Interview de Peter Magyar, par Aurelio AversaSOMMAIRE: Peter Magyar est correspondant en Italie de l'agence de presse hongroise ainsi que de la Radio hongroise. Il commente la décision du gouvernement magyar d'autoriser le déroulement du XXXVe Congrès du Parti Radical à Budapest, du 22 au 26 avril 1989, ainsi que les autres évènements qui prennent place en Hongrie, grâce auxquels, après environ quarante années, les citoyens de ce pays sont retornés dans les rues pour manifester leur soif de liberté, d'Etat de droit, d'Europe.
(Notizie Radicali N· 66 du 25 mars 1989)
Q. : Peter, savais-tu que le Parti Radical avait demandé de pouvoir convoquer son congrès à Budapest et pouvais-tu jamais t'attendre à une réponse aussi positive de la part des autorités hongroises?
R. : Cela ne me surprend pas mais je ne m'attendais pas à une décision aussi nette, surtout parce que ce Parti radical n'est pas du tout connu chez nous, pas même de nos dirigeants. Alors comment peuvent-ils décider? J'en suis très heureux.
Q. : Et toi que sais-tu du Parti radical?
R. : J'ai déjà travaillé en Italie dans les années Soixante-dix et je sais que l'on doit à ce parti de très nombreuses réformes des droits civils, comme le divorce, l'avortement et bien d'autres choses importantes comme l'objection de conscience. Le PR a été le promoteur de réformes de droit civil, et c'est un mouvement démocratique. Mais il y a un aspect qui nous dérange beaucoup dans ce parti, qui provient des institutions, telles que nous les connaissons nous, celles de la démocratie de l'Europe occidentale. Par exemple, le fait que ce parti a présenté comme candidate au Parlement Ilona Staller est une chose que nous ne comprenons pas très bien. Tu sais qui est Ilona staller?
Q. : Bien sûr, nous la connaissons très bien. Qu'y-a-t-il de scandaleux, selon toi, dans cette élection?
R. : Selon moi, pour faire de la politique, il faut des politiques qui ont assez d'autorité morale pour pouvoir le faire.
Q. : Donc tu n'aimes pas du tout Cicciolina?
R. : Non.
Q. : Au Parti radical, il n'y a pas que Cicciolina. Toi qui a eu l'occasion de connaître également d'autres partis, selon toi, le Parti radical est comme les autres partis ou pas?
R. : Un peu différent des autres. C'est une bonne chose mais aussi une limite qui l'empêche d'arriver à des résultats concrets.
Q. : Ce Congrès à Budapest est un résultat plus que concret: le Parti radical est devenu transnational, il a décidé d'être tel, d'être transpartite, de livrer des batailles qui traversent transversalement un peu toutes les forces politiques, donc pas seulement les batailles de parti ou conduites de manière traditionnelles...
R. : Bien sûr, il y a ici une grande nouveauté d'initiative qui aura, du moins on l'espère, une suite, mais nous n'en sommes qu'au début.
Q. : Parlons de la situation en Hongrie. Quelle Hongrie nous attend-il donc?
R. : C'est-là une grande question. En Hongrie il se produit actuellement, selon moi, une révolution, une véritable révolution pacifique. On change de modèle de société qui a eu cours pendant 40 ans et qui n'est plus valable. Comment sera le nouveau modèle? On ne sait. Il y a plusieurs possibilités.
Q. : Mais à ton avis?
R. : On va certainement vers une société plus démocratique et plus ouverte et un contenu social qui essaiera de conserver toutes les valeurs du socialisme que l'on a tentè de construire au cours de ces dernières décennies. Mais on va outre ses limites, limites qui appartenaient à la démocratie, l'absence de démocratie.
Q. : Combien de temps faudra-t-il, selon toi, avant que la démocratie annoncée puisse devenir réalité?
R. : Je crois qu'il existe déjà une réalité démocratique. Par exemple, la manifestation du 15 mars (fête nationale hongroise avec une manifestation officielle et une autre, promue par tous les mouvements indépendants) qui n'était pas la première car en automne dernier, il y en a eu une pour la minorité hongroise en Transylvanie, puis encore d'autres pour d'autres occasions... le processus est déjà en cours et il a eu des résultats concrets, mais il y a un calendrier précis pour aller de l'avant. On prépare une nouvelle constitution que l'on présentera cette année au Parlement, et si celle-ci est approuvée, il y aura un referendum populaire pour l'approbation finale au début de l'année prochaine. Puis sur la base de cette constitution, il y aura une nouvelle loi électorale et de nouvelles élections en 1990.
Q. : L'un des slogans qui a caractérisé la manifestation du 15 mars était: "La Hongrie en Europe"...
R. : C'est-là un grand défi. Nous nous sentons européens et nous sommes navrés que l'Europe ait été partagée en deux pendant 40 ans. La communication était fortement réduite mais nous souhaitons aujourd'hui rallier la grande Europe.
Q. : Selon toi, cet évènement historique qu'est le déroulement d'un congrès d'un parti transnational sur une terre où jusqu'à il y a encore très peu de temps cela n'était guère possible, quel développement pourra-t-il avoir pour la démocratie en Hongrie?
R. : Cela est très positif. Indiscutablement c'est un fait qui ouvre les frontières érigées en Europe, qui ouvre la Hongrie à l'Europe, et j'en suis très heureux.
Q. : L'un de nos slogans a toujours été : "Connaître pour délibérer". Tu nous a dis qu'en Hongrie le Parti radical n'est pas très connu. Cependant, de nombreux citoyens hongrois - comme en Yougoslavie - ont décidé ces jours-ci de prendre la carte du Parti radical transnational. Selon toi, dans notre pays, l'information est démocratique?
R. : Elle l'est certainement si on la compare à la presse hongroise même des dernières années ou à la presse de l'Europe de l'Est en général. Je sais que vous autres en Italie, vous subissez les limites de cette presse qui s'occupe plutôt de scandales que de problèmes réels. Mais je pense que l'on va en Italie aussi, vers une démocratie.
Q. : Même si les partis, comme tu as pu le constater, ont une grosse influence sur l'information?
R. : Bien sûr, elle est "lotisée", la télévision surtout, mais aussi la presse écrite. Cependant, c'est une presse pluraliste, où il y a plusieurs partis, plusieurs intérêts qui s'opposent et le résultat est, sinon l'Objectivité avec un grand O, du moins une information plus objective que si elle ne provenait que d'une seule source.
Q. : Qu'attends-tu de ce Parti Radical qui s'apprête à convoquer son congrès à Budapest?
R. : Je serai très heureux de voir ce congrès contribuer de quelque manière au processus déclenché en Hongrie. Je crois que cette possibilité existe.
Q. : Connaissant les radicaux, connaissant des personnes comme Marco Pannella, es-tu optimiste ou bien pessimiste?
R. : Marco est très intelligent, je crois qu'il comprenne la réalité hongroise, là-où il y a un gros danger. Il faut bien comprendre ceci: tout ce processus peut dégénérer en chaos, économique et politique, et il faut absolument éviter qu'il en soit ainsi.