenu et de conduire à des structures d'État policier. Une législation alternative s'impose, législation qui doit reconnaître que tout ce qui concerne la vie privée ne peut être réglementé.

("Les coùts du prohibitionnisme", Actes du Colloque international sur l'antiprohibitionnisme en matiére de drogues, Bruxelles, 29 septembre - 1 octobre 1988; Ed. PSYCHOTROPES, volume V, numéros 1 et 2, 1989).

Je suis Magistrat en Espagne, affectée présentement à Madrid, et je peux vous dire que la régulation de la drogue et la législation qui punit cette situation dans mon pays sont extrêmement complexes. Je pense personnellement qu'une législation prohibitionniste est non seulement négative, injuste, exceptionnelle etc. à l'égard des droits de l'homme mais, également, fondamentalement et principalement inutile. Ceci est le point de départ du problème le plus essentiel. C'est à ce point vrai que dans les colloques officiels organisés en Espagne, les personnes qui se prononcent généralement en faveur du maintien de la prohibition jugent la législation inutile, se limitant à considérer que la situation empirerait encore si l'on optait pour une attitude permissive. Cependant, aucune d'entre elles n'a jamais osé avouer que cette situation est mauvaise, profondément mauvaise et même désastreuse.

Il m'a paru curieux, à ce que j'ai déjà pu lire, de constater que dans certains pays, la France et la Belgique entre autres, la simple possession de drogue, encore qu'elle soit destinée à la consommation personnelle, est punie par la loi. Ceci n'est pas le cas dans mon pays. Comme vous le savez, la démocratie espagnole est encore très récente.

Cependant, dans les premières années qui suivirent la dictature franquiste et, par la suite, avec l'accession du Parti socialiste au pouvoir, il y a eu une grande campagne de presse qui laissa sous-entendre que l'on avait libéralisé l'utilisation et la consommation des drogues dites douces. Ceci n'était pas exact et prouve jusqu'à quel point les citoyens peuvent ignorer les lois. J'insiste sur ce fait, et je reviendrai ensuite à l'approfondissement de mon propos, pour démontrer combien cette méconnaissance peut être répandue encore pour qu'un simple travail informatif ait pu faire croire à un changement qui n'avait jamais réellement existé.

En effet, la législation traditionnelle du code espagnol, déjà à l'époque du franquisme, a toujours considéré qu'au même titre qu'existait le droit au suicide, le droit à la prostitution de son propre corps, de même existait le droit à l'utilisation des drogues encore qu'elles puissent être négatives ou signifier l'empoisonnement, la mort etc. Pour cette raison, la législation n'avait donc pas sensiblement changé. Toutefois, il est certain que l'attitude, elle, changea. La permissivité que pouvait représenter pour un pays sans démocratie les libertés nouvelles fit qu'il y eut un sentiment général de tolérance qui provoqua sans aucun doute un sentiment d'adhésion à l'utilisation de toutes les substances pouvant entrer dans le cadre terminologique des drogues.

D'autre part, le facteur économique fit que l'Espagne constitua un marché idoine pour amener à la consommation de drogues qui, peut-être, ne connaissaient pas la même fortune dans d'autres pays. C'est ainsi que nous pouvons constater que l'héroïne fut profondément propagée dans les quartiers à forte concentration ouvrière et dans les zones industrielles qui, comme chacun sait, étaient les premières à devoir endurer la terrible crise économique qui marqua la fin des années soixante-dix et le début de la présente décennie. Ceci a constitué une réalité qu'il convient de rappeler.

Aujourd'hui, moi-même, avec mon expérience de magistrat, aussi bien que d'autres collègues, je peux vous dire, bien que nous ne disposions pas de statistiques exactes - dans la mesure où elles n'existent pas -, que quatre-vingt-dix pour cent des personnes détenues en Espagne pour des délits contre la propriété (attaques à main armée, vols avec violence sur les individus etc.) sont des héroïnomanes, c'est-à-dire des personnes issues de zones défavorisées socialement qui utilisent la drogue et n'ont d'autres possibilités de se la procurer qu'en se mettant en relation avec les milieux du marché noir et, de ce fait, de la délinquance. Cette situation nous a amené à constater que la régulation actuelle de la drogue dans le pays constitue un excellent stimulant pour la création de secteurs de plus en plus amples de la criminalité.

Il est curieux de constater que lors des discussions ou des petites conférences de divulgation mises sur pied par mon Association de juges ou des organisations de quartier, des mouvements scolaires, universitaires etc., la question habituelle des intervenants à ces colloques était: "Comment est-il possible, dans la mesure où j'ai le droit de consommer des drogues, que je ne puisse en aucun cas me procurer légalement ces produits?" A cela, on ne peut que répondre: "la légalisation est absolument stupide et il est complètement impossible de la respecter et de l'appliquer."

Que signifie tout ceci? Sinon que, forcément, nous sommes contraints d'accepter que des citoyens espagnols qui ne désireraient pourtant pas y être relégués entrent dans la délinquance, et de ce fait dans la marginalisation. Ce phénomène est extrêmement grave dans la mesure où, comme je vous le disais antérieurement, cette longue et terrible lutte contre la drogue est en train de mettre en péril nombre de nos institutions démocratiques et, notamment, de remettre en question la portée, le rôle et le fonctionnement de la loi en tant qu'expression de la souveraineté populaire. Pour cette raison, j'insiste sur le fait que la marginalisation qui, chaque jour, va s'étendant et reçoit un afflux de personnes qui ne devraient normalement pas être touchées, donne à ce problème une ampleur sociologique qui nous oblige à repenser le problème.

D'autre part, il est important de souligner que dans les grandes métropoles - et à ce propos, il est opportun de rappeler que le XX· siècle est un siècle essentiellement urbain -, le phénomène de la ville nouvelle a joué un rôle déterminant et a occupé un espace prépondérant face à l'ancien petit village, à la région agraire etc. A partir de cette constatation, il convient d'être conscient que dans les grandes cités, jamais aucune loi ne pourra s'accomplir s'il n'existe pas un accord profond des citoyens.

A mesure que j'écoute tout ce qui se dit ici, mes compatriotes ici présents seront certainement d'accord avec moi, je pense que cette problématique n'est pas évidemment uniquement espagnole, comme nous pouvons le constater par les films américains, de même que les films français, les téléfilms etc. que nous pouvons voir à la télévision. Ceci m'amène à prendre en considération qu'il y a aujourd'hui une demande sociale en vue d'accroître le nombre de policiers et de juges, de prisons, de contrôles, d'accentuer la répression dans la mesure où il existe une insécurité urbaine de même qu'une absence de respect systématique des obligations traditionnelles envers la vie, la propriété, l'intégrité etc. J'avoue en ce sens avoir été absolument sidérée ce matin en entendant un collègue évoquer les félicitations adressées par le Président des Etats-Unis d'Amérique à une personne ayant été capable de dénoncer son propre père. A ce stade, il est évident que la non-application massive de la législation, ainsi qu'une

demande également massive d'organismes répressifs et de contrôle, vont peu à peu vider de tout contenu la démocratie et vont conduire au retour de structures d'un Etat policier.

Cela dit, nous pouvons ébaucher ce que pourrait être une véritable alternative au prohibitionnisme. Un tel problème implique en premier lieu une réflexion sur la manière d'utiliser les techniques législatives. Et à ce propos, je voudrais ajouter qu'une bonne technique législative, dans une société démocratique, oblige à respecter le cadre des libertés individuelles des citoyens sans régulation d'aucune sorte. On ne peut et on ne doit s'ingérer dans la vie de personne. On ne peut dire à quiconque de quelle manière il doit organiser ses habitudes, sa sexualité, ses goûts diététiques, sa santé, son existence etc. Simplement, nous devons nous borner à établir des normes visant à accorder un minimum de respect à l'intégrité des personnes. Pour y parvenir, il faudrait une législation qui reconnaisse indiscutablement que tout ce qui concerne la vie privée ne doit être régulé et que pour autant doivent être maintenues sans discussion ces marges de liberté. C'est là la seule façon possible pour qu'enfin, la légi

slation soit conséquente et logique et puisse ainsi être respectée.

Lorsqu'au cours de débats, on nous pose immanquablement la question: "Si je ne peux respecter la loi, pourquoi la loi existe-t-elle?", il convient de nuancer notre réponse, en nous aidant pour cela d'une expérience qui pourrait nous ouvrir le véritable chemin de demain.

Au printemps dernier à Madrid, deux modifications de loi furent décrétées. L'une d'elle se référait à une lourde aggravation des peines pour toutes les opérations relatives à la culture, au trafic, au stockage, à la commercialisation etc. de la drogue. L'autre disposition concernait l'interdiction de fumer dans les bureaux et lieux publics. Il convient de préciser respectivement à l'adoption de ces deux lois, que l'une d'entre elles s'est vue accompagner depuis deux ou trois ans de grandes campagnes éducatives et explicatives ayant pour thèmes les dangers que représente pour la santé l'usage du tabac, alors que l'autre s'est limitée à la seule sentence. Ainsi, pouvons-nous nous poser la question: quels sont les résultats obtenus aujourd'hui par le biais d'une loi répressive et ceux obtenus par l'intermédiaire d'une intelligente campagne de sensibilisation? donnons ici un exemple. De nombreuses personnes ont commencé actuellement d'arrêter de fumer, sans pour autant qu'intervienne dans leur décision la c

rainte d'être taxées par de lourdes amendes dans le cas où elles seraient surprises à le faire dans des lieux publics. Dans ce sens, je peux vous assurer que des jeunes filles travaillant dans mon propre bureau ont demandé qu'on cesse de fumer et ceux qui fumaient ont cessé de le faire sans qu'il ne soit nécessaire pour cela de leur infliger des sanctions économiques exorbitantes.

Que signifie ceci? Sinon qu'une législation à caractère répressif et disproportionnée à la faute jamais ne sera respectée et n'aura d'autre effet que celui d'augmenter constamment la bureaucratisation légale.

Un autre facteur de cette politique bien plus grave tient dans le fait que n'importe quelle loi promulguée et en vigueur, encore que non appliquée, peut à n'importe quel moment se retourner contre le magistrat et être utilisée pour le discréditer, vu qu'une législation - même elle est tombée en désuétude - peut être appliquée singulièrement et au préjudice d'une personne. Il me semble que cet exemple est particulièrement clarifiant.

Je considère donc qu'il convient de chercher une législation qui ne soit pas prohibitionniste et, il faut surtout se convaincre des limites de la politique législative. Sinon, si nous ne signalisons pas bien ces limites, nous risquons alors d'utiliser la loi de manière négative.

La loi en effet, ne doit jamais être utilisée pour obliger les citoyens à avoir une conduite uniforme mais, elle doit au contraire être développée de manière que la liberté de toutes les personnes et de chacune d'entre elles soit garantie, par une simple limite à quelques points précis lorsque se produit un heurt entre les droits et les devoirs des uns et des autres.

C'est pourquoi il me semble tellement important que nous nous mettions dès maintenant au travail et que nous ébauchions ce projet déterminant pour l'avenir afin qu'existe un jour une réflexion sur la situation sociologique, touchant à la fois l'ensemble et chacun des pays, et sur l'enchaînement ou la relation que celle-ci peut avoir avec les disposition légales qui, théoriquement, la déterminent et la configurent.

 
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